21/06/2013
Captif
"La culpabilité, il n'avait plus le temps pour ça."
Atteint d'une tumeur agressive qui creuse son lobe temporal, Kenny dresse la liste des gens "qu'il avait décus d'une façon ou d'une autre. Il avait décidé d'employer le temps qui lui restait pour se rattraper." Il découvre alors que sa petite amoureuse de l'école primaire a mystérieusement disparu depuis plusieurs années. Commence alors une quête riche en tension et en rebondissements. Avec une grande sobriété de moyens Neil Cross , faisant fi de tous les bons sentiments sans pour autant se départir d'une grande sensibilité, nous livre un récit parfaitement maîtrisé. La quête chevaleresque se double ici d'un processus d'apprivoisement de la mort , "du processus consistant à se déprendre du monde comme on lâche le fil d'un ballon.", le tout dépeint avec une grande finesse psychologique et une attention aiguë aux détails révélateurs du quotidien. Un roman qui va droit à l'essentiel et qu'on ne peut lâcher ! Un livre qui remet en selle quand tout vous tombe des mains ! Un page turner efficace.
Déniché en médiathèque*.
Captif, Neil Cross, traduit de l'anglais par Renaud Morin. 10/18 2013
* En édition gros caractères, ce qui est appréciable quand on est fatigué !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : neil cross
18/06/2013
Les petites mères
"Elles ont les mêmes blessures et un manque de confiance dans la vie qui les fait croire à l'abandon et au désintérêt comme à la seule conclusion possible d'une rencontre. "
Fatalité familiale ? Autoprogrammation trangénérationelle ? Toujours est-il que Les petites mères du roman de Sandrine Roudeix, se sont toujours retrouvées seules à élever leur fille. Travailleuses, issues d'un milieu familial modeste, Concepcion, Fernande et Babeth, respectivement arrière-grand mère, grand-mère et mère de Rose, peinent à recréer un esprit de famille. Quand la dernière de cette famille de femmes vient présenter son fiancé, les tensions s'exacerbent et le passé ressurgit... Rose parviendra-t-elle à se libérer de ses liens familiaux pesants ?
Histoire intégénérationnelle, Les petites mères fait la part belle aux femmes, les hommes n'y apparaissant qu'en creux, tout étant vu du point de vue féminin. Cette omnipotence est analysée de manière subtile par l'auteure qui mène son récit avec maîtrise, malgré une baisse de régime en toute fin . Un style précis et sensible, une analyse féroce des rapports sociaux (ah la présentation de la fiancée à la future belle-famille huppée!) un roman bruissant de marque-pages qui a su séduire toute la blogosphère jusqu'à présent, moi y compris !
Les petites mères, Sandrine Roudeix, flamamrion 2013 , 180 pages .
L'avis d'Aifelle, Antigone, Lucie, Sylire .
Celui d'Un autre endroit
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : sandrine roudeix
16/06/2013
Les nuits mouvementées de l'escargot sauvage
"L'escargot avait été pour moi un véritable mentor. Sa minuscule existence m'avait soutenue."
Une maladie mystérieuse et invalidante contraint Elisabeth Tova Bailey à rester alitée. Une amie lui offre un pot de violettes des champs et un escargot, un peu de la nature dans laquelle l'auteure ne peut plus se promener.
Cette amie est loin de se douter de l'observation passionnée à laquelle va se livrer Elisabeth Tova Bailey et des enseignements que celle-ci va en tirer. Ce gastéropode modeste et discret va se révéler tout à la fois inspirant et diablement surprenant par ses capacités ! Tout le talent de l'auteure est de nous faire partager sa réflexion sur le temps, la maladie, inspirées par la lenteur pourtant efficace de l'animal, de nous le rendre à la fois sympathique et passionnant ! Des notations humoristiques ponctuent ce texte fluide , jamais ennuyeux : "L'activité idéale [pour lui] est l'absence d'activité, à laquelel il s'adonnera de préférence en cachette et le plus souvent possible."
Jamais doloriste, ce court essai (160 pages) est à la fois poétique, empli d'informations scientifiques tout à fait accessibles , et surtout il nous propose une réflexion sur la vie quand elle bascule dans la maladie extrêmement pertinente. Un livre tout hérissé de marque-pages et qui file, zou, sur l'étagère des indispensables !
Les nuits mouvementées de l'escargot sauvage ( The sound of wild snail eating), traduit de l'anglais (E-U) par Marie-Céline Mouraux, autrement 2013
Merci à Dominique pour son billet drôlement tentateur !
Le site de l'auteure, où vous pourrez ,entre autres, écouter le son produit par un escargot en train de manger !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Récit | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : elisabeth tova bailey, escargot, maladie
15/06/2013
Marilyn, Elvis, le prince William et moi...en poche
« -OK, Lady Pas-De-Chance, tu vas te remettre en selle , et plus vite que ça. »
Gracie »petite excitée rigolote » tient fermement les rênes de sa vie, sous forme d'un plan en cinq ans qui lui permet de se fixer des objectifs et de s'y tenir. Jusqu'à présent sa méthode était efficace mais tout va commencer à se dérégler à partir du jour où la promotion qu'elle espérait lui passe sous le nez. Commence alors une série de catastrophes qui n'arrivera pourtant à déstabiliser notre chère Gracie et la mènera sur des chemins qu'elle avait feint d'oublier, ceux de la musique et du chant.
Humour, bonne humeur, tendresse, héroïne au caractère bien trempé qui évolue dans le monde de l'immobilier (et non dans un milieu bien plus glamour), tels sont les ingrédients de ce roman sympathique en diable qui se dévore d'une traite, . On aurait peut être aimé que l'éditeur se fende d'un titre plus en rapport avec le contenu mais bon...
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : lucy-anne holmes
14/06/2013
La resquilleuse/souffler n'est pas jouer ...en poche
"-Quelle drôle de vieille bonne femme !"
Veuve depuis trois ans, Matilda , sans attaches, même animales, a décidé de mettre fin à ses jours après un dernier pique-nique épicurien. Las ! Un matricide maladroit va lui mettre des bâtons dans les roues, empêchant ainsi son funeste projet.C'est à une expérience bizarre que je me suis livrée en (re) lisant ce roman de Mary Wesley. Je l'avais dévoré il y a une dizaine d'années, m'attachant surtout au côté impertinent et cocasse de cette "vieille dame" (elle a abordé les rives de la cinquantaine , arbore fièrement des cheveux blancs, dénigrant avec une belle ardeur ses fesses fripées mais s'autorisant néanmoins un bain de soleil entièrement nue sur la plage ) , parangon de la vieille anglaise excentrique et charmante.
Me rapprochant désormais de cet âge considéré comme canonique apparemment dans les années 80 (ce roman a été paru pour la première fois en grande Bretagne en 1983), j'ai davantage été touchée par cette femme qui avoue brutalement des faits de l'ordre de l'intime et qui découvre au fil de quelques semaines que son mari n'était sans doute pas celui qu'elle croyait. S'est-elle voilé la face comme le suggère l'un des personnages ? En tout cas sa franchise concernant ses relations avec ses grands enfants est décapante et en choquera plus d'un.
Mary Wesley, comme à son habitude s'amuse à destabiliser son lecteur, le faisant passer du rire à l'émotion en un clin d'oeil et , bien évidemment, on en redemande !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : mary wesley
13/06/2013
La fréquentation des à-pics
"On rejoint les adultes au seuil de l'explication du monde et on voit bien qu'ils n'en savent pas plus."
Épouses, mères, grands-mères ou petites-filles, de l'immédiat après-guerre au XXIème siècle, Catherine Charrier s'attache à nous peindre ces femmes qui connaissent La fréquentation des à-pics.
Rien de spectaculaire pourtant mais des situations sur le fil du rasoir, des prises de consciences infimes mais marquantes, des vies simples capturées dans la durée ou en un fragment et qui possèdent une intensité extrême. Des détails capturés, un bisou sur une nuque paternelle dans une 403, et c'est tout l'amour d'une ex-petite fille qui reparaît. Cela peut être aussi un regard suffisamment aigu pour prendre conscience d'une injustice, d'une violence banale et l'on bascule dans la "désillusion sombre et imbécile des adultes." Mais ce sont également des repères lumineux qui apparaissent dans la trame des jours, une amie qui tend la main quand le monde se dérobe sous vous, des éclaircies dans le malheur.
On sent beaucoup d'empathie de la part de l'auteure car toutes ces histoires, vécues par elle ou qui lui ont été confiées, sont racontées avec pudeur et sensibilité. J'ai mis du temps à entrer dans la première nouvelle, Irène, car je craignais la caricature, l'histoire déjà rabâchée (une jeune française s'entichant d'un GI noir) mais , au fil du récit, les descriptions pleines de luminosité et de sensualité ont fait que j'ai pu accepter l'attitude de cette femme libre, plus femme que mère. Une très jolie découverte !
Lu dans le cadre de Masse critique.
La fréquentation des à-pics, Catherine Charrier, Kero 2013 , 225 pages sensibles et poétiques.
Merci à Babelio et à aux éditions Kero !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : catherine charrier, femmes
12/06/2013
Gros mots/ Petit dictionnaire des noms d'oiseaux
Carré, dodu, matelassé, tenant bien en main, Le petit dictionnaire des noms d'oiseaux pourrait être utilisé comme projectile pour envoyer en une seule fois 300 gros mots à la figure de quelqu'un . Radical mais manquant singulièrement de civilité et susceptible de générer des suites déplaisantes.
Ce serait d'autant plus dommage que Gilles Guilleron nous propose pour chacune des entrées de son dictionnaire l'origine , l'histoire, mais aussi des équivalents appartenant au registre courant, voire soutenu. De quoi se défouler en toute quiétude, sans craindre les censeurs !
Je me suis particulièrement régalée avec la page "Les mots d'hier", qui dépoussière les insultes et injures passées de mode , sont souvent fort savoureuses. Jugez-en : cloporte (misérable), emplâtre (bon à rien),mijaurée (frimeuse), paltoquet (grossier, rustre), zazou (inadapté). Bref, de quoi ne pas passer pour un iroquois (individu qui ne maîtise pas la langue) ! Un régal pour les amoureux des mots !
First 2013
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : gilles guilleron
11/06/2013
En vrac...
parce que tout le monde en a parlé...parce que ma pile à chroniquer me file le vertige...parce que c'est la fin de l'année et que la fatigue pointe le bout de son museau.
Et un spécial Merci Cuné !
*Une fille qui danse, Julian Barnes. des pages cornées, un roman astucieux, bien écrit, mais dont il ne me restera au final que cette affirmation: "Tu ne piges pas, hein? Tu n'as jamais pigé et tu ne pigeras jamais." Je ne suis pas loin de croire qu'elle s'applique aussi à moi.
Merci Cuné !
Plein d'avis sur Babelio
Celui de Clara.
Celui de Keisha, qui n'en dit pas trop !
**Immortelle randonnée, mon premier texte de Jean-Christophe Rufin.Un chemin de Compostelle par procuration, la fatigue et les pieds qui puent en moins. Un cheminement plus tourné vers l'intérieur que celui d'Alix de saint André. à laisser infuser.
Merci Cuné !
***Les lisières, Olivier Adam, vient de sortir en poche. Ce roman avait agité la blogospère à sa sortie. J'ai laissé retomber l'écume afin de le lire sans a priori. Olivier Adam m' agace souvent. Le côté malouin buriné par le vent et les embruns, coiffé à la diable, son côté ours mal léché quand même content de passer à la télé, tout ça très peu pour moi.
Pourtant, son double de papier a le mérite de ne pas se présenter sous son meilleur jour. J'ai beaucoup aimé son analyse du retour aux sources, du décalage entre l'image qu'il donne et la façon dont il vit cette insertion dans le monde intello parisien dont il ne sent pourtant pas partie intégrante. Ce malaise également décrit par Annie Ernaux des gens issus de milieu modeste qui ne se sentent plus à leur place ni dans leur ancien monde ni dans leur nouveau territoire.L'impression d'être partout un imposteur. Un roman qui plonge souvent dans le malaise mais que je ne regrette pas d'avoir lu , loin de là !.
Merci Cuné !
L'avis de Clara.
06:00 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : julian barnes, olivier adam, jean-christophe rufin
10/06/2013
Sur les ossements des morts
"Après tout, pourquoi devrions-nous être utiles ?"
Ni émotive, ni sentimentale- c'est-elle qui le dit- Janina Doucheyko, ingénieure en retraite férue d'astrologie,passionnée par l’œuvre de William Blake, s'occupe des résidences secondaires d'un hameau niché dans les bois polonais. L'hiver, ils ne sont que trois à vivre dans ce lieu difficilement accessible, à un jet de pierre de la Tchéquie. Un soir, Matoga , l'un de ses voisins , vient donner l'alerte : le braconnier Grand Pied est mort. Pour Janina cela ne fait aucun doute: les animaux se sont vengés. La série de meurtres qui survient ensuite semble lui donner raison , mais qui va croire cette vieille toquée de Janina dans un microcosme où les chasseurs font la loi ? D'autant que les lettres qu'elle envoie aux autorités font état d'une théorie abracadabrantesque, mêlant influence des astres et vieilles légendes. L'amour inconditionnel de Janina pour la nature, sa forte personnalité qui se découvre au fur et à mesure, son humour iconoclaste ( Il fut un temps, en effet, où j'ai couché avec un catholique, mais le résultat n'a pas été fameux.) , son excentricité, ses certitudes farfelues ont tout de suite entraîne mon adhésion. Le récit est bien tenu, brosse de manière convaincante le portrait de cette petite communauté polonaise et le style fluide et élégant (bravo à la traductrice) ne fait qu'ajouter au plaisir de la lecture. Un roman dévoré d'une seule traite et un énorme coup de cœur ! Vite faites la connaissance de Janina !
Sur les ossements des morts, Olga Tokarczuk, traduit brillamment du polonais par Margot Carlier, Éditions noir sur blanc 2012, 299 pages enthousiasmantes!
Si vous avez aimé L'homme à l'envers de Fred Vargas, et/ou Julius Winsome (clic) de Gerard Donovan, vous aimerez Janina ! Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans polonais | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : polar, olga tokarczuk
09/06/2013
à la trace...en poche
"-J'aurai peut être à choisir entre information et satisfaction: pas facile."
Une quadragénaire , bafouée par son mari et méprisée par son ado de fils, décide de prendre (enfin) sa vie en mains. Récit de l' émancipation d'une femme donc, femme qui va croiser, de manière détournée, le chemin d'une bande de musulmans extrémistes, visiblement fort affairés et prudents.
Changement de programme dans la deuxième partie où nous retrouvons notre ami Lemmer, chargé de convoyer un couple de rhinocéros blancs, en compagnie d'une pisteuse chevronnée, du Zimbabwe jusqu'en Afrique du Sud. Évidemment, la balade sera plus proche du "Salaire de la peur "que de la promenade de santé ! Fin du second acte.
Dernière partie, plus classique , celle où une femme , travailleuse et déterminée, charge un ancien flic à la retraite d'enquêter sur la disparition subite de son mari.
Trois tonalités différentes et des liens subtils qui s'établissent progressivement entre les différentes intrigues, récits qui font la part belle aux femmes et ménagent de multiples surprises au lecteur. Le complot politique est parfois un peu embrouillé mais se termine par un vrai coup de théâtre ! Les grains de sable- nous ne sommes pas en Afrique du Sud où tout peut basculer pour rien !- viennent perturber les ordonnancements les plus rigoureux et semer un peu plus de panique ,mais Don Meyer maîtrise totalement sa partition.
La fin est un peu précipitée mais j'y ai vu la promesse de nouvelles aventures de Lemmer, donc tout va bien ! Une pointe d'humour, un soupçon d'histoire d'amour et beaucoup de péripéties font que ces 722 pages deviennent vite addictives ! Prévoir un long week-end ou de courtes vacances pour ne pas être en manque !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : deon meyer