10/01/2014
Lucky girls...en poche
”Ce sont les gens qui ne savent pas être heureux qui voyagent.”
"Les Américains peuvent faire le tour du monde et rester des Américains, mener exactement la même vie qu'en Amérique sans que personne ne se demande qui ils sont , ni pourquoi ils agissent de telle ou telle manière." Certains d'entre eux, dont ces Lucky Girls dont nous entretient Nell Freudenberger dans ces nouvelles vont cependant se trouver profondément changés par leurs séjour dans différents pays d'Asie.
Chanceuses, ces héroïnes des quatre premières nouvelles le sont d'une certaine manière , car issues de milieux plutôt aisés, elles peuvent choisir de séjourner à l'étranger, sans pour autant remettre en question leur identité, ce séjour étant de durée déterminée.
Pourtant, confrontée à la mère de son amant marié, l'héroïne du premier texte s'entendra dire "Vous n'étiez pas chez vous ici.(...) Personne ne savait qui vous étiez."Elle qui ne souvient même plus du prénom de sa future belle-soeur , ne rentrera pas aux Etats-unis pour le mariage de son frère ,ne pourra désormais plus ignorer l'importance de la famille en Inde...En effet, la famille américaine , en comparaison, semble bien déliquescente puisque dans la seconde nouvelle, des parents cachent à leurs enfants au bord de l'âge adulte; qu'ils sont séparés et ne savent comment leur annoncer leur divorce. Même souci du secret dans "Le professeur particulier" où une jeune fille apprendra enfin les véritables raisons du séjour en Inde de son père. Vivre à l'étranger c'est aussi l'occasion de faire ses premières armes amoureuse ou de rééclairer d'un jour nouveau le passé. Ainsi dans mon texte préféré, "Devant la porte orientale", une quadragénaire revient sur son enfance , à la fois douloureuse et enchantée, pleine d'odeurs et de couleurs, grâce à la magie d'une mère hors-norme dans laquelle finalement elle ne peut que se retrouver...
La dernière nouvelle, quant à elle, analyse par une subtile mise en abîme le processus de la création littéraire et nous montre une fois de plus que, mine de rien, les femmes sont les plus à même de se confronter à la réalité...
Riches et pleines d'émotions, les nouvelles de Nell Freudenberger réussissent le petit miracle de nous transporter dans des univers chatoyants et subtilement désenchantés.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : nell freudenberger
09/01/2014
Le chardonneret
"Et le tableau au-dessus de sa tête était le centre immobile autour duquel tout s'articulait: rêves et signes, passé et futur, chance et destinée. Il n'y avait pas une seule signification , mais plusieurs. Il s'agissait d'une énigme en constante expansion."
Brutalement devenu orphelin, dans des circonstances pour le moins extraordinaires,le jeune Theo va voir sa destinée liée à celle d'un tableau, Le chardonneret.
Ne comptez pas sur moi pour vous donner davantage de détails sur ce roman (moins vous en saurez, plus vous apprécierez les surprises qu'il vous réserve ! !). Sachez juste qu'il mixe en un somptueux mélange des thèmes aussi divers que la destinée, l'attachement aux œuvres d'art, l'amour, la culpabilité, le syndrome post-traumatique et emporte son lecteur dans un incessant rythme de montagnes russes , alternant l'ombre des appartements cossus new-yorkais et la lumière crue de Vegas, entre autres.
Donna Tart ,dans ces 787 pages, fait souvent osciller son héros entre rêve et réalité et gomme les frontières entre les genres littéraires, empruntant autant au roman d'apprentissage qu'au roman policier, avec des personnages toujours surprenants. On s'attache à eux, malgré ou plutôt grâce à leurs défauts, et on n'oubliera pas de sitôt Hobie ou Mme Barbour.
Donna Tart est une conteuse hors pair et son style l'est tout autant.On ne s'ennuie pas une minute dans ce roman aux tonalités très tranchées.
Notons au passage la couverture (très astucieuse) et la 4 ème de couv' (qui en dit juste ce qu'il faut pour donner envie !). Et zou, sur l'étagère des indispensables ! L'année commence bien !
Félicitations à la traductrice, Edith Sonnckindt, qui a su se glisser dans une telle variété d'univers !
Plon 2014.
Le billet de Keisha.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (31) | Tags : donna tart
08/01/2014
La petite communiste qui ne souriait jamais
"Il n'a pas pu me briser parce qu'il n'a jamais su où étaient mes VRAIES limites, je ne les ai jamais dévoilées."
Aux Jeux Olympiques d'été de Montréal de 1974, une petite fée de 14 ans affole les ordinateurs car elle vient d'obtenir le note maximale de 10, jamais accordée auparavant. Nadia Comaneci entre dans l'histoire de la gymnastique, devient une star et l'emblème d'un pays communiste: la Roumanie alors sous l'emprise du dictateur Ceausescu.
La narratrice de La petite communiste qui ne souriait jamais imagine un dialogue entre elle-même et celle qui fut un temps l'icône de la planète avant de tomber de son piédestal. L'occasion de balayer les clichés sur un pays alors très fermé mais surtout de brosser le portrait d'une fillette "Puissante et impitoyable" qui semble n'avoir peur de rien , pas même de mettre à mal son corps.
J'ai été happée par l'écriture à la fois poétique et vigoureuse de Lola Lafon. Les échanges instaurés permettent de nuancer les propos (la Nadia du roman regimbe, boude, mais finalement revient toujours, sans pour autant éclairer toutes les zones d'ombre). Il s'agit en effet ici non pas d'écrire une biographie ni une hagiographie mais "d'entendre son parcours non réécrit y compris par elle-même." Un livre tout bruissant de marque-pages qui suscite un enthousiasme comparable à celui qu'avait engendré Nadia Comaneci. Et zou, un beau et grand coup de cœur !
Lu en avant-première grâce à Libfly et aux éditions Actes Sud. Merci !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : lola lafon, nadia comaneci
06/01/2014
La première chose qu'on regarde
Scarlett Johansson frappe un soir à la porte d'un jeune garagiste français qui ressemble à Ryan Goslin "en mieux". ça tombe super bien car depuis l'enfance le dit garagiste est obsédé par les femmes à forte poitrine.
"On s'attend à la lumière et à la grâce." et on n'obtient qu'un salmigondis indigeste d'enfances cabossées, de réflexions définitives et grotesques, de personnages vulgaires, de parenthèses informatives (à vocation humoristique ?) où surnagent péniblement de nombreuses citations de Jean Follain. Sans compter que l'auteur semble avoir coincé le bouton italiques -agaçant au possible-, oublié au passage que les coiffeurs utilisent des ciseaux et que les nains sont obligatoirement petits.
"C'est joli, dit Jeanine Foucamprez. Non, c'est nouille."
Emprunté à la médiathèque.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans français | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : grégoire delacourt, schtroumpf grognon le retour
04/01/2014
Burning Man
Vite, plus que quelques jours pour revoir ceci : clic !
Antoine de Maximy va dormir chez Burning Man, dans le désert de Black Rock, dans le Nevada et c'est hallucinant !
Il me semble bien avoir entendu Amélie Nothomb dire dans une interview qu'elle y était allée...
08:13 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (8)
02/01/2014
L'immobilier
"Rien ne m'obligera à supporter ça. Dès qu'il prononcera sa phrase à la con, je me lèverai, je prendrai mes affaires et je partirai sans dire un mot. J'espère qu'il ne va pas trop me faire attendre, j'aimerais me coucher tôt."
Le fil rouge de ces quatorze nouvelles est L'immobilier. En quoi il nous affecte, en quoi il nous marque , en quoi il nous révèle. De l'étudiante en arts plastiques à la vieille dame isolée qui rencontrera ses voisins à l'occasion d'un incendie, sans oublier le couple d'amies que nous retrouverons dans plusieurs variations sur le même thème (l'acquisition d'un logement et les hypothèses a posteriori qu'il entraîne), sans oublier les nouvelles pratiques locatives, tout est prétexte à peindre avec acuité mais sans acrimonie notre société dans ce qu'elle a souvent de marginal . Au fur et à mesure des nouvelles, l'auteur prend de plus en plus de libertés avec la réalité et laisse ses personnages être contaminés par une folie douce qui leur va bien.
L'humour est toujours présent mais jamais vachard et l'on prend beaucoup de plaisir à la lecture de ces textes souvent doux-amers que j'ai constellés de marque-pages !
Un petit extrait pour la route : " Quand j'y réfléchis, je me dis que j'ai peut être quitté Tom, au fond, parce que je n'aime pas l'idée que quelqu’un se lave après moi dans l'eau de mon bain. De même ,j'aime jeter le gras de ma tranche de jambon sans qu'on s'interpose entre moi et la poubelle. J'aime froisser mes feuilles de papier après y avoir griffonné un seul mot, me débarrasser du journal de la veille sans l'avoir lu, rendre les DVD sans les avoir regardés, ne pas utiliser la totalité de mon forfait téléphonique. Gâcher un peu ma vie , enfin."
L’immobilier - Hélèna Villovitch
Gallimard, collection Verticale, 2013, 180 pages
Le billet de Cuné, la tentatrice !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : hélèna villovitch
31/12/2013
Bilan de décembre
J'ai
* renoué avec Woody Allen grâce à Blue Jasmine et à une Cate Blanchet toujours sur le fil !
* été émue par cette quête d'identité sexuelle, sans esprit revanchard, qu'est Les garçons et Guillaume à table ! (même si la mise en scène et le parti-pris des retours sur la scène de théâtre ne m'ont pas totalement convaincue) ;
* été fascinée par Le tunnel, série policière franco-britannique qui a su exploiter l'atmosphère si particulière des espaces industriels, titiller les antagonismes latents entre nos chers voisins et nous (policiers français et britanniques sont tenus de collaborer un cadavre ayant été trouvé dans le tunnel sous la manche, juste à la limite des deux pays) et surtout mettre en valeur tout le talent de Clémence Poésy. à voir impérativement en VO !
Comme souvent, j'ai plus été intéressée par la manière dont sont dépeints les enquêteurs que par la résolution de l'enquête : l'un , anglais, riche d’humanité et donc faillible, so british dans son humour, l’autre, française,incarnée par Poésy, qui se refuse à toute émotion, parfait petit soldat à la recherche de la vérité. Tous deux vont évidemment s'enrichir au contact de leur collègue.
* été séduite par le machiavélisme classieux de House of cards. Kevin Spacey et Robin Wright sous des abords souriants sont des monstres d'ambition de la politique et des lobbies américains. Fascinant.
*été déçue par la dernière saison de Luther, caricaturale au possible ! le coup de la femme tétanisée qui se réfugie dans un placard, non merci !
* hâte de retrouver le si craquant Gilbert Melki dans la nouvelle saison de Kaboul Kitchen !
Mais en attendant je vous souhaite une excellente année 2014 ! Qu'elle vous soit douce ,fertile en découvertes et coups de cœur !
06:00 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (35)
30/12/2013
Marilyn désossée (féérie iniatique)
"En 25 années, j'ai acquis toutes sortes de métiers dans les mains: écrire, boucherie, librairie, jouer la comédie, maquiller le chanteur Kristophe, vendre des bières, conduire des trams , fabriquer des chapeaux , faire des tartes, garder des mouflets, chanter en anglais...; cet éventail de sachant qui sait faire me permet d'aller ci et là sans obligation de m'atteler à un leu de travail fixe. Nomadisme."
Marilyn 6-8 ans ce serait un peu Zazie sans son métro mais avec une aussi belle vigueur dans le maniement de la langue, un regard aigu sur le monde qui l'entoure et une formidable déclaration d'amour anticipée à l’homme qu'elle aime(ra). C'est aussi une découverte du plaisir amoureux et de formidables scènes de classe hallucinées et hallucinantes d'énergie débridée.Marilyn 25 ans, le rythme ne faiblit pas, l'héroïne se glisse dans toutes sortes de formes de vie et les ruptures stylistiques, poésies qui se glissent de manière impromptue, déformations orthographiques, jeux sur les sons, nous mènent à un train d'enfer vers la troisième étape de ce "road movie traversant la vie d'une fille": Ici et maintenant où Marilyn se lancera dans l'écriture et découvrira sous un autre jour les gens qui l'entourent. Émotions garanties et formidable déclaration d'amour à la Belgique .
Marilyn désossée est un roman joyeux qui pulse, ne s’embarrasse d'aucune contrainte, où l'on sent une véritable passion pour la langue, triturée, malaxée, débridée, un Objet Littéraire Non Identifié qui donne la pêche et l'envie de découvrir d'autres textes de cette jeune auteure, Isabelle Wéry !
Un grand Merci à Libfly pour la découverte de cette pépite explosive toute hérissée de marque-pages, sélectionnée pour le prix Rossel 2013 !
Marilyn désossée, Isabelle Wéry, Maelström Reevolution (merci à eux aussi !)
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : isabelle wéry
28/12/2013
Les gens heureux lisent et boivent du café
Un titre qui sonne presque comme une assertion : pour être heureux, lisez et buvez du café. Attirant, donc pour qui remplit ne serait-ce qu’une de ces deux conditions.
En fait, il s'agit d'un café-librairie dont s'occupe vaguement l'héroïne, Diane, avec son meilleur ami, Félix. Elle s'en occupera encore moins après le décès simultané de son mari et de sa fille dans un accident de voiture.
Diane déprime sévère- on la comprend- et décide de partir là où son mari aurait voulu se rendre : en Irlande. Et là, devinez-quoi, braves gens, elle va se prendre la tête avec son voisin, plus mal embouché tu meurs (euh de mauvais goût mais j'assume !) , diablement séduisant quand même. Bien sûr. Rajoutez par dessus des cuites, un comportement immature en diable, un quiproquo qui prend la forme d'une Irlandaise rivale qui réapparaît juste au moment où..., rajoutez quelques clichés concernant le meilleur ami gay, une héroïne plus tête à claques qu'émouvanteet vous obtiendrez un roman paru d'abord en version numérique en auto-édition, puis qui, vu le succès , a été repéré par un grand éditeur , été édité version papier et acheté par 18 pays. Tant mieux pour l'auteure.
Merci à A & F. pour le prêt.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : schtroumpf grognon le retour
27/12/2013
Cette vie ou une autre
"On peut être n'importe qui."
Lucy, tout juste majeure ,fuit un destin médiocre aux côtés de son charismatique professeur. Miles recherche depuis dix ans son jumeau à la personnalité trouble. Quant à Ryan, à l'aube de ruiner tous les espoirs de sa mère, il découvre à l'âge de quinze ans l'identité de son père biologique. Ils n'ont rien en commun mais leurs destins vont s'imbriquer implacablement.
D'univers créés en identités volées, d'argent transféré en quelques clics en liasses bien réelles, les personnages naviguent entre monde réel et virtuel. Tous les possibles semblent offerts mais la confrontation entre les deux univers s'avère souvent brutale...
Roman virtuose, tant par l’écriture que par la construction, Cette vie ou une autre nous entraîne à la suite de personnages denses aux identités fluctuantes. L'auteur se joue de la chronologie pour rendre son récit encore plus efficace et ce jusqu'à la révélation finale. Le lecteur se fait avoir en beauté et en redemande! Une œuvre magistrale et un grand coup de cœur !
Cette vie ou une autre, Dan Chaon, traduit de l'américain par Hélène Fournier (que je remercie pour cette suggestion, élément déclencheur d'un désir amorcé par le billet de Clara) ), Points Seuil.
Un auteur à découvrir pour Kathel
Le billet de Clara qui vous mènera vers plein d'avis variés.
Déniché à la médiathqèue.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : dan chaon