10/07/2014
Moi, j'attends de voir passer un pingouin...en poche
Moi, j'attends de voir passer un pingouin, cette phrase qui m'habite et semble dépourvue de sens est un mantra pour desserrer l'étau. Entendant ou lisant ces syllabes absurdes, les hommes épris de sérieux, les représentants de l'ordre et de la loi, leurs amis, leurs alliés, les rédacteurs en chef, les directeurs financiers, les responsables de tout acabit haussent les épaules et passent leur chemin.
Nous voici tranquilles."
Une narratrice (serait-ce Nouk, une héroïne déjà rencontrée chez Genviève Brisac ?) non identifiée, qui "gagne sa vie en racontant des fariboles de petite ampleur", dans 13 petits textes nous livre des moments de sa vie. Une vie animée par une ribambelle d'animaux, par des dialogues avec son fils, Nelson, ou sa concierge, Céleste. Par des cours d'éducation populaire où elle exprime sa passion pour Rosa Luxembourg, cette révolutionnaire un peu trop oubliée.
Car c'est bien de révolte qu'il s'agit. Geneviève Brisac a choisi en effet d'illustrer ce thème, fondamental pour Pablo Picasso pour la collection Tabloïd de chez Alma éditeur.
Mais pas de révolte flamboyante. non,il faut comme elle l'indique dans son autoportrait "Noter le passage du temps sur les êtres, observer une voile qui se gonfle, décrire les déceptions et les malentendus, la beauté des ciels et des amitiés, l'omniprésente bêtise , les injustices et les insoumissions Rendre réelle cette seconde vie cachée sous la vie officielle."
Il n'en reste pas moins que je suis restée un peu perplexe, accrochant ça et là quelques marque-page, séduite par le style lumineux et enjoué de Geneviève Brisac mais pas tout à fait rassasiée...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : geneviève brisac
08/07/2014
Juin de culasse
"Ben si, le père pensait autrement. Outre que, le mal étant nommé, il se sentait un peu soulagé, il trouvait prodigieux, épatant, même, que le calendrier, la mécanique et la météo, que le grand beau temps et les quatre temps, que le moteur et la chaleur se fussent ligués, juste pour produire ce calembour calamiteux : juin de culasse. le père, des fois, il avait pas toute sa raison."
ça nous est tous arrivé au moins une fois: le coup de la panne en plein cagnard sur la route des vacances. Antoine Martin poursuivant son Histoire de l'humanité (commencée avec Le chauffe- eau clic) transforme une fois de plus en épopée hilarante nos p'tits et gros soucis de la vie quotidienne. On y retrouve son goût des mots , sa jubilation à mêler les registres de langue (et l'on voit bien que son narrateur a suivi des études classiques, le bougre: j'ai apprécié la fonction dictionnaire de ma liseuse !). Son portrait du garagiste d'autoroute, "cette came oléagineuse et rétive, cette tête de delcon", sorti d'un film d'Audiard (ou d'un roman de San Antonio) est délectable ! L'auteur pousse même le vice jusqu'à utiliser le champ lexical de la mécanique dans l'intitulé de chacun de ses chapitres ! Du grand art . J' attends déjà avec impatience le troisième volet !
Juin de culasse, Antoine Martin, le Diable Vauvert 2014,56 pages, 5 euros version papier et encore moins version électronique !
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : antoine martin
07/07/2014
Mince, on est déjà le 7 juillet...
...et il y a 8 ans, sur une impulsion, je lançais ce blog , en apparence stakhanoviste, en réalité fluctuant , mais qui pour l'instant perdure.
8 ans de découvertes, d'enthousiasmes, de coups de cœur, de déceptions aussi parfois, mais reste le plaisir alors, c'est reparti pour un tour !
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (36)
03/07/2014
Le liseur du 6H27
"Je n'ai pas de poireau disgracieux au menton ni de cheveu sur la langue mais je suis nanti d'un vrai nom à la con qui vaut bien à lui seul tous les poireaux et zézaiements du monde."
Guylain Vignolles travaille au pilon, un emploi qu'il abhorre. Alors, il s' arrange pour sauver discrètement des feuillets de la voracité de la machine et les lit à l'auditoire captif de son compartiment de RER de 6H 27.
La découverte d'une clé USB va l'entraîner dans une autre quête, placée elle aussi sous le signe des mots.
J'ai lu jusqu'au bout ces 218 pages, appréciant au passage la variété et l'humanité des personnages secondaires mais plusieurs détails m'ont fait tiquer : une certaine complaisance dans la scatologie et des détails incongrus (qui irait déguster ses friandises préférées dans des toilettes, mêmes rutilantes, en faisant un moment privilégié ? ). Quant au passage d'un livre se déroulant dans une cabine de routier, même si je suis bien consciente que ce type de littérature existe hélas, il a fait hurler en moi la féministe que je suis.
Il fallait bien un esprit grincheux pour mieux mettre en valeur tous vos éloges, les filles !
Le billet ,enthousiaste ,de Clara et celui de Liliba
Celui de Séverine
celui, plus mitigé de Sylire
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : jean-paul didierlaurent, schtroumph grognon le retour
02/07/2014
Les gosses
"Il n'y a pas longtemps, j'ai été boire un coup avec une amie que je n'avais pas vue depuis cinq ans. Quand elle est arrivée et qu'elle s'est assise en face de moi, j'ai été sidérée par toutes les rides qu'elle avait autour des yeux et de la bouche. Elle avait pris un coup de vieux terrible.[...] Elle était peut être aussi joyeuse parce qu'elle me voyait à un stade avancé de délabrement et se croyait épargnée.Je ne tenais plus sur ma chaise[...] Il me fallait un miroir d'urgence. [...] Les néons au dessus du lavabo ne m'épargnaient pas .ça ne faisait aucun doute, moi aussi j'avais pris un sacré coup de vieux."
"Un livre agréable, facile à lire et bien écrit, ça existe ?". Telle était la question que je posais il y a quelques temps à Cuné. Dans une mauvaise passe de lecture ,j'étais. Et puis, j'ai déniché ,fraîchement sorti en poche, Les gosses qui remplit exactement les termes du contrat.
ça sent le vécu mais sans lourdeur, on se retrouve par petites touches dans le portrait de cette mère de famille fraîchement divorcée qui doit tout à la fois élever un jeune adulte qui a une façon très particulière d'envisager le monde du travail , une grande fille, un pied dans l'adolescence, un pied dans l'enfance (qui a peur du noir mais a la dent dure pour critiquer sa mère) et la petite dernière, neuf ans au compteur, câline et adorable mais avec une fâcheuse tendance à ramener des animaux à la maison. Sans oublier une mère pot de colle et un voisin charmant. Le tout en bossant à la maison.
Un bon tempo, des personnages attachants, de l'humour et 141 pages qui se lisent d'une traite, que demander de mieux ?
Plein d'avis sur Babelio !
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : valérie clô
01/07/2014
Trop
"Nous sommes les enfants gâtés et gavés qui à Noël n'ouvrent plus leurs cadeaux."
Un titre court, efficace, en opposition avec l'avalanche de produits qui s'alignent sur les rayons de nos supermarchés, la multiplicité d'écrans que nous consultons, le flot continu d'informations auquel nous sommes soumis chaque jour. Sans oublier "Partout un fond musical, comme on dit un fond de sauce. La musique est utilisée comme sauce, une sauce insipide pour relever le goût insipide des choses, donner du goût à ce qui n’en a pas."Une sensation d'étouffement accentuée par ces pages intercalaire où court à l'infini cette antienne: "trop c'est trop".Contre cette société du trop Jean-Louis Fournier s'insurge. En de courts chapitres, il souligne l'absurdité de notre propension à stocker de la culture dont nous n'aurons jamais le temps de profiter. L'humour lui-même n'est plus dans une relation d'humain à humain car les humoristes dans les salles gigantesques où ils officient s'adressent à la foule: "On est entre clients. Nos rires font le bruit d'une caisse enregistreuse."
Un panorama exhaustif et grinçant où l’absurde se faufile souvent dans ces énumérations de nos aberrations quotidiennes( auxquelles nous sommes trop rompus pour y prêter encore attention), ainsi ce savoureux "Sel de hareng obtenu par lyophilisation de la sueur des harengs en nage." Salutaire.
Trop, jean-Louis Fournier, Éditions de la différence 2014, 181 pages.
le billet d'Yv qui m'a donné envie.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : jean-louis fournier
30/06/2014
De tout, un peu, en vrac et pas rangé, ça sent la fin d'année tout ça.
Des livres que j'ai aimés, voire beaucoup aimés mais que j'arrive pas à présenter de manière satisfaisante :
*Comment j'ai appris à Lire d'Agnès Desarthe, où plutôt comment j'ai appris à aimer les livres en éclaircissant mes liens à mon héritage familial. Un parcours singulier. Passionnant. De très belles pages en particulier sur la traduction. Le billet de Cuné la tentatrice.
*Modèle vivant de Carole Fives. Une adolescente qui exprime par ses dessins tout ce qu'elle n'ose pas dire à ses parents divorcé, lors d'un périple estival rencontre un garçon qui va changer sa vie. Poignant, sensible et lumineux.
Des films, pour une atmosphère, des paysages, des seconds rôles charmants, voire un chat rageur ...
Les beaux jours, de Marion Vernoux pour Marie Rivière, Marc Chapiteau, Fanny Cottençon et les plages du Nord.
Quartet, si délicieusement british, une maison de retraites pour musiciens comme on en rêve tous.
Joséphine, pour Marilou Berry et pour le chat Brad Pitt, tour à tour câlin ou éructant, toutes griffes dehors .Un sérieux manque de rythme pourtant.
Une chanson pour ma mère. l'autodérision de Dave ne suffit pas à insuffler de la folie dans cet enlèvement à vocation sentimentale.
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (8)
28/06/2014
L'argent a été viré sur votre compte
"...j'étais le jouet d'une infirmité sidérante qui s'était insidieusement installée au creux de mon être."
Un jeune homme "coincé dans une vie sinistrement terne et léthargique", n'ayant que deux amis et une mère malade, accepte une proposition pour le moins tentante: contre versement de fortes sommes d'argent, son petit appartement servira d'entrepôt pour des meubles qui seront régulièrement livrés chez lui. Une aubaine en apparence mais qui va très vite virer au cauchemar...
Respect de l'entreprise et trop grande docilité vis à vis de demandes de plus en plus absurdes, critique de la société de consommation, soumission à l'argent , sclérose de l'esprit, chacun verra ce qu'il voudra dans cette farce qui tourne au tragique avec un personnage de plus en plus autocentré tandis que dehors la révolte gronde.
Kakfa, Ionesco sont les références qui viennent immédiatement à l'esprit pour ce premier roman magistral et plein d'humanité qui a remporté le prix Athènes de Littérature en 2012.169 pages bruissantes de marque-pages !
L'argent a été viré sur votre compte, Dimitris Sotakis, traduit du grec par Anne-Laure Brisac, Editions Intervalles 2014.
Un grand merci à Antigone, la tentatrice !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : dimitris sotakis
26/06/2014
On a failli être amies
Carole (Emmanuelle Devos) étouffe dans son rôle multitâches d'épouse de chef étoilé. Elle vient donc en catimini consulter Marithé (Karin Viard) , chargée de réorienter les adultes . Une relation ambiguë s'établit entre les deux femmes car , tandis que Carole s'éloigne de son mari , interprété par le trop craquant Roschdy Zem, Marithé ne reste pas insensible aux charmes du cuisinier... Les deux femmes entament donc une relation qui, sous le couvert de l'amitié, s'avère plus intéressée et manipulatrice que prévu.
Trop démonstratif, on nous répète à trois reprises que ces deux femmes sont à la croisée des chemins, frôlant parfois la caricature (Emmanuelle Devos qui lance à Karin Viard qu'elle est "méchante" a pourtant quitté depuis longtemps la cour de l'école primaire), ce film a juste failli trouvé le chemin de mon cœur , malgré une dernière partie beaucoup plus réussie car plus subtile. Pourtant j'avais envie de l'aimer ce film ! En effet, ce n'est pas tous les jours qu'on bâtit un projet cinématographique reposant presque uniquement sur un duo féminin, dont l'interprétation, par ailleurs est en toute en nuances.
06:00 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : anne le ny, karin viard, emmanuelle devos
24/06/2014
Les joies de la famille
"Les joyeux mensonges font les jolis rêves."
Comme le tramway, autrefois disparu, réapparaissant aujourd’hui-"L'homme moderne revenait de ses errements"-trente ans après un départ mal vécu par son cadet, Fabrice, le frère prodigue aux multiples vies , revient à Toulouse. L'occasion de renouer, prudemment, des liens au fil des stations de la ligne de tram que les deux hommes ont empruntée.
L'occasion aussi d'évoquer des thèmes chers à Pascal Dessaint , les relations entre l'homme et la nature, les mœurs particulières des oiseaux, et d'avoir(enfin !) des nouvelles d'un vieil ami autrefois policier à Toulouse.
Texte de filiations réelles et imaginaires , à la fois dense (29 page ) et raisonnablement optimiste, Les joies de la famille joue sur la polysémie du titre et nous procure un grand bonheur de lecture. Du grand Dessaint en petit format !
Distribué gracieusement dans les agences du tramway de Toulouse mais aussi en téléchargement ici !
Merci à l'auteur qui a fait rouler le tram de Toulouse jusque dans le Nord !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal dessaint