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13/01/2011

Le mouton botté et le loup affamé

Un loup, un mouton ? Un couple agaçant d'emblée car la problématique ne peut être résolue que d'une manière cruelle ou angélique.413YN4SwxSL._SL500_AA300_.jpg
Pourtant le suspense fonctionne à plein (j'avoue j'ai regardé la fin avant de pousuivre car vraiment j'avais le coeur qui battait)  et Maritgen Matter fait de ces personnages convenus des êtres complexes et attachants: le loup, tiraillé entre son instinct de survie et la sympathie qu'il ressent pour sa proie ; le mouton solitaire, en quête d'amis et que sa candeur semble mener tout droit dans la gueule de son nouvel et si séduisant ami qui fait de la poésie. Une écriture  à la fois tendre , poétique mais aussi diablement inquiétante. Un équilibre subtil que l'auteure a su maintenir du débit à la fin et que renforcent les illustrations en noir, blanc et rouge de Jan Jutte : épurées et expressives.
Une manière efficace et imagée de mettre en garde les enfants contre les séducteurs de tous poils.
Une totale réussite ! Cela faisait longtemps qu'un livre pour enfants m'avait autant tenue en haleine !

Le mouton botté et le loup affamé, Maritgen Matter, traduit  du néerlandais par Maurice Lomré, illustrations Jan Jutte, Mouche de l'Ecole des loisirs. Pour les enfants  qui aiment déjà lire tout seuls.

12/01/2011

Dos à dos

"Marcher en fermant les yeux au milieu d'un champ de mines était une discipline qu'il maîtrisait parfaitement (...)."

Arnaud, gueule d'ange et comportement de voyou, débarque sans prévenir chez ses parents : Gabriel  futur ex-romancier et Esther mère -poule aveuglée par l'amour. Le temps de commettre un nouveau forfait et le voilà reparti, entraînant sa famille dans une course-poursuite dont le jeune homme ne mesure pas la gravité.41Ib3H9S-VL._SL500_AA300_.jpg
En assignant à un écrivain "à moitié tué" par "le grand bazar de l'écriture" un rôle principal, Sophie Bassignac en profite pour nous livrer, mine de rien, une des clés de son roman : "J'appâte les lecteurs avec un meurtre ou une disparition  et quand ils sont ferrées, je leur parle d'autre chose".
Ferrés nous le sommes sans problème par ces personnages qui ne manquent pas de chair et , même si parfois l'intrigue perd parfois un peu de rythme, la vigueur et la vivacité de l'écriture emportent totalement l'adhésion. Sophie Bassignac confirme ici tout le bien que j'écrivais déjà d'elle ici.
Les reflexions  sur l'écriture qui jalonnent le roman sont à recueillir avec jubilation par tous les amoureux de la littérature !

Dos à dos, Sophie Bassignac, Jean-Claude Lattès, 2011, 233 pages funambules.

 

11/01/2011

Le jardin de Machiavel

Si Voltaire nous enjoignait de cultiver notre jardin ce n'est pas avec lui mais en compagnie de  Martin Amis, Bertold Brecht, Ibsen, Pablo Neruda , entre autres, que Marck Crick nous propose de rempoter une plante d'intérieur, ou de cultiver des pommes de terre.41a9f0QHZzL._SL500_AA300_.jpg
L'auteur ayant été successivement jardinier, paysagiste et fleuriste, après avoir suivi des études de lettres, gageons que ses conseils en matière de plantes ne sauraient nous induire en erreur. Mais bien évidemment, c'est plus pour l'art subtil du pastiche que le lecteur s'empressera de feuilleter ce recueil à la recherche de ses auteurs favoris, pour découvrir comment Crick s'est emparé de leur style, de leurs "marque de fabrique", bref de ce qui fait tout leur charme.
Le hasard a voulu que je commence par Mettre des bulbes en terre  à l'automne avec Sylvia Plath et ce fut un enchantement, j'avais vraiment l'impression de retrouver toute la sensibilté de cette auteure (texte traduit de l'anglais par Camille Laurens). Eliminer une salope (avec Bret Easton Ellis et un sécateur professionnel Felco modèle 7) , s'est avéré très convaincant  et plein d'humour,( texte traduit de l'anglais par Brice Matthieussent). Faire proliférer une vigne vierge avec Mary Shelley (traduit par René de Ceccatty) fait aussi partie de mes chouchous, tout comme Regarnir une jardinière, où l'on retrouve tout le désenchantement de Raymond Carver (traduit par Geneviève Brisac). Le seul texte finalement qui m'a vraiment déçue, tout comme le pastiche pictural qui l'accompagne, est celui de Zola ,vraiment trop caricatural et excessif. Un petit bémol donc pour un recueil qui allie pastiches littéraires et artistiques (explicités à la fin de l'ouvrage), tous réalisés par Marc Crick qui s'avère vraiment un être aux multiples talents !

Du même auteur, j'avais déjà aimé ceci !

10/01/2011

Serena

"Faut dire qu'on avait encore jamais vu sa pareille dans nos montagnes."

Quand Serena rencontre Georges Pemberton, riche exploitant forestier, elle est persuadée d'avoir enfin rencontré quelqu'un à la mesure de son ambition et de sa personnalité, forte, implacable. Les deux époux entendent bien dévaster à leur profit la forêt que tentent de préserver quelques écolos avant l'heure (nous sommes dans les années 30 aux Etats-Unis), en créant un parc national.516B3E90v2L._SL500_AA300_.jpg
Que Pemberton fasse mine de préserver la vie du bâtard qu'il a conçu avant son mariage va bientôt changer la donne car on ne se met pas impunément en travers du chemin de Serena.
A la lecture de la scène initiale du roman de Ron Trash, le lecteur , à peine remis du choc,  a un doute, se croyant au temps du Western tant la violence semble banalisée et quasi impunie. Mais ce sont bien les années de la crise de 29,  qui entraînent des hordes de chômeurs dépenaillés à se présenter en rangs serrés pour remplacer les bûcherons dont l'espérance de vie est très réduite, étant donné leurs conditions de travail, qui sont ici décrites avec souffle et puissance.
La destruction de la forêt - et de toutes les formes de vie qu'elle hébergeait- ainsi que le comportement de prédateurs des époux Pemberton, qui usent indifféremment de la violence ou de la corruption, sont commentés par une équipe de bûcherons qui assume le rôle de choeur dans cette tragédie moderne. Leur langue truculente et leurs commentaires acérés insufflent un peu d'oxygène dans une atmosphère qui emprunte à la fois au thriller quand la traque se met en place et au réalisme magique, tant la figure de Serena évoque celle de la femme maléfique et ensorcelante. On a le coeur qui bat la chamade , on étouffe devant tant de noirceur et on ne peut s'empêcher de penser que la situation décrite trouve des échos dans notre XXI ème siécle tout aussi destructeur, avide et gaspilleur. Magistral.

Serena, Ron Trash, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Béatrice Vierne, Le Masque 2011, 404 pages redoutablement prenantes.

Bon, maintenant je suis cuite: il ne me reste plus qu'à lire Un pied au Paradis !

09/01/2011

La peine du menuisier...en poche

"Le Menuisier ne parlait pas."

Le Menuisier,  nous l'apprendrons au fur et à mesure du récit, c'est le père de la narratrice, cette enfant née tardivement au sein d'un foyer où l'amour circule mais pas forcément les mots. Nous sommes dans les années  cinquante, en Bretagne , dans une famille modeste , où la mort est toujours présente , que ce soit par les photos des disparus ,la proximité du cimetière ou les décès que l'on ne cache pas aux enfants.
La narratrice, devenue adulte et ayant réussi à devenir  professeur, ce qui la place un peu en porte -à- faux  par rapport à ses  origines, ressent toujours un profond malaise par rapport à celui qu'elle ne désigne que par sa fonction, comme si elle voulait le tenir à distance. Pourquoi ?517AF9FXfZL._SL500_AA300_.jpg
Elle sent  confusément qu'elle appartient à un lieu "où je n'ai pas  vécu mais dont l'histoire circule ne moi, dans ce corps exhibé, élastique et souple,  insolent  de jeunesse  et de fraîcheur." mais également qu'un secret pèse sur la famille paternelle, empesant leurs relations. Il lui faudra beaucoup de temps pour remonter au jour cette hstoire familale dont elle est prisonnière car "Nous ne sommes  pas seulement les héritiers d'un patrimoine génétique, mais d'un nombre infini d'émotions transmises à notre insu  dans une absence  de mots, et plus fortes que les mots."
En phrases sobres, comme gravées dans le granite breton, Marie Le Gall  nous emprisonne dans cette atmosphère étrange et envoûtante. On pense parfois au roman d'Annie Ernaux, La  place, pour  ce qui est du décalage entre la modestie  des origines et l'ascension sociale de la jeune femme mais Marie Le Gall privilégie  davantage cette recherche obstinée et patiente du secret familial afin d ecomprendre La peine du Menuisier., qui est aussi la sienne.Un premier roman lent et fascinant. Une langue superbe.

08/01/2011

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates...en poche

Quelque chose en eux d'Elisabeth

"Peut être les livres  possèdent-ils un instinct  de  préservation secret qui les  guide jusqu'au lecteur idéal.  Comme il serait délicieux que ce soit  le cas." Ainsi s'exprime  Juliet , romancière en mal d'inspiration , que le destin va mener sur les traces du Cercle  littéraire des amateurs de patates et par la  même occasion sur cellles de son inspiratrice, Elisabeth.51Xrp7k-omL._SL500_AA300_.jpg
Nous sommes en Grande-Bretagne, dans l'immédiat après guerre . Le pays panse ses paies et Juliet, qui a su remonter le moral de ses concitoyens grâce à ses chroniques pleines d'humour va découvrir quelle  était la vie de la petite ïle de Guernesey durant l'occupation allemande.
Les lettres qu'elle échange, tant avec son éditeur qu'avec les  difffrents membres, fort pittoresques,  de ce cercle littéraire sont tantôt graves, tantôt émouvantes mais surtout pleines de vivacité.  Ce roman épistolaire  arrive très rapidement à nous faire oublier l'aspect répétitif qu'ont trop souvent les romans empruntant cette forme.
Les personnages sont croqués  avec saveur , l'histoire est fertile en rebondissemnt, on y trouve cette excentricité si délicieusement anglaise  qui fait valser les théières dans les airs ou fabriquer des brouets de sorcière, le  tout avec  avec un flegme imperturbable. Concentrer l'action  dans ce microcosme insulaire confère densité et profondeur à  ce qui  n'aurait pu être qu'une bluette.
Seul regret:  que  Mary Anna  Shaffer  (qui a reçu l'aided'Annie  Barrows) n'ait pas vu le succès que son livre ne saurait manquer d'obtenir. On espère cependnat que son éditeur ait pu lui écrire ce ci : "Très chère, je  ne peux te  promettre ni l'opulence , ni la prospérité, ni même du beurre, mais tu sais que tu es l'auteur le plus cher au coeur de Stephens & Stark."

07/01/2011

Saison de lumière

"Aussi froide que le verglas qui l'avait naguère couverte, la terre gelait le coeur de Jennet, mais lui donnait de l'espace pour respirer."

Itinéraire d'une artiste, Jennet, qui dès l'enfance manifeste un don certain pour le dessin, Saison de lumière retrace aussi l'histoire d'une femme qui dut tout à la fois concilier sa vie amoureuse avec un peintre assuré de son talent, voire de son génie, avec sa vie de mère et la pratique exigeante de son art.41t6-X1DI4L._SL500_AA300_.jpg
La cohabitation entre les deux peintres ne sera pas de tout repos car David, son époux malgré lui, gaspille son talent et sa vie en une quête éperdue de plaisirs, tandis que Jennet, à force de compromis et de réflexion parvient , mue par une énergie inébranlable à contourner les obstacles et à affirmer sa puissance créatrice, même si cela doit lui demander du temps. Mais comme l'écrit Francesca kay : "Ses sentiments pour David, comme pour à peu près tout , étaient aussi changeants que l'eau , ils confluaient constamment , tel un estuaire à marée basse sans barrage pour séparer l'eau douce de l'eau de mer."Pas de manichéisme donc et Jenett n'est pas la sainte et martyr qu'on pourrait croire.  C'est une femme qui souffre, qui aime et qui avance, irriguée par le désir, tendue vers l'épure et la lumière.
Son héroïne ayant 40 ans dans les années 60 , l'auteure en profite pour évoquer de manière très vivante ces années novatrices jusqu'à l'excès.
Mais plus que tout c'est le style à la fois précis , lumineux et poétique qui fait l'enchantement de ce roman. Rien de plus difficile en effet que d'évoquer des tableaux que le lecteur ne verra jamais mais ici le miracle opère et je peux assurer que je les ais vus les tableaux de David et Jenett, tout comme j'ai souffert avec eux, (ah le coup bas de l'artiste teutonne !) partagé leurs élans et leurs frustrations,voire atteint une forme de sérénité à la fin du roman. Un livre bien évidemment tout hérissé de marque -pages et qui vibrera longtemps en moi. Et zou sur l'étagère des indispensables !

Un premier roman époustouflant par sa maîtrise.

Une mentions particulière à la traductrice , Laurence Viallet  .

Mon premier coup de coeur de 2011.

Saison de lumière, Francesca Kay, plon 2011, 241 pages somptueuses.

 

06/01/2011

C'est votre vrai nom ?

"On ne fait rire qu'avec des choses vraies, ou qui pourraient être vraies."

Sylvie Joly égrène ses souvenirs, ce n'est pas à proprement parler une biographie, et on la suit ainsi, de manière parfois une peu hachée, de son "enfance délicieuse" où ellle montre déjà un bel aplomb, affirmant dès l'âge de trois ans, parce qu'elle a peur de la mort "Je n'aime pas le bon Dieu, il fait des cadeaux pourris." aux coulisses des théâtres où elle s'épanouit enfin après avoir fuit une carrière d'avocat.41scrJnUB+L._SL500_AA300_.jpg
Généreuse, elle partage avec nous ses rencontres mais aussi certains textes de ses auteurs favoris (ainsi les remerciements que lui avait écrits son frère Thierry En cas de Molière) ou son hilarant Quasi-questionnaire de Proust.
Le tout se termine sur une note à la fois plus noire mais pleine d'énergie quand apprenant qu'elle est atteinte d'un syndrome parkinsonien, elle s'exclame -Ah c'est quand même une belle merde !"
Un portrait mosaïque plein d'un charme un peu désuet (j'ai noté au passage quelques savoureuses expressions que j'ignorais totalement) et d'un humour parfois vachard ,qui donne envie de rééecouter certains classiques de notre si Joly Sylvie.

Merci Cath !

 

 

 

05/01/2011

Les petits

"...c'est une chose à la fois triste et gaie, nous ne décidons pas des élans de notre coeur, Paul, mais un jour, sans qu'on sache pourquoi, le chagrin s'en va."

Petits, ils le sont par l'âge ou la condition sociale. Mais toujours on leur enjoint de plier, soit par la force brute, soit de manière plus feutrée, sournoise, voire validée par l'ensemble d'un groupe social. Leur bonheur, aussi modeste soit-il, ne peut qu'exaspérer :"...sa politesse,  sa douceur même , devenaient à leurs yeux une marque de condescendance inacceptable." La violence , quelle que soit sa forme,  toujours, rôde.51SdnAe18RL._SL500_AA300_.jpg
On frémit, on retarde même la lecture de certains textes, car on le sent , à un moment donné Sélim subira le pire parce qu'il aura franchi une invisible frontière, Isabelle sera forcée de se délester de ce qu'elle a de plus cher et de surcroît d'en subir les conséquences...
Les atmosphères, les milieux sociaux varient mais il faudra attendre la dernière nouvelle pour qu'un peu d'humour féroce vienne insuffler un courant d'air bienvenu dans cette galerie de portraits acides  et cruels ,mais qui sonnent toujours justes.
La douleur est présente mais elle est exquise, dans tous les sens du terme. Un style tour à tour ferme ou poétique que Frédérique Clémençon manie avec une précision de scalpel.

Les petits, Frédérique Clémençon, L'olivier 2011, 200 pages à déguster à petites doses pour éviter d'avoir el coeur broyé, mais au final on en redemande !

04/01/2011

La traversée

"entreÉvidemment qu'on peut être constitué de deux pierres différentes."

Délaissant bien malgré elle la France , son soleil et ses campings, Margot part en vacances en Islande en compagnie de sa mère et du énième amoureux de celle-ci, Bjarni.51hpsHo8FVL._SL500_AA300_.jpg
Et ce séjour va s'avérer bien plus surprenant que prévu. Déjà parce qu'embarquer pantalon de pluie, pulls et bonnet en plein été (le temps est très changeant dans ce pays !) n'est pas vraiment du goût de la pré ado. Ensuite parce que, bizarrement Margot va vraiment aimer ce paysage lunaire , entrecoupé de rivières omniprésentes qu'il faut sans cesse traverser à ses risques et périls. Enfin, encore plus surprenant, elle va même beaucoup apprécier, pour une fois, le compagnon de sa mère. Mais les adultes ont une manière vraiment bizarre de se comporter et l'amour n'est pas une chose facile...
Aventure et humour sont au rendez-vous dans ce roman de Marjolijn Hof. Cette dernière ne se permet jamais de juger ses personnages et leur comportement . Elle prône juste le parler vrai entre parents et enfants, chacun se débrouillant le mieux possible pour faire face à ses contradictions.
Inutile de vous dire que j'ai savouré ce voyage-trop court- en Islande , prolongé -excellente initiative  !- par un Guide de prononciation de l'islandais qui permet de mieux prendre conscience de la difficulté de cette langue (certaines lettres ses prononçant différemment en fonction de leur place dans le mot !).

La traversée, Marjolijn Hof, traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Seuil jeunesse 2009.126 pages seulement !