26/03/2011
Sacrée kornebik
"J'aime les cornes, les biques et les cas."
Luce n'aime plus son prénom. Peut être sans se l'avouer ne supporte-t-elle plus surtout ses parents qui font assaut de perfection tant dans leur comportement (pas de disputes) que dans leur alimentation (bien équilibrée, fruits et légumes à volonté !). Bien sûr ils l'aiment mais un peu de folie ne peut nuire et si un jour un grand coup de vent souffle sur le marché où se rendent les parents de Luce, madame Kornebik, qui résout tous les problèmes y est sans doute pour quelque chose...
Un livre malicieux, plein de fraîcheur et d'humour, à lire aussi bien par les enfants qui commencent à lire tout seuls que par leurs parents...
Les illustrations , pleines de poésie, de Dorothée de Monfreid accentuent cette atmosphère magique.
Sacrée Kornebik, Nathalie Kuperman, Mouche de l' Ecole des Loisirs 2011
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nathalie kuperman
25/03/2011
Les lieux sombres...en poche
"J'ai le bourdon depuis 24 ans."
Unique survivante de la partie féminine de sa famille, Libby, qui se dépeint comme "l'adorable gamine qui avait traîné son adorateur de Satan de frère devant la justice." 24 ans donc qu'elle a le bourdon et un bourdon de plus en plus agressif car, après avoir tiré partie pendant des années de l'intérêt du public pour son cas, elle se retrouve sans argent et sans situation, petite Shirley Temple qui n'aurait pas dû grandir, concurrencée par d'autres victimes plus jeunes et plus charmantes qu'elle.
C'est donc plus par intéret financier que par réelle motivation qu'elle va accepter l'offre d'un groupe de gens persuadés que son frère, Ben, est innocent, de recontrer des témoins du passé.
Kleptomane, oscillant entre "la surprotection" et "l'imprudence extrême", Libby n' a au départ rien de sympathique et c'est tant mieux. Ceci nous évite nombre de clichés et donne de l'énergie au récit.
Alternant passé et présent, celui-ci nous entraîne tout à la fois sur la trace de présumés adorateurs de Satan, mais aussi dans la vie d'une famille de fermiers pauvres qui essaient tant bien que mal de maintenir la tête hors de l'eau.
Dès le début j'ai été scotchée par ce roman qui allie une intrigue solide-même si, c'est vrai, Libby retrouve un peu trop facilement les bonnes personnes, et des personnages complexes, bien campés et fouillés.
Il y avait longtemps que je n'avais lu un roman aussi palpitant !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (16)
24/03/2011
Une lointaine Arcadie
"Les animaux sont la représentation de mon enfance."
Fi de la ville, de sa librairie ! Matthieu, quitté par sa femme, se réfugie au fin fond de la Creuse. Là, il deviendra une sorte d'ermite, espérant faire l'économie du désir, ne vivant qu'en compagnie des animaux qui l'entoure et en particulier d'une vache.
Mais bien évidemment, l'arrivée d'un couple de randonneurs va tout remettre en question.
Si j'ai beaucoup aimé la description de cette vie quasi monacale et la place faite aux animaux dans la mythologie toute personnelle de l'auteur, les références -jamais pesantes mais parfaitement intégrées- aux textes antiques, la conclusion m'a laissée quelque peu perplexe. Mais je vais la ruminer et remâcher en bonne vache que je suis !
L'avis plus enthousiaste de Dominique.
Sur le thème de la solitude, je vous conseille bien évidemment le roman Julius Winsome mais aussi le document Femmes retirées loin des villes. (pas de billet).
Une lointaine Arcadie, Jean-Marie Chevrier, Albin Michel , 2011 ,218 pages hérissées de marque-pages.
Ps: rencontré au Salon du livre de Paris, l'auteur, très sympa, m'a confié qu'une classe, dérangée par la fin avait participé à un atelier d'écriture pour la modifier !:)
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jean-marie chevrier
23/03/2011
Série grise
"Mourir, soit, mais pas étouffé par la connerie."
Le narrateur, vieil atrabilaire lettré, a choisi ,de son plein gré, d'entrer dans une maison de retraite , la bien nommée Mathusalem, le lendemain de son septantième anniversaire.
Mais s'il a donné quasiment tous ses livres , il n'a pas abandonné pour autant sa curiosité et la volonté d'exercer son regard, jetant un oeil intéressé tout à la fois sur la vieillesse en oeuvre sur son corps et sur ses contemporains. La langue, riche et précise, contraste ainsi avec les descriptions très charnelles et très maîtrisées .
L'irrévérence de ce vieux facétieux parviendra-t-elle à endiguer la mollesse engluant l'espace dans lequel on voudrait confiner les personnes âgées ?
Un livre revigorant qui offre une description caustique de la vie,ou de ce à quoi on veut la réduire, dans les maisons de retraite.
Amanda a aussi été séduite.
Série grise, Claire Huynen, Cherche-midi 2011, 109 pages impertinentes en diable ! Y a plus de vieillesse !
06:00 Publié dans Roman belge | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : claire huynen
22/03/2011
Le sac, un petit monde d'amour
Quoi de plus intime qu'un sac (de fille ) ? Et pourtant, cédant à l'appel du sociologue Jean-Claude Kaufmann, nombreuses sont celles qui ont accepté de lui détailler le contenu du leur. S'appuyant sur ces témoignages mais aussi sur des extraits de romans ou de blogs, l'auteur se penche avec beaucoup d'empathie sur ces inventaires que Vialatte,* en son temps avait si bien résumé :
La femme : « C’est par le sac à main qu’elle se distingue de l’homme. Il contient de tout, plus un bas de rechange, des ballerines pour conduire, un parapluie Tom Pouce, le noir, le rouge, le vert et la poudre compacte, une petite lampe pour fouiller dans le sac, des choses qui brillent parce qu’elles sont dorées, un capuchon en plastique transparent et la lettre qu’on cherchait partout depuis trois semaines. Il y a aussi, sous un mouchoir, une grosse paire de souliers de montagne. On ne s’expliquerait pas autrement la dimension des sacs à main. »
Suivant les âges de la vie, les sacs grossissent ou s'allègent et rares sont les femmes à ne pas céder à l'appel du sac ou à ne pas sacrifier à la recherche du sac parfait, ni trop grand , ni trop petit... Ils constituent des mondes peut être pas aussi mystérieux que les hommes pourraient bien le croire.
Des redites parfois mais surtout beaucoup de sympathie et aussi d'émotion quand Jean-Claude Kaufmann évoque à la fin de son étude ces vieilles dames qui s'accrochent à leur sac à main ou la souffrance éprouvée par les femmes à qui on l' arrachait à leur arrivée à Auschwitz. Car le sac n'est en rien futile, il "est au coeur de l'être et [...] on le saisit surtout au moment d'affronter le néant.
* Non cité ! Un oubli sans doute !
Le sac, un petit monde d'amour, Jean-Claude Kaufmann, Jean-Claude Lattès 2011, 236 pages qui se dévorent d'une traite.
06:04 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : jean-claude kaufmann
21/03/2011
Chère Madame ...ou le salon du Livre 2011
En vrac et en vitesse, avant que les souvenirs ne s'estompent quelques instantanés du Salon du Livre où j'ai flané quelques heures dimanche (j'aurais dû m'équiper d'un podomètre, tiens !)
*Rencontre au débotté avec Jean-Marie Chevrier qui dépérissait à vue d'oeil sur une banquette orange et qui s'est animé en quelques secondes quand j'ai pris langue avec lui pour évoquer son dernier roman, Une lointaine Arcadie (dont je parlerai bientôt). Comme c'est un homme charmant, il ne s'est même pas offusqué de mes réserves (souriantes) quant à la fin de son roman.
* J'ai croisé dans un tout autre genre, un auteur aux yeux d'un bleu hypnotique qui "confessait" une lectrice visiblement en transe , c'était Nicolas Fargue. Vision étrange...
*J'ai rencontré Angélique Villeneuve (ça c'était prévu) et comme elle est très sympathique et pleine d'humour elle a su venir à bout de ma maudite timidité et ne pas se vexer d'une quinte de toux inextinguible qui m'a valu une disparition momentanée. Merci Angélique !
*J'ai frôlé Katherine Pancol qui se rendait en toute discrétion , lunettes noires sur le nez, à sa séance de dédicace. Je suis repassée plusieurs fois devant son stand et imperturbablement Katherine signait mais il faut bien avouer qu' à la fin du marathon, le sourire était plutôt en berne.
*Grâce à Hélène, j'avais noté l'heure de la séance de dédicace d'Audur Ava Olafsdottir, préparant dans mon anglais plus que rouillé des phrases maladroites pour lui dire le plaisir de lecture que m'avait procuré son roman magique, Rosa candida. Et là , autre miracle, Audur Ava parle un excellent français. J'avais un peu honte de mon bouquin tout corné et abîmé mais elle a été ravie. Cette femme est aussi lumineuse que son roman ! Bonne nouvelle, un autre roman est en train d'être tapé , yessss !
* Croisé par hasard Leslie Bedos qui est pleine de charme, de gentillesse et à qui on a tout de suite envie de faire la bise !
*Dans le coin beaucoup plus tranquille où étaient relégués les plus petits éditeurs, j'ai déniché un livre de poésie Chez Soc et Foc.
A part ça, j'ai croisé Corto Maltese qui déambulait lentement pour que chacun puisse bien l'admirer, des jumeaux venus de l'espace qui provoquaient des regards tantôt amusés, tantôt effrayés, des auteurs qui ignoraient ostensiblement leurs voisins plus malchanceux,le stylo au repos, des auteures qui se rengorgaient et gonflaient le jabot dès que pointait une caméra, des écrivains déguisés en notaire, le poil bien lisse et la cravate austère, un trio improbable sur une même podium: un écrivain hagard entre un linguiste chouchou et un journaliste rapido, même pas capable d'aller dire un mot à Rufo ou à Cyrulnik, la honte !
Sans oublier des rencontres très sympathiques avec des attachées de presse, se rendant disponibles malgré la foule, des kilomètres légers, même pas mal aux pieds, et le plein de souvenirs fugaces et colorés, un régal !
19:34 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : name dropping
Louisa et Clem
"Les choses les plus étranges me consolent."
Deux soeurs, qui se déchirent d'abord (histoire de rivalités sourdes) et dont la relation, au fil du temps, entre 1980 et 2005, va évoluer.
Une trame on ne peut plus classique, qui pourrait ronronner, mais Julia Glass a le chic pour peindre des personnages aux multiples facettes, hauts en couleurs- si Louisa est plus artiste, Clem, la cadette est plus casse-cou et engagée dans la protection de la nature - et les personnages secondaires ne sont pas négligés pour autant. Ainsi la mère des deux héroïnes élève-t-elle des chiens de chasse à courre (mais rassurez-vous où le renard est juste remplacé par une trace olfactive), ce qui est plein de panache mais aussi très décalé aux Etats-Unis !
Julia Glass ne laisse pas non plus le récit s'embourber et les péripéties ne cessent de relancer l'action juste au moment où le lecteur aurait pu relâcher son attention. Commencé de manière assez guillerette avec la rencontre d'une vieille tante excentrique qui se révèlera plus complexe que le stéréotype qu'elle semble incarner,le récit, au fil du temps, adoptera des tonalités tour à tour cocasse et dramatique.
On s'attache sans réserve à ces deux soeurs, à leurs amours, à leurs épreuves, et si le revirement final m'a tout d'abord laissée songeuse, après réflexion il est on ne peut plus approprié: commencé par la révélation d'un secret, le recit se boucle par un autre secret , bien plus profond.
Louisa et Clem, Julia Glass, Editions des deux terres 2011, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Anne Damour, 427 pages riches (et très souvent cornées).
Lu dans le cadre de Babelio que je remercie ainsi que les Editions des Deux Terres.
06:01 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : julia glass
20/03/2011
Refaire le monde...en poche
Les trajectoires professionnelles de Greenie, pâtissière émérite, et celle de son mari, thérapeute à Greenwich village, suivent des trajectoires tout à fait opposées: plus la clientèle de la pâtissière augmente, plus celle de son mari diminue...Le sentant s'enliser dans une mélancolie incompréhensible, la jeune femme va accepter une offre de travail pour le gouverneur du Nouveau-Mexique et partir à l'autre bout du pays avec son jeune fils George.
Ce départ va alors déclencher toute une série d'événements incontrôlables.Centré autour de la crise de ce couple, Refaire le monde présente toute une galerie de personnages pittoresques qui, comme dans le précédent roman de Julia Glass (billet ici) vont se croiser, se rencontrer et former ainsi une constellation des plus sympathiques. Il y a là Walter, l'ange gardien de Greenie , ses amours malheureuses, son bouledogue Le Bruce et son neveu Scott, musicien à ses heures, mais aussi Saga une jeune fille qui souffre de la perte de sa mémoire et toute une kyrielle de second rôles tout aussi attachants, dont un amoureux qui offre des briques ! On y retrouve aussi , dans un rôle moins central, le libraire Fenno et son oiseau pittoresque.
Julia Glass s'attache à chacun d'eux (et nous avec elle) et les fait évoluer sous son regard bienveillant, sachant dénicher en chacun d'eux l'étincelle qui le fera échapper au cliché (et Dieu sait que cela aurait été facile en particulier avec le Gouverneur haut en couleurs !).
Elle peint aussi , avec sensibilté ,un monde qui connaît une mutation brutale, choisissant pour cela d'évacuer tout pathos et se concentrant sur la vie quotidienne des gens et leurs émotions.
Comme Walter et Greenie, à la fin de ces 700 pages qu'il faut prendre le temps de savourer, le lecteur peut à son tour déclarer : "...Ils ont passé tant d'heures au téléphone, partagé tant d'émotions, de bouleversements, les meilleurs comme les pires, qu'ils sont à présents liés par une incomparable connivence."
Un livre choral réconfortant.
Du même auteur , également sorti en poche, Jours de juin
Pas de coups de théâtres fracassants, tout est feutré dans Jours de juin de Julia Glass. Ce roman se divise en trois étés qui vont bouleverser la vie d'une famille écossaise.Des décès vont entraîner des réajustements entre les personnages, réajustement des places de chacun au sein de la famille et aussi de la vision , forcément parcellaire et myope, que chacun a des autres.
Ce très beau texte aurait aussi pu reprendre le titre de Sylvie Doizelet Chercher sa demeure car chacun dans le roman de julia Glass peine à trouver le pays (Ecosse, Grèce, Etats-Unis, France) qui lui donnera la sérénité.
Si vous aimez l'atmosphère des vielles demeures écossaises, les chiens de berger, la musique et les livres,vous trouverez votre bonheur dans ce livre qui n'est ni triste ni mélancolique. On y trouve même des pointes d'humour quasiment anglais .
Julia Glass est américaine mais elle mériterait presque qu'on lui accorde l'étiquette de romancière anglaise, c'est dire si j'ai aimé...
Et demain un billet sur le dernier roman juste sorti de Julia Glass !
Fan, moi ? :)
06:02 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : julia glass
19/03/2011
La poussette
"Mais comme j'étais calme, ça ne m'a trop rien fait."
Le monde de la narratrice bascule une première fois à cause d'une poussette.Une seconde fois à cause de balles de golf. Dans les deux cas, elle se raccrochera aux discours techniques concernant ces deux domaines, une manière de tenter de maîtriser une réalité qui lui échappe de plus en plus...
Touché au coeur au tout début du roman, le lecteur entre alors de plain pied dans un univers singulier, à la fois étrange et familier, une écriture qui dit avec une grande économie de moyens la souffrance sans pathos, mais d'une manière aiguë. On assiste, impuissants, à cette spirale inéluctable et on sort de ces 106 pages le souffle court. Magistral.
Un récit dont il ne faut surtout pas trop révéler le contenu, sous peine de lui enlever de sa puissance.
La poussette, Dominique de Rivaz, Buchet-Chastel, 2011, 106 pages troublantes.
06:05 Publié dans romans suisses | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : dominique de rivaz
18/03/2011
L'heure trouble...en poche
L'heure trouble c'est l'heure juste avant la tombée de la nuit, l'heure à laquelle un enfant disparaît dans le brouillard épais d'une petite île de la Baltique. Vingt ans plus tard, alors que la mère de l'enfant navigue entre alcool et petites pilules, le grand-père maternel reçoit par la poste une des chaussures de son petit-fils...
Alternant passé et présent, point de vue du grand-père qui , avec ses vieux amis, anciens marins comme lui, va malgré ses difficultés motrices, relancer l'enquête, point de vue de la mère qui va , petit à petit ,accepter l'inacceptable, Johan Theorin tisse ici un roman original et passionnant. Impossible de lâcher les personnages, frustrés que nous sommes de ces retours dans le passé qui vont, petit à petit, dissiper le brouillard et mettre en place les pièces du puzzle d'une tragédie qui n'aurait jamais dû exister si...
De beaux portraits psychologiques aussi et un éloge de la lenteur à ne pas négliger "Je ne fais pas l'intéressant, dit-il. Je pense seulement qu'il vaut mieux raconter les histoires à son propre rythme. Autrefois, on prenait son temps, maintenant il faut que tout aille si vite." Dont acte.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6)