06/10/2014
Les enfants de la dernière pluie
"Xavier fait carrière dans la psychose, un domaine où les chances de promotion sont un peu limitées."
Rendant visite à son frère, hospitalisé en psychiatrie, le commandant Lanester est témoin d'un homicide , immédiatement suivi d'un suicide. Le meurtrier présumé , un infirmier bien noté par ses supérieurs, a agi sous l'emprise d'un mélange de puissants psychotropes.
Accompagné par sa bande atypique et attachante, Lanester mène l'enquête au sein de l'institution psychiatrique, remontant le temps vers la figure emblématique d'un poète aliéné, Téophobe Le Diaoul.
Prévoyez de grandes plages de lectures pour savourer tout votre saoul ce roman qui se lit d'une traite tant les personnages sont attachants et l'intrigue bien menée. On ne s'ennuie pas un instant, on a le cœur qui bat , on se régale des touches d'humour et l'on attend déjà avec impatience le prochain volume de aventures de Lanester !
Un excellent moment de détente et beaucoup d'infos très intéressantes sur l'institution psychiatrique !
Les enfants de la dernière pluie, Françoise Guérin, Le Masque 2014.
Merci à Françoise Guérin .L'avis de Keisha qui vous mènera vers d'autres billets.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : françoise guérin
04/10/2014
Si tout n'a pas péri avec mon innocence
"Dans ma famille nombreuse, il n'y avait pas assez d'amour pour tout le monde: les grands se sont taillé la part du lion et les petits ont léché le plat, comme dans la comptine des cinq doigts que m'apprenait Claudette quand elle avait encore toute sa tête."
Kimberley est l'enfant du milieu d'une fratrie de cinq. Avant elle, deux sœurs aux prénoms slaves qui idolâtrent leur mère, flattant ainsi son narcissisme à toutes épreuves et il en faut pour assumer un bec de lièvre mal recousu. Quant aux deux petits frères, ils ont grandi dans une quasi indifférence maternelle et paternelle. Heureusement la grand-mère veille au grain , du moins tant que son passé ne la rattrape pas.
Rien de fixe, pas de cadre éducatif, alors Kimberley se donne régulièrement des objectifs et tente de sauver sa famille, se récitant des poèmes du XIXème,des alexandrins du grand Charles (comprendre Baudelaire) en particulier et va trouver une manière bien particulière de se sauver, faute d'avoir pu le faire pour le plus fragile de sa fratrie.
Une belle énergie, parfois marquée par l'outrance ,se dégage de ce récit de métamorphoses corporelles et psychologiques à la première personne, marqué d'emblée par la tragédie, qui tisse alexandrins et prose sans démarcations.
Kimberley, charnière de la fratrie, l'est aussi en matière de générations parce qu’elle va retrouver la fameuse sage-femme qui avait tant marquée sa grand-mère lors de son accouchement. Avec cette femme, un peu sorcière, dans un paradis végétal et animal, elle va se dégager de la gangue familiale mortifère.
Un roman à la fois sensible et dérangeant qui se lit d'une traite tant sa narratrice emporte l'adhésion malgré des prises de position extrêmes, propres à l'adolescence et qu'on en souhaiterait pas pour ses propres enfants ! Un univers où se retrouve des figures baudelairiennes, je pense au personnage de Charonne, aux images fortes et marquantes. Un coup de cœur !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : emmanuelle bayamack-tam
03/10/2014
Petit éloge de la nuit
"Plénitude
Je n'aime que les nuits entières, où je ne me réveille pas, où je ne me lève pas. Des nuits pleines. Des nuits où l'on se repose d'être soi."
Je nourris pour le genre et la collection Folio chez du Petit éloge une passion trop souvent déçue. Ici, Ingrid Astier se fixe un cadre supplémentaire ,et s'y tient sans tricher, celui de l'abécédaire , un autre d e mes péchés mignons .
Le résultat : un livre de 129 pages , dont de très nombreuses cornées, "notes vagabondes, de nuits inspirées, de lectures ou de dialogues croisés" que j'ai apprécié au plus haut point.
L'auteure y livre des pensées, le fruit de ses nuits avec le groupe cabarets du quai des orfèvres (elle n'est pas auteur de polars pour rien et l'on oubliera pas de sitôt celui qu'elle surnomme Le petit Corrézien) , de ses réflexions sur les films comme "Ma nuit chez Maud", de ses lectures, car"La littérature rend notre esprit poreux. Elle s'attaque en nous à ce que nous avons de plus sensible. lorsqu'elle vise juste, elle s'allie à notre pensée jusqu'à l’habiter. rien ne viendra l'en déloger." ,de ses dialogues avec son frère astronome ...Elle peint à merveille l'atmosphère des nuits , cette complicité qui s'y établit, les moments de calme ou de violence, l'alchimie de la nuit.
C'est poétique, riche et vibrant . à lire de jour comme de nuit ! Un parfait livre de chevet .
Il ne me reste plus qu'à découvrir les polars d'Ingrid Astier !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : petit éloge, ingrid astier
02/10/2014
Hyperbole
"Je ne suis que le vaisseau impuissant d'une identité moindre, que je dois supporter malgré moi. J'ai constamment peur d'elle, et prie pour qu'elle ne m'attaque ni ne m'oblige à commettre des actions dont j'aurais honte."
Quand Cuné m'envoie un mail me recommandant un livre, je fonce ! (surtout quand elle sait trouver les arguments comme celui-ci, imparable: il y a des chiens... :))
Roman autobio et graphique, Hyperbole, explore de manière imagée, (ah le générateur d'amour propre ! ) à la fois précise et pleine d'humour, les tours et détours de la personnalité en devenir de son auteure. à noter que le seul personnage dessiné de manière non totalement figurative est l'auteure elle-même (l'espèce de poisson /grenouille ? cornu dessiné sur la couv' , c'est elle). Et ce choix est volontaire, car elle sait croquer à merveille les attitudes et comportements des chiens, tant par ses dessins que par ses textes (les résultats du test d'intelligence de son premier chien sont à mourir de rire et l'adoption du second chien est encore plus gratinée ! ).
Ce n'est pas juste un "ego trip" de plus, c'est une analyse vivante, pleine d 'humour à laquelle on peut pleinement s'identifier. Les mensonges qu'on se fait à soi même, nos tergiversation, notre tendance à procrastiner (remette toujours au lendemain ), tout ceci nous est familier, mais , éclairé par l'auteure, prend une coloration nettement plus sympathique.
Un livre qui m'a fait glousser toute seule à de nombreuses reprises (bon, j'avoue avoir dévoré en premier les chapitres consacrés aux chiens, facile à repérer les chapitres car tous sont colorés jusque sur la tranche d'une couleur différente). Je l'ai dévoré d'une traite et il est constellé de marque-pages !
Un livre tonique et hautement réjouissant ! merci Cuné !
Pour celui ou celle qui aime "fouiner dans les circonvolutions profondes de [son] cerveau comme un intrépide idiot"
Hyperbole, Allie Brosh, les Arènes 2014.
Jérôme a aussi aimé !
06:00 Publié dans Autobiographie, BD, Humour | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : allie brosh, roman graphique
30/09/2014
En septembre...
...j'ai apprécié l'aspect gentiment foutraque de Neuf mois fermes, autant pour la prestation de Dupontel que pour celle de Sandrine Kiberlain, très à l'aise dans la comédie (le très frais Romaine par moins 30, merci, Cuné !) en avait déjà donné la preuve.
Gros coup de cœur pour La vie Domestique (adaptée du roman de Rachel Cusk, Les femmes d'Arlington Park (clic)), qualifié par l'Homme de film subversif !
Commençant par un dîner où un chef d'entreprise se livre à un véritable festival de remarques sexistes et racistes, se clôturant par un autre dîner censé être plus amical mais où un homme ne peut s'empêcher de remarquer en parlant du plat principal "C'est simple mais c'est bon." faisant tiquer l'une des héroïnes incarnées par la parfaite Emmanuelle Devos, tout en nuances.
Isabelle Czajka peint avec finesse cette journée -marathon de plusieurs femmes et confronte deux univers: celui très protégé de la résidence et celui, plus rude que fréquentent les participantes de l'atelier de littérature d'un lycée professionnel. La disparition d'une petite fille, issue du quartier populaire, fonctionne en contrepoint de l'attitude de certaines de ces bourgeoises qui, ne peuvent s'empêcher de critiquer l'origine sociale de cette fillette, tout en agissant avec une "violence "larvée sur leurs propres enfants. L'une d'elle en effet, oublie de débloquer la portière de sa voiture, ayant déjà oublié la présence de son fils à une heure indue dans son emploi du temps , le "colle" ensuite devant la télé.Une autre , quant à elle, refuse d'entendre les critiques du comportement de son fils, préférant aller faire du shopping avec ses amies dans un centre commercial vantant une forme de liberté calibrée.
De très jolis moments de pause dans ce marathon maternel , quand Emmanuelle Devos prépare le fameux dîner tout en discutant avec sa mère, incarnée par la trop rare Marie-Christine Barrault.
Un film féministe ? Résolument, oui.
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (9)
29/09/2014
Mon âge
"Ce qu'on pouvait raisonnablement espérer avoir en commun avec les enfants d'ingénieurs , c'étaient leurs polos. Il nous suffisait d'acheter les mêmes et nous avions les moyens , notre infériorité ne se mesurait pas à l'argent. Pas sûr que nos corps les aient portés avec la même superbe. Ce qu'il y a à l'intérieur des têtes porte les polos bien plus que les épaules et les torses."
Dans la lignée de Corps, ce nouveau roman de Fabienne Jacob se penche avec acuité et bienveillance sur notre relation au corps et au temps. Commençant par la description d'une femme qui se démaquille le soir, femme dont l'âge n'est pas précisé "Voilà mes yeux, voilà ma bouche, voilà mon âge, vingt-sept ans, trente-neuf ans, soixante et un ans". Else, il se clôt par une très jolie vision: celle de trois femmes âgées se baignant,nues, au clair de lune, car elles ont atteint La vie intérieure. Entre-temps, sera venu le temps du Détachement : "à présent que je ne veux plus séduire ni posséder, seule une chose m'importe encore, c'est vivre des moments sans temporalité. La question du temps ou plutôt du non-temps est la seule qui compte. Les autres questions ne sont plus des questions pour moi." Et de relater des moments où le temps n'entre pas , moments fugaces ou non, dans des endroits parfois inattendus, comme le supermarché, qui , décidément fait son entrée en littérature en cette année 2014.*
Si, dans un premier temps, j'ai été un peu déroutée par l'absence de précision chronologique, les âges ne sont jamais volontairement précisés mais on peut aisément les situer, j'ai été séduite par l'écriture de Fabienne Jacob, sa vision à la fois acérée, rien ne lui échappe, et tendre de la relation des femmes aux différents âges de leur vie. on n'oubliera pas de sitôt, entre autres, cette petite fille qui déchire la robe trop aimée, tant désirée !
J'ai aussi beaucoup apprécié la relation sensuelle, physique aux langues de la narratrice: "Dans ma langue maternelle, il y a un mot pour dire Se faufiler, Se glisser, mais un mot qui le dit beaucoup mieux. C'est le mot Schluffen. Il a quelque chose d'utérin que l'équivalent français n'a pas. Aucun mot français ne pourra jamais autant se faufiler ni autant glisser que dans le mot de la langue maternelle. Celui qui en français se blottit le plus est le verbe Se lover."
Un livre qui a rejoint ma réflexion personnelle sur l'âge, que je me suis approprié avec bonheur, un parfait cadeau d'anniversaire ! Merci Cuné !
Mon âge, Fabienne Jacob, Gallimard 2014, 165 pages hérissées de marque-pages !
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
* Annie Ernaux, Regarde les lumières , mon amour
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : fabienne jacob
27/09/2014
L'ardeur des pierres
"Deux morceaux pétrifiés d'univers, avait-il murmuré en caressant leur surface à l'expression complexe."
Sidonie part en vacances au Japon. Elle est française est noire, deux qualificatifs qui ne vont pas de pair dans l’imaginaire de deux japonais qui vont la croiser. Ils l'envisagent plutôt comme une chanteuse de jazz américaine.
L'un d'entre eux, tente d’écrire un roman sur un tueur célèbre, pour s'inscrire d'une certaine façon dans la lignée d'un père qu'il na jamais connu, le célèbre sculpteur Isamu Noguchi. L'autre, son voisin du dessous, jardinier, est fasciné par les pierres interdites, les kamo-ishi et cède à la tentation : il en repère dans la nature et les vole.
Entre ces trois personnages vont se tisser des relations basées sur les malentendus et l’incompréhension respective. Quant aux pierres, dès leur arrivée dans la maison du jardinier, elles vont se comporter d'une bien étrange façon...
Il règne une atmosphère subtile et prenante dans ce roman de Céline Curiol. On se laisse fasciner par le désir qui monte progressivement entre les personnages, la tension induite par le sacrilège commis et l'étrangeté d'un pays où l'auteure a vécu six mois. Un bon moment de lecture comme promis par Aifelle.
09:30 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : céline curiol
26/09/2014
Les tendres plaintes
"Alors que je n'avais plus beaucoup de temps, eux restaient à l'abri dans un coin isolé du monde où le temps ne s'écoulait pas."
Fuyant les infidélités de son mari, Ruriko se réfugie dans un chalet en forêt. Là, elle poursuit son travail de calligraphe et tente de retrouver la sérénité.
La rencontre avec Nitta, ancien pianiste devenu facteur de clavecin , son apprentie Kaoru et un vieux chien aveugle et sourd va l'entraîner vers une renaissance qui n'empruntera pas forcément les chemins attendus.
Ces personnages qui dissimulent des secrets marqués par la violence , au sein de la nature, cherchent leur demeure comme dirait S. Doizelet. Une quête où les cinq sens jouent un rôle essentiel mais que j'ai bien failli abandonner, agacée par les mots anglais non traduits ( un pug est un carlin) et par l'attitude parfois infantile de l'héroïne. J'ai néanmoins poursuivi ma lecture et j'ai bien fait car la dernière partie du livre, plus apaisée est nettement plus réussie. Lecture en demi-teinte donc et pas le meilleur roman de cette auteure à mon avis.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : yôko ogawa
24/09/2014
La fille
"Je ne suis peut être pas née capitaine de ce bateau, mais je suis née pour le secouer."
Sa mère l'appelle "Sunshine" le matin et "la fille" le soir. Malgré les défaillances-pointées avec lucidité par la narratrice- de cet univers de petits blancs vivant dans un trailer park (parc de caravanes) à Reno, beaucoup d'amour circule dans la famille essentiellement féminine de la jeune Rory.
Cette dernière, faute de modèle familial conforme à la "norme", puise dans un manuel de scoutisme de quoi avancer dans la vie.
Elle compile journal intime, dont des passages sont parfois totalement caviardés pour mieux rendre compte de l’indicible et rapports "linéaires et catégoriques" des travailleurs sociaux parlant "ouvertement de vérité et de culpabilité."
C'est cette relation aux mots, que Rory excelle à épeler à l'école, se plaçant ainsi en dehors des limites de ce que la société attend d'elle, que j'ai particulièrement apprécié dans ce roman revigorant et lucide.
Rory porte un regard incisif sur deux univers complètement différents, là où le mot "maison" ne recouvre pas la même réalité, là où des gens considérés comme "arriérés" ne bénéficient pas de leurs droits. Devenir ce que l'on attend d'elle, suivre l'atavisme familial en quelque sorte , ou s'insérer dans un monde qui la rejette ? Rory trouvera une troisième voie , plus conforme à sa personnalité, riche et intelligente. Un roman qui échappe à tout misérabilisme ainsi qu'à tout angélisme et qui sonne juste. Un coup de cœur et ce n’était pourtant pas gagné d'avance.
Déniché par hasard à la médiathèque.
La fille, Tupelo Hassman, traduit de l'anglais (E-U) par Laurence Kiefé, Christian Bourgeois éditeur, 2014, 341 pages à dévorer.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : tupelo hassman
22/09/2014
Jusqu'ici et pas au-delà
"J'aurais tellement voulu être un gros homme flegmatique comme mon père, un vrai Bouddha, mais je n'étais qu'un gamin maigrichon et vibrionnant, toujours branché sur dix mille volts."
Une enfance hors du commun que celle de Joachim Meyerhoff ! Il a grandi avec ses deux frères et ses parents entre les murs de la clinique psychiatrique Hesterberg, que dirigeait son pédopsychiatre de père.
Dans cette autobiographie, il choisit de nous présenter les moments les plus marquants , tour à tour drôles ou tragiques. Se construit alors, sous formes de récits vivants et acérés , le portrait nuancé d'un père hors-normes , complètement dégagé des contraintes matérielles, et sachant préserver son bonheur, au risque de faire souffrir sa famille.
Pas de jugement, juste un constat plein d'amour et d'empathie.
Un livre haut en couleurs, très agréable à lire.
Jusqu'ici et pas au-delà, Joachim Meyerhoff, traduit de l'allemand par Corinna Gepner, Anne Carrière 2014,
L'avis d'Antigone.
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : joachim meyerhoff