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15/06/2023

#LesVoyageursdutrainde8h05 #NetGalleyFrance !

"Franchement, si on m'avait dit qu'un jour, je confierais mon avenir à une lesbienne excentrique, je ne l'aurais pas cru ! Mais ça fonctionne plutôt bien, en fait. "

La règle numéro 2 de l'usager du train de banlieue , règle implicite, bien sûr, est de ne jamais adresser la parole aux autres voyageurs. Pourtant, quand un des habitués de la ligne  allant de Hampton Court à Londres manque s'étouffer avec un grain de raisin, les interactions vont bien se mettre en place et les identités se dévoiler. clare pooley
Petit à petit, ce sont les personnalités et les tracas de chacune et chacun qui vont se révéler, faisant de Iona , journaliste spécialisée dans les problèmes personnels, une sorte d'aimant dans le wagon où elle s'installe chaque jour avec sa fidèle, Lulu, bouledogue français.
Roman choral où chaque personnage prend à son tour la parole, Les voyageurs du train de 8h 05 concentre de manière un peu trop systématique des problématiques contemporaines qui vont du harcèlement scolaire à l'emprise. Le microcosme qu'est le train est certes bien  exploité mais les situations se règlent beaucoup trop facilement . Et c'est bien dommage cr les personnages, Iona en tête, sont pleins d'humanité et croqués à ravir.
Un bon moment de lecture  juste un peu trop lisse.

 Traduit de l'anglais par Anne-Marie Carrière et Karine Guerre.

 

Éditions Fleuve 2023clare pooley

 

05/06/2023

#Cinqarticlesmaximum #NetGalleyFrance !

"Tout ce tissu pour envoyer les signaux indispensables et témoigner du fait que j'ai compris les codes , je m'habille comme il faut, incorporez-moi dans votre groupe, j'ai tout acheté pour en faire partie, j'ai la panoplie. Alors qu'il suffit d'être humain pour avoir sa place. "

Nous sommes à Niort, mais nous pourrions être dans n'importe quel magasin de vêtements dont les chaînes  occupent les centres-villes un peu partout en Europe.
Un lieu où les femmes de tous âges viennent, seules ou en bandes, flanquées ou non de leur compagnon , mais toujours de leurs névroses. claire renaud
Car oui, s'acheter un vêtement quand on est une femme n'a rien d'anodin et ce n'est pas Juliette,  la vendeuse qui sert de lien à toutes les saynètes qui se déroulent dans ce microcosme, qui nous dira le contraire.
Claire Renaud brosse ainsi  une galerie de portraits , parfois acides, parfois très drôles,  mais toujours justes et remplis d'humanité. Elle nous dévoile aussi l'envers du décor et l’écœurement  de Juliette face à cette masse de vêtements : "Je suis ivre de ces marchandises, saturée, comme une cuite quotidienne qui donne la nausée puis fait vomir. "
Un roman bien moins léger qu'il y paraît, que j'ai surligné à tour de bras et qui se révèle une excellente surprise.

Éditions Fleuve 2023claire renaud

01/06/2023

#Êtreheureuxavecmoins #NetGalleyFrance !

"[...] fin 2020: la masse totale des fabrications humaines venait de dépasser celle de l'ensemble des espèces vivantes de la planète. Le béton, l'asphalte, le gravier, les briques, le métal, le verre et les objets en plastique pesaient 1, 1 millier de milliards de tonnes, soit plus que la totalité des animaux et des plantes. Et au sein de ceux-là, le sauvage ne représentait plus que 4% de la biomasse des mammifères, nous compris. "

Partant d'exemples concrets montrant l'absurdité de notre mode de vie consumériste, Corinne Morel Darleux rappelle aussi que "De plus en plus d'animaux sont condamnés à partager les mêmes zones que les nôtres. " , ce qui ne va pas sans conséquences et pour eux et pour nous.
"En l'espace d'un éclair, l'être humain a consommé ou détruit la plus grande partie du monde naturel. " D'où la nécessité au moins de ralentir notre production d'objets le plus souvent inutiles. corinne morel darleux
Mais, comme le souligne l'autrice, "Tout est fait pour nous persuader du contraire. " via les influenceurs, les célébrités de tous poils qui nous persuadent de pouvoir partager avec eux , un peu , de leur mode de vie qu'on nous incite à envier, en achetant tel ou tel produit .
Pourtant, comme le rappelle le "paradoxe d'Easterlin", économiste des années 70, "la hausse de la richesse n'augment[e] le bien-être que jusqu'à un certain point" et ce aussi bien pour les pays que pour les individus.
De plus, les risques de pénurie de matière et  d'énergie sont réels et il est grand temps de réagir . Enfin, l'autrice en appelle à l'éthique et au discernement , "Faute de quoi, au rythme où le monde va, nous n'aurons plus le luxe de choisir entre sobriété et pénurie. Et les choix seront faits par d'autres que nous. "

Alt 2023, 29 pages . Dès 15 ans. corinne morel darleux

 

31/05/2023

Vieille peau#FionaSchmidt #NetGalleyFrance !

"Des vieux jeunes, en somme.
Des vieux "comme il faut", biologiquement âgés mais socialement jeunes, par opposition aux vieux embarrassants, qui ne sont pas ou plus ni autonomes, ni actifs, ni consommateurs, ni fortunés, ni imposables, ni utiles socialement, et pour lesquels on crée une nouvelle catégorie dans les années 1980 : le "4 ème âge". Celle-ci ne fait pas tant référence à l’âge de la personne qu'à sa dépendance[...] mais elle contribue à associer l'avancée en âge au handicap à la fois biologique et social, donc à nourrir l'âgisme institutionnalisé. "

L'épigraphe de cet essai décapant et sans langue de bois donne le ton : "Chère  Déesse : donne-moi le courage de marcher nue à tout âge. De porter du violet et du rouge, d'être disgracieuse, indécente, scandaleuse et inconvenante jusqu'à mon dernier souffle. " et elle est signée Gloria Steinem, figure majeure du mouvement  féministe américain.fiona schmidt
Quant à Fiona Schmidt, elle a d'abord travaillé dans la presse féminine (elle sait donc de quoi elle parle quand elle la critique) , avant d'opérer un virage féministe. Il est donc question ici d'abord des injonctions contradictoires concernant le corps des femmes qui doivent vieillir avec grâce, tout en supportant une mise à l'écart de la société, une invisibilisation de celles qui ne sont plus bonnes ni pour la reproduction , ni pour la sexualité.
Plus largement l'autrice s'en prend à l'âgisme  qui considère comme des meubles encombrants ceux qui n'ont plus d'utilité pour notre société de consommation. 
Fiona Schmidt ne se pose jamais en donneuse de leçons, elle souligne ses contradiction et ses erreurs passées, et son style vigoureux emporte l'adhésion. Un essai que j'ai surligné à tour de bras !fiona schmidt

 

Belfond 2023

06:00 Publié dans Essai, Récit | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : fiona schmidt

30/05/2023

#Rétrécissement #NetGalleyFrance !

"Au malaise de me sentir si physiquement ténu, s'ajoute la détestable vision de mes contemporains qui me jettent au visage leur épanouissement."

frédéric schiffter

Baudouin Villard enseigne la philosophie dans un lycée catholique. Il a commis quelques essais qui ne lui ont guère valu de notoriété, ce qui le dévalue sérieusement aux yeux de sa seconde épouse qui attendait de lui un plus grand retour sur investissement.
Le voilà donc chassé de chez lui et entamant  ce qu’il croit être une crise de la quarantaine mais va s'avérer beaucoup plus grave. En effet, se nourrissant de quelques amandes, Baudouin va progressivement maigrir et , malgré une amitié avec un vieux voisin et bientôt une liaison avec la fille de ce dernier, va ressentir des sensations de plus en plus inquiétantes. 
Nous suivons avec fascination, mais  aussi détachement, ce parcours  d'un personnage dont nous ne savons jamais si ce qu'il affirme est vrai, car ne disposons que de son point de vue. La quatrième de couverture, trop détaillée, évoque Maupassant, avec raison, mais le roman de Frédéric  Schiffter reste davantage dans le domaine psychiatrique que fantastique.  La toute fin apporte une touche d'humanité bienvenue. frédéric schiffter

 

Le Cherche Midi 2023

29/05/2023

Eté

"Un conte triste, c'est mieux pour l'hiver, alors Shakespeare injecte l'artifice de la tristesse, c'est un artifice de dramaturge: il répand l’hiver partout précisément pour avoir un véritable été et faire jaillir un conte joyeux d'un conte triste. "

Comme la pièce de Shakespeare que Grace a joué tout un été  il y a trente ans et dont elle conserve un souvenir ébloui, le roman d'Ali Smith commence en hiver. Paradoxe qui s'explique par la relation au temps qui irrigue tout le roman et qui emprunte beaucoup à Einstein dont est féru Robert, un jeune garçon pour le moins surprenant.  
Par l'intermédiaire d'une expression prise au pied de la lettre par son frère Robert, Sacha, seize ans, va faire la connaissance d 'Art et Charlotte qui , de fil en aiguille , vont emmener les ados et leur mère, Grace, rencontrer un très vieil homme qui a connu la mère d'Art.   ali smith,laetitia  devaux
Avec un grand sens du montage quasi cinématographique, la romancière nous fait passer de l'époque contemporaine - dont elle fustige les travers avec acuité- à l’époque où l'île de Man accueillait dans des camps (qui demeuraient néanmoins des prisons) les Allemands qui avaient cru qu'il seraient en sécurité durant la Seconde guerre mondiale en Angleterre. Nous y croiserons Fred Uhlmann, qui n'avait pas encore écrit L'Ami Retrouvé mais dessinait pour témoigner de ce qu'il ressentait.
Il est très difficile de résumer le roman d'Ali Smith qui, de prime abord peut paraître touffu, mais dont la lecture s'avère d'une étonnante fluidité. L'autrice y évoque par petites touches l'importance des mots dans une période de changement à la fois climatique,  politique et pandémique, la nécessité de l'hospitalité et de l'engagement , sans jamais se montrer "donneuse de leçons".
Son roman est riche d'humanité et l'été qui lui donne son titre irradie chaque page tant les sensations y sont présentes. 358 pages dévorées d'une seule traite.

 

Traduit de l'anglais par l'excellente Lætitia Devaux ; Grasset 2023.

 

Ce roman clôture la tétralogie mais peut se lire indépendamment des autres  saisons. 

 

19/05/2023

#Frère #NetGalleyFrance !

"L'amour l'avait rendu aveugle à la rage, la haine et la mort qu'il déchaînait. Voilà la vérité terrible, dévorante et paradoxale qui la frappait tandis que les larmes coulaient sur ses joues : rien n'illumine, et par conséquent n'aveugle, comme la lumière de l'amour; et c'est dans ce même terreau que grandit et prospère le mal. "

Quel rapport y  a-t-il entre deux amis islandais, venus soutenir leur équipe en  France en 2016 à Marseille, et la sœur de l'un d'entre eux qui s'était exilée à Berlin  et qui reste injoignable ? halldór armand,islande
Il faudra attendre la toute fin de ce roman particulièrement bien construit pour le savoir.
Mais ce qui fait vraiment tout le sel de ce roman est l'analyse des relations entre Skarphédinn, ce grand frère très (trop ? ) protecteur, ancien chargé de cours de philosophie du droit à l'Université d'Islande et sa petite sœur, Tinna.
Ce qui est également au cœur de ce roman est le rapport à l'écriture car nous allons vite découvrir que Skarphédinn va charger Hanna, écrivaine en devenir , de raconter ce qui a abouti à la séparation de la fratrie. Pourquoi a-t-il besoin d'un tel truchement ? Pourquoi choisir Hanna, qui, plus jeune, était fascinée par la personnalité de Tinna ?
Un roman de 320 pages qui vous embarque d'emblée dans son univers , remarquablement servi par une écriture talentueuse, un pur régal !

Éditions Métaillié 2023. Traduit de l’islandais par Jean-Christophe Salaün. halldór armand,islande

18/05/2023

Evidemment Martha...en poche

"Je voulais lui dire que c'était la première fois que j'étais capable de décider comment réagir à un événement négatif, aussi insignifiant soit-il, au lieu de réagir avant d'avoir pris conscience. J'ai dit que je ne savais pas qu'on pouvait choisir quoi ressentir au lieu d'être submergée par une émotion extérieure. J'ai dit que c'était difficile à expliquer. Je ne me sentais pas différente, je me sentais moi-même. Comme si je m'étais trouvée."

Depuis l'âge de dix-sept ans, Marthe souffre de troubles psychiques et tente de s'en accommoder avec l'aide de traitements peu efficaces. Elle a maintenant trente-quatre ans, un premier mariage éphémère à son actif et un second qui se délite. meg mason
Les autres membres de sa famille (un père poète jamais édité, une mère sculptrice (qui vit aux crochets de sa sœur tout en la méprisant copieusement) une sœur quasi jumelle exténuée par ses grossesses successives) , ont chacun à leur manière tenté de "faire avec" l'attitude chaotique de Martha mais semblent eux aussi sur le point de lâcher prise.
L'autrice a fait le choix de ne jamais nommer la maladie (qui sera enfin correctement diagnostiquée ), sans doute pour ne pas stigmatiser ou pour ne pas limiter le récit et cela me convient très bien car ce qui est davantage montré ici est la souffrance  de Martha et celle de tous ceux qui l'entourent.
La structure éclatée du roman, les allers retours dans le temps, l'analyse fine des rapports complexes liant Martha à sa famille et, en particulier, à son second mari en apparence trop patient, la révélation retardée de certaines réactions de la jeune femme contribuent à maintenir la tension tout au long du récit.
Un roman clivant  sans doute mais que j'ai dévoré et qui m'a serré le cœur.

Traduit de l'anglais par Anne Le Bot

Le Cherche Midi 2022, 399 pages qui peuvent dérouter et/ou profondément émouvoir.

 

17/05/2023

La fille qui voulait voir l'ours...en poche

"Je ne me suis jamais senti aussi humaine et pleine vie  que dans ce cosmos sylvestre. J'y ressens la palpitation du monde. J'imagine les  flux de sève dans les arbres, les racines exploratrices du sol, les usines à chlorophylle des feuillages.
 Mais je sens aussi mes limites à écouter, sentir, comprendre tout ce qui m'entoure. "

Acheté  un peu par hasard, beaucoup pour travailler sur le thème du voyage en privilégiant le voyage au féminin, ce récit de Katia Astafieff a dépassé mes espérances par sa fluidité d'écriture, son humour, son attention aux autres et à la nature et surtout sa volonté de ne pas se poser en héroïne. 71Ev4JxVFrL.jpg
La narratrice ne nous cache rien de ses échecs, de ses limites physiques et surtout détaille bien les problèmes spécifiques qui se posent aux femmes en matière de préparation logistique: quid du soutien-gorge , comment résoudre le problème des règles en conciliant efficacité et légèreté car il faut veiller à ne pas trop se charger. Et la voilà partie sur le sentier international des Appalaches en plein été...
Un récit qui détonne agréablement  comparé à ceux de certains de ses confrères masculins...

15/05/2023

Ours...en poche

"Elle aimait l'ours.  Il y avait en lui des profondeurs qu'elle ne pouvait atteindre, qu'elle ne pouvait  sonder, ni détruire de ses doigts d'intellectuelle."

Quand Lou, archiviste à Toronto se voit proposer d'aller inventorier le contenu d'une bibliothèque sur une île au Nord de l'Ontario, c'est l'occasion rêvée de briser la routine de sa vie quelque peu étriquée.
Sur place, elle découvre la présence d'un ours ,laissé là par son précédent propriétaire. marian engel
Commence alors une relation qui, petit à petit, va entraîner le plantigrade et la jeune femme sur les chemins de la liberté des corps et des esprits, au plus près de nature .
L'ours reste obstinément opaque aux yeux de Lou qui n'est pas dupe qu'elle projette sur lui ses propres émotions et des petites notes , découvertes au fil de son travail, enrichissent ce portrait mouvant en inscrivant l’animal au cœur de différentes mythologies.
Récit d'émancipation, ce roman interroge aussi nos liens à la nature, à l'animal et efface les frontières que l'humain a établi entre eux.
Paru en 1976, ce roman a attendu 1999 pour être traduit pour la première fois en français .Le voici, dans une nouvelle traduction , et une sublime couverture, toute de sensualité.
Il y a toujours un risque à relire un texte que vous aviez beaucoup aimé à plus de vingt ans de distance mais le côté "étrange et merveilleux" que souligne Margaret Atwood sur le bandeau est toujours présent et le roman a conservé tout son pouvoir. A (re) découvrir absolument.

 

Cambourakis 2023.Traduit de l'anglais (Canada) par Géraldine Chognard.