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18/02/2014

Muchachas

"Croupir dans un château en France, croupir dans une ornière à Aramil, c'est le même destin, le même manque d'amour de soi."

Dans Muchachas, Katherine Pancol se livre à une sorte de patchwork, alternant les passages consacrés à ses héroïnes déjà connues, Joséphine, Hortense et leur adjoignant une petite nouvelle, ferrailleuse de son état, Stella. On est bien loin de l'univers confortable de la mode et de la littérature !katherine pancol
Le propos se fait en effet plus grave, abordant la violence psychologique et physique faite aux femmes mais le ressassement des thèmes , les coïncidences arrivant bien trop opportunément , le lien  artificiel entre Joséphine et Stella font que je me suis retrouvée quelque peu partagée devant un roman que j'avais tellement envie d'aimer.

17/02/2014

Sanglier noir pivoines roses

"-J'irai cracher sur tes timbres, Annick ! Cette nuit ! Sur tes plus beaux. Cuba ! San Marino !"

Les ICT (Impasses Conjugales Totales), comprendre les sujets de discorde, ne les excitent plus, mais ces vieux couples interchangeables conservent leurs manies, leurs vies bien réglées où les habitudes tiennent lieu de repères. Les célibataires ne sont pas mieux lotis d'ailleurs...
Parfois un incident, sanglier empaillé, chat qu'on s'obstine à acquérir, fait déraper le cours des choses mais "Ma vie, c'est du papier sulfurisé. Rien n'accroche". Alors, entre piscine et mercerie, entre statue de la Semeuse et square Doctavy apparaissent des visions sanguinolentes qui parfois glissent d'une nouvelle à l'autre.gaëlle heureux
Se crée ainsi un territoire où la réalité, qui pourrait être la notre, fait un pas de côté, où la vision d'un chat donne lieu à une logorrhée hallucinante , où passent des potamochères, équipés ou non de rétroviseurs électriques, où les fleurs en disent long sur la souffrance. L'humour vire souvent au noir,mais le regard est toujours aigu et sensible , prompt à repérer le regard dont on a "extrait l'intérieur, le vivant, l'irrigué, le sensible", "La peau sous ses yeux [...]si fine, de la pâte humaine, translucide, ratatinée, dénutrie"et les mains qu'on aurait pu joindre "Comme un pont entre nous".
Un recueil dévoré d'une traite, un grand coup de cœur pour une écriture à la fois sensible et qui se laisse aller à une douce folie pour mieux dynamiter le réel ! 146 pages enthousiasmantes !

Sanglier noir pivoines roses, Gaëlle Heureux, La Table Ronde 2014.

Merci à l'éditeur et à Babelio !

Lu dans le cadre de Masse critique.gaëlle heureux

 

15/02/2014

Contrepoint...en poche

"Dans la boîte crânienne dominerait l'harmonie, rien que l'harmonie."

Une femme décrypte les variations Goldberg et, ce faisant , laisse affleurer à sa mémoire les souvenirs de sa fille, aujourd'hui disparue.anna enquist
Le pouvoir de la musique, celui des mots sont des thèmes chers à Anna Enquist qui les revisite ici avec une intensité très maîtrisée dans ce texte autobiographique. Et c'est cette maîtrise même qui , dans un premier temps ,m'a fait ruer dans les brancards . Pourquoi nommer les personnages "la mère", "la fille", les tenir  autant à distance ? Cette volonté de contenir l'émotion à tout prix correspond au cheminement de la mère qui , au fur et à mesure de ses interrogations sur l'interprétation des variations Goldberg cherche une restauration, une remise en ordre de son monde intérieur totalement bouleversé par cette catastrophe qu'est la mort de sa fille. Elle  établit aussi un pont par delà les années entre la vie de Bach , marquée par la douleur et la sienne.
J'avoue que toute une partie des interrogations concernant la musique m'est passé par dessus la tête mais l'émotion portée par l'écriture a su l'emporter et ce texte, tout corné qu'il est, je le relirai j'en suis sûre.

Anna Enquist, Babel 2014.

14/02/2014

La singulière tristesse du gâteau au citron

"Je ne parlais pas à table parce que je me consacrais entièrement à survivre au repas."

Imaginez que vous puissiez détecter les émotions de la personne qui a concocté un plat rien qu'en le dégustant. Voilà qui pourrait être très troublant...Cette étrange capacité, Rosa Edlstein la découvre le jour  de ses neuf ans en dégustant le gâteau au citron préparé par sa mère. à partir de ce jour, sa perception des autres en général et de sa famille, en particulier, va être bouleversée car cette sensibilité extrême peut être fort embarrassante.9782757838624.jpg
Portrait tout en délicatesse d'une famille en apparence banale (ne lisez surtout pas la 4 ème de couv' bien trop prolixe), La singulière tristesse du gâteau au citron est un petit chef d'oeuvre , tant du point de vue de la construction que du style, à la fois poétique et imagé.
Aimee Bender a le chic pour créer des atmosphères en demi-teintes où le fantastique apparaît par touches très discrètes et peut être envisagé comme une sensibilité portée à l'extrême. Un roman à découvrir absolument ! et zou sur l'étagère des indispensables où il rejoint les précédents textes de cette auteure !

13/02/2014

Casco bay...en poche

Cher Ralph,

Grâce à Amanda, que je remercie au passage, j'ai pu dévorer la suite de tes  aventures  commencées ici. Sept ans ont passé et une  fois encore Stoney Calhoun va se trouver aux prises avec des cadavres. Mais dans  Casco Bay, il  ne mène  plus l'enquête en franc  tireur car le Sherif Dickman va l'enrôler comme adjoint , ce qui nous vaut une hilarante improvisation de serment :
"-Moi, Stonewall Jackson Calhoun, je jure solennellement de  faire  respecter toutes les lois  de l'Etat du Maine qui me semblent sensées, dit Calhoun. Je  jure de faire ce que tu me demandes de faire, pourvu que  ce  ne soit pas trop stupide. je  jure que si, à tout moment, tu veux que je démissionne,je donnerai ma  démission sans faire  d'histoires. Je jure que pour l'essentiel je te dirai la vérité. Je jure de ne pas être  d'accord avec toi quand  je  te trouverai stupide. je  jure que si tu me demandes mon opinion , je  te  la donnerai , même si je  pense que ç apeut te  blesser. (Il haussa les  épaules) Bon, j'ai tout dit, hein  ? "5355%20-%20Cover%20GHOST.jpg
L'enquête, il faut bien l'avouer est menée de manière assez paresseuse et le  meurtrier vient quasiment  de  jeter dans les  bras de  Calhoun,  bras qu'il a fort musclés car il fend régulièrement du bois de chauffage, autant dans un but utilitaire que pour se vider la tête. Heureusement qu'en bon chien , tu  es là pour relancer l'action, Ralph, je dois dire que j'ai tourné fébrilement les pages au moment de ta disparition ! c'est bien aussi l'un  ses  rares moments où Calhoun a  perdu de son flegme, autrement il est d'une sérénité exemplaire, même quand il ne comprend pas  sa chérie qui le malmène. Elle ferait bien de faire  attention d'ailleurs, car je ne suis pas  la seule à juger Calhoun éminemment  sexy,( quoi qu'en pense  certaine Dame qui se gausse :)). J'ai  beaucoup apprécié aussi  ta manière à la fois ferme et efficace, mais sans hargne , de mâchouiller les coucougnettes du meurtrier. A croire  que la sérénité de Calhoun t'a  été transmise par osmose.  Serait-ce  l'influence de Ralph Waldo  Emerson, en  l'honneur de qui tu  as  été nommé? celle de Thoreau? Ou bien un autre effet du coup  de foudre auquel  ton maître  a  survécu mais en perdant la  mémoire ? Quoi qu'il en soit, cela le rend  fichtrement  intéressant comme  homme  et comme apparemment il a  terminé  sa lecture de l'anthologie littéraire ,pas  de problème, je peux glisser ma  Pal dans une ou  deux valises et aller le  rejoindre. Un homme  qui  aime parler de pêche ou  de chiens et qui  vit dans une maison au fond des bois ne peut pas être  totalement  mauvais.

12/02/2014

Lady Hunt

"L'avenir m'est interdit; le passé est un paysage gelé dans le brouillard; le présent où je vis est déjà loin de moi.Est-cela être malade du doute comme l'écrit l'article sur internet ? "

J'ai laissé passer quelques mois avant d'entamer la lecture de ce roman plébiscité par la critique "officielle", plusieurs semaines avant de le chroniquer et je me dois d’avouer qu'il ne me reste pas grand chose de cette lecture.hélène frappat
Les thèmes , le personnage féminin hanté par le rêve d'une maison et par un héritage génétique freinant potentiellement son avenir, le tout dans une ambiance de roman gothique, avaient pourtant beaucoup d'atouts pour me plaire mais je suis restée totalement extérieure à ce roman trop maniéré, frôlant parfois l'ennui poli. Dommage.

 

Plein d'avis sur babelio.

11/02/2014

Boy

"Elle ne s'était pas trompée en essayant de donner du corps et de la vie aux textes inaboutis du père. Ses héros sont venus le chercher."

Boy, appellation trompeuse pour une jeune femme qui refuse sa féminité et incarne dans le monde réel les personnages inventés par son père.  Boy tombe amoureuse. Un homme, une femme l'aiment aussi et un tueur en série vient brouiller les pistes et faire basculer le récit dans la violence et la mort.richard morgieve
Roman noircissime Boy interroge les rapports entre fiction et réalité .Le style, volontairement saccadé, répétitif, scande cette quête éperdue d'amour où les fantasmes viennent bousculer le lecteur, le poussant dans ses retranchements. On a parfois envie d'arrêter sa lecture tant la violence qui se donne à lire est  crue mais l'humanité de Boy l'emporte toujours. On sort de là un peu sonné par une telle intensité !

Boy, Richard Morgiève, carnets Nord, éditions Montparnasse, 280 pages intenses.

 

10/02/2014

Les jeunes mariés

"Elle s'efforçait de trouver un lien entre la jeune fille qu'elle imaginait si souvent dans l'appartement de ses parents et l'épouse américaine se servant d'un lave-vaisselle et d'une machine à laver ou consultant ses mails sur l'ordinateur du salon.La tâche était d’autant plus difficile qu'à Rochester  personne ne connaissait la Munni d'avant, et dans son pays ,personne ne connaissait celle d’aujourd’hui.Parfois, elle se demandait si les deux filles  s'éloigneraient de plus en plus jusqu'au jour où elles ne se reconnaitraient plus."

nell freudenberger

Amina,jolie jeune femme bangladaise, et Richard, ingénieur américain de trente-cinq ans , ont fait connaissance par le truchement d'un site de rencontre sur internet. Tous deux, forts pragmatiques, ont chacun le projet de fonder une famille. Mais ce qu'Amina ne révèle pas immédiatement c'est que pour elle cela implique que ses parents la rejoignent aux États-Unis.
Par rapport à Amina , jolie, déterminée et intelligente, Richard paraît bien falot. Mais peut être n'est-il pas aussi lisse qu’il le paraît...
La première partie du roman est malicieusement intitulée " Un mariage arrangé". En effet, Amina met tout en œuvre pour réaliser son rêve: aller vivre aux États-Unis, mais sans jamais paraître froide ou manipulatrice. Les deux chapitre suivants, forts intéressants, sont consacrés à son intégration et à sa conquête de la citoyenneté américaine. En contrepoint des héros, la cousine de Richard, qui a échoué dans son mariage avec un Indien ,vient donner un nouvel éclairage sur les couples dits mixtes. J'ai été moins convaincue par la dernière partie, "Une demande en mariage" qui décrit avec beaucoup trop de détails les embrouilles  familiales dans lesquelles sont enferrés les parents d'Amina. Un roman qui, malgré quelques longueurs, confirme le talent de Nell Freudenberger.Un joli parcours de couples qui s'effectue d'une certaine façon à l 'envers mais qui est fort convaincant dans son souci des détails et sa vérité psychologique.

Les jeunes mariés, Nell Freudenberger, traduit de l'anglais (E-U) par  Sabine Porte,  Quai Voltaire 2014,  427 pages.

Du même auteur en poche: clic !

08/02/2014

La promesse du bonheur...en poche

"Les familles sont comme les anémones de mer, promptes à se refermer."

Fi du stoïcisme anglais ! Charles doit bien l'admettre : avec l'incarcération de sa fille préférée, Juliet (dite Ju-Ju), c'est toute la famille qui a été touchée dans ses fondements les plus intimes. Le choc a été d'autant plus rude que Juliet avait tout pour elle: intelligence, charme, beauté. Personne ne comprend donc pourquoi elle s'est retrouvée impliquée dans le vol d'un vitrail  et incarcérée deux ans aux Etats-Unis où elle avait commencé une brillante carrière dans le monde de l'art.
Mais à y regarder de plus près ce délitement n'avait-il pas commencé plus tôt ? En tout cas, le retour de la fille prodigue en Cornouailles est l'occasion de réflexions et de subtils ajustements pour chacun tente de redorer l'image qu'il se fait de la famille.9782330027049.jpg
Sous la plume à la fois acérée et bienveillante de Justin Cartwright c'est toute une tribu avec ses mensonges plus ou moins gros, ses solidarités secrètes, sa tendresse aussi qui se donne à voir. De la mère qui tente de faire face en cuisinant d'improbables recettes, au père qui se voudrait parfait mais n'assume absolument pas , en passant par le frère à qui l'on confie le rôle d'élément équilibrant, sans oublier la cadette qui aurait tout pour jalouser sa soeur aînée, chacun se donne à voir en ses replis les plus intimes. Une réflexion sur la famille donc, mais aussi sur l'illusion, dont la condamnation de Juliet n'est qu'un exemple.
Le récit ne ménage pas les révélations mais chaque personnage est présenté de manière nuancée et l'écriture est tout à fait splendide !  Vite, découvrez cet auteur qui vient enfin d'être traduit en français !

Justin Cartwright, Babel 2014

07/02/2014

Les bourgeoises

 "Je suis encore en proie à une curiosité malsaine, ça me rassure de voir le dedans pauvre des riches au-dehors."

 "Énervée, revancharde et impatiente", Sylvie Ohayon a su tracer son chemin de la Courneuve (qu'elle n'a pas reniée pour autant) jusqu'à Paris, territoire de la bourgeoisie.
"Rabouilleuse balzacienne, ambitieuse, tête chercheuse d'or et trouveuse d'emmerdes", l'auteure qui manie parfois les mots comme des nunchakus , alliant la verve des banlieues à l'amour de la littérature, brosse un portrait acéré des bourgeoises qu'elle a rencontrées. ça balance sec car l'univers feutré du XVI ème arrondissement s'accorde mal avec le franc parler qui fait voler en éclats l'hypocrisie de rigueur.sylvie ohayon
On se sent quelquefois gêné aux entournures devant la brutalité de ces textes qui allient formules à l'emporte pièces efficaces (on sent la publicitaire aguerrie !) et réflexions plus sensibles.Mais  si la vision est parfois manichéenne , elle est toujours emplie d'une belle énergie et l"écriture toute cabossée" s'accorde parfaitement aux propos de l'auteure.
Sylvie Ohayon assume ses contradictions et termine par un autoportrait malin , sincère et qui nous la rend finalement des plus sympathiques ! Un livre revigorant !

Pocket 2014, 323 piquetées de marque-pages !

Du coup, j'ai hâte de lire la suite que je viens de commander !

 

L'avis de Cuné, qui avait préféré le premier. Moi, c'est l'inverse !

 Du même auteur: clic