13/02/2009
"De battre mon coeur s'est arrêté..."
Attirée par la couverture rouge de cet album sur la table thématique de la ma médiathèque, j'ai découvert un livre tout à fait charmant et de saison...
Jouant des expressions contenant le mot "coeur", Stéphane Delabruyère nous entraîne au fil des pages dans une réflexion pour répondre à la question initiale:
"Dans ma poitrine bat mon coeur
Pour qui pour quoi ? "
Les photos poétiques de Sylvia Schidge l'accompagnent . Cette artiste n'a pas son pareil pour dénicher des coeurs que ce soit dans des détails de la nature (pétale, caillou, feuilles...),dans des objets du quotidien (cintres, laisses ou tags). On l'imagine , le nez en l'air, traquant l'éraflure du panneau de signalisation, ou carrément au ras du sol, cherchant la trace en forme de coeur...De quoi nous donner envie de l'imiter.
Un joli moment de poésie pour tous.
06:00 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : amuuuur toujours, coeurs and co, livre de coeurs, stéphane delabruyère, sylvia schilge
12/02/2009
Le retour de Linley
Après le meurtre de son épouse et de l'enfant qu'elle portait, Thomas Minley accomplit un périple en solitaire le long des côtes de Cornouailles. Au pied d'une falaise, il sera le premier à découvrir le cadavre d'un jeune grimpeur . D'abord soupçonné, Linley sera enrôlé bien malgré lui pour mener l'enquête et ainsi aider l'inspecteur Bea Hannaford. Ils ne seront pas de trop pour faire face aux nombreuses personnes susceptibles d'avoir souhaité la mort de la victime...
Le rouge du péché nous permet avec bonheur de renouer avec l'univers d'Elisabeth Geoge, plus britannique que jamais malgré sa nationalité américaine.Le duo Linley,Lord jusqu'au bout des doigts , Barbara Havers, fagotée comme l'as de pique mais d'une loyauté à toutes épreuves, se reforme mais seulement au tiers du livre. Nous découvrons avec plaisir l'inspectrice atypique Bea Hanaford, qui , comme toutes les femmes de ce roman est dotée d'une forte personnalité. Elisabeth George nous introduit aussi dans l'univers du surf et nous mène par le bout du nez, multipliant les fausses pistes avec bonheur.Pourtant, bizarrement, il m'a fallu un temps de réflexion pour vraiment apprécier ce roman. Je l'ai lu d'une traite, certes, mais pas avec la même ferveur que les premiers , sans doute par ce que je l'avais trop attendu. Un bon cru cependant.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : elisabeth george, le rouge du péché, surf, sex and rain
11/02/2009
La Belle au bois dormant revisitée
Geneviève Brisac, dans Je vois des choses que vous ne voyez pas reviste le mythe de la Belle au bois dormant mêlant habilement références au conte et thématiques personnelles. Ainsi , Belle se pique avec un stylo et sombre dans un mal-être qui est fortement lié à l'adolescence et à l'anorexie (on retrouve ici quasiment mot pour mot une phrase de son roman Petite : "Échappons à la chaîne alimentaire, c'est une chaîne comme les autres chaînes. La pire peut être."
L'héroïne sortira de son malaise existentiel grâce à la rencontre d'une troupe de théâtre plus que par le baiser de son prince charmant , innovation importante.
Difficile de lire une pièce de théâtre, surtout quand celle-ci est entrecoupée de chansons (écrites par Alice Butaud) dont on ne peut qu'imaginer imparfaitement comment elles s'intègrent à l'action.pourtant ce texte est d'une lecture agréable, d'autant que les illustrations de Nadja habillant Belle d'un rouge somptueux,la reliant au monde du désir, concourent à notre plaisir mais rien ne vaut à mon avis la position de spectateur et non celle de lecteur.J'ai été en outre quelque peu gênée par l'accumulation de marques citées. Pour les inconditionnelles de Genenviève Brisac.
06:00 Publié dans théâtre | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : geneviève brisac, je vois des choses que vous ne voyez pas, théâtre
10/02/2009
"La branchouillarde et le cul-bénit."
Deux amies perdues de vue depuis longtemps renouent sept ans après que leurs chemins se soient séparés. Recommencent alors leurs drôles de relations, oscillant entre dépendance et désinvolture, amour et haine, voire folie...
Marine Bramly dans ce premier roman, Festin de miettes, s'aventure sur un territoire déjà bien balisé, celui de l'amitié féminine , en y instillant une dose de noirceur réjouissante. Commencé de manière plutôt conventionnelle et primesautière, le récit va progressivement virer à l'aigre quand sera révélé le motif de la brouille qui avait séparé Deva la vierge folle et Sophie la vierge sage.
L'auteure analyse finement la psychologie de ses personnages et fouille avec délectation leurs plaies . Elle les promène de St germain des prés aux quartiers les plus pauvres de Dakar et nous les suivons avec le même enthousiasme car elle a l'art de rendre vivants jusqu'aux personnages secondaires. Dommage que la fin ne soit pas à la hauteur de nos espérances, mais là c'est mon fichu besoin de vraisemblance qui refait surface. !Un fort joli moment de lecture.
Sortira en poche le 11 février mais j'ai craqué sur l'édition "France Loisirs"!
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : festins de miettes, marine bramly, amitié, trahison, folie
09/02/2009
A couper le souffle !
Quittant un mari brutal et un pays , l'Australie, Julia trouve refuge en France dans le château familial, en compagnie de ses deux enfants . Dans l'immense demeure, peu de paroles seront prononcées tandis que se nouera un drame familial.Pas question que je vous en dise plus sur l'intrigue que jamais je n'ai trouvée morbide.
Avec une extrême économie de moyens, Julia Leigh arrive à créer une tension digne du Tour d'écrou de Henry James. On suit le souffle court, fasciné et horrifié, la montée de l'intensité dramatique, et n'était l'utilisation d'un téléphone portable, on pourrait se croire plongé dans un de ces romans noirs anglais du XIXème siècle.
Une oeuvre puissante qui donne le frisson.
Julia Leigh, Ailleurs. Christian Bourgeois éditeur.105 pages dévorées le souffle comme suspendu.
Mon seul regret : avoir mis autant de temps à me décider et pourtant vous avez été nombreuses à me tendre la perche !
Le billet de Solenn qui vous mènera vers plein d'autres .
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : ailleurs, julia leigh, j'en frissonne encore
06/02/2009
"Une chose n'a pas besoin d'exister pour rendre les gens heureux, pas vrai? "
Rosamond vient de mourir mais a laissé à une mystérieuse Imogen, jeune femme aveugle,une série de cassettes enregistrées où, s'appuyant sur vingt photos dûment sélectionnées, elle révèle un secret de famille courant sur trois générations de femmes.Plus que tout cela peut être, l'objectif est de lui laisser "la conscience de [son] histoire, de (son )identité, la conscience de [ses]origines, et des forces qui [l]'ont façonnée."
Traversée par des coïncidences qui réapparaissent par delà les années, par des scènes qui semblent se rejouer, La pluie, avant qu'elle tombe est sous-tendu par le thème de l'amour maternel déficient et des conséquences qu'il peut entraîner sur plusieurs générations.
Tissant avec virtuosité l'histoire de cette lignée de femmes à celle de l'Histoire, Jonathan Coe nous livre ici une oeuvre sombre mais fluide, qui se lit sans déplaisir, mais qui laisse un peu sur sa faim. le style et la construction sont impeccables mais il manque cette petite étincelle de folie qui faisait tout le charme de la maison du sommeil.
L'avis de Marie.
celui de Lily.
06:10 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : jonathan coe, la pluie avant qu'elle tombe
05/02/2009
Un roman chaleureux dans l'hiver arctique
Le commissaire Erlendur recouvrant soigneusement d'une couverture le corps d'un enfant assassiné , geste inutile mais ô combien révélateur, voilà l'image que je retiendrai du dernier roman d'Arnaldur Indridason.
Crime raciste? Le petit Elias était en effet le fruit d'un mariage entre un Islandais et une Thaïlandaise.Le couple avait divorcé et si la mère semblait bien s'intégrer, il n'en était pas de même pour son fils aîné, Niran .
Particulièrement préoccupé par cette enquête, Erlendur négloge cette femme qui lui parle au téléphone et qui, croit-il ,a juste quitté le domicile conjugal. Il traite aussi un peu à la légère ses enfants qui, pour la première fois, viennent ensemble lui demander des comptes...
Explorant toutes les pistes, examinant toutes les hypothèses, même les plus horribles, le commissaire met à jour tous les préjugés envers les émigrés dans cette communauté fermée d'Islande, sans manichéisme ni volonté démonstrative .La solution de l'énigme s'avèrera encore bien pire que ce que l'on croyait...
La 4 ème de couverture évoque "un monde à la Simenon"mais j'ai trouvé beaucoup plus de chaleur humaine dans ce roman que chez Maigret qui souvent rudoie ses suspects. Erlendur, lui, s'y prend avec beaucoup plus de délicatesse et d'empathie .
L'avis de Cuné que je remercie chaleureusement pour l'envoi !
Celui de Clarabel
07:35 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : arnaldur indridason, hiver arctique, émigrés dans une société fermée, préjugés, chaleur humaine
"Ici tout pouvait arriver, sauf la justice."
La frontière entre Mexique et Etats-Unis sépare les hommes mais pas les marchandises. Dans les maquiladoras,sont exploitées par des compagnies internationales des femmes, mains d'oeuvre docile et bon marché. "Nom de Dieu, ce n'était même pas le monde de Zola, au moins il y avait les corons. C'étaient plutôt Les Misérables , d'Hugo Ou mieux encore , le monde ouvrier du dix-neuvième siècle décrit par Dickens, avec ses grisettes jetées dans la prostitution par des maquereaux qui les ramassaient dans des bals populaires.
Il y avait même un Jack l'Eventreur. ou plusieurs."
Cinquante femmes ont été en effet retrouvées assassinées, violées et mutilées à Ciudad Jùarez, ville frontière . Un journaliste madrilène, Toni Zambudio mène l'enquête dans un pays avec qui il a des comptes à régler et où bientôt chacun va s'employer à le renvoyer chez lui, avant qu'il ne soit trop tard...
Patrick Bard se base ici sur des fait réels et démonte les rouages de la double oppression dont sont victimes les femmes: en tant qu'ouvrières mais aussi en tant que "marchandise sexuelle".
On cherche en vain une lueur d'espoir et l'on suit, estomaqué, les rebondissements de l'enquête dans une atmosphère saturée de violence et de chaleur. Une oeuvre dense et nécessaire.
un grand merci à Fashion pour l'envoi !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : la frontière, patrick bard, je ne mettrai jamais les pieds au mexique
04/02/2009
Une enfance enchantée
"Je me pris d'amitié pour ces scorpions.C'étaient, somme toute, des animaux plaisants, sans prétention et qui avaient des moeurs charmantes.", ainsi parle le jeune Gerry Durell, 10 ans, qui est prêt à se lier d'amitié avec tout ce que la nature compte d'habitants à poils ou à plumes , chiens , pies, hiboux, albatros, insectes et autres reptiles qu'il observe avec passion dans la nature édénique de Corfou, mais aussi qu'il rapporte à la maison, occasionnant quelques catastrophes mémorables."-Cette maison est un enfer, je vous assure. il n'est pas un coin qui ne fourmille de bêtes malintentionnées prêtes à se jeter sur vous. Un geste aussi simple, aussi inoffensif que celui d'allumer une cigarette est plein de risques. D'abord, j'ai été attaqué par un scorpion, une bête hideuse qui a répandu du venin et des petits partout. Puis ma chambre a été saccagée par des pies. Maintenant il y a des serpents dans la baignoire et des bandes d'albatros volent autour de la maison avec des bruits pareils à ceux d'une tuyauterie défectueuse.
-Larry, mon chéri, tu exagères, dit Mère souriant vaguement aux invités."
Voilà résumée en quelques lignes la tonalité de ce récit si délicieusement anglais, où une famille d'excentriques s'installe à Corfou pour fuir la grisaille britannique et ne cesse de déménager pour loger les invités trop nombreux du fils aîné ou au contraire fuir l'arrivée d'une parente envahissante ! Évidemment, sur place ils vont se lier d'amitié avec des personnages tout aussi pittoresques et sympathiques qu'eux, amis que le jeune Gerry va observer avec autant de zèle que ses insectes favoris. On ne sait quel animal ou quel humain préférer , tant ils nous font rire (attention livre à ne pas lire en public, sous peine de passer pour une folle dingue !) et jamais des bébés perce-oreilles n'auront été aussi attendrissants que présentés par Gerald Durrell : "Mais c'était une belle couvée de jeunes perce-oreilles, , tout petits, fragiles, comme sculptés dans l'ivoire.(...) C'était un spectacle qui réchauffait le coeur (...) Ma famille merveilleuse s'était dispersée à travers le jardin.Plus tard, je revis un des bébés. il était naturellement plus gros, plus brun et plus fort mais je le reconnus tout de suite. Il était roulé en boule dans un labyrinthe de pétales de roses , en train de faire un somme, et, quand je le dérangeai,il leva ses pinces avec irritation. J'eusse aimé croire que c'était un salut, un joyeux accueil, mais j'étais honnêtement obligé d'admettre que ce n'était que l'avertissement d'un perce-oreilles à un ennemi en puissance. Je l'excusai pourtant. Il était très jeune, après tout, la dernière fois que je l'avais vu." Autant de bonne volonté ne pouvait que me plaire et je suis tombée follement amoureuse de ce livre, l'emmenant partout avec moi, grappillant quelques lignes chaque fois que c'était possible, le cornant éhonteusement quasiment à chaque page, me régalant des descriptions sensuelles de la nature de Corfou et me réchauffant le coeur !
Un livre à conseiller aux dépressifs !
Ma famille et autres animaux. Gerald Durrell. Gallmeister qui pour une fois a troqué la sobriété de ses couvertures pour un orange pétant !
03/02/2009
"Puisque tu poses la question, je crois que la sieste c'est fini pour moi."
Dans la première nouvelle qui donne son titre au recueil, Le crépuscule des superhéros, Deborah Eisenberg nous peint en une soixantaine de pages le basculement irrémédiable qu'ont constitué les attentats du 11 septembre 2001: "Terminé le festival du gaspillage nonchalant, le coeur sur la main."
Désormais les héros privilégiés de ses nouvelles savent que tous les avantages que leur procuraient leur famille, leurs relations (appartements confortables sous-loués, travail intéressant et bien payé, visite guidée d'un pays idyllique) ne leur sont pas acquis, mais juste prêtés car comme l'indique le titre d'un autre texte "le ver est dans le fruit".
Les superhéros sont en train de se "disloquer,de battre l'air des bras, avec tous les rouages et les leviers qui se brisent et se détachent.". Les amis , la famille, tous peuvent être touchés par la maladie mentale, la violence, la pauvreté, ou rattrapés par un scandale et nous aurons beau tourner la tête , les journaux, la télévision ou les chauffeurs de taxi nous rappelleront toujours ce que nous feignons de ne pas voir , ne pas entendre.
Un seul récit, "la fenêtre" ne se déroule pas dans un milieu favorisé mais là aussi, le rêve le plus humble va rapidement tourner à l'aigre.
Deborah Eisenberg, avec son style très elliptique, nous plonge souvent dans une douce et plaisante confusion . Il faut accepter de remplir les vides,d'établir les liaisons que les esprits sur la même longueur d'ondes n'ont pas besoin d'effectuer ou de se laisser flotter au gré de ses portraits pleins d'acuité .
Un grand merci à Cuné pour l'envoi !
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : le crépuscule des superhéros, deborah eisenberg