15/02/2011
L'héritage impossible
"L'ethnique atteint de tout nouveaux sommets ! cria-t-il."
Après une scène initiale forte et poignante, le dernier volet de la trilogie d'Anne B. Ragde perd un peu en puissance.
Si le personnage de Torunn, héritière de la ferme, aux prises avec un travail harassant dans un ferme délabrée, tout en s'occupant d'un vieil homme quasi mutique, est toujours aussi attachant, ses oncles, malgré leur bonne volonté apparente ne lui sont guère utiles et leur comportement frôle souvent la caricature.
L'auteure semble peiner parfois à renouveler ses thèmes et lance parfois son récit dans des voies de garage qui ne lui apportent rien. Néanmoins la peinture du monde agricole est comme toujours très réussie (ah, ces descriptions de porcelets !).
Ce n'est pas qu'on s'ennuie vraiment mais on a hâte de connaître le destin que va se choisir l'héroïne et en cela la fin est quelque peu décevante car je m'attendais à quelque chose de plus enthousiasmant pour elle. Une réussite en demi-teintes donc.
L'héritage impossible, Anne B. ragde, traduit du norvégien par Jean Renaud, Balland, 2010, 348 pages.
Emprunté à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : anne b. ragde, ferme, porcs, héritage
14/02/2011
La petite et le vieux
" C'est normal d'aimer les belles chutes, ça change de la Vie."
Elle a huit ans au début du roman, mais s'attribue deux ou trois ans de plus, se nomme Hélène mais se fait appeler Joe, car elle veut vivre en garçon, comme l'héroïne de son dessin animé. Elle vit dans un quartier populaire entre une mère cachant sa fragilité derrière de péremptoires "C'é toute" qui font l'admiration des mères de famille dépassées par leurs enfants, un père qui a choisi de voir le côté sombre de la vie et trois soeurs aussi dissemblables qu'attachantes.
Et puis il y a le Vieux, Roger, qui n'a qu'une hâte: mourir mais qui prendra quand même bien le temps de profiter de son amitié avec Hélène.
Sans sortir de leur quartier, ils vont partager des aventures au quotidien, l'hyperlucidité de Joe et sa capacité à retrousser ses manches sans ostentation pour rétablir un équilibre, ne serait-ce que financier au sein de sa famille, n'ayant d'égal que sa capacité à rebondir et à prendre la vie à bras le corps.
Pas d'ostentation, pas de sentimentalisme, juste une formidable envie de vivre et un humour percutant comme dans la lettre que Joe est obligée d'adresser à l'infirmière scolaire qui humilie publiquement des enfants depuis plusieurs générations : "Du même souffle, j'ai expliqué la situation particulière des Péloquin, qui m'avait ainsi fait réagir, et mon ignorance de l'immense malheur que devait être sa vie, vu sa méchanceté."
L'histoire file à toute allure, les personnages sont pittoresques en diable, admirablement croqués, parfois en quelques mots ("un petit chien coup de pied" )et le style à la fois truculent et plein de vivacité nous laisse à peine le temps de noter de très jolies phrases au passage.
La petite et le vieux, Marie-Renée Lavoie, Editions XYZ, 236 pages gouleyantes.
"Un coup de coeur absolu et foudroyant" pour
Cuné chez qui vous trouverez des liens en pagaille et un entretien de l'auteure. Merciiii !
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : marie-renée lavoie, humour, tendresse, enfance
13/02/2011
C'est dimanche, c'est ... on retrousse ses manches (pour que ça change).
"Les clichés les plus éculés ,comme les plus irréductibles maladies , traversent sans ambages le temps et les générations ; pendant ce temps, les plus beaux poèmes s'étiolent dans l'oubli."
La petite et le vieux (billet à venir demain), Marie-Renée Lavoie.
06:00 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : nan, la poule y a pas de rapport, c'est juste pour le plaisir !:)
12/02/2011
Cruelles natures...en poche
Si Cruelles natures se donne d'abord des allures bucoliques avec son personnage d'écologue,jadis renommé, qui se balade dans la Brenne, consignant soigneusement les cadavres d'animaux qu'il rencontre en chemin, le lecteur qui se sera déjà frotté à l'univers de Pascal Dessaint sait bien que cette atmosphère brumeuse ne peut recéler que de noirs desseins...
En contrepoint, les paysages du Nord et quelques habitants de la région de Dunkerque, trois jeunes dont on devine rapidement qu'ils ne se contenteront pas de voyager par procuration avec les pigeons voyageurs, trois jeunes qui vont partir en vrille ...
Tout l'art du romancier sera d'arriver à croiser ces destins que tout semble éloigner et à semer mine de rien des indices destinés à nous montrer que tout n'est pas forcément comme nous le croyons car si "Après quelques instant de discussion et parfois même d'un seul regard, il semble qu'on est en mesure de tout percevoir de certains hommes et qu'il n'y a pas grand chose à espérer sous la surface. Pour d'autres, en revanche, tout se situe en profondeur. ceux-là ne se dévoilent jamais totalement et obligent à l'effort."
Fourmillant de noms d'oiseaux et de plantes, ce roman donne l'irrésistible envie de partir se promener dans la région évoquée mais l'auteur signale dans sa postface qu'il est resté "volontairement vague afin de préserver la tranquillité des hommes et des animaux".
Avec un seule tortue et une voiture, Dessaint arrive à créer un suspense tellement insoutenable que je n'ai pas résisté; je suis allée directement à la fin du livre pour voir si l'animal s'en sortait !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pascal dessaint
11/02/2011
Les chaussures italiennes ...en poche
"Il n'était jamais trop tard pour prendre la photo manquante"
En un peu plus d'un an, la vie de de Fredrik Welin , soixante-six ans, va être totalement bouleversée.Lui qui vivait reclus en compagnie d'une chatte et d'une chienne âgées sur une île suédoise voit un jour arriver une femme qu'il a autrefois aimée et abandonnée.mais Harriet "...était porteuse de nouvelles de la vie-pas seulement de la mort qui viendrait bientôt la cueillir."Et Fredrik va devoir revenir sur les erreurs commises, se plonger dans ce qu'il avait fui avec obstination en se limitant à une vie quasi mécanique: lui-même. En effet, comme le lui confiera le vieux cordonnier de génie qui lui confectionnera ses Chaussures iltaliennes : "Il est aussi facile de se perdre à l'intérieur de soi que sur les chemins des bois ou dans les rues des villes."
Roman sur la vieillesse, la solitude, le temps et l'amour, cet opus de Mankell est aussi l'occasion de se pencher sur le désarroi de certains jeunes, qu'il soient suédois ou étrangers ayant du mal à s'insérer dans la société(l'auteur adresse même un clin d'oeil à un de ses personnages , héroïne d'un autre roman, Tea-bag), nous montrant bien qu'il est possible d'établir des liens entre ces deux pôles de la vie.
Une psychologie fouillée mais sans pathos qui réussit tout en délicatesse à nous amener parfois au bord des larmes sans pour autant être déprimante, un roman chaleureux qui nous prend par la main et qu'on ne lâche plus.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : henning mankell
10/02/2011
Consolation par le chien ( De la caninisation)
"L'homme se construit, grâce au chien, un milieu qui lui convient (...)."
Pierre Schulz nous prévient d'emblée: son livre n'est pas une énième apologie du chien mais "une analyse des motifs faisant que les citadins vivent avec des animaux de compagnie."
Volontiers critique vis à vis de certains comportements humains excessifs ou inappropriés , l'auteur passe aussi en revue les avantages et inconvénients des chiens, soulignant l'importance du rôle psycho- affectif de ces animaux dans leurs relations avec les hommes. Sa thèse ? L'animal représente un filtre protecteur face à la difficulté de la condition humaine.
Un lecteur qui feuilletterait lcet ouvrage pourrait être rebuté par les termes scientifiques mais ceux-ci sont immédiatement expliqués et contribuent à une vision à la fois originale et pleine d'humour de la place des Câline et autres Fido dans nos vies.
Beaucoup d'ironie, et une ironie réjouissante, dans ce livre qui époussète vigoureusement toutes nos idées préconçues.
L'auteur va même, malicieusement, jusqu'à imaginer un renversement de situation : le chien domestiquant l'homme, mais selon lui, heureusement, cette situation restera une utopie , entre autres tant que nos chiens ne seront pas doués du sens de l'humour !
Une importante bibliographie permet de poursuivre la réflexion.
Consolation par le chien, Pierre Schulz, Puf 154 pages .
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : pierre schulz, chiens
09/02/2011
Ils diront d'elle
"Elle se demande s'il faut être léger ou doté d'une indulgence qui lui fait défaut pour vivre en société."
Noël en famille, rien de tel pour se sentir une nouvelle fois hors-normes pour Estelle. Juqu'à présent, elle avait toujours réussi à esquiver cette réunion , préférant éviter ainsi les réflexions même involontairement blessantes sur le fait qu'elle vive avec une femme écrivain, profession nettement plus valorisante que tous les petits boulots auxquels elle même se cantonne.
Mais cette année, face à ses propres doutes, elle sent que le moment est venu de revenir sur le passé et de combler -ou pas - le fossé à la fois temporel et psychologique qui la sépare de ses frères et soeurs.
Choisissons-nous vraiment notre vie ou subissons-nous les rôles qu'on nous a attribués, consciemment ou pas ?
Sans acrimonie, tout en délicatesse, Fanny Brucker nous peint ici le portrait d'une femme en devenir qui s'interroge sur ce qu'elle croît être ses choix , sur sa vision du passé, qui ne correspond peut être pas à celle qu'en a le reste de sa famille, sur le fait qu'elle se soit toujours sentie inférieure aux autres. Pas de grand déballage à la Festen, mais une vision chaleureuse et humaniste qui nous montre au passage, non sans humour, les aléas du métier de serveuse (promis, juré, vous ne les regarderez plus du même oeil !). Une analyse fine et une narration fluide qui font de ce roman un véritable plaisir de lecture.
Ils diront d'elle, Fanny Brucker, jean-Claude lattès 2011, 267 pages .
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : fanny brucker
08/02/2011
Naissance d'un pont
"...je sais comme tout le monde que celui qui veut construire un pont doit faire un pacte avec le diable."
De l'appel de candidature à l'inauguration, Maylis de Kerangal nous retrace la Naissance d'un pont. Sur cette trame aussi linéaire en apparence, l'auteure a su insuffler puissance et vie à toutes les étapes, à tous les aspects de cette construction.
Le texte s'interroge sur la manière dont l'ouvrage va s'inscrire dans l'espace, modifiant de manière irrémédiable le paysage, reliant, pour le meilleur et pour le pire des espaces, celui de la forêt, donnée comme un lieu magique, et celui de la ville, une ville marquée par l'énergie et l'argent.
Nombreux seront les obstacles mais ce ne seront pas forcément ceux qui se croient les plus puissants qui pourront ralentir l'inéluctable construction.
Quant aux hommes, et aux femmes, nous les suivons dans leur travail mais aussi dans leurs relations et très vite nous tremblons pour eux car le danger n'est pas forcément au bout d'une poutrelle. De l'intérimaire qui joue les cascadeurs , de l'escogriffe Diderot, grand général de cette armée qui se met en branle pour donner naissance au pont, à Katherine Thoreau plus à l'aise aux commandes de son engin que de sa vie, tous nous deviennent rapidement familiers et proches.
Maylis de Kerangal, par son style très ample et inspiré, non dénué d'humour , rend tout à fait fascinante et passionnante cette construction dont les aspects techniques ne sont en rien rebutants, bien au contraire.
Après l'échec de ma lecture de la Corniche Kennedy, je renoue avec une auteure qui a atteint ici sa plénitude .
Naissance d'un pont, Maylis de Kerangal, Verticales 2010, 317 pages qu'on ne lâche pas.
Emprunté à la médiathèque.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : maylis de kerangal, pont
07/02/2011
Un immense asile de fous , récits d'un village anglais
"Vous êtes flutiste ? Vous habitez ici ? Vous êtes folle ? Vous jouez faux et vous respirez aux mauvais moments ? Vous avez beaucoup de temps libre ? Vous jouez avec quelqu'un ? Vous avez des enfants ? A propos je m'appelle Jenny. Je suis hautboïste. "
Voici un extrait qui vous donne un aperçu d'Un immense asile de fous où Louis de Bernières se propose, en plusieurs récits, de nous brosser le portrait d'un village où se concentre tout ce qui fait le charme de la Grande- Bretagne.
Alternant douce folie, regardée avec bienveillance , et excentricité pleinement assumée, des premiers rôles aux figurants tous nous font sourire ou nous attendrissent. Certains récits sont néanmoins assez convenus et lire la quatrième de couverture, trop explicite, vous ferez perdre le sel de bien des textes.
Je dois avouer que je m'attendais à mieux mais qu'avec le recul mon avis est plus nuancé. Beaucoup de tendresse et d'affection de la part de l'auteur et quelques jolis textes qui font oublier les chutes trop prévisibles.
Un immense asile de fous, récits d'un village anglais, traduit de l'anglais par Fanchita Gonzalez Battle, Mercure de France, 316 pages à attendre en poche ?
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : louis de bernières, excentriques, england
06/02/2011
La voie Marion
"Il n' y a pas plus solitaire que la lecture , et pourtant , quand on a aimé un livre, on meurt d'envie de le faire lire..."
Comment l'amour naît entre une libraire et un guide de montagne à Chamonix. Comment la lumière s'estompe peu à peu entre eux, jusqu'à ce que le passé leur réserve quelque chose de très spécial.
Sur une trame aussi ténue , Jean-Philippe Mégnin réussit un joli roman d'atmopshère qui abuse un peu des points de suspension mais qui , tout en douceur, nous peint une délicate dérive des sentiments.
La voie Marion, jean-Philippe Mégnin, le dilettante 2010, 158 pages.
Un billet (et des extraits) chez L'or des chambres.
L'avis de Véronique.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : jean-philippe mégnin, montagne beaucoup, librairie très peu