05/12/2011
Into the wild
"Il m'a dit que c'était quelque chose qu'il avait envie de faire depuis qu'il était petit. Il ne voulait voir personne, pas d'avions, rien qui rappelle la civilisation. Il voulait se prouver à lui même qu'il pouvait se débrouiller tout seul, sans l'aide de personne."
Son diplôme de fac en poche, Chris McCandless part deux ans en vadrouille, sans plus donner de nouvelles à sa famille. La découverte de son cadavre dans un vieux bus en Alaska en 1992 va attirer l'attention de la presse aux Etats-unis et en particulier de Jon Krakauer qui va mener l'enquête et reconstituer le périple de ce jeune homme de 24 ans qui voulait vivre seul, Into the Wild.
La vision en famille du DVD du film de Sean Penn avait sucité bien des interrogations et affronté des opinions très contradictoires et tranchées, chacun réagissant de manière fort émotionnelle à ce parcours atypique et fascinant d'un jeune homme qui voulait "marcher dans une terre vierge, découvrir un point blanc sur la carte. Mais en 1992, il n'y avait plus de points blancs sur la carte, ni en Alaska, ni ailleurs Alors Chris, avec sa logique particulière , trouva une solution élégante, il supprima la carte tout simplement."
Emaillée de citations de textes lus par son héros, ou se référant à une tradition particulièrement prisée aux Etats-Unis de l'ermite dans la nature, Jon Krakauer propose ici une réflexion argumentée et pleine d'empathie sur une démarche qui a sucité la contreverse. Loin des opinions à l'emporte-pièce, il nous offre une réflexion nuancée et passionnante qui éclaire le film sous un nouveau jour. On regrettera juste que Chris McCandless se soit contenté de quelques notes laconiques sur les dernières pages blanches de son livre de botanique, mais on n'oubliera pas de sitôt une telle aventure humaine.
Into the Wild, Voyage au bout de la solitude, Jon Krakauer, traduit de l'anglais (E-U) par Christian Molinier, Presses d ela cité 245 pages passionnantes, bruissantes de marque-page !10/18.
DVD et livre dénichés à la médiathèque.
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : jon krakauer, chris maccandless
03/12/2011
Au Nord du monde
"Ce à quoi nul ne s'attend, c'est à assister à la fin de toutes chose."
Dans le monde où évolue le shériff Makepeace," les ressources vitales sont devenues très rares." Nous sommes Au Nord du monde, dans un univers glacial , silencieux et quasiment vide. Makepeace, sous la foi d'un témoignage de civilisation, va quitter sa ville fantôme et entamer une odyssée pour aller à la rencontre d'humains mais aussi pour célébrer la beauté de la nature. Un voyage initiatique qui lui permettra aussi d'éclairer son existence sous un nouveau jour.
Il aura fallu toute l'insistance amicale de Keisha pour que je me lance dans la lecture de ce roman que je croyais - à tort- être un récit post apocalyptique. Ce livre est une pure merveille. Je l'ai savouré à petits pas, refusant jusqu'à la lecture du dernier chapitre pour ne pas quitter Makepiece. Les métaphores de Marcel Theroux, son art de surprendre le lecteur au détour d'une page, sans pour autant faire le malin, l'évolution et les aventures de Makepiece, tenant à la fois du western et du roman d'aventures, ponctué de quelques minuscules détails l'inscrivant dans l'anticipation ,font de ce roman un pur enchantement.
Si vous aimez le grand Nord, les récits de survie , la nature sauvage, ce livre est aussi pour vous. Une réflexion passionnante sur les relations humaines et sur un monde qui pourrait déjà presque être le notre. Jamais en lisant ce texte je n'ai éprouvé une sensation d'artifice, tout coule simplement, inexorablement.
Un livre qui a reçu -et à juste titre- le prix de l'Inaperçu 2011, "prix qui récompense deux romans, un français et un étranger- qui ont injustement échappé aux médias".( Je sens que je vais surveiller de près ce prix !)
Au Nord du monde, Marcel Theroux, traduit de l'anglais par Stéphane Roques, 10/18 2011, 348 pages toutes bruissantes de marque-pages, allez , zou sur l'étagère des indispensables !
L'avis de Keisha, qui vous enverra vers plein d'autres !
07:04 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : marcel theroux
02/12/2011
Pour les fans...
"24 H avec..." Un certain David F. auteur de La délicatesse.
Dans le Elle qui sort aujourd'hui...
06:03 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (5)
01/12/2011
L'homme qui valait trente cinq milliards
"Avec un type qui a trahi toutes ses promesses, on se sent moins obligé de respecter sa propre parole."
Bienvenue dans la région de Liège (Belgique) où les hauts-fourneaux cesseront bientôt de fumer, comme partout en Europe.Là un artiste un peu raté décide , pour redonner leur dignité aux ouvriers licenciés, d'enlever Laskmi Mittal pour un happening politique qui revisitera de grandes oeuvres abstraites. Mais bien évidemment, la machine s'emballe et Richard ne maîtrise plus grand chose...
C'est à un grand jeu de massacre que nous convie Nicolas Ancion qui tire à boulets rouges aussi bien sur l'aspect inhumain de l'économie que sur les syndicalistes magouilleurs. Il garde pourtant une grande tendresse pour les gens simples dont, en filigrane, il peint la vie, bousculée par les remous de l'économie mondiale. Les péripéties se succédent, les fils se nouent et se dénouent avec un enthousiasme contagieux ! On aurait même envie de voir à l'écran les aventures de ces bras-cassés belges ,mi-Robin des bois mi-Duchamp.
Un roman iconoclaste qui cavale à toute allure !
L'homme qui valait trente cinq milliards, Nicolas Ancion, Pocket 2011, 283 pages bourrées d'énergie !
Merci à News Book et à Pocket.
06:00 Publié dans Roman belge | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : nicolas ancion, tiens ça tombe bien c'est la st eloi !
29/11/2011
Vie et opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe
"Elle rétrécit le collier de plusieurs crans.Puis elle me l'attacha autour du cou avec toute la pompe que les Anglais réservent aux petit moments d'émotion et je fus aussitôt content d'en connaître l'histoire."
Un petit bichon blanc anglais, trimballé de maison en maison lettrées , où il glane opinions politiques et références littéraires, finit par traverser l'Atlantique et être offert par Sinatra à Marilyn Monroe. Cette dernière le baptisera Mafia Honey, abrégé en Maf ,et lui fera partager les deux dernières années de sa vie.
Maf discute avec les animaux dont il croise la route et commente intérieurement les propos que les humains échangent autour de lui, se piquant de philosophie ou de psychanalyse. Quelques scènes fortes, -la rencontre Marilyn/ Carson Mac Cullers ou Marilyn /JFK- ne parviennent pas à donner de l'intensite à une narration paresseuse. Un style élégant mais un peu creux.
Vie et opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe, Andrew O'Hagan, traduit de l'anglais par Cécile Deniard, Points Seuil 2011, 344 pages.
J'étais resté totalement hermétique à La vie et opinions de Tristram Shandy, la malédiction continue .
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : andrew o hagan, marilyn monroe, chien
28/11/2011
Les voies perdues
"C'est au nord de nulle part."
On le connaît pour ses polars noirs, voire très noirs, son amour de la nature , mais ce qui pointait parfois au détour d'une phrase, se montre ici plus en lumière: la poésie. Cette manière de prêter attention aux détails, aux matières, aux textures, à l'ombre, à la lumière, à l'indicible, qui se laisse parfois capturer.
Cette poésie que l'on trouve aussi dans les photos de Philippe Matsas, en noir et blanc pour signifier le deuil d'une région parcourue par des voies ferrées désaffectées, qui disent les trains d'autrefois, et les actuelles "friches humaines, industrielles ou ferroviaires" qui provoquent "le souvenir ou la mélancolie."
Des hommes , il en sera peu question, et dans les textes et dans les photos, seules demeurent des silhouettes en contre jour , un homme comme démantibulé, une femme et ses enfants regardant au loin ou des traces maladroites d'un amour tagué.
Les lignes géométriques , structurent un espace où le ciel a la part belle, un ciel torturé et changeant, le cile du Nord, quoi !Mais ce sont plus particulièrement les photographies rasant le sol, capturant la grêle de plantes sèches comme des flèches qui semble s'être abattue sur les rails pour mieux les brouiller, les effacer, qui ont retenu toute mon attention. Ce sol qui, sur un autre page "ressemble à une vieille peau tannée, comme celle d'une peau d'hippopotame."Nous retrouvons ici comme un écho de l'univers décrit dans Les derniers jours d'un homme, une manière de mettre en scène un monde où l'homme est réduit à la portion congrue car le travail a disparu. Restent les cicatrices, les ferrures rouillées, les rails déglingués, les bouleaux qui les enjambent sans vergogne, tout un paysage mélancolique où le voyage n'est plus qu'un souvenir, une trace qui s'efface déjà.
Les voies perdues, Pascal Dessaint, Philippe Matsas, Editiosn Après La lune 2011, à laisser traîner mine de rien sur la table du salon pour le feuilleter et se laisser captiver.
06:00 Publié dans Photographies | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pascal dessaint, philippe matsas
27/11/2011
Séparée , Vivre l'expérience de la rupture
"On ignore si les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus , on sait seulement qu'ils continuent de vivre dans des mondes où le souci de l'autre n'occupe pas la même place." (C'est un homme qui l'écrit !)
Il aura fallu bien des affrontements pour que le divorce soit instauré en France Une des plus ferventes divorciaires (qui défendent le divorce)au XIX ème siècle est George Sand et les aspirations de l'auteure d'Indiana préfigurent déjà certaines revendication contemporaines :"Je veux le bonheur! j'y ai droit, je le mérite, je le veux...Malgré toi, société infâme, malgré toi et tes décrets, je serai heureuse; je veux l'être et je le serai."
Est-ce pour cela que trois quarts des séparations et des divorces sont demandés par les femmes ? Quelles sont les attentes des femmes par rapport au couple ? Quels sont les types de couples et surtout quels sont les principaux motifs des séparations, voici les principales questions que s'est posé le sociologue François de Singly.
Se fondant sur des entretiens* , rapportés de manières très vivante, mais aussi sur un corpus d'oeuvres littéraires ou cinématographiques, il apporte ainsi un éclairage structuré et imagé , sans jamais jargonner, sur un phénomène qui nous touche toutes, de manière directe ou indirecte. Chacune de nous se reconnaîtra, elle ou ses amies dans ces cheminements qui sont ici débroussaillés et envisagés "à froid" avec une lucidité épatante.
Comprendre le fonctionnement des couples et la manière différente dont les hommes et les femmes l'envisagent m'a tout simplement enthousiasmée et j'ai collé à toute allure plein de marque-page sur ces 222 pages que j'ai dévoré à toute allure !
Seul petit bémol, l'auteur a relégué en note de bas de page une conséquence à mon avis très importante : du point de vue économique, le risque de pauvreté (ou du moins de diminution du pouvoir d'achat) pour les fmemes qui constituent l'essentiel des familles monoparentales.
Séparée, Vivre l'expérience de la rupture, François de Singly, Armand colin 2011.
* Je les ai trouvée courageuses et clairvoyantes , ces femmes !
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, très utiles! | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : françois de singly, se séparer, se retrouver soi même
25/11/2011
J'aime être gourmande
"Arrière les épices coup de cymbales, l'alcool grosse caisse , la sauce jazz ! Arrière la goinfrerie, la gloutonnerie et autre intempérances ! Cachez-vous de même régimes !"
Quel plaisir de retrouver la langue drue, charnelle, roborative de Colette !
D'entrée de jeu Guy Martin nous fait saliver en imaginant le menu qu'il aurait élaboré pour cette "gourmande de la vie." Gérard Bonal et Frédéric Maget nous précisent ensuite que les 13 textes ici rassemblés ont été sélectionnés parmi les articles que l'auteure des Claudine avait rédigé pour le magazine Marie-Claire, des textes où elle s'adresse en toute camaraderie aux lectrices et ce dans une période troublée (les textes vont du 27 janvier 1939 au 24 mai 1940).
Très éclectique, Colette nous livre la recette du café au lait de concierge, se régale (et nous avec elle) à énumérer les plats dont elle fait son ordinaire, parle "du haut de [ses] soixante ans" de l'amour et de sa durée, promettant , la coquine, " certaines surprises dont nous ne devons rien laisser savoir, sinon qu'elles mettent parfois sur un visage et dans des regards de femme mûre, l'éclat triomphant qui illumine les jeunes épouses..."
Les chats sont bien sûr au rendez-vous- un texte tout en délicatesse et émotion- mais Colette célèbre tout autant les quartiers de Paris qui sont autant de provinces, le courage des femmes qui ont remplacé un peu partout les hommes partis au front ou la nécessité de conserver un décor agréable, un peu de frivolité dans ces temps difficiles. Elle se penche également sur les enfants, célébrant leurs capacités remarquables, ce qui ne manque pas d'étonner quand on connaît la relation perturbée qu'elle entretint avec sa propre fille... C'est parfois inégal, le premier article qui donne sont titre au recueil est une pure merveille et donne aussitôt envie de se replonger, pour prolonger la dégustation, dans Colette gourmande (une très jolie idée de cadeau) !
J'aime être gourmande, L'Herne 2011, 96 pages. 9.50 euros, un peu chérot quand même...
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : colette, marie-claire, guy martin
24/11/2011
Il était une fois dans l'Est
"Inutile de faire le test, je suis forcément séropositive aux anticorps du soviétisme."
Pas de chance ! "Jamais on ne me remettrait le foulard, jamais je ne revêtirais l'uniforme.
Jamais je ne fus tant déçue."Le foulard c'est celui des pionniers , organisation complémentaire à l'école en Allemagne de l'Est et si Anna connaît une telle déception c'est qu'entre temps le mur de Berlin est tombé. Plus de RDA, plus de foulard des pionniers.
Cette petite fille qui avait 7 ans en 1989 et vivait en RDA, nous livre ici ses souvenirs d'une vie qu'elle jugeait tout à fait normale, à quelques détails près, faute de références extérieures.Ce quotidien, vu à travers les yeux d'une enfant, nous apparaît plein de fraîcheur mais fait aussi froid dans le dos. L'enfant devenue adulte comprend en effet rétrospectivement que sa mère lui a sauvé la vie en refusant, arguant d'un eczéma fort opportun, qu'elle devienne une nageuse de compétition. Quelques détails comme le fait que les gens n'osaient pas entrer dans l'isoloir pour voter (l'abstention ou le vote blanc étant fort mal vus), ou que les serrures étaient quasiment identiques , rendent ce texte particulièremement vivant et marquant.
Pas de vision manichéiste pour autant , Anna mettra près d'un an à s'adapter à sa nouvelle vie à L'ouest et cherche à tout prix à préserver une vision équitable de sa jeunesse : "Mon enfance n'était pas moche...Je ne veux pas l'oublier...mais je voudrais me souvenir d'autre chose que ces images communes à tous les petits de l'Est. Je ne peux pas. Le communisme, c'est peut être ça aussi . La mise en commun de tous nos biens..." Une définition accablante. Mais l'humour et la fraîcheur du récit allègent beaucoup l'atmosphère de ce texte. à découvrir sans plus attendre.
"Audren s'est inspirée des souvenirs d'enfance d'Anke, son amie allemande, pour écrire cette histoire." (extrait de la 4 ème de couv'.)
Il était une fois dans l'Est, Audren, Ecole des loisirs 2011, Collection médium, 109 pages marquantes.
06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : allemagne de l'est, enfance
22/11/2011
Les vieilles
"Une moto pareille, il y a encore un arbre qui va morfler dans pas longtemps !"
Fi des Bonnes-mamans et des mamies gâteaux, Les Vieilles de Pascale Gautier sont tout sauf gentilles, et c'est tant mieux !
Leur univers est presque entièrement féminin, (leurs hommes sont morts ou enfuis depuis longtemps) à l'exception du prêtre qui officie devenant quelques ouailles chevrotantes, du boucher qui voit tomber de drôles de choses devant sa boutique, du "jeune vieux" qui prépare le marathon de Londres et joue le coq du village, sans oublier Kevin l'employé des pompes funèbres (et l'un des rares jeunes à être resté au Trou (le nom de la ville où tout ce petit monde réside). Kevin qui adore qui les adore ses vieilles. "Les vieilles , c'est ce qu'il y a de plus beau au monde. Leurs corps fripés, leurs visages ravagés, leurs yeux qui n'y voient goutte, leurs oreilles qui n'entendent rien. Les vieilles sont émouvantes.La vie les a malaxées triturées brisées. Elles portent l'empreinte de la mort.Elles sont déjà de l'autre côté et se raccrochent à ce qu'elles peuvent.C'est pour cela qu'elles sont si souvent insupportables."
Pascale Gautier nous les présente, chacune leur tour, dans un carrousel grinçant, sur fond de ritournelles de phrases toutes faites ou volontairement emphatiques qui viennent souligner que ces vies enfin de course tournent à vide, la plupart de ces vieilles ayant renoncé à évoluer, mais continuant néanmoins à "balancer" sur leur famille, à s'accrocher au peu d'indépendance qui leur reste. Le Trou et ses 365 jours de soleil de soleil pourrait être le paradis, il n'est que l'antichambre de la mort, l'endroit aseptisé où viennent s'échouer les vies qui n'en demandaient pourtant pas beaucoup. C'est caustique, d'un humour noir hautement réjouissant et ça balaie tous les poncifs politiquement corrects sur les vieilles !
Les vieilles, Pascale Gautier, folio 2011, 215 pages pleines d'une tendresse rugueuse!
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : pascale gautier