06/05/2013
Cassandra au mariage
"Nous en avions eu cinq cents fois la preuve: nous ne sommes pas des esclaves qu'on peut vendre séparément, à droite et à gauche , et envoyer vivre leur petit bout de vie dans des lieux différents. "
Le jour du mariage est par excellence un temps où s'exacerbent les tensions familiales. Il l'est d'autant plus pour Cassandra, l'exaltée, qui avait envisagé un tout autre avenir pour sa jumelle, Judith.
Revenant précipitamment à la maison, Cassandra va mettre en place bien des stratégies pour empêcher le mariage de sa soeur.
Ce pourrait être une comédie, mais Cassandra au mariage possède une tonalité plus mélancolique, plus sombre. On glisse d'un non-dit à un autre, d'un moment à un autre avec beaucoup de délicatesse, au lecteur de compléter ce qui est suggéré de manière délicate. Un roman publié en 1962 qui n'a rien perdu de son acuité psychologique sur les liens ambigus qui peuvent unir les soeurs, jumelles de surcroît.
Cassandra au mariage, traduit de l'anglais (E-U) par Elisabeth Janvier, Robert Laffont, pavillons poche 2013, 326 pages de tensions sourdes.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : dorothy baker, soeurs jumelles
04/05/2013
L'écume des jours
J'ai découvert avec exaltation tout récemment l'univers de Michel Gondry, ayant eu un coup de foudre pour son film Eternal Sunshine of the spotless mind.* Et pourtant ce n'était pas gagné d'avance ! Je n'avais en effet aucune affinité ni avec Kate Winslet (les films en corset, pas mon truc) pas plus qu'avec Jim Carrey, le grimacier. Et là, la poésie, le côté foutraque et le contre-emploi des acteurs , l'humour, l'histoire d'amour, sans compter les sublimes images de plage enneigée, les piroeuttes du scénario, m 'avaient emportée !
C'est donc avec un a prirori positif que je suis allée voir L'écume des jours, adaptation du roman de Boris Vian que j'avais lu à l'adolescence (et dont il ne me restait que l'histoire d'amour tragique dans un univers loufoque et poétique). J'avais oublié le côté grand guignol et iconoclaste de Vian qui s'en prend de manière un peu brute à la religion par exemple, dans la seconde partie du roman, beaucoup plus sombre.
Gondry, avec son inventivité habituelle, sans effets spéciaux à l'américaine, se coule avec bonheur dans l'univers de Vian, aussi bien le côté enjoué et lumineux, plein d'inventivité (mention particulière à la souris, si émouvante), que dans son côté pessimiste et tragique. L'espace se raréfie, les couleurs disparaissent et le spectateur retrouve la lumière un peu sonné. Les acteurs sont très justes, Romain Duris a un petit côté Bébel jeune des plus plaisants et certaiens scènes fonctionnent un peu en écho visuellement de Eternal Sunshine, mais la tonalité finale est beaucoup plus sombre, ce qui risque de dérouter le spectateur au vu de la promo du film qui insiste surtout sur le côté enjoué.
* ne pas rater dans le DVD le commentaire de Michel Gondry et du scénariste Charli Kaufman qui nous font découvrir plein de détails que nous avions loupés!
10:00 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (15)
03/05/2013
Les débutantes...en poche
"Avec les Smithies , c'était différent. Il était parfois difficile de savoir où l'une commençait et où les autres s'arrêtaient."
Le "pays des filles entre elles" c'est l'université féminine de Smith, haut lieu de la culture féministe américain.Quatre jeunes filles, très différentes à bien des égards, s'y rencontrent en première année et vont tisser une amitié intense, avec ses hauts et ses bas, ses alliances variables , ses déceptions et ses enthousiasmes.
Quelques années plus tard, nous retrouverons Bree, Celia April et Sally ayant pris un nouveau départ: celui de leur vie adulte, ce qui ne va pas toujours sans mal. Face aux épreuves de la vie les Smithies pourront tester la fiabilité de leur amitié.
On plonge dans ce bon gros roman avec délices ! On suit avec bonheur les amours, les relations familiales, l'évolution de ces filles tour à tour sainte Nitouche et délurées qui , ô miracle, ne jettent pas leur amitié aux orties une fois qu'elles ont rencontré l'amouuuur ! J. courtney Sullivan , à défaut d'être une grande styliste, sait peindre avec vivacité et humour ces jeunes femmes en pleine évolution. Elle les considère avec tendresse et bienveillance et on passe un fabuleux moment en leur compagnie. J'aurais juste aimé un peu plus de vraisemblance dans les derniers chapitres, ce qui a quelque peu gâché mon plaisir.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : courtney sullivan
02/05/2013
Un été sans les hommes...en poche
"Le temps est une question de pourcentages et de convictions."
Abandonnée par son mari, Mia, poétesse rousse aux cheveux frisés a "pété les plombs" s'est retrouvé un court moment en hôpital psychiatrique . L'été venu, la quinquagénaire part se réfugier auprès de sa mère qui réside dans une maison de retraite du Minnesota.
Là, au contact de la vieille dame et de ses amies qui profitent de la vie avec une réjouissante férocité, Mia va se reconstruire peu à peu, au fil de ses rencontres avec des femmes de tous âges.
Un été sans les hommes est un roman qu'il faut prendre le temps de savourer, tant pour ses réflexions sur le temps, la vie des femmes et ce quel que soit leur âge, les différents rôles que la vie leur fait endosser mais aussi pour la très grande énergie et la compassion qu'il dégage.
Il faut absolument faire la connaissance d'Abigail ,nonagénaire brodeuse rebelle, qui "maintient qu'à force de pétiner ses désirs on les déforme." et assister aux cours de poésie que donnent Mia à de pas si charmantes adolescentes que cela.
Les mots et leur pouvoir tiennent en effet un grand rôle dans ce texte , envolées féministes mettant à bas des préjugés sexistes , mots chuchotés pour distiller un pernicieux venin mais aussi citations poétiques qui sont autant de balises par temps agité...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : siri hustvedt
01/05/2013
Maine
"Elle n'avait rencontré aucune famille aussi éprise de sa mythologie."
Alice,( la matriarche imperméable aux sentiments, une femme comme on n'aimerait pas en rencontrer pour de vrai), Kathleen, la fille, (ancienne alcoolique reconvertie dans l'élevage des vers de terre), Maggie (la petite fille trop accommodante) et Ann Marie , la belle-fille parfaite, sont réunies pour quelques jours dans la maison de vacances du Maine.
Si la situation géographique est idéale, la configuration familale , elle, est pour le moins explosive ! On pouvait craindre le pire, clichés à gogo, situations convenues, mais, roman polyphonique, Maine alterne à chaque chapitre les points de vue et éclaire sous des angles différents les personnages. Nuancés, ils deviennent tour à tour attachants ou exaspérants , mais diablement humains. Notre opinion varie et nous éloigne de toute forme de caricature.
L'exploration psychologique est passionnante, les révélations se succédent sans que le rythme fléchisse et l'on ne peut que se demander comment une "gamine" de trenet ans peut avoir unr telle expérience humaine ! Si ce roman , impossible à lâcher, ne devient pas LE roman de l'été, c'est à n'y rien comprendre !
Maine, J. Courtney Sullivan, traduit de l'anglais (E-U) par Camille Lavacourt, Editions Fromentin 2013, 450 pages addictives.
L'avis tout aussi enthousiaste de Cuné !
Absolument génial pour Clara !
Lu et apprécié par Brize.
Du même auteur sortira bientôt en poche ce roman (clic)
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (28) | Tags : j.courtney sullivan, le roman de l'été
30/04/2013
La dette
La quatrième de couv' était pourtant alléchante: une histoire d'anciens vendeurs d'armes reconvertis dans la sécurité au Cap se font rattraper par leur passé et doivent payer une dette d'honneur, sous forme de service rendu. Surgit Sheemina, une avocate noire qui commence à les harceler . Les ennuis pleuvent sur nos deux anciens aventuriers.
Intrigues se succédant en cascade avec baisses de rythme à la clé , multitude de personnages dont on apprend tardivement s'ils sont Noirs ou Blancs, ce qui est quand même gênant dans le contexte de l'Afrique du Sud, tout ceci nuit considérablement à la lecture.
Le lecteur devance en outre sans cesse le récit qui est en effet par trop prévisible. Une déception donc.
Merci à Babelio et à Ombres noires.
Roman par ailleurs recommandé par Courrier international.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : mike nicol, schtroumpf grognon le retour
29/04/2013
Dressing
"Nous prêtons au vêtement la capacité de nous faire paraître autre."
Vestiaire de Jane Sautière ne vise pas à la théorisation du vêtement mais entend "joindre, [...]laisser voir endroit et envers, le vêtement comme récit de son porteur."
L'aspect quelque peu décousu (en apparence) des textes ,courts et espacés, l'édition dans laquelle est publiée ce texte, me laissaient craindre le pire mais c'est le meilleur que j'ai trouvé. Passant en revue des vêtements portés , comme on ferait glisser des vêtements sur des cintres d'un dressing, Jane Sautière, qui travaille en milieu pénitentiaire, à mille lieues donc du monde de la mode, évoque avec une langue précise et poétique les liens qui unissent le vêtement et son porteur. Les réflexions sont à la fois précises, on n'arrête pas de se dire "C'est exactement ça" et sensuelles tant le style est au plus près de ce qu'il évoque.
à la fin de la lecture, les 147 pages sont , évidemment, toute bruissantes de marque-pages. Une très jolie découverte qui nous fera envisager d'un autre oeil nos relations , pacifiées ou compliquées, aux vêtements. On se love dans ce texte comme dans un vieux pull chéri...
Dressing, Jane Sautière; Verticales 2013.
Un extrait, juste pour donner envie "Habits, habiter, habitus, être là, vivre ici. Et avoir un manteau. Je crois les avoir tous en mémoire, sans doute parce que leur achat était un geste lourd dans mon enfance. un investissement resque "immobilier" , non seulement du fait de son prix élevé , mais bien parce que le manteau est bien une sorte de maison, un enclos, une hutte contre les froids de nos hivers, mais qui permet de sortir, d'être dehors , de devenir une passante. le manteau me rend passante dans les rues froides de la ville."
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jane sautière, vêtements
26/04/2013
Les débutants
"Quitter volontairement le bonheur, n'est ce pas la plus grand folie du monde ? "
Il aura suffi d'un extrait lu par Colombe Schcek, très tôt le matin ,pour que je me procure d'urgence ce romn qui met "en scène une déchirure", celle d'une femme Anne qui aime Guillaume mais brûle pour Thomas qui lui évoque Jude l'obscur.
Quoi de plus banal que ce schéma?
Mais Anne Serre , par son écriture à la fois précise et poétique, nous ferre d'emblée et ne nous lache plus. Mois qui ne suis guère friande d'histoire d'amour, je me suis retrouvée à piqueter de marque-pages comme jamais ces 190 pages que j'ai fait durer le plus longtemps possible.
Un roman lumineux à découvrir en poche chez Folio.
Un petit extrait pour vous donner envie :
"Elle brûle d'être avec lui comme on le serait dans une rivière, allongés, laissant les eaux vous recouvrir, jouer entre vos membres, glisser sur votre ventre, votre cou, et parfois de fins poissons passent entre vos jambes, bondissent au-dessus de votre cuisse, des herbes molles vous caressent, vos cheveus vont flottant et au-dessus de soi il y a de merveilleux branchages aux feuilles vert vif, et au-dessus encore un ciel bleu et dur mais très lumineux et les pierres sous l'eau ont presque l'air d'être de chair."
06:04 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : anne serre
25/04/2013
Les reflets d'argent
"Tu crois vraiment que c'est l'Homme-poisson? Sincèrement ?
J'adore l'idée qu'il le soit. C'est la réponse que je veux."
Une île où "la tristesse recouvrait tout et s'accrochait comme le sel.", une île qui ne se remet pas d'un deuil depuis quatre ans, une île où il ne peut y avoir de secret- trop petite, trop peu de monde. Mais la découverte d'un homme échoué sur une plage de galets va remettre toutes ces convictions en question.
Qui est-il cet amnésique? Certains veulent y reconnaître l'Homme-poisson d'une vieille légende. Celui qui apporte Espoir et enchantement.
Les lames d'argent est un roman qui évoque le deuil et la perte , le monde en perpétuel changement, rien a à quoi on puisse s'accrocher- mais aussi les multiples formes que peut prendre l'amour. C'est un roman, qui, à l'instar de l'homme -poisson enchante le monde et redonne l'espérance. Ce microcosme prend vie sous le regard panoramique de Susan Fletcher qui s'attarde aussi bien sur les insulaires que sur les formes de vie marine , terrestre (ah les campagnols dans leur carré d'orties !) ou aérienne. La bienveillance est toujours présente car chacun trouve le réconfort à sa façon, si maldroite ou ténue soit-elle. Il faut savoir prendre son temps pour savourer ce texte plein de poésie, qui verse parfois un peu trop à mon gré dans le sentimentalisme, mais qui confirme avec brio le talent de Susan Fletcher. (clic, clic et reclic)
Les reflets d'argent, Susan Fletcher, traduit de l'anglais par Stépahne Roques, Plon 2013, 450 pages qui affirment le pouvoir d'une bonne histoire et sont , bien évidemment, constellées de marque-pages !
Le billet, encore plus enthousiaste, de Clara !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : susan fletcher, mer, deuil, perte
24/04/2013
Traders, hippies et hamsters
"La façade de la normalité est intacte. Tout va pour le mieux."
Doro(thy) et Marcus, vieux hippies gauchistes , juste devenus excentriques aux yeux de leur progéniture, ont décidé de se marier.Une surprise pour leurs trois enfants : Serge (ne dites pas à ses parents qu'il est trader, ils le croient thésard en mathématiques); Clara, enseignante dans une école pour enfants défavorisés et Oolie, trisomique sur le chemin de l'indépendance.
Cette union est donc l'occasion de revisiter le passé, les idéaux égratignés par la réalité, mais sans rancoeur ni idéalisation a posteriori.
Roman polyphonique, Traders, hippies et hamsters est sympathique en diable, plein d'humour et fait confiance à l'intelligence de son lecteur. Voyez comment Marina Lewycka pratique l'ellipse narrative: "En l'espace de six mois, Julia et Pete s'étaient séparés et Julia étaient retournée à Merseyside, le coeur brisé et, dans la main, une touffe de cheveux auburn arrachée à Moira." Quant au personnage désinhibé de Oolie, il suscite à la fois humour et tendresse. Un roman chaleureux et attachant , plein d'humanité, de mixité sociale, et qui fait un bien fou !
Traders, hippies et hamsters, traduit de l'anglais, Editions des deux terres 2013, 320 pages à savourer !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : marina lewycka