14/12/2010
Tout près le bout du monde
"Fais pas la gueule, mamie, je rajouterai des courgettes calcinées pour te faire plaisir !"
Trois jeunes , aux parcours très différents, sont envoyés dans une maison de vie, perdue au milieu des champs. Là, Marlène, une femme presque aussi cabossée qu'eux, va avoir l'idée de leur faire tenir un journal. Ce sont ces pages ,aux voix très distinctes ,que nous donne ici à lire Maud Lethielleux.
Et ça fonctionne très bien. Les parcours de Malo,le plus jeune, à la mère si particulière, de Jul, qui s'est perdue dans un amour mortifère, de Solam, le plus déluré mais pas le moins sensible, se révèlent peu à peu et s'organisent sous nos yeux. Leur évolution se lit à la fois dans ce qu'ils révèlent mais aussi dans leur aisance et l'apaisement que leur apporte l'écriture. La violence n'est ici pas niée mais tenue à distance , évoquée mais jamais montrée directement. Ce qui évite à la fois édulcoration et voyeurisme, reproches que l'on peut souvent faire aux texte destinés à la jeunesse . De l'humour (parfois vachard) et beaucoup de tendresse retenue allègent l'atmosphère de cette maison où va bientôt se créer une drôle de famille mais une famille quand même,partageant un art de vivre qu'on devine cher à Maud Lethielleux.
L'auteure s'est visiblement très impliquée dans l'écriture de ce texte et même si, parfois, j'ai trouvé un peu trop affectée l'écriture de Jul, j'ai lu d'une traite ce roman chaleureux et généreux.
Tout près le bout du monde, Maud Lethellieux, Flammarion 2010, 509 pages qui se tournent toutes seules et réchauffent le coeur.
Leiloona a aussi beaucoup aimé.
Saxasoul aussi.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : maud lethielleux
13/12/2010
Un Noël en famille
"Blablabla, répéta-t-telle. Blablabla."
Victime d'un accident de voiture, Henry, la cinquantaine sur le déclin, souffre de pertes de mémoire. Et au vu de son lourd passif, on ne peut que juger finalement providentielle cette amnésie partielle.
Gravitent autour de lui une mère joyeusement indigne dont l'excentricité tend de plus en plus à ressembler à de la démence sénile, une ex-femme qui va affronter avec un flegme sans pareil tout un tas de révélations plus choquantes les unes que les autres à grands coups de verre de vin pour "se réchauffer le coeur", sans compter des frères amoureux de la mauvaise personne, ou de la bonne , va savoir.
Pimentez le tout de subterfuges tout droit venus de Marivaux, agrémentez de citations de Shakespeare qui tournent en boucle, sans compter les paroles de chansons reprises en choeur, ou pas.
Comme mes petits nélèves, Jennifer Johnston a compris que les dialogues permettaient d'atteindre plus vite le nombre de lignes demandé, le pire étant qu'ici ces paroles sonnent totalement faux.
Le lecteur n'a qu'une hâte venir à bout au plus vite de ce pensum où les personnages ingurgitent des quantités de Whiskey (la vieille mère), de thé (un peu), de café et de vin et ce dès le matin. On se pochtronne allègrement sous n'importe quel prétexte et , bizarrement personne ou presque ne travaille mais tout le monde habite dans de superbes maisons. Il est vrai qu'on évolue au sein de la bourgeoisie bohème (architecte, éditeur ou peintre). Tout est bâclé, y compris les plates descriptions du paysage irlandais. Un parfait gâchis. Aucun piquant, aucun humour, des dialogues alternant cajôleries gnangnan (ma pauvre cocotete, mon coco !) et vacheries soudaines...Rien à sauver.
Ayant par le passé apprécié à plusieurs reprises les romans de Jennifer Johnston (je possède , hélas , une excellente mémoire pour cela), malgré quelques déceptions plus récentes, je me suis laissée tenter par cette couverture et ce titre, comptant sur ce roman pour me laisser (enfin) gagner par l'esprit de Noël !
Echec à tous les étages ! Ah non, c'est la première étape irlandaise de mon défi Voisins, Voisines organisé par Kathel !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : jennifer johnston
11/12/2010
Hymnes à la haine...en poche !
Déniché par hasard sur les rayons d'une librairie au format poche , alors que j'en parlais il y a peu ...
A offrir, à se faire offrir, ça défoule et ça fait un bien fou !
Au hasard un extrait à propos des belles-soeurs:
"Les seules choses qu'elles ne disent pas sur votre compte
Sont celles qu'elles ne peuvent pas dire, faute de vocabulaire ."
Seul regret : pourquoi nous avoir privé de la photo de l'auteure ?
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (12)
10/12/2010
Un mariage en décembre
"Nier la réalité, apprenait-elle peu à peu, n'était pas seulement efficace , mais parfois primordial."
Un mariage ? Rien de tel pour générer stress et révélations en tous genres. Anita Shreve l'a bien compris et elle rassemble non pas deux familles mais une bande d'amis autour de mariés ayant décidé de célébrer leur union dans une auberge cosy des Berkshires.
Tous faisaient partie de la même bande au lycée. La vie ne les a pas épargnés, et vingt ans plus tard, chacun a évolué de son côté, accentuant ou pas les défauts de l'adolescence . Bien évidemment ils sont unis par un secret dont seuls quelques- uns détiennent la clé.
A part quelques insipides pages de description de match de baseball, Un mariage en décembre est un roman bien équilibré et calibré qui ne déçoit pas sa lectrice et lui apporte une bonne dose d'émotions et de sentiments. On s'attache aux personnages et si on frôle parfois le pathos, Anita Shreve parvient toujours à redresser la barre.
Un roman anti prise de tête qui remplit son contrat : nous distraire. L'équivalent d'un bon téléfilm.
Un mariage en décembre, Anita Shreve, traduit de l'américain par Michèle Valencia, Pocket 2010, 409 pages confortables.
Ps: après la lecture de ce roman on ne laissera jamais son conjoint aller seul à une rencontre d'anciens élèves !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : anita shreve, pas prise de tête, amûr, cancer, passé
09/12/2010
Les sortilèges du Cap Cod
"il ne leur faisait pas assez confiance- au monde à elle, à lui-même et à leur belle vie-, ce qui l'amenait à comprendre les choses de travers."
Deux mariages comme autant de bornes entre lesquelles nous suivrons le parcours à la fois géographique (entre côte Est et côte Ouest des Etats-Unis), introspectif et temporel (retours dans le passé)de ce sympathique quinquagénaire, Jack, qui fait le bilan de sa vie , de son mariage qui commence à battre de l'aile) et de ses relations avec ses parents et beaux-parents.
Il apparaît perpétuellement écartelé entre deux visions de la vie , deux emplois (prof de fac ou scénariste) et deux familles (la sienne qu'il fuit et celle de sa femme qu'il snobe consciencieusement). Mais possède-t-il une juste vision des faits ?
Il pourrait être exaspérant ce cher Jack mais il est juste humain et ô miracle, il est même capable de reconnaître- du moins in petto -ses torts !
Echappe-t-on jamais aux automatismes familiaux? C'est bien difficile , surtout si comme notre héros on est doté d'une mère à la fort personnalité : "La mère de Griffin était en très grande forme. Si on relevait une de ses vacheries, elle rebondissait sur une autre. Vouloir lui rabattre son caquet revenait à tenter d'enfermer un chat dans un sac : il restait toujours une patte dehors et on n'en sort jamais indemne."
Le roman prend plus son temps dans la seconde partie, la mélancolie pointe le bout de son nez, mais on n'abandonne pas pour autant l'humour vachard, marque de famille des Griffin quoi qu'il lui en coûte de l'admettre, et on en redemande ! La répétition du dîner de mariage est un spectacle à ne pas manquer, de quoi donner des sueurs froides aux futures mariées !
Un roman tendre sans être mièvre, qu'on a du mal à quitter .
Les sortilèges du Cap Cod , Richard Russo, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, Quai Voltaire 2010, 315 pages qui m'ont redonné le goût de lire et c'est pas rien !
Merci Cuné !
Amanda a aussi beaucoup aimé et cite en prime un passage savoureux !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : richard russo, couples, parents dont on n'arrive pas à se débarrasser
08/12/2010
La grande ourse
La grande ourse a quitté le ciel , est descendue sur terre . Comme elle n'est pas commode, personne n'arrive à la faire regagner sa demeure céleste. Personne vraiment ?
Un album à la fois plein de poésie et de vigueur, avec un format très attractif (36x21,5). Le texte de Carl Norac et les illustrations de Kitty Crowther (jouant principalement de l'ocre, du jaune , du blanc et du noir) s'allient pour nous donner un album fourmillant de détails.
Un livre qui donne envie d'observer les étoiles.
La grande Ourse, Carl Norac, Kitty Crowther, Pastel 2010.
06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : carl norac, kitty crowther
07/12/2010
Traité culinaire à l'usage des femmes tristes
"Il est des jours où tu te lèves avec une tête de tempête..."
Des femmes il en sera beaucoup question. De cuisine un peu moins. Et la tristesse dans tout ça ? Elle est provoquée généralement par les hommes qui, ici, n'ont pas le beau rôle !
"Le travail est la cachette qu'ont trouvée les hommes pour ne pas vivre sur un rythme plus humain et plus décent. C'est leur façon de pouvoir être seuls sans avoir à dire qu'ils veulent être seuls.", affirme l'auteur..
Héctor Abad Faciolince , de manière tantôt posée, tantôt poétique, avec humour aussi (difficile de trouver de la viande de mammouth!) prodigue ses conseils aux femmes tristes et les incite à accepter leur âge mais aussi à savoir profiter de la vie. C'est rempli de bon sens et j'ai rarement lu une telle défense des femmes et une telle incitation, à mots couverts, à l'infidélité et au mensonge par omission !
Sous couvert de références scientifiques dont on est en droit de mettre en doute l'authenticité , mais qui s'avèrent savoureuses, il titille notre curiosité (cf le linguiste mentionné en passant et ses histoires de mots hantés) et nous concocte un pot-au feu-, sancocho dans le texte. Quelques banalités relevées de pépites.
Traité culinaire à l'usage des femmes tristes, Héctor Abad Faciolince, traduit de l'espagnol (Colombie) par Claude Bleton, Jean-Claude Lattès 2010, 178 pages qui ne m'ont pas totalemnt convaincue.
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifi | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : héctor abad faciolince, femmes
06/12/2010
Ma mère en vacances
Gwendoline Raisson , au texte, et Magali Bardos , aux illustrations , empruntent la voix d'un petit garçon pour nous raconter les aventures de Ma mère en vacances.
(On est bien loin des Ta mère elle est ...qui ponctuaient les propos des cours de récréation il y a quelques temps !)
Non ici, que ce soit à la montagne (aux sports d'hiver) ou à la campagne (en été) nous suivons les tribulations d'une mère finement observée par son fils.
Plein de malice, le loupiot attend d'être saucissonné dans son anorak trop petit pour déclarer qu'il a envie de faire pipi . Un classique ! mais un classique revisité et le texte qui joue sur les rimes et la technique de l'énumération qui revient comme un refrain, prend aussi en compte l'exaspération (contenue) de la mère qui en est réduite à faire le yogi écharpe au cou et bonnet sur la tête !
Quant à la campagne ce n'est guère mieux ! En effet, un mère qui passe l'aspirateur jusque dans les pots de fleurs peut difficilement être confrontée à la réalité des insectes !
Évidemment le petit garçon se donne le beau rôle et tout se termine bien.
Deux histoires espiègles à lire ensemble !
Ma mère en vacances, Gwendoline Raisson & Magali Bardos, OFF-Pastel 2010
J'en profite pour souhaiter une bonne fête de Saint Nicolas à tous les enfants !
06:00 Publié dans Humour, Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : gwendoline raisson, magali bardos
05/12/2010
Je voudrais me suicider mais j'ai pas le temps *
"T'en fais une tête, Josette ! Tu ressembles à un gribouillis, à un oreiller qui fait coin coin ou encore à une boîte de camembert fabriquée au Liechtenstein !
La fée Carabosse penchée sur le berceau du petit garçon qui allait prendre le pseudo de Charlie Schlingo avait pour nom poliomyélite. Trois mois avant l'arrivée du vaccin en France. Pas de bol vraiment.
Pour compenser Charlie apprendra à marcher sur les mains et surtout se régalera de Bd fournies par sa nona, histoire d'oublier la douleur physique et le surnom donné par ses parents : "Vilain" (Poil de Carotte pas mort).
Devenu grand, Charlie séduira les filles , dessinera avec la bande à Choron (entre autres) et entamera un bref processus d'autodestruction (il mourra à 49 ans ), se rendant tour à tour insupportable , invivable, violent et charmant. Tout à la fois gros déguelasse et écorché vif si vous voyez l'improbable mélange.
Ce docu-fiction raconté par Jean Teulé , dessiné par Florence Cestac, file à toute allure pour témoigner du trop bref passage sur terre de cet être hors du commun qu'était Charlie Schlingo. On sort de là essoré et les larmes aux yeux même si comme moi on ne connaissait que de nom ce dessinateur de BD totalement frappadingue et poignant. Un homme qui recueille une chienne et l'appelle "La méchanceté" ne peut totalement être mauvais, même s'il s'efforce de coller à l'étiquette de Vilain qui lui a été apposée !
Je voudrais me suicider mais j'ai pas le temps, Jean Teulé, Florence Cestac, Dargaud 2009.
*Réponse de Charlie Schlingo quand on lui demandait comment il allait.
Emprunté à la médiathèque sur la seule foi du titre !
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : florence cestac, jean teulé, charlie schlingo
04/12/2010
6 heures plus tard ...en poche
"Comment, mais comment un plan aussi modéré, aussi "raisonnable" avait-il pu déboucher sur une telle ignominie ? "
Le shérif du comté de Nation, Carl Houseman, est envoyé pour des raisons de politique locale, en tant que simple observateur à Londres, dans le cadre de la disparition d'une jeune fille de l'Iowa.
Évidemment notre enquêteur bien-aimé ne va pas rester à se tourner les pouces aux côtés du New Scotland yard et sera bientôt entraîné dans une spirale de violence qui n'aura rien de commun avec ce qu'il a connu précédemment.
Mettre aux prises Carl Houseman avec des terroristes sur le sol britannique est une excellente idée. Le dépaysement et les notes d'humour(Houseman est flanqué d'un "boulet" en la personne du nouvel avocat général du comté, "garçon encore jeune et pas très fûté"), les enquêteurs s'affrontent à coup de clichés (étoile de shériff contre parapluie )permettent de détendre un peu l'atmosphère .
Mais là où excelle Donald Harstad c'est dans son démontage implacable de la manipulation de gens qui n'ont rien de nigauds et se laissent embarquer dans une entreprise qui va très rapidement les dépasser et les broyer. Ils n'ont rien de ces fanatiques hallucinés qu'on voudrait trop souvent nous présenter et par là même n'en deviennent que plus dangereux...Une réussite !
Points seuil 2010
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7)