07/05/2009
"Je voulais vivre, moi."
Après La mère horizontale où s'exprimait la fille mourante, c'est au tour d'Emma la "mauvaise mère" assumée de prendre la parole aux derniers jours de sa vie.
S'adressant à sa fille disparue,Emma déclare: "Je fouille, je brasse et je déterre les éléments pour le procès que tu ne m'as pas fait." Et d'expliquer pourquoi, prise d'une frénésie de plaisir,"mon désir dévorant de jouir hors des consignes" elle a abandonné ses premiers enfants pour se livrer aux plaisirs de la chair , en bonne baby-boomer qu'elle était.
Evidemment, ce personnage ne peut que paraître antipathique de prime abord mais sa franchise sans fard finit non pas par emporter l'adhésion du lecteur mais du moins par lui inspirer un certain "respect" pour cette femme qui affirme: "En fouillant, en te racontant ce que j'exhume, je viens à ta rencontre, je te tends la main."
Et qu'on m'emporte s'exclame la mourante, qui, même battue par la maladie, fait preuve de sursauts de son énergie indomptable.
Un roman où l'on retrouve avec plaisir l'écriture à la fois fine et puissante de Carole Zalberg.
Et qu'on m'emporte, Carole Zalberg, Albin Michel, 131 pages frémissantes.
Le blog de l'auteure
06:05 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : carole zalberg, et qu'on m'emporte, famille de femmes
06/05/2009
Ya un zazou au Paraguay !
Transplantez un zazou de 1946, sorte de Candide accompagnant un philosophe en mission dans une communauté vivant à la manière de Kant et vous obtiendrez un décalage tout à la fois détonant et plein d'humour !
Utilisant le personnage de Jean-Baptiste Botul,philosophe qui n'a laissé aucun écrit, pour résoudre le problème qui se pose à ces habitants hors du monde et du temps : "to fuck or not to fuck" pour rester dans la ligne kantienne, Paul Vacca réussit avec verve et jovialité un roman où la philosophie devient un aimable mode de vie, pas du tout indigeste.
Truffé de citations littéraires adaptées "Qu'allait-il faire dans cette charrette ? ou cinématographiques "Mon nom est Botul, Jean-Baptiste Botul", de paroles de chansons,l'auteur en profite au passage pour nous donner un petit cours de cinéma, ce roman revisite une flopée de titres de films célèbres, mêlant ainsi les époques mine de rien , pour le plus grand plaisir de son lecteur avec qui il établit une complicité des plus sympathiques.
On suit sans aucun mal de tête les argumentations de Botul, on admire le sens de la formule: "Un ennui abyssal suintait de cette uniformité proprette.", on suit avec plaisir l'évolution du héros, bref on s'amuse autant que l'auteur . Si un jour on m'avait dit que la philo pouvait être aussi agréable !
Nueva Könisberg, Paul Vacca, Editions Philippe Rey.210 pages malicieuses. Sortie le 7 mai.
L'avis de Bellesahi, celui de Keisha, de Lily.
Du même auteur, avec un tout autre ton mais tout aussi bon, c'est ici !
06:05 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : paul vacca, nueva könisberg, zazou, jean-baptiste botul to fuck or not to fuck?
05/05/2009
"L'essentiel était l'authenticité."
La mort de Peter Hansome va causer bien de la peine : à sa femme, à sa maîtresse et au bel iranien venu se réfugier chez la veuve officielle, Bridget.
Traité à la française ce point de départ donnerait au mieux un vaudeville sautillant, au pire une gaudriole grasse. A l'anglaise , cela nous donne un roman explorant toutes les combinaisons du chiffre trois, roman plein d'humour et de surprises où l'on rencontrera un ramoneur amateur de poésie, un spectre revenu discuter avec sa veuve, un artiste bourru, un pasteur lubrique et une voisine pleine de ressources.
Et si vous revez d'un bon crêpage de chignon entre l'a veuve et la maîtresse, passez votre chemin car "la simplicité constituait l'un des traits saillants de sa personnalité [il s'agit de Bridget], au point que certains la jugeaient brutale."
Au fil du roman, les couples se font et se défont, en combinaisons pas si improbables que cela, comme les pièces d'un kaléidoscope. Mon seul regret ? Que mon personnage préféré ne trouve pas la sérénité dans les bras de celui qu'elle aime...
Trois et caetera, Salley Vickers, Jean-Claude Lattès 2003, 348 pages pétillantes
Du même auteur : c'est ici !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : trois et caetera, salley vickers, humour anglais, apparences, trois et plus si affintés
04/05/2009
"Nous recommençons, nous n'abandonnons jamais." Lars Gustaffson, La mort d'un apiculteur.
Une petite fille disparaît sur une plage, dans le brouillard, alors qu'elle était sous la responsabilité de sa future belle-mère,Abby, une jeune photographe.
La narratrice , Abby, va passer L'année brouillard à chercher avec obstination cette petite Emma, faisant fi de la police et du père de l'enfant qui ont baissé les bras. Elle sortira meurtrie mais grandie par cette quête.
Même s'il envisage avec minutie les conséquences psychologiques de cette disparition traumatisante entre toutes, le roman de Michelle Richmond est surtout l'occasion d'une réflexion sur le temps et la mémoire. Ce n'est pas un hasard si la narratrice est photographe et si elle va mettre sa mémoire visuelle "à la torture " pour retrouver le moindre indice, même si "On ne peut se fier à sa mémoire. Elle est trop influencée par nos désirs et nos émotions."
L'aspect policier de ce roman est très vite gommé - d'ailleurs j'avais très vite deviné qui était impliqué dans cette affaire- et j'ai davantage été intéressée par la quête faite de "clairvoyance et de persévérance" d'Abby, aidée par une bibliothécaire" qui croit que nous pouvons être sauvés par les livres ."
Un roman riche et foisonnant très loin du sirupeux Aussi profond que l'océan (roman et film), qui abordait quasiment le même thème.
Michelle Richmond, l'année brouillard, Bucher-Chastel.506 pages denses et passionnantes.
L'avis de Clarabel.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : michelel richmond, l'année brouillard, disparition d'une enfant, temps, souvenir, obstination, mémoire
03/05/2009
Tag à tag
Vu chez Cuné, Amanda et Fashion, un tag qu'on prend plaisir à compléter...
Un plaisir des yeux ?
Les Van Gogh à Amsterdam, un vrai choc.
Une balade,un repas, avec des amis que l'on n'a pas vus depuis longtemps.
Un plaisir d'enfance ?
Aller chercher un volume de la série "Fantômette" chaque dimanche matin à la maison de la presse.
Un plaisir odorant ?
L'odeur de foin dans la fourrure de mon chat.
Un plaisir égoïste ?
Etre seule à la maison.
Un plaisir de l'oreille ?
Massacrer du Kate Bush dans la voiture, (et danser en même temps , tant qu'à faire( oui ,la folle qui gesticule dans sa voiture c'est moi!)
Un plaisir charnel ?
Top secret.
Un plaisir inconnu ?
Une thalasso
Un plaisir du goût ?
Découvrir une nouveauté et être transportée.
Un plaisir anachronique ?
Lire de la poésie ?
Un plaisir qui ne coûte rien ?
Marcher pieds nus dans l'herbe.
Un plaisir hors de prix ?
Découvrir l'Islande.
Un plaisir défendu ?
Dire ce que l'on pense...
Un plaisir à venir ?
Installer ma méridienne dans la cuisine (vint-cinq ans que j'attends ce moment !)
Un plaisir du toucher ?
Masser (mon homme, mon chien, mon chat( les autres fuient) )ou me faire masser.
Un plaisir de l'esprit ?
L'humour british
Un plaisir narcissique ?
Et éphémère : la sortie de chez le coiffeur (quand c'est réussi !:))
Un plaisir simple ?
Prendre le thé dans mon jardin.
Prend la suite qui veut...
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : tag, pour le plaisir
02/05/2009
"Heureuse ,aussi, que la vie ait ses côtés moches, sales, qui rendent la perfection plus supportable."
Trente ans que Nell, oenologue accomplie, n'a pas mis les pieds en Irlande où vivent sa fille, Ali et sa petite fille, Grace. En femme indépendante et qui a réussi sa vie, Nell ,qui chérit pourtant les femmes de sa famille , les protège et les fait régulièrement venir en France où elle s'est installée , entend bien néanmoins maintenir une distance entre elle et le reste du monde. Son vieil amoureux, Henri risque aussi d'en faire les frais, alors qu'il lui annonce qu'il va quitter son épouse, ce que Nell ne lui a jamais demandé de faire.
Un coup de fil nocturne va tout faire basculer et obliger notre héroïne à affronter un passé dont témoignent Les Pierres de mémoire., ces pierres que sa propre mère ramassait à chaque moment important de sa vie.
Avec ce roman, je poursuis ma découverte de l'oeuvre de Kate O'Riordan, commencée ici avec un énorme coup de coeur et je ne suis pas déçue. J'y ai retrouvé la finesse de l'analyse psychologique, ici des relations qui unissent cette famille matrilinéaire, et une construction habile qui distille révélations et rebondissements. La tension dramatique est soutenue et les personnages sont plein de facettes. Le style est à la fois charnel et poétique, avec de superbes descriptions de la pluie irlandaise , ou plutôt des pluies, comme l'auteure s'attache à le préciser. Aussi attachant et chaleureux que le pub où se déroule une grande partie de l'action.
Kate O ' Riordan, Pierres de mémoire, Editions Joëlle Losfeld.347 pages apaisantes.
06:05 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : pierres de méméoire, kate o'riordan, irlande, femmes, relations mère fille
01/05/2009
"J'ai bien peur qu'aucune de nous deux ne prenne en compte ce satané principe de réalité."
Inflexible, intransigeante,telle est Louise. Elle veut réformer la société et fréquente des groupes politiques radicaux à Paris. Plus rêveuse, léthargique, mais aussi plus sensuelle est son amie Renée, partie poursuivre mollement en Italie de vagues études artistiques.
Pendant trois ans, ces amies de longue date vont s'écrire, (de vraies lettres et non des courriels !), tenant ainsi une sorte de journal qui éclaire de manière rue les fourvoiements de chacune d'entre elle.
Aux sentences définitives de l'une, "Ma vie désormais ne sera qu'engagement politique, mon amant sera le combat révolutionnaire.", succède l'auto-analyse de la quasi léthargie de l'autre, "ce mouvement de surplace intérieur". Lucides, elles le deviennent au fil du temps car, adolescentes protégées par des familles pouvant subvenir à leur besoins, elles n'avaient guère été confrontées à ce "satané principe de réalité. prendre le métro, chercher un logement, tenir un fer à repasser, effectuer les basses besognes de tout stagiaire, voilà qui va devenir pour elles de "terribles épreuves".
Exaltées, toutes deux le sont à leur manière, Louise qui veut changer la société mais va vite se rendre compte que les idéaux se fracassent contre les petitesses de la vie, Renée qui veut devenir artiste sans travailler. Peut être ont-elles trop lu les philosophes des Lumières ou les romanciers du XIXème siècle... De déconvenues en échecs, chacune trouvera sa voie mais au prix de quelles souffrances ?
Elles pourraient être ridicules ces deux héroïnes, surtout quand on a l 'âge d'être leur mère, j'ai souvent souri devant leurs déclarations tour à tour exaltées ou désenchantées, mais en même temps j'ai retrouvé les sensations et les sentiments propres à cette période si délicate, cette transition entre l'adolescence et l'âge adulte, cette frontière ténue que l'on franchit petit à petit, aux prix de désillusions et de compromis.
Célia Lévi dont c'est le premier roman réussit le pari de tracer la carte d'un pays qui n'est pas si lointain avec délicatesse et sensibilité. Une auteure à suivre. 182 pages frémissantes où on ne s'ennuie pas une minute.
Célia Lévi, Les insoumises, Editions Tristram.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : célia lévi, les insoumises, éditions tristram, révolte, adolescence
30/04/2009
"La maison ...? J'écris un livre sur la maisonoù la maison s'efface."
"Aujourd'hui la globalisation des échanges, la facilité des transports et le tourisme engendrent un nouveau nomadisme. Pour autant, le principe d'un habitat n'est pas remis en cause. Il faut un terrier. Une adresse." Et puisque l'accès à sa maison de famille lui est interdit, Gilles Clément se construit une cabane de pierres dans la campagne creusoise dans les années 70. Cette habitation va lui permettre d'interroger les liens qui unissent l'intérieur et l'extérieur de la maison,ainsi que les rapports qu'elle entretient avec les plantes que les animaux, la manière dont s'inscrit la maison dans ce paysage. Il lui faudra aussi faire face aux règlements kafkaïens, qu'il contournera avec aisance et habileté, sans conflits...
De très jolis portrait de paysans viennent émailler ce récit atypique. Atypique, tant par la vision de la maison qui nous est proposée que par la conséquence de 'achèvement de ce "terrier". En effet, à peine l'habitation terminée, Gilles Clément est parti en voyage, renouant ainsi avec le nomadisme qui lui est cher...Une approche originale qui rompt totalement avec les précédents livres de cette collection.
Un grand merci à Ptitlapin et à Aifelle pour cette découverte !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : gilles clément, le salon des berces, maison, nature, nomade
29/04/2009
"à la maison, l'atmosphère était vénéneuse."
"Quand Sylvia ouvrait son sac à main, on ne savait jamais ce qui allait en sortir. Ce pouvait être un tract, aussi bien qu'un revolver." On pourrait en dire autant de chacun des personnages du roman d'Hilary Mantel, La locataire, car chacun d'eux agit selon une logique faussée.Et quand Muriel Axon, après un séjour de dix ans dans un hôpital psychiatrique, rentre dans dans sa petite ville des environs de Londres, bien décidée à récupérer sa maison et à se venger de ceux qui sont intervenus dans sa vie des années auparavant, cela ne pourra que virer à l'aigre...
Dans le premier tiers du livre, le malaise règne car nous subissons la vision d'une personne, Muriel, qui , complètement coupée de la réalité dans sa jeunesse a appris, au fil du temps, à se grimer et à simuler des sentiments. Heureusement, ce point de vue est contrebalancé par la vie à la fois banale et pleine d'humour de la famille dans laquelle Muriel va s'introduire et où elle va semer, à petits pas, la désolation...On hésite un peu, balançant entre l'inconfort et la gêne, puis on se laisse aller et on apprécie pleinement l'humour très noir et l'atmosphère vénéneuse à souhait de ce roman. Quiproquos, rebondissements, surprenants, le lecteur est à la fête car lui seul peut , avec Muriel, relier et donner du sens à tout ce qui perturbe la vie d'une poignée de personnes tout à fait ordinaires au premier abord.
On parle souvent dans le livres de psychologie de ces personnalités nocives, hé bien , à elle seule, Muriel les bat tous à plates coutures ! Un livre réjouissant pour tous les amateurs d'humour très noir !
La locataire, Hilary Mantel, Editions Joëlle Losfeld, taduit de l'anglais par Catherine Richard.295 pages vénéneuses et réjouissantes à la fois.
Merci à Clarabel pour le prêt !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : la locataire, hilary mantel, humour très très noir, vénéneux à souhait
28/04/2009
"Elle était pour ne pas secouer les crânes."
Qui est Alice ? La douce et patiente mère de famille? La maladroite congénitale qui crée des catastrophes en série ? La jalouse hystérique qui ligote dans une baignoire celle qu'elle soupçonne être la maîtresse de son mari ? Est-elle folle à lier ou harcelée par un homme mystérieux comme elle le prétend ?
Le brave inspecteur Picasso, bientôt plus impliqué qu'il ne le voudrait, va mener l'enquête et se retrouver sur les bords de la Loire pour démêler avec la jeune femme les noeuds de secrets familiaux.
A la recherche d'Alice est un roman qui chahute le lecteur, autant que l'inspecteur Picasso. Tour à tour exaspérante, touchante, surprenante par ses réactions, Alice se révèle insaisissable , ou presque.
Le récit est fertile en rebondissements et la personnalité de l'héroïne, qui échappe à tous les cadres ,déroute autant qu'elle charme.
La fin perd un peu en intensité mais ne gâche cependant pas notre plaisir de lecture. Un petit bonheur à s'offrir sans attendre.
A la recherche d'Alice, Sophie Bassagnac, Denoël, 196 pages chatoyantes.
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