05/02/2011
Là haut tout est calme...en poche
"J'étais le deuxième choix, dis-je. C'était ça le pire."
Depuis que son frère jumeau est décédé dans un accident il y a 35 ans,Helmer van Wonderen a dû le remplacer à la ferme familiale. Mais vingt ans plus tard, brusquement Helmer décide de monter son père grabataire au premier étage et de réaménager la maison. première étape d'un changement de vie significatif qui s'annonce pour celui qui n'a , il l'avouera tardivement, jamais su trouver sa place une fois son frère mort.
Avec une grande économie de moyens Gerbrand Bakker peint avec délicatesse et poésie cette renaissance d'un homme qui jusqu'à présent n'a jamais appris à décider seul.
Ce personnage laconique sait néanmoins tisser avec les animaux et les êtres qui l'entourent de vrais relations et nous surprend sans cesse tant par sa violence feutrée que par sa volonté souterraine mais inébranlable d'avancer enfin. Un livre magnifique , lumineux, et qui accompagne longtemps le lecteur.
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04/02/2011
Loving Frank ...en poche
"Quelle perte cela aurait été de ne pas l'avoir rencontré ou de ne pas avoir connu son amour ! pensa Mamah."
Quand Mamah Borthwick Cheney quitte son mari et ses enfants pour vivre son amour avec l'architecte Frank Lloyd Wright, lui même marié et père de six enfants, c'est le scandale. La presse s'en donne à coeur joie et l'Amérique puritaine se repait de ces articles outranciers. La vérité est toute autre: les amants sont certes emportés par la passion mais aussi taraudés par la culpabilité. Le tout se terminera d'une manière tragique et brutale, presque invraisemblable.
Rien n'a beaucoup changé entre le début du XXème siècle et notre époque. la presse est toujours à l'affût des histoires d'amour lucratives et semble toujours prête à tout pour vendre ses feuilles de choux. Mais c'est surtout le portrait , tout en nuances, que brosse ici Nancy Horan dans cette fiction historique de Martha (dite Mamah) Borthwick Cheney qui a retenu toute mon attention. Trilingue dès la maternelle, ayant fait de solides études, ayant enseigné, dirigé une bibliothèque, cette femme disposait d'un potentiel et d'une personnalité que son mariage semble avoir complètement mis sous cloche. Pourtant comme le lui dira sa soeur "Tu avais tout. Un mari fantastique qui t'adorait, deux beaux enfants en bonne santé. La liberté. Aucun souci financier. Une gouvernante et une bonne. Tu n'avais pas besoin de travailler et Edwin n'exigeait jamais rien de toi. As-tu conscience de tout ce que tu as abandonné pour Fank Wright ? Le genre d'existence dont rêvent la plupart des femmes, y compris les féministes !".
Mais à vouloir vivre selon ses convictions , Mamah, en tant que femme et en tant que mère, devra payer le prix fort, car être la compagne d'un génie de l'architecture ne va pas sans contreparties négatives...
Un livre puissant , plein de vie, mais aussi très pessimiste...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : nancy horan
03/02/2011
La rivière noire
"Tout à coup, elle eut l'impression de se retrouver dans un univers étrange, glacé et terrifiant."
Un homme a été égorgé. Dans la poche de sa veste, des cachets de Rohypnol, la drogue du viol. Grâce à un châle retrouvé sur le lieu du crime, châle exhalant un drôle de parfum d'épices, l'adjointe d'Erlendur, Ellinborg , va mettre la main sur une jeune femme persuadée d'être la coupable, sans que rien ne vienne le prouver...
La société islandaise change, devient plus violente, se laisse "noyer dans de mauvaises habitudes importée de l'étranger" selon certains, mais les injustices n'existent-elles pas depuis toujours ?
Erlendur , comme toujours, porte un regard attentif sur la vie quotidienne de ses personnages et, par le biais de son héroïne confère à son enquête une dimension encore plus chaleureuse, plus humaine. La vie de famille d'Elinborg, ses soucis familiaux, le plaisir qu'elle prend à cuisiner, la relation avec ses enfants, les blogs, voilà de nombreux thèmes qui parlent au lecteur de toute nationalité et contrebalancent une enquête sur les violences sexuelles commises en quasi impunité...
Quelques traits d'humour viennent alléger quelque peu une atmosphère rendue encore plus sombre par l'absence du commissaire Erlendur. Un peu de frustration donc mais qui rend d'autant plus grande l'envie de lire le prochain roman d'Indridason...
La rivière noire, Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury, Métailié 2010, 300 pages à dévorer bien au chaud.
L'avis de Cuné.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : arnaldur indridason, islande
02/02/2011
Le bal des frelons
"Il y a toujours un truc, un ours ou autre chose, à cause de quoi ça foire ."
Quelle mouche a piqué ces paisibles villageois d'Ariège ? Les voilà pris d'une frénésie de sexe ou d'argent, s'agitant et vrombissant comme des frelons en furie. Chantage, menaces voire meurtres vont s'enchaîner dans une folle sarabande qui ne ménage pas le lecteur ! C'est à peine si entre deux courts chapitres ou alternent les points de vue des personnages ,on trouve encore le temps de faire une petite place à l'animal, frelon, ours ou hérisson qui chacun à leur façon traversent cette farce où les humains de tout poil en prennent pour leur grade. Le rythme est soutenu et ne faiblit jamais, les épisodes s'enchaînent avec une perfection remarquable, conférant ainsi une ossature solide à un propos nettement plus libre !
On est bien loin de l'écriture tenue et maîtrisée des derniers jours d'un homme. Pascal Dessaint se lâche et , sans oublier la noirceur, fait ici la part belle à la truculence et à la farce. Un récit qui file à toute allure, réservant de nombreux coups de théâtre au lecteur et peignant, parfois à grands traits, de savoureux portraits . L'excès est ici la norme , c'est le jeu, même si quelques bouffées de tendresse tentent de contrebalancer les turpitudes exposées.
Le bal des frelons, Pascal Dessaint, Rivages 2011, 206 pages roboratives .
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : pascal dessaint, abeilles, nature, farce
01/02/2011
Nous étions des êtres vivants
"On aime notre métier et notre métier ne nous aime plus."
Soulagement au sein d'un groupe de presse pour enfants: ils ont trouvé un acquéreur. Mais soulagement de courte durée car le repreneur, bientôt surnommé Gros porc, n' a que faire de leurs compétences, de leur humanité et ne recherche que le profit à court terme.
En trois étapes, commentées par un choeur, la tragédie ira crescendo, révélant les mesquineries banales , les cruautés ordinaires et les retournements de veste discrets au fur et à mesure que la peur s'installe.
Plusieurs personnages prendront aussi successivement la parole, révélant leurs faiblesses, leurs problèmes quotidiens ou moraux et cette plongée dans leur intimité permettra de nuancer leur comportement.
De rebondissements en coups fourrés, de coups de folie en désespoir, c'est toute une palette de sentiments qui nous les rend si proches et si désespérement humains dans une société où "Aujourd'hui, manoeuvrer, dénoncer, flatter, , faire preuve de cynisme et jouer les forts en thème suffit à accéder au rang de supérieur. Les compétences passent au second plan." ça ne change peut être rien de l'écrire mais ça fait du bien, car on se sent moins seuls , comme ne cesse de le répéter le choeur, comme pour mieux s'en convaincre.
Nous étions des êtres vivants, Nathalie Kuperman, Gallimard 2010, 203 pages pas si désespérantes que ça.
L'avis de Cuné,,Aifelle, Kathel, qui vous mènera vers plein d'autres.
Emprunté à la médiathèque.
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31/01/2011
B. a - Ba La vie sans savoir lire
"Ainsi donc l'année venait de basculer."
3 100 000 illettrés en France, trois millions de personnes de plus de 16 ans qui," bien qu'ayant été scolarisées ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de la vie quotidienne, et ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples". Plus, comme le souligne l'auteur, "tous les migrants qui travaillent sur les chantiers , dans les cuisines des restaurants ou dans les garages, mais ne savent pas lire leur feuille d'impôts. Pour cela , pas des statistiques mais un dispositif: Les ateliers sociolinguistiques". Et c'est dans un de ces ateliers que Bertrand Guillot, un peu par hasard (mais le hasard existe-til vraiment ? ) va se retrouver à apprendre à lire , sans aucune expérience , à Amah, Ibrahima, Ladi ou Cheikhou.
J'ai toujours trouvé fascinant ce passage, cette bascule, qui fait soudain qu'un apprenti lecteur sait tout à coup lire et la description du long chemin qu'ont parcouru ensemble le maître et ses élèves pour que ces derniers y parviennent se révèle tout à fait passionnant car plein d'embûches ,mais aussi plein d'humanité.
Les portraits de ces hommes et de ces femmes, qui ,malgré les difficultés de tous ordres, tant du côté des volontaires enseignants que des apprenants, se fixent un même objectif et se donnent les moyens d'y parvenir constitue un message plein d'espoir.
Pas de prêchi-prêcha mais un texte plein d'humour et d'empathie qui donne la pêche ! A découvrir de toute urgence !
Ba ba, la vie sans savoir lire, Bertrand Guillot, Editions rue Fromentin, 218 pages pleines de vie.
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29/01/2011
Histoire de l'oubli ...en poche
"Une inversion de la vie en plein milieu, comme une conclusion prématurée..."
Récit d'une histoire familiale marquée par une forme précoce de la maladie d'Alzheimer, L'histoire de l'oubli alterne les points de vue d'un grand-père et de son petit-fils qui ignorent tout l'un de l'autre.
N'ayant aucun goût pour les récits allégoriques, j'ai allègrement passé l'histoire d'Isidora, lieu mythique, légende familiale qui va rétablir le lien entre les membres de cette famille que la maladie et les secrets ont fait éclater.
Bardé de commentaires dithyrambiques, ce premier roman est certes un bon roman mais il ne confine pas au génie. J'y ai retrouvé une atmosphère déjà rencontrée dans d'autres romans américains et seul le thème de l'oubli m'a paru original. Le style est agréable et fluide.
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28/01/2011
Long week-end en poche
"C'est à cela que menait la liberté ? "
Qu'est-ce qu'une famille ? Est-ce cette femme, Adele, qui ne peut se résoudre qu'à de brèves incursions dans le monde extérieur et qui vit quasiment retranchée en compagnie de son fils de treize ans , Henry ? Fils qui s'efforce sans cesse de lui redonner le sourire . Est-ce cette famille recomposée qui s'efforce de correspondre aux clichés en vogue en s'imposant des rituels qui ne satisfont personne ? Où est-ce plutôt ce trio improbable constitué par ce preneur d'otages et ceux avec qui il s'est enfermé, Adele et Henry, en ce Long week-end du Labor Day ?
Rien ne se déroule comme prévu dans ce roman sobre, où le suspense tout autant que l'évolution des personnages se révèlent d'une efficacité redoutable . Toute mère d'un ado de 13 ans se devrait de lire ce très joli portrait d'un homme en devenir.
A noter que ce roman a bien failli ne jamais paraître, l'auteure ayant été mise au ban des maisons d'éditions américaines. Son erreur ? Avoir publié auparavant un roman où transparaissaient des echos de la vie pour le moins étrange qu'ellle avait menée en compagnie du romancier américain, Salinger. Il ne fait pas bon égratigner les mythes ...
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27/01/2011
Oeuf
Il a neuf ans, vient de perdre sa mère et vit chez sa grand-mère qui supporte tant bien que mal ses sautes d'humeur et son comportement bizarre.
Elle en a treize, possède une mère folledingue dont elle se passerait bien volontiers, dort dans un van très cosy, est très débrouillarde.
Forcément ils ne pouvaient que se rencontrer. Ce sera au cours d'une chasse à l'oeuf à laquelle ni l'un ni l'autre ne voulaient participer.
David et Primrose, de chamaillerie en chasse aux vers de nuit, apprennent à se connaître, à devenir amis et à surmonter, chacun à leur manière, les épreuves de la vie. Un roman chaleureux et loufoque, sensible et plein d'empathie. Une très jolie découverte.
Oeuf, Jerry Spinelli, traduit de l'anglais par Jérôme Lambert, Ecole des Loisirs 2011, 247 pages tendres.
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26/01/2011
Et devant moi, le monde
"à ses yeux, je suis quelqu'un à qui on a montré le chemin et qui s'en est délibérément détourné."
A dix-huit ans, Joyce Mainard écrit un long article qui fait d'elle la porte-parole de la jeunesse des années 70 aux Etats-Unis. Ce texte, et la photo qui l'accompagne, lui vaudront une lettre d'un certain J.D. Salinger. S'engage alors une correspondance qui débouchera bien évidemment sur une histoire de fascination et d'emprise entre la très jeune fille et cet écrivain charismatique de trente -cinq ans son aîné.
Quoi qu'en dise le bandeau accrocheur de l'éditeur "Dans l'intimité de Salinger", ce récit ne tourne pas seulement autour de cet épisode de la vie de Joyce Mainard.
C'est bien plutôt le récit d'une très jeune femme qui mettra énormément de temps à accorder sa vie (marquée par la honte et l'imperfection ) avec le récit édulcoré qu'elle en fait, en brave petit soldat désireux de plaire non seulement à ses parents mais aussi à tous ceux qui la liront. Mainard le reconnaît avec franchise, oui elle a été avide de reconnaissance et de succès, toutes choses qui ne pouvaient que déplaire à l'ascétique Salinger qu'elle a connu. S'il a été le premier à reconnaître en elle un écrivain, la leçon a été plutôt âpre à digérer car, placée sur un piédestal dans un premier temps, la chute n'en a été que plus rude pour Joyce.
Récit pudique mais sincère, Et devant moi, le monde, fait entendre la voix de celle qui s'est échinée pendant des années à écrire comme si quelqu'un regardait par dessus son épaule mais a enfin trouvé le courage d'admettre que non sa vie n'était pas parfaite et que oui elle avait le droit de mettre à mal le mythe Salinger. On pourra la trouver parfois naïve cette très jeune femme , mais jamais elle ne nous agacera et son histoire trouvera forcément de nombreux échos en nous.
Du même auteur , un roman, ici.
Et devant moi, le monde, Joyce Mainard, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pascale Haas, Philippe Rey 2011, 463 pages.
Merci à Babelio et aux éditions Philippe Rey.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : joyce maynard