12/02/2025
Histoire de la femme sauvage
"Et une gamine retient que c'est en arrachant ses racines que l'on est de bonne souche, le contraire de la nature. "
L'histoire commence en 1954 en Algérie, appelée "Alchérie" par l'une des héroïnes, Made, appellation révélatrice du lien fort qu'elle entretient avec ce pays où elle a vu le jour .Adolescente, Made scrute avec acuité tout ce qui l'entoure, et cela irrite beaucoup son entourage et en particulier sa mère, Léa.
Cinquante ans plus tard, Laure, née en France, reviendra sur les traces de sa mère, Made, dans l'oliveraie familiale, où ce qu'il en reste , pour retrouver ses racines et découvrir le secret de sa lignée.
L'attrait puissant du pays natal irrigue ce texte tout en nuances où les femmes ont la part belle , même si elles se contraignent au secret. Ce roman met aussi au jour une réalité trop souvent ignorée des livres d'histoire, réalité que l'écriture poétique d'Isabelle Desesquelles traite avec beaucoup de délicatesse. Un roman où la nature, et les oliviers en particulier, jouent un rôle important, un roman qui résonne encore en nous une fois les pages refermées.
Editions JC Lattès 2025.
Merci à l'éditeur et à Babelio.
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11/02/2025
Et nos yeux doivent accueillir l'aurore...en poche
« Nous n'étions pas de ces familles où on se pardonne les uns aux autres, où on se demande pardon, où on essaie d'enterrer la hache de guerre ou de discuter. Chez nous, c'était soit le silence, soit la violence... »
Celle qui s'exprime ainsi, sans faux-fuyants, est la narratrice du roman, Georgette, dite George, issue d'une famille dysfonctionnelle et très pauvre. Grâce à l'obstination d'une enseignante , elle a réussi à intégrer l'université . C'est là, en 1968, à New-York, qu'elle fera la connaissance d'Ann, issue d'un milieu extrêmement privilégié qu'elle rejette avec violence. Les relations sont d'abord tendues mais George se laissera ensuite séduire par le charisme et les convictions de sa colocataire.
Mais une telle intensité ne peut que déboucher sur une rupture et, ce n'est que des années plus tard que George entendra parler d'Ann qui vient de tuer un policier.
Jouant avec la temporalité, multipliant les points de vue sur Ann, Sigrid Nunez s'écarte avec brio des attendus du roman d'amitié féminine et brosse les portraits nuancés de femmes qui se révèlent surprenantes à bien des égards, sans pour autant user de pathos. Un grand coup de cœur.
De La même autrice: clic.
Elle est aussi l'autrice du roman Quel est donc ton tourment?, (beaucoup aimé, mais pas de billet) , roman adapté récemment au cinéma par Almodovar sous le titre La chambre d'à côté.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : sigrid nunez
10/02/2025
La fenêtre
"Elle avait peur. De croiser le virus sur son chemin. "
Récit du confinement d'une illustratrice, pour l'instant sans travail, La Fenêtre rend compte des angoisses de cette jeune femme, très sensible aux notions d’espace et du pouvoir qu'il implique. Ainsi ressent-elle avec intensité la porte ouverte sur le pallier de ses voisins et la lutte sous-jacente pour occuper le-dit pallier par des plantes...
Un thème intéressant mais le style de l'autrice , fragmentant ses phrases par des points là où on aurait attendu des virgules, m'a tenue à distance et j'ai constamment buté sur ces points (dont je comprends par ailleurs l'usage). Une rencontre ratée donc.
Traduit de l'espagnol par Michelle Ortuno.
Merci à Babelio et aux Editions La contre Allée.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : isabel alba
07/02/2025
#LaLoidelatartinebeurrée #NetGalleyFrance !
"Comment on fait tous pour tenir ? "
Abandonnant ses flopées de personnages plus loufoques et excentriques les uns que les autres, J. M. Erre jette ici son dévolu sur "un couple de CSP+ cultivé", Anna ,psychanalyste et Jean-Luc Godart (avec un T comme il ne cesse de le rappeler) qui n'est que psychologue. Ils viennent d'emménager dans leur nouvel appartement et la pendaison de crémaillère a dû être épique car le réveil est difficile...
La situation va rapidement empirer car le couple va devoir faire face à un avalanche d'objets hétéroclites que , selon eux, ils n'ont jamais commandés. L'appartement va se trouver alternativement envahi puis vidé et certains personnages , assez inquiétants au demeurant font aussi leur apparition. Jean-Luc Godart, auteur d'un livre sur les emmerdements, va donc mettre à l’épreuve ses propres théories...
On se croirait dans du théâtre de boulevard ,mais qui vire à l'absurde, comme si Feydeau avait rencontré Beckett et le couple, la société de consommation via internet en prennent pour leur grade, pour le plus grand plaisir du lecteur.
Editions Buchet-Chastel 2025
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : j.m.erre
06/02/2025
#Labaronneperchée #NetGalleyFrance !
" Tout ce qu'il avait envie de lui dire, c'était "je t'aime", mais on n'était pas dans ces séries américaines où les personnages se font de grandes déclarations quatre fois par épisode. "
Billie, douze ans, inspirée par sa lecture du roman d'Italo Calvino, Le Baron perché, décide d'aller s'installer dans un parc d'accrobranche abandonné, histoire de voir comment va réagir son père. Celui est "visiblement fragile et un peu trop porté sur la bouteille, mais à priori bienveillant" et il élève seul sa fille qui a vite appris à être indépendante.
Inquiétude, recherche, mise au jour de secrets de famille, les rebondissements sont nombreux dans ce roman sensible et délicat qui souligne bien qu'il y a une grande marge entre l'aventure idéalisée et la réalité car "C’était bien joli, les grands gestes romanesques, mais c'était frustrant. "
Un roman qui fourmille de références littéraires et de formules qu'on s'empresse de souligner et un grand bonheur de lecture car les personnages sont fouillés, jamais manichéens et pleins de vie. Un livre qui donne le sourire et où traîne même un beagle... Et zou, sur l'étagère des indispensables.
On soulignera aussi la magnifique couverture d'Amandine Bourbon-Toulan. qui ne peut que faire craquer.
Buchet-Chastel 2025
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : delphine bertholon
28/01/2025
Les Ravissements ...en poche
"Si vous avez l'intention de prier, vous pouvez dire tout ce que vous voulez sur qui vous voulez."
Une maladie mystérieuse touche, tour à tour, les onze enfants de la classe d'un petit village d'Irlande du Nord au début des vacances d'été 1993.
Scientifiques, journalistes se ruent bientôt sur ce microcosme rural où les morts se succèdent et où la jeune Hannah va vivre une expérience troublante : chacun de ses camarades, une fois décédé, lui apparaît. Rien de morbide pour autant car le lieu où ils sont arrivés est leur village, mais sans les adultes.
Hannah, onze ans, issue d'une famille très pieuse qui la prive de tout ce qui ressemble à une forme d'amusement, va s’accommoder des visites de ces fantômes.
Si l'autrice ménage un certain suspense quant à l'origine de cette maladie, elle se penche surtout sur la communauté d'adultes et ne les épargne guère: bêtise, manque d'amour, manque d'intérêt , racisme larvé, bien peu trouvent grâce à ses yeux. Elle sait aussi éviter l'aspect répétitif qu'on aurait pu craindre et son réalisme magique se fond avec bonheur dans la narration. Un bonheur de lecture.
Traduit de l’anglais (Irlande du Nord) par Dominique Goy-Blaquet
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jan carson
27/01/2025
Sweet Harmony
"Oui, bon j’espère qu'il te traitera bien".
Elle n'aurait pas employé de mots plus forts si elle avait voulu le qualifier de descendant d'Attila, de dépravé et de maniaque. "
Plus besoin d'aller chez le dentiste, de s'épiler, de se casser la tête pour avoir l'air fraîche après une nuit des plus courtes, il suffit de s'abonner aux extensions de santé qui s'offrent à vous (moyennant des contrats léonins et onéreux ) et les nanotechnologies vont œuvrer pour votre santé et votre beauté. Le bonheur !
Tout semble donc aller pour le mieux pour Harmony, jeune trentenaire qui, ayant soigneusement sélectionné ses extensions, se montre performante dans sa vie professionnelle et sentimentale, .
Jusqu'au jour où un bouton des plus incongrus apparaît sur son menton. La belle mécanique va alors se dérégler...
Société des apparences où la santé est devenue une marchandise qu'on octroie ou retire sans états d'âme..."Londres. Bientôt" nous dit sobrement la quatrième de couverture. On n'est pas pressés de connaître cette époque.
Avec cette dystopie très courte (159 pages) , je découvre le talent de Claire North (et les éditions Le Bélial). Je sors donc de ma zone de confort et ne le regrette pas du tout car j'ai vraiment apprécié son écriture discrètement ironique, sa manière de peindre les personnages avec beaucoup d'humanité et de sensibilité.
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : claire north
25/01/2025
Là où je nous entraîne...en poche
"Je n'écris pas dans un carnet, sur un écran ou des Post-it, j'écris sur notre mère. "
Ouvrir un roman d'Isabelle Desesquelles c'est partager une brassée d'émotions fortes mais qui ne flirtent jamais avec le pathos. L'autrice parvient en effet toujours à maintenir un équilibre entre ce qu'elle raconte et ce qu'elle suscite chez la lectrice ou le lecteur.
Avec Là où je nous entraîne, d'emblée on devine que cette fois nous allons la suivre au plus près de ce qui fonde son écriture, l'événement traumatique qui a marqué son enfance et l'a menée à l'écriture : "Il y a quarante-six ans une petite fille a commencé à écrire dans sa tête où l'on est deux , l'enfantôme et moi. Elle est l'enfance abolie qui vous hante. Une mère se tue, elle tue l'enfant en vous. L'enfantôme, elle, a refusé de mourir . [...] L'écrire, c'est aller à la source. "
Interrogeant les liens entre réalité et fiction, faisant dialoguer deux textes, l'un consacré à cette petite fille devenue écrivaine qui interroge ses proches sur le suicide maternel, l'autre à une tragédie en route au sein d'une famille marquée par l'écriture et l'intensité des sentiments, Isabelle Desesquelles nous coupe parfois le souffle et nous montre la puissance de l'écriture . Une autrice à son meilleur.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : isabelle desesquelles
24/01/2025
Qui-vive...en poche
J'imagine une vie qui serait une éternelle errance où je m'arrêterais devant chaque personne croisée et l'écouterais quelques minutes. "
Parce qu'il y a eu les attentats; le Covid, les confinements; le retour de la guerre en Europe; la découverte de feuillets énigmatiques après le décès de son grand-père, Mathilde est devenue insomniaque, a perdu le sens du toucher ,est obsédée par des vidéos de Leonard Cohen. Bref, Mathilde ne sait plus où elle en est. Et c'est fâcheux pour cette professeure d'histoire-géographie.
Laissant son mari et sa fille, elle part sur un coup de tête en Israël, entame un périple où elle se frotte à des réalités contrastées, bien éloignées de son quotidien. L'occasion de retours en arrière, de changements de perspectives dans ce pays où sa famille n'a pas choisi de vivre mais dont elle parle néanmoins la langue. Un récit où L'Histoire affleure tout le temps. Un récit sensible et poignant qui prend une dimension encore plus grande au vu de l'actualité.
Éditions de l'Olivier 2024, 169 pages. Points 2025
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : valérie zénatti
22/01/2025
Après...en poche
"Un manque d'épaisseur dans nos entrevues. Un manque d'épaisseur dans nos liens. Un manque d'épaisseur tragique."
Après s'être installée plusieurs années, loin de l’Australie et de sa mère, Nikki Gemmell, est rentrée au pays avec mari et enfants. Les relations entre les deux femmes ont toujours été compliquées et l'autrice écrit même qu'elle avait "rompu avec Elayn d'un point de vue émotionnel à l'age de treize ans , quand elle m'a forcée à acheter mes chaussures d'école avec mon propre argent de poche. Elle voulait donner une bonne leçon à mon père parce qu'il était en retard dans le versement de ma pension alimentaire."
Femme autonome, parfois rugueuse, Elayn n'était pas une mère conventionnelle et elle ne mâchait pas ses mots.
Son décès subit va tout remettre en question, surtout quand l'enquête de police va montrer qu'Elayn laminée par des douleurs qu'on ne pouvait traiter efficacement, a choisi de mourir.
Commence alors un parcours qui mène l'autrice à brosser le portrait d'une femme à multiples facette, mais aussi une enquête sur le suicide assisté, la manière, souvent inefficace dont on traite les douleurs physiques, les opérations parfois inutiles qui ne font que générer de nouvelles douleurs. Un long parcours qui permettra d'atteindre une forme de compréhension de ce geste et d'apaisement. Un texte fort.
Au Diable Vauvert 2019, traduction Gaëlle Rey
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nikki gemmell