06/04/2020
Alto Braco...en poche
"On ne voulait pas vivre à Lacalm mais on voulait y mourir."
Deux sœurs dures au travail , Douce et Granita, ont élevé leur petite fille, maintenant trentenaire, Brune, tout en tenant de main de maître, leur café parisien.
Originaires de l'Aubrac, ces trois femmes sont très fortement marquées par ce territoire si particulier, même si la plus jeune s'en défend. La mort de Douce et son enterrement dans le pays de sa jeunesse vont faire ressurgir tous les secrets du passé.
Sur un schéma classique de retour au pays, Vanessa Bamberger multiplie les révélations en cascade (pas moins de trois révélations), tout en décrivant à merveille les paysages de cette région âpre et sauvage où les paysans et leurs bêtes ont bien du mal à survivre.
Si l'auteure s'est visiblement bien documentée (en particulier sur les vaches) et réussit à introduire de manière fluide ces informations dans le récit, ce dernier manque en revanche de densité et connaît quelques baisses de régime.
Un roman que j'ai néanmoins pris plaisir à lire.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vanessa bamberger
04/04/2020
Le monde selon Britt-Marie...en poche
Les deux meilleurs amis de Britt-Marie sont le bicarbonate de soude et un flacon de nettoyant pour vitres. Faire le ménage est en effet pour cette sexagénaire- un brin psychorigide, malgré ses nombreuses dénégations -une thérapie sans pareille.
Pressée de trouver un travail, le seul emploi qu'elle déniche est dans une ville paumée, ville lourdement touchée par la crise où vit une faune haute en couleurs et encore plus selon les critères de Britt-Marie.
Pourtant, comme nous sommes dans un roman Feel good, bien évidemment, Britt-Marie va "se dégeler" peu à peu, surtout quand elle se retrouvera bombardée coach d'une équipe de football composée d'enfants plus nuls les uns que les autres, mais passionnés.
Le football comme modèle de vie ? Pourquoi pas. Car"Le football a ceci d'épatant qu'il oblige la vie à continuer."
En dépit de quelques naïvetés, longueurs et répétitions supposées être comiques (je ne suis guère sensible, je l'avoue, au comique de répétition), je me suis attachée à cette femme qui prend enfin conscience qu'elle a toujours fait passer les autres avant ses propres rêves.
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03/04/2020
La danse du temps...en poche
"Elle avait éprouvé la même chose durant son enfance; elle avait l'impression d'être une adulte responsable dans le corps d'une petite fille."
Entre un père très (trop) doux et une mère psychiquement instable, Willa a très jeune fait le choix d'être pacifique.
Son existence sera donc une suite de renoncements apparents jusqu'à ce que la soixantaine atteinte, Willa qui devenue veuve s'est remariée et a deux grands fils qui entretiennent avec elle des liens sporadiques, reçoive un jour un coup de fil.
Une très ancienne petite amie de son fils a besoin de son aide pour s'occuper temporairement de celle qui aurait pu être sa petite fille. Voyant là l’occasion de se rendre utile, Willa quitte sa vie confortable et va découvrir une toute autre vie à Baltimore, au grand dam de son mari qui entend bien que l’expérience ne s'éternise pas.
Choisissant des moments marquants de l'existence de cette femme, Anne Tyler choisit la toute fin de son roman pour lui impulser une soudaine embardée, montrant ainsi que rien n'est irrémédiable.
Un roman confortable qui peut parfois agacer mais qui ne fait pas pour autant la part belle aux bons sentiments.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anne tyler
02/04/2020
Tenir jusqu'à l'aube...en poche
"Elle ne pouvait se permettre aucune erreur, aucun écart. L'enfant et elle devaient filer doux, afficher zéro défaut, ne laisser aucune prise à la société. A tout instant, ils risquaient d'être étiquetés "famille à problèmes". Ils étaient hors-normes, ils étaient fragiles, ils étaient suspects."
Dans l'espoir de maintenir un lien ténu avec le père de son enfant de deux ans, la narratrice, graphiste free-lance, continue à vivre dans une ville où elle n'a ni amis, ni famille qui pourraient la sortir de ce huis-clos parfois étouffant avec son fils.
Les difficultés matérielles s'accumulent et la jeune femme commence à fuguer hors de l'appartement pour échapper à "cette créature qu'elle avait créée de toutes pièces: la bonne mère ".
Ces fugues "comme une respiration" un entêtement" créent une tension dans le roman car elles deviennent de plus en plus une nécessité et la narratrice ne peut s'en empêcher, même si elle a bien conscience de "Tirer sur la corde", titre de la deuxième partie du roman.
Cette tension est d'autant plus grande qu'elle est mise en parallèle avec le récit dont le petit ne se lasse pas: "La chèvre de Monsieur Seguin", cette chèvre ,qui, par amour de la liberté est prête à affronter le pire. Scandant le roman, les extraits de la nouvelle d'Alphonse Daudet seront aussi l'occasion d'un clin d’œil final à la fois jubilatoire et violent.
Car oui, de la violence il y en a dans ce roman. Celle des internautes intervenant sur les forums de mamans solos, sortes de harpies vengeresses prêtes à lapider toutes celles qui osent se plaindre de leur fatigue,de leurs galères, de leur solitude... Celle des institutions (crèches, personnel de santé...), des propriétaires de logements, celle d'une société où les violences physiques faites aux femmes sont banalisées et niées, ne serait-ce que par les mots...
Mais Carole Fives sait aussi se faire intimiste en décrivant le quotidien de ce couple fusionnel mère-enfant, en soulignant la nécessité de "Réintégrer son corps." ,"Un corps sans enfant qui s'y cramponne. Un corps sans poussette qui le prolonge". Là, l'écriture colle au plus près des sensations et fait partager au lecteur ce sentiment de grande respiration nécessaire.
Un roman dévoré d'une traite puis relu dans la foulée, plus lentement cette fois pour mieux le savourer. Et zou sur l’étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : carole fives
01/04/2020
#Batailles #NetGalleyFrance
"De plus, pardon, Rose n'est embarquée dans aucune guerre. Tout au plus une bataille à sa mesure, comme chacun a à en mener. Nombreux sont ceux, c'est vrai, à continuer toute leur vie de subir."
La mère de Rose a toujours été excessive et imprévisible mais de là à disparaître sans prévenir et intimer à sa fille l'ordre de ne pas la rechercher !
La jeune femme mettra du temps à se reconstruire et, bizarrement un faits divers atroce, un infanticide sur la plage de Berck, l'aidera à braver l'interdit maternel onze ans plus tard ,alors qu'elle est elle même devenue mère de jumelles.
Plus tard, elle découvrira comment un autre faits divers, dont l'origine se situe en Creuse dans les années soixante, a influé la trajectoire de sa mère et, partant, la sienne.
Avec virtuosité et sensibilité ,Alexia Stresi noue les trajectoires de trois femmes pour mieux dénouer ce qui les entrave.
Un formidable roman de filiation, prenant et attachant ,que j'ai dévoré d'une traite !
Stock 2020
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : alexia stresi
31/03/2020
#OhHappyDay #NetGalleyFrance
"...à son contact, des fissures s'élargissent dans la croûte épaisse de la réalité, et je respire mieux. Parce que sinon, la réalité est moche et glaciale. Comment s'en protéger ? En lisant des romans, tu crois ? "
Après avoir dévoré le premier volume écrit à quatre mains par Anne-Laure Bondoux et jean-Claude Mourlevat , j'hésitais beaucoup, mais l'occasion s'est présentée, alors j'ai commencé à lire les nouvelles aventures d'Adeline et Pierre-Marie et bien m'en a pris.
On renoue vite avec les situations des deux compères que la lâcheté de Pierre-Marie a séparés. Les courriels s’enchaînent, les rebondissements tout autant et même si certaines situations ou personnages sont un peu caricaturaux, je n'ai pu lâcher ce roman facile à lire (une chance en ce moment), dont les personnages sont pleins de vie et d'allant en dépit des difficultés. Quelques jolies réflexions émaillent ce texte qui vous fera passer un bon moment.
Fleuve éditions 2020
Cuné est plus réservée : clic.
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06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : nne-labondoux, jean-claude mourlevat
30/03/2020
Nos espérances
" Il faut s'accrocher à ses amitiés, Lissa.Les femmes. Elles sont la seule chose qui te sauveront au final."
(Dernier roman acheté en librairie juste avant le confinement, pour le nom de l'autrice, pour le titre et pour le thème.)
L'amitié féminine au fil du temps, à travers trois jeunes femmes, Hannah, Cate et Lissa , mais aussi les rapports mère/fille, la maternité ,vécue ou non, par ces trois Anglaises attachantes, tels sont les principaux thèmes du roman d'Anna Hope.
Un roman qui commence et se clôt par une scène de pique-nique idyllique, , baignée de soleil, mais qui n'épargnera ni les nuages, ni les orages à ses héroïnes.
Anna Hope ,dans ce bon gros roman confortable et chaleureux, cerne au plus près les sentiments des trois amies, dans toutes leurs nuances, ne cachant ni la jalousie, ni la trahison qui peuvent entacher leurs liens. Elle décrit avec finesse leurs failles, ainsi la dépression post-partum de l'une et les sentiments ambivalents qu'elle peut éprouver pour son enfant, la nécessité de "retrouver un peu ses anciens contours" . En contrepoint, elle relate également la difficulté d'un couple à procréer et la gamme de réactions que cela suscite.
L'écriture est fluide, les pages se tournent toutes seules, tant on se sent à l'aise dans cet univers féminin , juste un peu trop lisse peut être.
Traduit de l’anglais par Elodie Leplat Gallimard 2020, 353 pages.
L'avis de Christelle : clic
De la même autrice: clic.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : anna hope
26/03/2020
La vraie vie...en poche
"La mort habitait chez nous. Et elle me scrutait de ses yeux de verre. Son regard mordait ma nuque, se délectait de l 'odeur sucrée de mon petit frère."
Attention, bombe émotionnelle !
Dans un lotissement jouxté par le bois des Petits Pendus (tout un programme), vit une famille qui se donne l'apparence de la normalité: deux parents, deux enfants dont l'aînée, la narratrice, aime et protège son petit frère.
En effet,dès l'incipit, le ton est donné : "A la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère, Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres." C'est là que le père, tyran domestique, entrepose les trophées de chasse les plus divers, dont une hyène particulièrement effrayante. Cet animal deviendra ainsi la métaphore du mal qui, à la suite d'un choc traumatique, fera basculer Gilles dans un univers où les émotions auront disparu. Dès lors, la narratrice se donne une mission en apparence impossible:effacer cette vie qu'elle considère comme une mauvaise branche pour sauver son frère.
Nous la suivrons donc au fil de cinq années, où, avec une volonté farouche, elle va progressivement se donner les moyens de changer le présent. Dotée de grandes capacités scientifiques, elle analyse lucidement la situation, d'un œil quasi clinique: sa mère est une amibe qui a pour seule fonction d'avoir peur de son mari . Quant au père , "Son goût pour l’anéantissement allait [l']obliger à[ se ]construire en silence, sur la pointe des pieds."
Adelien Dieudonné ne ménage pas nos nerfs, maîtrisant son récit d'une main ferme , tout en le dotant d'une écriture à la fois imagée et efficace. On tremble, on frémit, on a la gorge serrée devant cette héroïne qui se construit à la fois physiquement, psychologiquement et émotionnellement, refusant farouchement de devenir une victime.
Un premier roman que j'ai trimballé partout avec moi le temps de sa lecture, un objet compact dont la couverture rend parfaitement l'idée de huis-clos et de menace animale. Une réussite époustouflante. Et zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : adeline dieudonné
24/03/2020
Trois petits tours et puis reviennent
"Les hommes s'écroulaient. Les femmes faisaient front."
Jackson Brodie s'est installé dans un coin tranquille, en bord de mer dans le Yorkshire, se contentant de traquer les amours adultères la plupart du temps. Mais comme il en convient lui-même"...il n'avait jamais eu besoin de chercher les ennuis, comme Julia le lui rappelait souvent, les ennuis le trouvaient toujours."
Cet ancien militaire, ancien policier, toujours amoureux de son ex-femme Julia va donc se trouver mêlé simultanément à plusieurs intrigues que Kate Atkinson maîtrise parfaitement, sans jamais perdre son lecteur en route, ni le laisser frustré.
On retrouve avec plaisir des personnages rencontrés des années auparavant dans le roman A quand les bonnes nouvelles ? et c'est comme avoir des nouvelles d'amis perdus de vue mais qu'on n'a pourtant pas oubliés. Rassurez vous, ce roman peut se lire de manière totalement indépendante des autres aventures de Jackson Brodie.
Si les intrigues mettent du temps à se mettre en place et qu'on guette avec avidité les apparitions du héros qui, même malmené par les femmes, continue à toujours les défendre (et dans ce roman, elles en ont vraiment bien besoin), quand le récit trouve sa vitesse de croisière, on ne peut plus lâcher ce roman. Des personnages fouillés, des pointes d'humour, du suspense jusqu'à la dernière minute, que demander de plus ?
Traduit de l’anglais par Sophie Aslanides, JC Lattès 2020
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06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : katr atkinson
23/03/2020
#Modifié #NetGalleyFrance
"J'ai donc fait ce que toute femme avec un tant soit peu d'instinct maternel aurait fait en pareille circonstance: j'ai moi-même appelé les flics."
Martha, détective très privée, la quarantaine, faisant profession de détester les chiens de son compagnon, Allan, et de harceler la fille de ce dernier , Allison ("-Je ne la harcèle pas , je la soumets gentiment à la question. Libre à toi d'appeler des ...pressions, des attentions réitérées, des assauts verbaux voire...des agressions; et puis merde Allan !") qui voudrait s’incruster chez eux, n'est en rien une sentimentale.
Misanthrope, rugueuse, elle porte un jugement acéré sur la famille en général et sur la sienne en particulier.
Son chemin va une nuit croiser un adolescent particulier, fasciné par les chasse-neige et très doué pour déblayer lui-même la neige des allées, ce qui nous vaudra une scène désopilante de "duel" dans la neige !
Modifié, c'est ainsi qu'il veut qu'on l'appelle, va peu à peu s'incruster dans la vie de Martha et d'Allan et révéler les failles de la narratrice. Au récit de cette transformation se mêle aussi une enquête confiée à Martha: innocenter son jeune cousin qui fréquente le même lycée que Modifié et est accusé du meurtre de don entraîneur de soccer.
Les bons sentiments ne sont pas de mise ici et c'est avec beaucoup de subtilité et un humour ravageur que l'auteur mène son récit tambour battant, ne ménageant ni les péripéties ni les vacheries hilarantes : "Mon compagnon boxait dans la catégorie"meilleur voisin", Modifié dans la catégorie "rien à foutre"."
Un récit plein d'humour et de chaleur humaine à ne manquer sous aucun prétexte !
Grasset 2020
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sébastien l. chauzu