11/01/2024
Bivouac...en poche
"Comme les humains, les arbres isolés n'ont pas grand chance de survie. La résilience du bois vient avec la force du nombre , la prise de ses racines entortillées à une société de semblables. "
Quel plaisir de retrouver Anouk, Raphaëlle et Coyote, leur chienne ! Cette fois , les deux amoureuses vont se confronter à la vie en communauté , d'abord dans une éco-ferme communautaire puis , par la force des choses, au cœur d'une tribu de guerriers écologistes.
En effet, Gros-Pin , l’arbre préféré de Raphaëlle , est menacé d'être abattu et avec lui toute une partie de la forêt que les protecteurs de la nature voudraient protéger en en faisant une réserve faunique. Mais les intérêts économiques et politiques priment et la construction d'un oléoduc ne s’embarrasse ni de la biodiversité, ni des conséquences catastrophiques à plus long terme.
Gabrielle Filteau-Chiba, à son habitude, maitrise à la perfection l'art du récit et c'est pourquoi nous retrouvons un personnage,Riopelle, avec qui Anouk avait connu une liaison aussi brève que passionnée. L'occasion pour le lecteur de découvrir la vie de ces "eco-Warriors" qui ont fait le choix de sacrifier leur vie personnelle pour tenter de sauver la Nature. L'occasion aussi de confronter ses personnages aux fluctuations du désir et au polyamour.
La langue est toujours aussi belle, l'intensité dramatique aussi forte et le lecteur ne sortira pas indemne de cette lecture qui fait la part belle aux descriptions de le la forêt et des vies qui s'y déploient. Une réussite qui file sur l'étagère des indispensables.
PS: peut se lire indépendamment des deux volumes précédents , mais ce serait se priver de grands bonheurs de lecture.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : gabrielle filteau-chiba
10/01/2024
#SoupapesCie #NetGalleyFrance !
Quelle déception ! Moi qui avais adoré le roman de cette autrice Le dernier samouraï, je me suis sentie littéralement étouffer dans celui-ci. En effet, nous sommes enfermés dans les fantasmes (très répétitifs ) du narrateur, fantasmes, qui réduisent la femme à un objet dans lequel se soulager. Enfermés dans sa vie de vendeur à domicile qui échoue à vendre des aspirateurs. Ce qui nous vaut de nombreuses réflexions, peu passionnantes à dire vrai sur ce métier. Et quand le personnage met en place son idée destinée à éviter des soucis (accusations de harcèlement sexuel, voire pire) aux employés trop motivés des entreprises, j'ai touché le fond.
Le style , basé sur de nombreuses anaphores, contribue à cet effet d'enfermement et , pour le coup, il est efficace.
Sans doute suis-je passée à côté de ce livre. Dommage.
Éditions Du Cherche Midi 2024. Traduit de l'anglais (E-U) par Anne Le Bot.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : helen dewitt
09/01/2024
Nous étions le sel de la mer
" C'est facile d'aimer un rêve, un fantasme, une femme insaisissable, mais peut-être qu'au quotidien, dans l'au-jour-le-jour, Cyrille, comme n'importe quel autre homme, se serait fatigué d’elle, de son besoin d'indépendance, de son intensité. "
Catherine Day est venue à la recherche de ses racines en Gaspésie, dans une petite ville où les pêcheurs ont du mal à survivre.
La découverte du cadavre d'une noyée va provoquer bien des remous dans cette communauté soudée par le silence ,mais travaillée par les amours inassouvies. L'enquêteur Morales, fraîchement arrivé (et pas au mieux de sa forme), va se confronter à des personnages hauts en couleurs , mais pas forcément désireux de l'aider...
Jouant avec la temporalité et usant d'un style poétique, Roxanne Bouchard noue les fils de son intrigue avec maestria, même si l'enquête est bouclée de manière quelque peu expéditive, et l'on prend beaucoup de plaisir à cette lecture savoureuse.
L'Aube Noire Poche 2023.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : roxanne bouchard
08/01/2024
Jim
"Il me faut apprendre à avancer depuis qu'une partie de moi s'en est allée. "
Il m'a fallu du temps pour me décider à acquérir ce magnifique album dont la couverture m'avait instantanément attirée. Oui, du temps car Jim évoque ce que tout compagnon d'un chien cherche le plus à tenter d'oublier: "Pourquoi la temporalité de l'existence des chiens est-elle si différente de la nôtre ? On est condamnés à les voir vieillir si vite...". Car il s'agit du deuil de Jim, Flat-Coated Retriever (chien d'eau, race dont j'ignorais l'existence) , qui durant treize ans a ala vie de François Schuiten.
A raison d'un dessin par jour, l'auteur nous rend palpable des petits moments d’existence de ce compagnon qui préférait les humains aux chiens , moments tendres, douloureux parfois quand le manque se fait trop difficile...Une merveille de sensibilité poétique, à mille lieues d'un roman qui en devient parfois illisible tant l'écriture en est travaillée: Son odeur après la pluie.
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
L'avis d'Antigone: clic
Rue de Sèvres 2023.
06:01 Publié dans BD, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : françois schuiten
07/01/2024
Comment jouir de la lecture ?
"Moi, Lectrice, qu'est-ce que je ressens, et quel endroits du texte créent ce ressenti?
La jouissance est là, entre Texte et moi. "
Partant de l'idée que "les plaisirs sexuels que nous croyons naturels, immédiats et personnels, sont en réalité construits, conditionnés et culturels", Clémentine Beauvais élargit cette notion aux plaisirs engendrés par la lecture qu'il faut apprendre à élargir par une éducation au ressenti.
Elle commence par distinguer deux catégories établies par la société: le discours qui hiérarchise les livres (ceux qu'il faut avoir lus, "il n'appartient qu'à nous de nous hisser à leur hauteur") et celui, plus progressiste en apparence qui prône n'importe quelle lecture, l’important étant de lire.
Soulignant les limites de cette division, elle rappelle la difficulté de parler des textes qui nous ont plu et dresse une liste non exhaustive des plaisirs suscités par les textes: du délice addictif , aux enchantements rebelles, en passant par l'orgie de relectures, le tout émaillé de citations et de références. En tout une vingtaine de jouissances possibles, susceptibles d'évoluer au fil du temps pour un même lecteur.
Elle aborde enfin la dimension politique de ces plaisirs de lecture et la nécessité de les analyser. Un texte revigorant.
Alt 2024. 3 euros 50
06:00 Publié dans Essai, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : clémentine beauvais
06/01/2024
L'engravement ...en poche
"Vous êtes trente ou vingt, parfois dix, peu importe, vous rampez sur l'allée, écrasés, vidés, fautifs, égarés sur le chemin que vous connaissez si bien. Pas de chance, aucun échafaud n'est dressé au bout de l'asphalte. Il y a un parking, un arrêt de bus, une rue que personne ne veut habiter, et votre vie, qui continue. La voilà la sentence : Vivez avec. "
Où se dirige ce troupeau, hétéroclite, mais uni par une même détresse, une même souffrance, un même espoir malmené , vacillant mais entretenu par la proximité des autres ? Il va vers cet endroit où leurs proches sont enfermés parce que leur vie , telle celle des baleines échouées sur les plages, n'a pas su s'adapter au bruit du monde, parce que ce bruit a poussé "leur stress à un paroxysme ingérable".
Ce sont ainsi différents parcours qui se donnent à lire via ce roman choral, entrecoupé par des discours souvent violents, révélant au passage les dysfonctionnements du système de santé. Nous voyons ainsi, par petites touches l'évolution des patients, celle de leurs aidants qui trimballent des sacs puant la pisse ou le sang, mais charriant surtout leurs minuscules victoires et leurs immenses échecs.
L'émotion est toujours là, mais sans voyeurisme et c'est tout un pan, souvent caché, de la société qui se donne à voir dans ce roman d'une force inouïe et bouleversante . Un très grand coup de cœur.
La Contre-Allée poche.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : eva kavian
05/01/2024
Qui-Vive
"J'imagine une vie qui serait une éternelle errance où je m'arrêterais devant chaque personne croisée et l'écouterais quelques minutes. "
Parce qu'il y a eu les attentats; le Covid, les confinements; le retour de la guerre en Europe; la découverte de feuillets énigmatiques après le décès de son grand-père, Mathilde est devenue insomniaque, a perdu le sens du toucher ,est obsédée par des vidéos de Leonard Cohen. Bref, Mathilde ne sait plus où elle en est. Et c'est fâcheux pour cette professeure d'histoire-géographie.
Laissant son mari et sa fille, elle part sur un coup de tête en Israël, entame un périple où elle se frotte à des réalités contrastées, bien éloignées de son quotidien. L'occasion de retours en arrière, de changements de perspectives dans ce pays où sa famille n'a pas choisi de vivre mais dont elle parle néanmoins la langue. Un récit où L'Histoire affleure tout le temps. Un récit sensible et poignant qui prend une dimension encore plus grande au vu de l'actualité.
Éditions de l'Olivier 2024, 169 pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7)
04/01/2024
Le Roitelet...en poche
"" Tu devrais écrire un livre dans lequel rien n'arrive. " J'ai trouvé l'idée d'autant plus séduisante que j'ai sous la main, avec ma vie très banale, une grande quantité de matière à partir de laquelle travailler. "
Quel plaisir de retrouver ici l'auteur du Jour des Corneilles ! Ici, il ne s'agit plus d'un père et de son fils mais principalement de deux frères, dont l'un est écrivain (l'auteur) et l'autre travaille dans une jardinerie. Ah oui, il est aussi schizophrène mais il ne faudrait pas le ramener uniquement à cette maladie qui le fait souffrir et rend son comportement parfois difficilement compréhensible aux autres tant ses remarques sont parfois étonnantes et lumineuses.
Dans ce texte, il est aussi beaucoup question de nature, d'animaux , d'écriture et c'est de manière apaisée, mais sans occulter les difficultés que Jean-François Beauchemin avec une écriture d'une finesse incomparable évoque cette relation fraternelle hors-normes.
Un texte dont les pages se tournent toutes seules et qu'il faut prendre le temps de relire pour encore plus le savourer. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jean-françois beauchemin
03/01/2024
Passer à l'Ouest
Julien Solé, à l’instar de Larcenet dans son Retour à la terre, nous relate comment, avec femme et enfants, quittant la riante cité de Sevran, il s'est installé près de Brest.
Aimant beaucoup cette ville (et sa fameuse librairie "Dialogues" ) , je me réjouissais de la retrouver via cette BD. Las, à l'exception du passage sur les expressions brestoise hautes en couleurs, je me suis passablement ennuyée car cette BD manque cruellement d'enjeux narratifs. Les dessins sont beaucoup trop fouillés et nuisent à la lisibilité. Bref, un échec total, corroboré par une deuxième lectrice de mon entourage. Sans doute en attendions-nous trop...
Je remercie les Éditions Locus Solus et Babelio.
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : julien solé
02/01/2024
Le Jardin Nu
"Tout est plus vivant de devoir mourir. Tel est l'enseignement.Toute vie est dérisoire , et toute vie est en même temps unique, infiniment unique, infiniment fragile-la palpitation de la veine- précieuse en raison même de sa fragilité . "
D’Anne Le Maître, j'avais précédemment lu et adoré Sagesse de l'herbe (clic) .
Si je n'ai pas autant utilisé de marque-pages pour ce récit, il n'en reste pas moins que j'ai beaucoup apprécié ce texte de remontée vers la lumière après un deuil, par le biais d'un jardin et de sa faune.
L'autrice, par sa langue toujours aussi précise et poétique, sans pathos, nous fait partager ces moments fragiles et beaux , qu'elle observe avec une attention extrême et dont elle nous fait partager l'intensité. C'est ténu et pourtant d'une puissance folle.
Merci Aifelle pour cette découverte.
Editions Bayard 2023.
06:00 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : anne le maître