07/09/2010
Nagasaki
"Cette femme était à maudire. A cause d'elle le brouillard s'était levé."
Quelques indices lui ont mis la puce à l'oreille. Alors Shimura-san qui vit seul et mène une vie bien réglée entre la station météorologique où il travaille et sa maison, va installer une webcam dans sa cuisine. Bientôt l'impensable va se donner à voir...
Partant d'un fait-divers survenu au Japon, Eric Faye sonde avec finesse l'ambivalence des sentiments de ce personnage bien falot et interroge la notion d'intimité . Il souligne aussi l'absence de liens dans une société vieillissante où les androïdes seront de plus en plus amenés à se substituer aux humains.
Ni fantastique ni poétique le récit avance à l'image se son personnage principal, tout en retenue , suscitant d'abord l'étonnement et levant beaucoup d'interrogations chez le lecteur.Mais à trop vouloir boucler son récit bien proprement, l'auteur , tout à la fin ,lui fait perdre de son intensité. Dommage !
Nagasaki, Eric Faye, Stock 2010 , 108 pages denses.
Merci Cuné !
Choco a davantage apprécié.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : eric faye, japon, intimité, intrusion
06/09/2010
La belle Adèle
"Qui aurait parié un sou sur sa capacité cataclysmique ? "
Pour s'intégrer , se fondre dans la masse et mieux supporter "la dictature du collège", Adèle et Frédéric, qui sont juste amis depuis la maternelle décident de faire semblant d'être un couple. Cette stratégie fonctionne au delà de leurs espérances jusqu'à ce qu'Adèle se fasse rattraper par le battement d'ailes d'un papillon, enfin par les conséquences du cadeau d'anniversaire de sa tante..
La belle Adèle , d'abord édité en épisodes à lire sur téléphone portable , ce qui lui donne un rythme trépidant fort plaisant, aborde les thèmes de l'éveil de la féminité, de la célébrité passagère (subie) et insiste sur la disproportion pouvant exister entre un acte apparemment anodin et ses conséquences.
Mais à force de cavaler à toute allure les personnages , tout plaisants qu'ils soient, n'ont pas le temps d'être approfondis . Quant à la fin, plutôt télescopée ,elle résoud en un tour de main un problème grave et du coup perd toute crédibilité. Un roman qui possède donc les défauts de ses qualités .
La belle Adèle, Marie Desplechin, Gallimard 2010 , 155 pages qui plairont sans aucun doute aux collégiens.
L'avis de Clarabel.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : marie desplechin, s'intégrer, célébrité
05/09/2010
Le proscrit ... en poche
"Chacun jouait son rôle dans une comédie à laquelle il ne voulait même pas participer."
La vie de Lewis bascule à l'âge de dix ans, quand il assiste, impuissant, à la noyade de sa mère, jeune femme fantasque et aimante.Vite remarié, ni son père ni sa jeune belle-mère ne parviendront à briser la carapace d'indifférence dans laquelle s'enferme le garçon. Cette attitude lui vaudra de se couper de la communauté bien-pensante dans laquelle sa famille évolue. Tant de violence rentrée ne peut, bien sur qu'exploser, ce qui lui vaudra deux ans de prison. En 1957, il a dix-neuf ans et sa révolte à sa sortie de prison, va faire exploser tous les faux-semblants et balayer comme un raz-de-marée toute l'hypocrisie de ce petit village du Surrey.
Délinquance, automutilation, violences conjugales, autant de mots qui me rebutaient d'emblée et pourtant, à peine avais-je commencé Le Proscrit que j'étais happée par les personnages, emportée par la houle des sentiments de Lewis, qui affecte une impassibilité toute britannique face aux affronts qu'il doit subir.
Sadie Jones fouille les replis des âmes et nous les montre dans toute leur crudité et leur vérité. Ainsi la tante de Lewis qui ne propose pas d'élever cet enfant avec les siens parce qu''elle sait confusément qu'elle ne pourra le supporter. On déteste avec force le hobereau, sorte de Dr Jekill et Mr Hyde, qui humilie Lewis et son père,on frémit en se disant que toute cette souffrance aurait pu si facilement ne pas exister, un peu moins de flegme, un peu plus de communication et on referme ce livre le souffle court. Un grand et beau roman.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sadie jones
04/09/2010
Millénium tome 1 ...enfin en poche ! On a de la chance de vivre aujourd'hui
Je ne redirai pas ici tout le bien que j'ai écrit sur cette trilogie dont le premier tome sort enfin en poche après quatre ans d'attente !
Je rappellerai juste que, fait exceptionnel , la série ne s'est jamais essoufflée, bien au contraire, l'intensité allant croissant d'un tome à l'autre...
(En même temps, on peut se demander qui a encore échappé à la folie Millénium...)
Sinon, un recueil de nouvelles de Kate Atkinson,dont je suis une fervente inconditionnelle, histoire de nous faire patienter jusqu'au prochain roman...Billet ici !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15)
03/09/2010
Zélie et les Gazzi
"Et comme ils s'ennuient, la journée se termine régulièrement par une bagarre."
Les Gazzi ? Des bandits à la petite semaine , des gamins dans des corps d'adultes, plus bêtes que méchants et qui , alors qu'ils projetaient un kidnapping ,vont se retrouver à quattre pattes en train de créer des déguisements avec Zélie , la fille de la couturière.
Evidemment , comme nous le montre la couverture, la petite fille va prendre le dessus , car elle est bien plus maligne que ces bandits d'opérette !
Comment lutter contre l'ennui, source de bien des ennuis ? Adrien Albert, aux commandes du texte et des dessins ( d'une fluidité remarquable) nous propose une solution qui plaira sans doute aux enfants en âge de lire la collection Mouche , mais pas qu' 'à eux !
Beaucoup de vivacité et d'humour, un régal !
Zélie et les Gazzi, Adrien Albert, Mouche de l'Ecole des loisirs 2010 .
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : adrien albert, ennui
02/09/2010
Grandir
Bien sûr, il y eut des fêlures , mais quand la mère, âgée, devient fragile, que la relation de "dépendance" commence à s'inverser, c'est l'occasion pour chacune d'elle de Grandir d'une manière différente et d'apprivoiser le temps qui passe .
Avec beaucoup de pudeur et d'élégance Sophie Fontanel nous livre ce beau récit entremêlant souvenirs heureux et découverte d'un tout autre univers, celui de la vieillesse et de ses aléas, en complet décalage avec le monde futile de la monde dans lequel évolue la narratrice. Des chapitres courts, comme autant de vignettes, pour dire la tendresse et les jolies choses dont il faut se souvenir, pour s'en servir comme d' un viatique.
A mille lieues de l'univers habituel (chichiponpon )de l'auteure.
Grandir, Sophie Fontanel, Robert Laffont 2010, 145 pages réconfortantes.
Merci à Stéphie pour cette découverte.
Antigone a aimé aussi
Une belle surprise pour Papillon
Un coup de coeur pour Keisha !
08:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : sophie fontanel, rapport mère-fille, vieillesse
Le jeudi c'est énergie !
" Mais vous ne m'avez jamais suffi, mais qu'est ce que tu t'imagines ? Simplement , j'étais trop prise par vous pour avoir de l'énergie pour autre chose, pour quelqu'un d'autre, moi par exemple ! Et vous vous êtes habitués. Que vous me soyez essentiels ne veut pas dire que vous me suffisiez, quelle idée. Est-ce que nous suffisons à nos enfants ? Bien sûr que non ! Et heureusement !"
Page 238 de Fugue , Anne Delaflotte-Mehdevi, Gaïa 2010.
06:00 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (3)
01/09/2010
Fugue
"Il faut beaucoup de temps pour découdre les mauvaises raisons."
A force de crier le prénom de sa fille qui s'est échappée de l'école le jour de la rentrée, Clothilde a perdu sa voix.
Et c'est tout un bel équilibre qui s'effondre car la jeune femme va provoquer tour à tour l'incompréhension de son père, de son mari et de sa meilleure amie en refusant de se soigner à marche forcée. Elle sent en effet qu'il lui faut prendre son temps pour retrouver sa voix et sa voie ca ,paradoxalement, le chant va entrer dans sa vie et prendre une place prépondérante.
Qu'elle est attachante cette Clothilde qui , à son rythme, faisant fi pour une fois des contrariétés qu'elle engendre chez les autres en ne leur renvoyant plus l'image qu'ils avaient d'elle, va distiller les événements et tranquillement s'insurger : "qu'est ce que je disais de si important que vous voulez entendre ? ". Elle va posément, en acceptant les opportunités qui s'offrent à elle, retrouver le chemin de sa vie , fuguer tout en restant chez elle, ne plus se contenter d'être la fille , l'épouse , la mère, voire l'amie, à la vie bien lisse.
Aucun ressentiment pourtant, aucunne revendication forcenée, non juste un constat simple et lucide du besoin de consacrer son énergie à quelque chose qui la fasse se sentir en harmonie, qui la révèle à elle même, tout en la reliant aux autres.
Ainsi le titre du roman, Fugue, joue-t-il sur la polysémie de ce mot. La fugue c'est bien sûr l'escapade initiale de la fillette mais aussi le morceau de musique qui tisse des liens de par sa structure, comme le roman le fait ici, multipliant les points de vue et éclairant de manière très subtile la personnalité de ces femmes et de la constellation familiale et amicale qui l'entoure.
Un très beau texte, empli de poésie, où s'engouffrent des moments exotiques et colorés, un roman d'une grande justesse psychologique , un magnifique portrait de femme.
Un livre lu et relu, dont j'ai extrait une flopée de citations .
Notons au passage un petit clin d'oeil qui fait le lien avec le précédent roman de Anne Delaflotte- Mehdevi : "Le temps pouvait bien passer, tout lui prendre, elle avait chanté, comme un cuisinier cuisine, comme un maçon construit bien, un relieur relie, un marathonien arrive au terme de sa course."
Fugue, Anne Delaflotte Mehdevi, Editions Gaïa 2010, 336 pages sereines et pleines de vie (un viatique? )
La relieuse du gué, c'est ici !
Pour découvrir la lecture du chapitre 1 de Fugue, c'est ici.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : anne delaflotte mehdevi
31/08/2010
Babyfaces
"Tu n'es pas grosse. Tu es puissante."
Pas facile la vie de Nejma. Même si elle n'est pas violente, tout le monde la craint dans son école primaire, car moche, mal habillée et renfrognée, ça fait beaucoup pour une seule fille . En plus, la voici accusée d'avoir salement amoché Jonathan Suyckerbuck, grand amateur de catch !
Il lui faudra accepter l'aide de son ami, le freluquet Raja et d'Isidore , le vigile du supermarché, pour se sortir de cette sale affaire et même se sortir du marasme qu'est sa vie.
Marie Desplechin prête toujours une attention particulière aux habitants de ce qu'on appelle "les quartiers", ces ensembles clos, excentrés, qui enferment les populations et les isolent. D'où l'importance d ela passerelle qu'emprunte Nejma et qui exerce parfois sur elle une fascination un peu morbide.
L'auteur s'est ici penchée sur le phénomène du catch , nouvel engouement des enfants, en particulier dans les quartiers populaires. Pas question pour autant de cautionner un phénomène qui peut s'avérer dangereux -voir l'accident de Jonathan et la fermeture (un peu trop) providentielle de l'école de catch. C'est dans un autre sport que Nejma trouvera sans doute sa rédemption.
Malgré la gravité de la situation décrite, Marie Desplechin parvient toujours à montrer à ses personnages une lueur d'espoir, reposant sur la solidarité et la fraternité. Seule, Nejma ne peut rien. C'est en s'ouvrant sur les autres et en acceptant leur aide qu'elle parviendra à s'en sortir. Un livre généreux et chaleureux. On n'en attendait aps moins de l'auteur de La prédiction de Nadia ,qui se déroulait aussi dans ces quartiers d'Amiens.
Babyfaces, Marie Desplechin, Ecole des Loisirs, collection neuf, 2010, 139 pages
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : marie desplechin, catch
30/08/2010
L'arbre du père
"La maison se désintégrait, tout comme nous; ça méritait bien une fête."
Une famille australienne subit brutalement un deuil, celui du père de famille. Simone, la narratrice , âgée de neuf ans à l'époque, trouve refuge dans le flamboyant qui pousse devant la maison et y entend la voix de son père. La mère qui ne peut accepter la disparition de son époux, va elle aussi voir dans ce symbole un moyen de faire face . Mais les racines du flamboyant menacent la maison et il faudrait couper l'arbre...
Dans ce roman tour à tour poétique et fantastique, Judy Pascoe analyse avec finesse les sentiments de cette famille qui doit affronter le deuil. Chacun se débrouille comme il peut pour arriver à supporter l'absence paternelle. La narratrice qui prend en charge ce récit a postériori le fait sans se donner le beau rôle et revient sur les événements avec lucidité, évoquant les souvenirs d'une année marquée par la chaleur et la solitude malgré la sollicitude de l'entourage, voisinage compris.
Chaque personnage, même secondaire, est croqué avec une justesse confondante et devient aussitôt partie intégrante de l'univers que Judy Pascoe réussit en un peu moins de deux cent pages à créer.
Quant à la nature australienne, elle tient un rôle exceptionnel, tour à tour réconfortante ou dévastatrice, donnant lieu à des scènes très visuelles qui n'ont pu qu'inciter à l'adaptation cinématographique du roman.
Un concentré d'émotions qui chahute le lecteur mais une écriture qui ne verse jamais dans le pathos, un texte très visuel et captivant.
L'arbre du père ,Judy Pascoe, traduit de l'anglais par Anne Berton, 10/18 2010, 191 pages
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : judy pascoe, deuil, reconstruction, australie