16/09/2010
C'est jeudi, c'est empathie
"Nous sommes vieux, nous sommes laids. Maurice* engraisse, Manceau est chauve. Moi j'ai cent ans. Qu'est ce que ça fait si nous nous aimons assez pour nous trouver très gentils les uns les autres ?
C'est le beau côté du vieillissement que tout vieillit ensemble.."
Extrait d'une lettre de George Sand à son éditeur Hetzel, cité in Le dernier amour de George Sand, Evelyne Bloch-Dano, Grasset 2010 , page 237.
Maurice est le fils de George Sand, Alexandre Manceau, le dernier amour de George.
05:55 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : ça me console et ça me donne la pêche....
15/09/2010
Le dernier amour de George sand
"La soumission lui est étrangère."
Que connaît-on des amours de George Sand ? Principalement ses liaisons passionnées avec Musset et Chopin. Mais face à ces deux grands artistes le graveur Alexandre Manceau pourrait faire piètre figure. Il n'en reste pas moins que cet homme jeune -il a trente-deux ans, George, quarante-cinq- va devenir le chevalier-servant de cette femme extra-ordinaire qui, par nature, rejette le conformisme car "simplement, la contrainte extérieure n'a pas de prise sur elle. "
Dans Le dernier amour de George Sand, Evelyne Bloch-Dano bat en brèche les clichés qu'on attache systématiquemenyt à l'auteure de La petite Fadette : "La bonne dame de Nohant"! ces mots respirent la condescendance et ensevelissent l'artiste sous les oripeaux de la dame patronnesse" ; quant à son âge avancé -pour l'époque! - et à son prétendu manque de créativité: "La femme de quarante-six ans qui a pris ses quartiers d'automne à Nohant est un écrivain fécond, une femme pleine de vitalité !"
Nous avons donc ici une biographie passionnante, pleine d'émotion, qui se dévore comme un roman car le texte est riche d'informations , d'empathie et d'enthousiasme et possède un style chatoyant qui emporte l'adhésion du lecteur. Ni hagiographie, l'auteure ne cache rien des difficultés qui ont opposé l'écrivaine à sa fille et les analyse avec finesse, ni tentative de "moderniser" à tout prix cette femme hors du commun , puisant avec bonheur dans la correspondance de George Sand , Evelyne Bloch-Dano rédige une somme qui fera date.
Le dernier amour de George Sand, Evelyne Bloch-Dano, Grasset 210 , 302 pages passionnantes et réconfortantes.
Le blog d'Evelyne Bloch-Dano.
Une biographie qui donne illico envie de découvrir celles que l'auteure a consacré à Mme Zola, Mme Proust ou bien encore Flora Tristan !
L'avis de Keisha.
06:00 Publié dans Biographie, rentrée 2010 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : evelyne bloch-dano, george sand, alexandre manceau
14/09/2010
Que font les rennes après Noël ?
"Vous vous êtes trop longtemps oubliée."
Vous avez toujours rêvé d'avoir un animal mais le Père noël et ses rennes ont apporté une horrible poupée géante . Vous fantasmez à propos de la grossesse de votre mère et du film Rosemary's baby. Vous vous demandez à qui vous vous identifiez dans King Kong. Vous poursuivez une lente évolution et finissez par vous rendre compte que les rennes vivent dans un paysage bien moins féérique que prévu. Tout comme les autres animaux, du loup aux cochons, en passant par les rats de laboratoire dont viendront nous parler des dresseurs, des scientifiques ou des bouchers, entre autres. Et ce discours presque clinique s'intercalera entre chaque paragraphe de votre récit, mettant ainsi en parallèle éducation des enfants et exploitation des animaux.
Récit d'une émancipation, Que font les rennes après Noël ? réussit le pari de varier les discours, sans jamais identifier les locuteurs , sans que cela nuise à la fluidité ou à la compréhension du récit ,et en nous les donnant à entendre dans leur jus. Quant à la narratrice, elle joue des codes de l'autobiographie, le pronom "Vous" instaurant à la fois distance et proximité avec le lecteur. L'humour, parfois noir, est souvent présent. Quelques passages trash (que j'ai passés vite fait, âme sensible que je suis ) mais une vision très juste et passionnante pour tous ceux qui sont curieux du monde en général. Un roman original à la fois par la forme et par le fond, ce qui est ma foi fort rare, et qui se lit d'une traite.
Que font les rennes après Noel ? Olivia Rosenthal, Verticales 2010, 211 pages quasi parfaites.
Merci à Antigone !
C'est aussi grâce à elle que j'avais découvert On n'est pas là pour disparaître.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : olivia rosenthal, animaux
13/09/2010
Un automne à Kyoto
"C'était surtout mon coeur qui était glacé."
Maelström d'émotions pour Margaux qui vient juste de rencontrer l'amour à St Malo en la personne de Mathias et doit partir au Japon, avec de son père et de sa petite soeur, l'un et l'autre ayant des personnalités très opossées, ce n'est rien de le dire !
Très vite Margaux va se laisser prendre aux charmes de l'automne à Kyoto, d'autant qu'un jeune photographe français, tout à fait à son goût, traîne dans les parages.
Alternant listes à la manière de Sei Shonagon et récit proprement dit, tissant haïkus et illustrations comme dans un carnet de voyages, Karine Reysset brosse ici le portrait d'une adolescente qui doit à la fois faire face aux fluctuations de ses sentiments amoureux et à ceux de ses parents dans un Japon qui l'émerveille, la surprend mais aussi la rend nostalgique.
Un très joli roman d'apprentissage, dépaysant à souhait qui m'a vraiment donné l'impression de partager ce séjour , car empli de notations et de sensations qui sentent le vécu !
Un automne à Kyoto, Karine Reysset, Médium Ecole des loisirs, 177pages .
Le bill et tentateur de Bauchette
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : karine reysset, japon, roman de formation
12/09/2010
Retour aux mots sauvages
"Il a eu du mal au début: la parole contre le silence, la bouche contre la main, c'est un drôle de combat."
Cela aurait pu être pire, il aurait pu connaître le chômage. Et même s'il faut changer de prénom, endosser une autre identité pour les clients de la plate-forme téléphonique, devenir ce Eric qui va lire sur un écran des formules toutes faites, des mots calibrés, soigneusement pesés, l'ancien électricien devenu téléopérateur a eu de la chance: il est tombé sur une équipe sympa, où le chef a su garder humanité et compassion. Pourtant les suicides commencent à ne plus pouvoir être cachés au sein de cette entreprise qui ne sera jamais nommée. Comment ne pas se faire broyer par le travail? Comment revenir aux mots sauvages, aux mots libres, ceux de la vie non formatée ?
Thierry Beinstingel dresse un constat glaçant du monde de l'entreprise en prenant le point de vue d'un nouvel arrivant , doublement incongru car lui c'était avec ses gestes précis et efficaces qu'il se sentait réellement utile, non avec des mots creux qu'il faut savoir manipuler au gré des campagnes de vente.
En lisant ce roman, le lecteur ressent physiquement le malaise du narrateur dépossédé de son savoir, et de longues coulées de noms viennent accentuer cette impression. Un roman qui fait froid dans le dos mais qui témoigne aussi de l'humanité qui se niche dans les endroits les plus arides.
Retour aux mots sauvages, Thierry Beinstigel, Fayard, 295 pages nécessaires.
08:10 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : thierry beinstingel, souffrance au travail
11/09/2010
Assez parlé d'amour.... en poche
"Je comprends que ce que je t'offre c'est d'avoir peur."
Assez parlé d'amour est un roman d'amour où des quadragénaires vont être confrontés au coup de foudre. Je vous entends déjà soupirer. Assez parlé d'amour est un roman écrit par un membre de l'Oulipo* , roman qui aurait pu s'appeler Les Dominos Abkhazes car sa structure respecte les règles particulières de ce jeu . Là vous vous arrachez les cheveux . Et vous avez tort . Car Hervé Le Tellier a réussi ici un roman délicieux où l'on trouve tour à tour une "liste non exhaustive des achats d'Anna", un livre dans le livre: "Quarante souvenirs d'Anna Stein"pour "accomplir l'impossible : ne plus te perdre jamais" et ces souvenirs sont tout simplement magnifiques et plein d'émotion. On rêverait de recevoir un tel livre...Sans compter des informations drôles et saugrenues qui émaillent le texte sans pour autant l'alourdir, des personnages qui sonnent justes et qui ont tous un rapport très fort avec les mots, de par leur métier, mais pas seulement. Beaucoup de délicatesse et d'humour, l'un des personnages, psychanalyste et psychiatre déclare ainsi à la femme qu'il aime et qui se proclame folle: "- Je veux bien d'une folle. J'ai toujours rêvé de ramener du travail à la maison"**.
Alors, tout le mal qu'on souhaite à Hervé Le Tellier c'est, comme l'espère l'éditeur de l'écrivain (son double? dans le roman ) ,qu'il trouve son public.
* Ouvroir de Littérature potentielle, dont les membres utilisent souvent des contraintes d'écriture, qui ne gênent en rien la lecture !
** Sans le faire exprès, j'avais noté la même citation que toi, Cuné !:)
Assez parlé d'amour, Hervé Le Tellier, J-C Lattès, 280 pages, fines et tendres.
Du même auteur, je vous conseille : Joconde jusqu'à 100 et Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, tous deux au castor astral.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : hervé le tellier, amour
10/09/2010
Encyclopédie capricieuse du tout et du rien
"Le danseur vieillit charolais et la danseuse, osselets.
Un peu plus de 400 grammes (en format poche), 844 pages dument organisées dans la Liste des listes, 844 pages où fôlatrer avec le sourire, parfois agacé par certains jugements à l'emporte-pièce, mais le plus souvent le sourire aux lèvres , cueillant au passage une citation, une information (même si ce pavé n'a rine à voir avec les Miscellanées de Mr Schott car l'adjectif "capricieuse" souligne bien la subjectivité revendiquée de l'auteur ).
Les listes ne sont pas forcément lapidaires mais se présentent aussi sous la forme de textes , suivant notre envie de picorer ou de s'attarder sur La liste des femmes comme en voudrait dans sa famille (Louise Labé en tête), la liste des nuages ou celle qui clôt le recueil: La liste de listes à établir, de quoi nous donner des envies d'écriture...
N'ayant jamais lu cet auteur, cette encyclopédie me donne une furieuse envie de poursuivre sa lecture et d'ailleurs, avec un grand à propos figure après la liste des crédits d'illustration (car oui il y en a mais bon, peut mieux faire ) la liste d'ouvrages du même auteur ainsi qu'un florilège extrait de son dernier ouvrage, Pourquoi Lire ?
C'est vif, brillant et ça agace juste ce qu'il faut ! Et ça vient de sortir en poche (10 euros)
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : charles dantzig, à picorer sans modération
Comme deux gouttes d'eau ...en poche
Billet ici !
05:55 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : tana french
09/09/2010
Mauvais élève
"A l'école, j'apprenais juste à voir les côtés moches de la vie. ça n'avait pas d'intérêt."
Mauvais élève !, pan !, comme un tampon sur la couverture du livre, comme un rappel de l'appréciation perpétuelle d'Arthus, petit garçon de dix ans , intelligent mais qui n'arrive pas à trouver sa place à l'école. Il est vrai qu'il n' a pas de chance non plus, doté qu'il est d'une maîtresse de CM 2 obnubilée par le programme à respecter, véritable machine à distribuer les punitions à tous ceux dont la tête dépasse et qui va bientôt faire glisser le petit garçon éveillé et curieux dans la catégorie des Invisibles, ceux à qui elle feint de ne plus prêter attention...
Heureusement Arthus a des atouts : ses parents, ses amis , son sens de la répartie et son amour de la beauté.
Audren, dans ce roman ne dresse pas un réquisitoire contre l'école. Non, par le personnage du directeur et par les réflexions des parents, le lecteur est amené à prendre conscience des difficultés de la maîtresse face à ces vingt-huit élèves, vingt-huit personnalités différentes auxquelles elle ne pourra forcément convenir.
En outre, malgré les difficultés, Arthus parvient toujours à rebondir et même à se rapprocher d'autres élèves dans la classe, élèves dont il appréciera finalement la personnalité :" Certaines personnes naissent avec le don de se rosir la vie. C'était son cas. Sourire, charmer, aimer, s'amuser, partager, quel joli programme en fin de compte !".
L'auteur dresse avec finesse, sensibilité et humour un portrait tout en délicatesse d'un enfant qui prend conscience des contradictions des adultes mais sait aussi profiter des instants de beauté, si fugaces soient-ils.
Il n'en reste pas moins que cette satanée Murielle, avec ses oeillères et sa volonté de mettre tout le monde dans le même moule m'a sérieusement agacée. Sa capacité à brider toute tentative de créativité de ses élèves m'a carrément fichue en rogne et m'a rappelé de mauvais souvenirs encore un peu frais...Car, même si je suis des deux côtés de la barrière, en tant que mère et en tant que formatrice, que je suis bien consciente, pour les vivre, des difficultés à enseigner, il n'en reste pas moins que l'étroitesse d'esprit de certains enseignants me hérissent sérieusement. Alors, évidemment, comme le remarque Arthus, il est plus facile pour certains parents de plaider la cause de leurs enfants, de par leur statut social, entre autres, face à ces tyranneaux de tableau noir, mais cela ne va pas sans difficultés et compromis.
Un livre pour redonner espoir aux enfants "qui ne rentrent pas dans le moule" et à leurs parents.
Un livre qu'il ferait bon aussi glisser dans chaque cartable d'enseignant...
Un vrai et grand coup de coeur !
Mauvais élève ! Audren, Neuf de l'école des Loisirs, 2010, 127 pages nécessaires.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : audren, échec scolaire
08/09/2010
Poèmes à apprendre par coeur
Il y a toujours à piocher dans une anthologie de poésies et celle-ci établie par Hélène Fieschi ne faillit pas à la règle, y compris dans son introduction et son dossier (établis par le même auteur).
On lit rarement les introductions d'anthologie et on a souvent raison. Mais ici l'objectif d'Hélène Fieschi est de convaincre les lycéens , futurs lecteurs de ce recueil, des différents bienfaits de l'apprentissage par coeur de poésies. Et elle y parvient avec pertinence et élégance: "Connaître un texte par coeur , c'est en avoir pesé chaque mot (...). C'est un peu récrire le texte, se l'approprier, le digérer pour le faire sien...". Mais aussi "Pour avoir en soi, avec soi, des morceaux de musique qui chantent à notre oreille(...) Pour qu'un jour, elles jaillissent en vous(re) nées du hasard ou de la rencontre signifiante avec un moment qui vous appartient."
Viatique personnel mais aussi texte destiné à être lu, à devenir public , à devenir aussi partie intégrante d'un patrimoine culturel à prolonger ou à initier...
Les poèmes courent de Charles d'Orléans à Jacques Roubaud et chaque auteur est présenté dans un texte le situant de manière claire et concise.
Quant au dossier accompagnant cette anthologie il se compose d 'une anlyse très fouillée du tableau Le poète et sa muse (du Douanier Rousseau) figurant en couverture par Pierre-Olivier Douphis et d'une mise en perspective d'Hélène Fieschi, proposant aussi bien des regroupements de textes thématiques -dont un concernant la poésie comme moyen de lutter contre la déshumanisation - que des rappels historiques ou stylistiques. Bref, un mine d'infos pour seulement cinq euros ! J'en connais qui vont bosser dessus !
Poèmes à apprendre par coeur, Folio Plus classqiues, 2010.
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : hélène fieschi, pierre-olivier douphis