24/08/2023
#Strange #NetGalleyFrance !
"Je colle ma tête dans son cou et, soudain, je dis tout, les manies, la vie secrète, l’impossibilité d'être ce qu'on attend. "
Dès l'enfance, Raphaël, orphelin de mère, élevé par un père gardien de prison et une grand-mère aimante, n'est pas un garçon comme les autres. De l'amour , il en reçoit chez lui ,mais, à l'extérieur ,ses camarades de classe le harcèlent car ils ont détecté avec ce radar infaillible des enfants la part de féminité en lui.
Car oui, Raphaël est Nora, mais il est né dans un corps masculin. Le chant va d'abord lui permettre d'échapper à la vie étriquée de la petite ville d'Arlon , en Belgique, en intégrant le conservatoire de Bruxelles. Là, au fil des rencontres, il fera apparaître de plus en plus Nora, celle qu'elle est vraiment, mais évoluera aussi dans son parcours musical, se délivrant peu à peu de tous les carcans.
Cela n'ira pas sans mal et la crainte de la réaction paternelle devant la transition qu'elle a entamé et dont elle ne peut plus différer éternellement la révélation l'incite à écrire une lettre pleine d'amour (mais sans pathos )à son père, lettre que nous tenons entre les mains...
J'ai dévoré d'une traite ces 180 pages d'une justesse incroyable qui parviennent à relater ce parcours à la fois douloureux mais jamais doloriste d'une femme trans. Geneviève Damas n'omet pas les difficultés, la tentation du suicide, la violence dont sont parfois victimes les personnes trans, les expédients auxquels ils/elles ont parfois recours pour assumer le coût financier de leur transition, mais elle transmet cependant un message lumineux d'espoir en l'évolution de la société à leur égard. Un beau roman qui souligne également le rôle essentiel de l'art dans la vie de chacun.
Grasset 2023 Collection Courage (une de mes favorites).
06:00 Publié dans Rentrée 2023, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : geneviève damas
23/08/2023
#Western #NetGalleyFrance !
"Si le western est un genre, c'est le féminin. Il articule en un seul trajet l'idée du destin, l'idée du tragique de la condition humaine à celle de la plus fascinante liberté.C'est quoi, tout ça en une seule forme, sinon une femme."
Alexis Zagner, comédien en vogue, alerté d'un vague danger qui le menace, a disparu à quelques jours de la première de Dom Juan, dont il incarnait le rôle titre.
Nous découvrirons peu à peu les raisons de sa cavale, qui ont beaucoup à voir avec son attitude avec les femmes.
Quelques mois plus tôt, Aurore qui élève seule son fils Cosma , a appris le décès de sa mère, et ,bombardée "coordinatrice chargée des paramètres humains détachée à l'adaptation aux ressources digitales à cent pour cent de télétravail" (sic), a décidé de déménager à l'ouest, dans la maison maternelle, située sur un causse.
Évidemment, nos deux héros ne pourront que se rencontrer, mais pas forcément dans les circonstances que nous pourrions imaginer.
Faire cohabiter dans un roman le personnage de Dom Juan de Molière et le genre du western voilà qui paraît quelque peu iconoclaste. Mais cela fonctionne très bien et permet de dézinguer au passage le fonctionnement de notre société avec un humour acide.
Maria Pourchet analyse aussi avec férocité ,par le biais des Fragments d'un Discours Amoureux de Roland Barthes, l'avalanche de messages dont Alexis avait accablé une apprentie comédienne dont il croyait être tombé amoureux.
Alternant les temporalités, Maria Pourchet imprime à son récit un rythme vif et multiplie les rebondissements mais néglige peut être au passage ses personnages qui manquent un peu d'épaisseur. Je suis restée parfois perplexe devant certaines de leurs réactions mais il n'en reste pas moins que Western marquera sans doute cette rentrée 2023.
Merci à l’éditeur et à Netgalley.
Stock 2023.
06:00 Publié dans Rentrée 2023, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : maria pourchet
22/08/2023
Le Vieil Incendie
" J'ai de la peine à me rappeler que nous avons été indissociables. Nous avions les mêmes timidités, les mêmes craintes de la vie sociale. On ne se chamaillait pas. Notre langue de silences et de cris nous a réunies. "
A quinze ans, l'aînée, Agathe, a fui sa sœur cadette,Véra, aphasique, et son père. Elle a fait sa vie aux États-Unis où elle écrit des scénarios et des dialogues de films. Quinze ans plus tard, Agathe et Véra doivent vider la maison familiale qui sera abattue. Et pour cela , elles ont neuf jours.
Pas de disputes autour des objets ici, Agathe étant même prête à incendier le contenu de la maison dont elle ne veut rien garder. Elle apprend à redécouvrir sa cadette qui n'a plus rien de celle qu'elle se sentait obligée de protéger. Au fil des jours, des souvenirs reviennent et les secrets se révèlent.
Avec une infinie délicatesse, par petites touches, Elisa Shua Dusapin brosse le portrait de ces deux sœurs pour qui les silences sont peut être plus parlants que les mots. Car peut-on se fier aux mots ? Ils sont trompeurs, déformés, peuvent devenir le vecteur d’humiliations...Ils peuvent être difficiles à prononcer ou à écrire , même quand on en a fait son métier...
La nature joue également un rôle très important ici, ainsi que le corps des femmes, corps bridé, corps faillible ou corps retrouvé. Un texte magnifique dans sa concision parfaite et l'émotion intense qu'il dégage. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Éditions Zoé 2023.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers, romans suisses | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : elisa shua dusapin
21/08/2023
#Misericordia #NetGalleyFrance !
" Et c'est là la difficulté de me retrouver à vivre à l’Hôtel Paradis. Exil. Il n'y a plus rien qui ne soit qu'à moi, ni mon corps, ni mon esprit. "
Elle vit dans une maison de retraite dont l'appellation est pour le moins ambigüe et si on la déplace en fauteuil roulant, parfois comme un paquet, elle n'a rien perdu de ses facultés d'observation et enregistre sur un petit magnétophone le journal de ce qui sera sa dernière année de vie. Sa fille, l'écrivaine Lidia Jorge, retranscrit ici ces textes et leur insuffle émotion et poésie.
Il est très poignant de voir "de l'intérieur" les explications de comportements qui peuvent parfois paraître incompréhensibles (appel en pleine nuit pour connaître une information pour le moins triviale, terreurs nocturnes parfaitement retranscrites où la narratrice lutte pied à pied contre la mort...). Mais il y a aussi les histoires d'amours entre les pensionnaire ou celles des soignants et tout ce microcosme est rendu avec vivacité et bienveillance. Quelques longueurs m'ont parfois perdue en route mais la fin du texte , avec la description du Covid , des mesures qui sont appliquées sans aucune explication aux pensionnaires , restera un moment fort de littérature.
Traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues.
Éditions Métailié 2023
06:00 Publié dans Rentrée 2023, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lidia jorge
19/08/2023
Un chien à ma table...en poche
" Et puis , tu vois, ce serait un titre généreux, générationnel, un titre qui dit : ici on accueille les espèces à table, entrez , les bêtes, on est à table, on vous fait de la place. C'est un titre ouvert, un titre table ouverte aux bêtes, crié de loin par les enfants. C'est un symptôme. Un manifeste. Crois-moi, c'est le bon titre, Sophie. Un chien, émissaire de l'animalité, d'après Kafka, est invité à la table des humains. Sophie, surtout , garde ce titre."
Après Un ange à ma table, récit autobiographique de Janet Frame (autrice d'ailleurs évoquée dans ce roman , mais pour un autre récit), voici donc Un chien à ma table, où l'on retrouve les thèmes chers à l'autrice: la nature, les animaux, la vie retirée dans une maison isolée dans la montagne avec un compagnon, Grieg, féru de lecture , ainsi que l'écriture bien sûr.
La narratrice, prénommée Sophie, est maintenant octogénaire et elle observe sa relation à ce corps plus aussi souple, qui peine à se mettre en marche le matin. Pourtant l'irruption d'une chienne de berger, victime d'un zoophile, dans la vie de ce couple âgé va leur insuffler une nouvelle énergie, instaurer une nouvelle relation au vivant. Cette chienne, aussitôt baptisée Yes, tant elle semble positive, va se montrer "affamée de langage", ce qui ne peut que réjouir l'écrivaine , Sophie.
Pourtant, en arrière plan de cet heureux trio , l'atmosphère , évoquée par petites touches, est lourde, le danger rôde, les temps ne sont plus à la réjouissance, mais "On peut très bien écrire avec des larmes dans les yeux."
J'ai retrouvé avec bonheur l'écriture de Claudie Hunziger, soulignant à tour de bras les formules qui émaillent ce texte , profitant pleinement de ses analyses et de son écriture tour à tour poétique et ancrée dans le réel. Un roman qui file sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : claudie hunziger
18/08/2023
A prendre ou à laisser
"Elle refusait d'apparaître aux yeux de son assassin de mari comme un vieux tacot goulu en carburant dont il faudrait remplacer tant de pièces qu'il se révélerait moins onéreux de l'abandonner à la casse et d'acheter un véhicule neuf. "
Pour des raisons diverses (des antécédents de dégénérescences du cerveau ,le désir ne pas être un poids pour le National Health Service...) , Cyril et Kay ont passé un pacte: le jour du quatre-vingtième anniversaire de Kay, ils mettront fin à leurs jours.
Arrive le jour fatidique et tout n'est pas si simple.
Un point de départ, douze possibilités et autant de textes aux tonalités diverses qui nous permettent de réfléchir sur la vieillesse et la fin de vie. Le risque était de tomber dans une certaine mécanique, mais Lionel Shriver parvient toujours à nous surprendre, voire à nous effrayer. L'humour est toujours aussi grinçant et l'autrice n'hésite pas à brosser d'elle un portrait au vitriol , un clin d’œil bien venu pour éviter toute position surplombante. Un pur régal.
Belfond 2023.
Traduit de l’américain par Catherine Gibert
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lionel shriver
17/08/2023
Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes
"La meilleures chose dans le fait de vieillir était de se vautrer dans ce grand rien-à-cirer. "
Quelle mouche a donc piqué Remington ? Est-ce le fait d'avoir été poussé vers la sortie d'un emploi qu'il prenait trop à cœur au goût de sa supérieure ? Est-ce le fait de refuser de vieillir ? Toujours est-il que le voilà décidé à courir un marathon cette année, empiétant ainsi sur les plates bandes de son épouse, Serenata qui, jusqu'à présent , avait été la seule sportive de ce couple de sexagénaires. Et le tout pile au moment où cette dernière, empêchée par ses genoux, est contrainte à la sédentarité.
Comme tous les nouveaux convertis, Remington fait montre d'un enthousiasme exacerbé et sacrifie beaucoup de temps (et d'argent), sous la férule de sa coach, Bambi, la trop parfaite.
C'est à un joyeux jeu de massacre que se livre ici Lionel Shriver en brossant le portrait , via ce couple, de toute une société qui sacrifie au culte du corps et de la jeunesse. Pour autant ces personnages n'en demeurent pas moins crédibles et Serenata m'a souvent surprise en réagissant à contre-courant de ce qu'on aurait pu attendre, conférant ainsi à ce roman beaucoup d'humanité. Une belle réussite.
Traduit de l’américain par Catherine Gibert.
Pocket 2023
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : lionel shriver
16/08/2023
En ces temps de tempête
" Vous êtes une bulle dans une bulle dans une autre bulle. Votre ville, votre État, votre pays- pour l'instant, vous occupez une position privilégiée. Vous avez gagné à la loterie géopolitique. Et c'est dans la nature humaine de protéger ses acquis, qu'on les mérite ou non. "
Les tempêtes mentionnées dans le titre du dernier roman en date de Julia Glass peuvent se prendre aussi bien au sens propre qu'au sens figuré. Nous sommes en effet dans un futur très proche où le réchauffement climatique se fait de plus en plus violent , où les attentats continuent à faire des victimes, aussi bien physiques que psychologiques .
Pour rendre compte de tout cela , l'autrice se penche sur le microcosme privilégié de Vigil Harbor et offre tour à tour la parole à huit personnages, d'âge et de conditions sociales différents (on y retrouve d'ailleurs un jardinier apparaissant dans un de ces précédents romans). Communauté qui sera troublée par l'arrivée d'un homme et d'une femme qui ne sont peut être pas ce qu'ils affirment être...
Gros roman choral de 598 pages, En ces temps de tempête se dévore puis se savoure tout à la fois. A son habitude, Julia Glass y fait preuve d'un grand sens de la construction narrative, mais aussi d'une grande humanité, se penchant avec beaucoup de bienveillance sur ses personnages. Suspense et humour sont au rendez-vous , il est grand temps de craquer !
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Gallmeister 2023, traduit de l'américain par Sophie Aslanides.
Le billet d'Aifelle, qui vous mènera vers d'autres.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : julia glass
15/08/2023
Sur la dalle
"Ce sont des bulles, les idées vagues. Elles se décollent des fonds vaseux. Elles bougent, elles oscillent, elles se heurtent. Je ne peux pas me permettre de les abandonner trop longtemps ou elles repartiront bouder au fond du lac. "
Adamsberg et son équipe sont envoyés dans un petit village breton où le sosie de Chateaubriand (et membre de sa famille) est accusé d'avoir commis un meurtre.
Les morts se succèdent dans ce microcosme où tout le monde s'épie, le tout surfond de superstitions et de commérages.
J'ai abandonné pour la première fois la lecture de ce roman de Vargas car , même si dans cette série, c'est plus l’atmosphère compte que la révélation de l'identité de l'assassin, il est quand même dommage qu'au bout de 80 pages, je l'avais identifié, ce dont je ne suis pas coutumière.
Je lui ai cependant donné une deuxième chance, et, les vacances aidant, j'ai terminé le roman, sans déplaisir, mais en frôlant l'ennui. J'en garderai surtout l'idée d'un texte où les personnages passent énormément de temps à manger dans une auberge , avant que de sortir brièvement pour courser quelques suspects (histoire de brûler des calories ? ).
Flammarion 2023.
L'avis de Brize, pas plus emballée.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : fred vargas, schtroumpf grognon le retour
14/08/2023
Lapin maudit
"Dans ses rêves, l'enfant se trouvait assis sous un arbre en compagnie d'un adorable lapin blanc avec le bout de la queue et des oreilles tout noir, en train de lui grignoter joyeusement le cerveau. "
Les dix nouvelle composant ce recueil empruntent tour à tour à la fable, au fantastique voire à l'horrifique. Il faut parfois avoir le cœur bien accroché pour lire ces textes où les sécrétions du corps (souvent féminin) sont utilisées à des fins pour le moins surprenantes.
Les injonctions faites aux femmes, les violences , psychologiques ou physiques qui leur sont infligées, constituent l'un des thèmes récurrents mais Chung Bora se glisse aussi dans des psychés très torturées voire cauchemardesques.
J’avoue avoir été moins sensible aux textes qui prenaient l'allure de contes , n'étant pas très réceptive à ce genre, mais les autres nouvelles m'ont embarquée sans problème dans des univers où lever le couvercle des toilettes peut se révéler traumatisant...
Éditions Matin Calme 2023 , traduit du coréen par Han Yumi et Hervé Péjaudier.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chung nora, fantastique, horrifique