17/01/2012
Le calme retrouvé
" J'ai imaginé le premier grand massacre dans une retraite de méditation: "L'agresseur était un homme d'une cinquantaine d'années connu pour sa quête de paix intérieure. La raison pour laquelle il était venu au monastère armé d' une kalachnikov n'a pas été éclaircie.""
Difficile en effet pour Tim Parks de se débarrasser de son humour noir , de sa colère, bref d'accéder sans regimber à la méditation ! Comment ce romancier anglais installé en Italie où il a fondé une famille et enseigne l'art de la traduction à l'université en est-il arrivé à pratiquer la méditation et à changer sa manière d'appréhender la vie ? C'est la douleur qui, par tâtonnements successifs, l'a mené là .Une douleur dont il parle avec beaucoup de vérité, tout comme il décrit de manière la plus précise possible les effets que produisent sur lui la relaxation et la méditation.Le lisant,j'ai repensé aux descriptions de Jan Willem van de Wetering de ses séances dans un monastère où il était arrivé par des chemins bien différents de ceux de Tim Parks.
le début du récit est un peu lent mais la réflexion ne tombe jamais dans le prosélytisme ni l'idéalisation (voir la description sans concessions du deuxième gourou), mais la réflexion est toujours aiguë, sans complaisance et formidablement prenante. Un récit de vie tout hérissé de marque-pages !
Merci Cuné pour cette découverte !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : tim parks, douleur, méditation
16/01/2012
Blanche étincelle
"Vivre va prendre tout mon temps."
En 2009, dans La patience de Mauricette nous avions fait la connaissance de cette femme extra-ordinaire, marquée par la souffrance ,mais qui avait trouvé refuge dans les mots et la poésie.
Blanche étincelle nous propose ici son journal ,sans dates, d'une année de reconstruction. Mauricette a déménagé et, à la faveur d'une rencontre un peu magique dans une librairie va ,petit à petit, se lier d'amitié avec Blanche.
Blanche, qui va lui offrir en partage la musique, des expositions artistiques, mais aussi sa famille et ses propres liens avec la mort. De crêpes partagées en balades à travers la région, "Nous avançons dans l'hiver, chacune avec le ballot de ses souvenirs, de ses soucis, de ses rêves. Mon bagage est lourd. J'ai commencé à le partager." Et ce partage, Mauricette va le pratiquer aussi bien avec Blanche qu'avec les enfants de celle-ci. Étonnants , émouvants échanges culturels et affectifs entre cette femme qui pourrait être leur grand-mère (elle qui n a jamais eu d'enfants)et ces jeunes ouverts sur le monde.
L'art est en effet peut être encore plus présent et j'ai hérissé mon exemplaire de multiples marque-pages pour les références littéraires , musicales ou picturales qui émaillent ce texte et le font vibrer d'enthousiasme.
L'écriture est toujours aussi belle mais la tonalité est plus optimiste, ce qui ne gâche rien ! On sent ici Mauricette plus posée, apaisée presque, mais toujours aussi attentive aux mots, à la nature, moins exaltée , et ses épisodes de logorrhée sont plus rares. Allez, vite, embarquez dans le monde poétique et surprenant de Mauricette !
Blanche étincelle, Lucien Suel, La Table Ronde 2012, 232 pages fluides et toute bruissantes de marque-pages !
Pour écouter Lucien Suel c'est ici !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : lucien suel
14/01/2012
L'homme inquiet...en poche
"Ce personnage inquiet et mal assuré dans la marge: c'est moi."
Wallander est devenu grand-père , à sa grande surprise et à sa grande joie. Le spectre de la retraite commence à rôder autour de lui tandis que la vieillesse gagne davantage de territoire, détériorant non seulement son corps, qu'il a part trop négligé, mais aussi, et c'est ce qui l'angoisse le plus, sa mémoire.
Malgré tout cela , obstiné, il mène une enquête, en parallèle des services officiels ,sur la disparition des beaux-parents de sa fille Linda. Remontent alors à la surface des échos de la guerre froide , de sous-marins et d'espionnage.
L'enquête est particulièrement lente dans cet ultime épisode de la série des Wallander. Ce qui prime avant c'est le personnage en lui même, qui fait le bilan de sa vie à la fois professionnelle et personnelle. Reviennent ainsi à sa mémoire des souvenirs des enquêtes précédentes et des gens du passé. Les femmes de sa vie réapparaissent également pour un dernier tour de piste, une manière d'évaluer si , une fois pour toutes, il pourra se faire à l'idée de vivre seul à la campagne , en compagnie d'un chien.
Parcouru de nombreux allers-retours, à la fois dans l'espace et dans le temps, L'Homme inquiet évoque aussi une période trouble de l'histoire de la Suède et la nécessité, selon l'auteur, de ne pas négliger la politique. Tout ceci a parfois des accents de testament et ce n'est sans doute pas un hasard si, à la fin du récit, Wallander éprouve le besoin de mettre au clair ses idées sur une enquête non entièrement élucidée, par écrit.
Henning Mankell en finit avec son personnage d'une manière particulièrement efficace et réussie, lui laissant tout à la fois un espace de liberté et l'impossibilité physique de réapparaître dans une autre enquête. Un texte riche en réflexions et un portrait particulièrement poignant.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : henning mankell
13/01/2012
La vengeance du Wombat...en poche !
"Oui, la vie est très étrange du Mauvais Côté du fleuve Darling."
Si comme moi, trompés par le feuilleton "Skippy", vous avez toujours cru que le kangourou était un être futé et affectueux, La vengeance du wombat et autres histoires va cruellement ôter vos illusions.
En effet, Kenneth Cook qui se confronte (presque) sans sourciller avec des sauriens, des reptiles extrêmement dangereux, sans oublier quelques autochtones à la gâchette facile et au gosier en pente, accumule immanquablement les ennuis dès qu'il rencontre un marsupial. Il le sait mais oublie très vite, il le reconnaît lui même.
Se dénigrant avec une belle ardeur, le narrateur de ces histoires du bush possède l'art de se fourrer dans des situations hautement improbables et/ ou dangereuses, et ce pour le plus grand bonheur du lecteur. Eclats de rires garantis !
06:00 Publié dans Humour, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : kenneth cook
12/01/2012
Attachée
"Elle survola l'hypothèse qu'elle vivait peut être sa propre aventure avec Giovana-flirtant et fantasmant comme tant d'internautes à travers le monde, en proie à l'illusion."
Jean, américaine de 46 ans ,mariée à un séduisant Anglais, ouvre un courriel destiné à son époux,courriel rédigé par une aguichante Giovana. Plutôt que d'en parler directement au principal interessé, elle va entretenir une correspondance avec celle qu'elle soupçonne être la maîtresse de son mari, en se faisant passer pour lui.
Cet accroc dans sa vie paradisiaque sur une île tropicale fictionnelle , Saint Jacques, va remettre en question ses relations avec l'homme avec qui elle vit depuis la fin de ses études. La prise d'indépendance de sa fille , ses inquiétudes concernant sa santé de femme en milieu de vie , ses relations avec ses propres parents qui ont divorcé, avec sa soeur, tout ceci va aussi être reconsidéré avec finesse et perspicacité.
D'où vient alors que nous n'éprouvons presque pas d'empathie pour Jean ? Peut être parce que'Isabel Fonseca fouille dans le plus noir de ce qui fonde les attachements, la part de dépendance, voire de masochisme, que nous ne sommes pas forcément prêts à admettre. Un roman tout sauf confortable mais qu'on ne lâche pas.
Attachée, Isabel Fonseca, traduit de l'anglais (E-U) par David Fauquemberg, Métaillé 2012, 319 pages dérangeantes.
Le billet de Cuné !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : isabel fonseca
10/01/2012
Rester sage
"La vie se termine souvent là où les statistiques commencent."
Martin Leroy a tout perdu en quelques semaines: sa femme, leurs amis communs, son emploi. Cette "accumulation de revers" va le décider à se rendre chez son ancien patron car "Il est prêt à tout pour remettre sa vie dans le bon sens". Gare !
En chemin, il croisera toute une galerie de personnages et surtout son ami d'enfance , l'occasion de faire revivre un passé à la fois douloureux et cocasse et de reconstituer une amitié en pointillés.
On flirte avec la mélancolie mais l'humour pince sans rire d'Arnaud Dudek rattrape à chaque fois le récit qui pourrait sombrer dans l'apitoiement : "Difficile de rester poli dans ces circonstances. face au premier maccabée de leur existence d'être humain, peu d'individus parviennent à garder leur flegme, à ponctuer cette scène d'un what the hell , à prononcer un saperlipopette, . à moins d'avoir du sang anglais. Et encore." Les deux amis n'ont rien d'héroïque ou d'extraordinaire mais c'est justement ça qui nous touche et fait qu'on dévore ce roman d'une traite , avant de le relire afin de mieux savourer son charme. C'est un exercice périlleux que de choisir des personnages en apparence ordinaires sans pour autant ennuyer le lecteur et Arnaud Dudek réussit son pari haut la main !
L'auteur s'est créé un univers à la fois subtilement poétique et plein d'humour ,qui transfigure le quotidien et le rend presque séduisant. De quoi voir la vie non pas en rose mais au moins en couleurs !
Rester sage, Arnaud Dudek, Alma éditeur,2012, 116 pages qui donnent le sourire !
Premier roman, bravo !
Clara a aimé aussi !
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : arnaud dudek
09/01/2012
Quand j'étais Jane Eyre
"Quelle est cette manie familiale d'aspirer à la célébrité et à la gloire ? Quelle folie !"
Intriguée par tout un pan de la vie de Charlotte Brontë resté dans l'ombre, celui pendant lequel elle a rédigé le roman qui la rendra célèbre et changera sa vie, Jane Eyre, Sheila Kohler a imaginé ce qu'avait bien pu vivre l'écrivaine durant cette période.
Avec sensibilité, elle brosse le portrait de cette famille marquée par la mort, la maladie, la pauvreté, l'égocentrisme d'un père mais aussi par ce lien formidable à l'écriture qui unit les quatre enfants survivants de la fratrie Brontë. Branwell, le frère chéri, gaspillera ses dons dans les opiacées et l'alcool, mais Charlotte, Emily et Anne qui ne feront que de brèves et malheureuses incursions dans le monde extérieur à celui de leur presbytère, sauront , à des degrés différents, braver les interdits de l'époque et rédiger des romans qui seront parfois jugés "choquants, brutaux, anti-chrétiens et anti-bourgeois" car révélant la violence de leurs frustrations.
Sheila Kohler a choisi de centrer son roman sur Charlotte (à qui je préfère largement sa cadette Emily, je le confesse), la seule qui aura pu accéder à un peu de bonheur, mais elle ne sombre jamais dans le pathos, évoquant avec sobriété la vie difficile de la famille Brontë. Des retour en arrière permettent d'évoquer les principaux épisodes de leur trop brève existence.J'ai beaucoup aimé la manière dont Sheila Kohler a tissé les liens entre leurs romans et la vie des soeurs, montrant bien leur esprit de revanche, mais n'omettant pas non plus la sourde rivalité (réelle ou imaginaire mais très plausible en tout cas) qui les a animées juste avant l'édition.Un éclairage intelligent, une écriture élégante, une lecture qui ravira les fans (dont je suis !) .
Quand j'étais Jane Eyre, Sheila Kohler,traduit de l'anglais par Michèle Hecter, Editions Quai Voltaire 2012, 260 pages lues d'une traite, même si ellesn'apportent pas de révélations fracassantes, ce qui n'était évidemment pas le lieu !
Le billet d'Ys.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : sheila kohler, soeurs brontë, écriture
08/01/2012
Naissance d'un pont...en poche
"...je sais comme tout le monde que celui qui veut construire un pont doit faire un pacte avec le diable."
De l'appel de candidature à l'inauguration, Maylis de Kerangal nous retrace la Naissance d'un pont. Sur cette trame aussi linéaire en apparence, l'auteure a su insuffler puissance et vie à toutes les étapes, à tous les aspects de cette construction.
Le texte s'interroge sur la manière dont l'ouvrage va s'inscrire dans l'espace, modifiant de manière irrémédiable le paysage, reliant, pour le meilleur et pour le pire des espaces, celui de la forêt, donnée comme un lieu magique, et celui de la ville, une ville marquée par l'énergie et l'argent.
Nombreux seront les obstacles mais ce ne seront pas forcément ceux qui se croient les plus puissants qui pourront ralentir l'inéluctable construction.
Quant aux hommes, et aux femmes, nous les suivons dans leur travail mais aussi dans leurs relations et très vite nous tremblons pour eux car le danger n'est pas forcément au bout d'une poutrelle. De l'intérimaire qui joue les cascadeurs , de l'escogriffe Diderot, grand général de cette armée qui se met en branle pour donner naissance au pont, à Katherine Thoreau plus à l'aise aux commandes de son engin que de sa vie, tous nous deviennent rapidement familiers et proches.
Maylis de Kerangal, par son style très ample et inspiré, non dénué d'humour , rend tout à fait fascinante et passionnante cette construction dont les aspects techniques ne sont en rien rebutants, bien au contraire.
Après l'échec de ma lecture de la Corniche Kennedy, je renoue avec une auteure qui a atteint ici sa plénitude .
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (8)
07/01/2012
Nous étions des êtres vivants ...en poche
"On aime notre métier et notre métier ne nous aime plus."
Soulagement au sein d'un groupe de presse pour enfants: ils ont trouvé un acquéreur. Mais soulagement de courte durée car le repreneur, bientôt surnommé Gros porc, n' a que faire de leurs compétences, de leur humanité et ne recherche que le profit à court terme.
En trois étapes, commentées par un choeur, la tragédie ira crescendo, révélant les mesquineries banales , les cruautés ordinaires et les retournements de veste discrets au fur et à mesure que la peur s'installe.
Plusieurs personnages prendront aussi successivement la parole, révélant leurs faiblesses, leurs problèmes quotidiens ou moraux et cette plongée dans leur intimité permettra de nuancer leur comportement.
De rebondissements en coups fourrés, de coups de folie en désespoir, c'est toute une palette de sentiments qui nous les rend si proches et si désespérement humains dans une société où "Aujourd'hui, manoeuvrer, dénoncer, flatter, , faire preuve de cynisme et jouer les forts en thème suffit à accéder au rang de supérieur. Les compétences passent au second plan." ça ne change peut être rien de l'écrire mais ça fait du bien, car on se sent moins seuls , comme ne cesse de le répéter le choeur, comme pour mieux s'en convaincre.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : nathalie kuperman
06/01/2012
Meurtres au manoir
"J'ai tout de suite senti que je tuerais pour l'avoir."
Clarissa, jeune célibataire à la vie sentimentale desespérement placée sous le signe de l'échec, a su habilement manoeuvrer pour conquérir le coeur de Thomas, veuf de fraîche date à défaut d'être de première fraîcheur. Mais plus que de l'homme, c'est surtout de son manoir qu'elle est tombée amoureuse. Quant aux deux tantes âgées qui font partie du lot, elles ont l'air de délicieuses chéries et entreprennent aussitôt de cajoler la nouvelle arrivante.Pourtant Clarissa va bientôt se rendre compte que les vieilles dames ont de bien étranges" petites manies" et que "Les vifs et les morts sont liés les uns aux autres pour l'éternité.". Y aurait-il quelque sorcellerie dans l'air ?
Les cent premières pages de ce roman sont un pur délice d'atmosphère délicieusement surannée (l'intrigue se déroule au XXème siècle, mais au coeur de ce paysage de "boisé"menaçant, on se sent quasiment hors du temps) et de manigances féminines. Nous naviguons dans une atmposphère à la croisée d'Arsenic et vieilles dentelles et de L'ile aux trente cercueils* avec un bonheur sans pareil, même si à force de fourberies et de rebondissements, l'intrigue s'essouffle un peu. Mais un livre où les femmes se sortent vite de leur "apathie tisanière" et font carburer leurs neurones à toute allure pour mieux se jouer des hommes est un bonheur qu'on ne peut se refuser !
Meurtres au manoir, Willa Marsh, (pseudonyme de Marcia Willet), traduiut de l'anglais par Henry Dougier et Emmanuel Dazin, autrement 2012, 275 pages dévorées d'une traite !
*Grosses ficelles et sorcellerie païenne à deux balles, j'assume !:)
Du même auteur: Meurtres entre soeurs
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : willa marsh, marcia willett