10/11/2020
La Payîsanna
"Quand la paysanne n'est pas à l'écurie, je trouve vraiment le bon rythme. L'ennui, c'est qu'après un moment, j'ai la bouche cousue. Ma voix descend en rampant le long de ma gorge et les mots me montent à la tête. Ils y bâtissent un monde second et toutes les choses que tu m'as dites se transforment en foin et ne paille. Je les trimballe avec moi jusqu'à ce qu'elles restent collées à ma peau et que ça devienne vrai que j'ai fait un jour partie de toi."
Cinq saisons où une jeune femme travaille dans une ferme suisse, près de la villa en ruines de ses grands parents. Naissance d'un veau, taille des onglons , mais aussi prise de conscience de la nature : "Les grillons me mettent au diapason Ils tendent leurs filets sonores autour de ma tête et la vallée entière se met à valser avec le temps" lui permettent d'apprivoiser la séparation d'avec son amoureux. Les êtres décédés l'accompagnent dans son quotidien avec un naturel confondant et on est bien loin ici du fantastique flamboyant sud-américain.
Tout semble feutré dans ce roman très très court (65 pages) qui infuse lentement en nous pendant et après la lecture. Amateurs de sensations fortes, de retournements de situations et de rebondissements passez votre chemin. Ce roman est de l'ordre du ténu, du tranquille et pourtant il produit une impression forte sur qui veut bien prendre le temps de se lier à lui.
Traduit de l'allemand par Yann Stutzig, Éditions d 'En Bas 2020
06:00 Publié dans Rentrée 2020, romans suisses | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : noëmi lerch, yann stutzig
09/11/2020
Ce genre de petites choses
"Etait-ce possible de continuer durant toutes les années, les décennies, durant une vie entière, sans avoir une seule fois le courage de s'opposer aux usages établis et pourtant se qualifier de chrétien, et se regarder en face dans le miroir ? "
Bill Furlong a quarante ans, une femme, cinq filles bien élevées, ce dont il se félicite, une vie de labeur (il est marchand de bois et de charbon), pas de dettes, mais il s'interroge sur son existence.
En cette fin d'année 1985, à New Ross,des bruits courent sur le couvent où les sœurs du Bon Pasteur exploiteraient des mères célibataires et vendraient leurs enfants à de riches étrangers.
Mais il faudra que Bill, à l'occasion de livraisons, prenne de visu conscience de la situation (qui aurait pu être celle de sa mère ) pour qu'enfin il envisage de se défaire du carcan des habitudes et de l'emprise de l'église catholique.
Sorte de conte de Noël, ce roman très court de 120 pages revient avec une extrême sensibilité sur ce scandale des sœurs Magdalen d’Irlande dont la dernière blanchisserie a été fermée en 1996.
Par petites touches, avec des détails choisis mais intenses, Claire Keegan nous dépeint un microcosme figé dans l'obéissance et l’hypocrisie ,où subsiste néanmoins un peu d’humanité. Un format court mais efficace.
Traduit de l’anglais (Irlande) par Jacqueline Odin.
Éditions Sabine Wespieser 2020
06:00 Publié dans Littérature irlandaise, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : claire keegan
08/11/2020
#MerciquiMercimonchien #NetGalleyFrance
"La compagnie des animaux me rend moins bête."
Avec tendresse, avec humour, le créateur de la Noiraude (la vache qui a des états d'âme et téléphone régulièrement à son vétérinaire ) rend hommage et remercie les animaux qui ont traversé sa vie, mais aussi tous les animaux en général (à l'exception des mites, mouches, moustiques et autres vecteurs de maladie).
Il fait appel à quelques auteurs (Tesson, Kundera, entre autres) pour appuyer ses propos mais ne tombe jamais dans le sentencieux.
C'est en apparence léger, pas toujours tout à fait exact (Je pense en particulier à la Suisse où en fait depuis 2008, la nouvelle loi sur la protection des animaux mentionne que les cobayes, tortues, lapins ou poissons rouges ne doivent pas vivre seuls , et non pas tous les animaux de compagnie comme il l'indique) mais ne chipotons pas, ne boudons pas notre plaisir et profitons pleinement de ce petit plaisir.
Buchet-Chastel 2020
06:00 Publié dans Essai, Humour | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jean-louis fournier
07/11/2020
Petit problème paranoïaque :
09:41 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (4)
05/11/2020
L'italienne qui ne voulait pas fêter Noël ...en poche
C'est mon côté aventurière. Je saute, et après on voit s'il y a de l'eau dans la piscine ou pas."
A la suite d'un défi intellectuel (et amoureux), où "il s'agissait de démontrer que les notions de famille et d'appartenance n'étaient pas forcément interdépendantes, qu'il il était tout à fait possible de se soustraire à certaines traditions sans que ce soit un drame, que ça pouvait se passer très bien. ", Francesca, jeune italienne venue terminer ses études en France doit annoncer à sa famille que certes, elle les rejoindra à Palerme ,mais qu'elle ne fêtera pas Noël avec eux.
Écrit a posteriori, le récit multiplie à l'envi les avertissements "dans les histoires horribles", ce qui est un peu agaçant quand on n'est pas sensible au comique de répétition mais a le mérite d'annoncer que forcément, cette situation va tourner à l'aigre dans une famille italienne qui se veut de gauche, mais surtout italienne.
Tous ceux qui comme l'héroïne sont plutôt partagés en ce qui concerne la gabegie des fêtes de fin d'année apprécieront ce texte qui fait la part belle à l'humour, avec une narratrice pas toujours fiable, mais opère soudain un virage à 180 degrés qui rend l'expérience plutôt saumâtre. Histoire de nous mettre en garde ?
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jérémie lefebvre
04/11/2020
Les secrets de ma mère
"Une sensation électrique sur ma peau, mes mains et mes pieds. Je ne me sentais pas triomphante Mais, d'une manière assez intéressante, je me sentais plus libre. Passer mon temps à attendre et à vouloir, voilà qui avait été mon état naturel. Désirer plutôt que d'avoir les tripes de réaliser mes propres souhaits."
Rose, la trentaine, n'a encore rien fait de sa vie. Elle est engluée dans une relation qui ne la satisfait plus et peine à savoir ce qu'elle veut vraiment. Jusqu'au jour où son père, qui l'a élevée seul, lui remet deux romans d'une autrice qui est la dernière personne à avoir vu la mère de la jeune fille avant que celle-ci ne disparaisse sans donner signe de vie.
Cette romancière avec qui sa mère a vécu une histoire d'amour pourra-t-elle aider Rose à se lancer sur la piste de cette mère insaisissable ?
La quête maternelle va bientôt se muer en quête identitaire et cela ne sera pas sans conséquences sur de nombreuses existences.
Alternant les époques, Les secrets de ma mère est un roman confortable, sans réelle tension, les personnages privilégiés par Jessie Burton n'étant pas à mon avis les plus intéressants. Facile à lire et... à oublier.
Traduit de l'anglais par Laura Derajinski, Gallimard 2020
06:00 Publié dans Rentrée 2020, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : jessie burton
03/11/2020
Trois chemins vers la mer
"Elle s'était imaginé la vie comme un élastique, sur lequel il suffisait de tirer pour allonger le temps et faire durer les bons moments . Et voilà qu'elle était arrivée à un point où il était soudain trop tard pour beaucoup de choses. Les portes claquaient autour d'elle à la vitesse grand V."
"Le corps", "L’État", l'exil", tels sont les titres récurrents des chapitres qui viennent rythmer ces Trois chemins vers la mer.
Trois récit d’itinéraires féminins marqués par la perte mais non le renoncement, dont on perçoit très vite comment ils vont s'agencer avec beaucoup de douceur et de retenue, même s'ils évoquent des faits très douloureux, voire violents.
Il y a cette femme qui tente d'oublier son passé dans une réserve ornithologique où elle bague des oiseaux, fait de longues promenades avec sa chienne, traduit un texte de Dany Laferrière (sur l'exil) et n'entretient que très peu de relations sociales. Cette autre qui échange des courriers avec une administration bornée qui lui refuse le droit à l’adoption. Cette dernière qui traîne une valise contenant un chat mort...
Le corps féminin, les langages dont nous usons ou que nous subissons, mais aussi la nature sont au cœur de ce roman très court, 180 pages, qui exerce une réelle fascination sur le lecteur. Nous entrons au plus profond de l'âme humaine ,mais avec poésie, retenue et une sensualité diffuse. Tout est dans le presque rien, mais d'une manière efficace et pérenne. Un énorme coup de cœur ! Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Traduit du norvégien par Hélène Hervieux, Delcourt 2020
09:25 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, Rentrée 2020, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : brit bildoen, hélène hervieux
29/10/2020
Les potos d'abord
"- Tu vis sur quelle planète, Nathan ? Dans quel monde tu évolues ? J'ai l'impression que coincé dans ton univers de petit bourgeois de merde tu ne t’aperçois de rien !"
Amis depuis toujours , Nathan, le narrateur et son meilleur ami, Ihmed partent pour la première fois en vacances sans leurs parents.
De déconvenues classiques, en plans foireux qui se transformeront sans doute plus tard en souvenirs pleins d'humour, l’aventure va soudain virer à l'aigre quand les deux potes se trouveront confrontés à ce que Nathan refuse de voir: le racisme et les différences sociales.
Un récit moins léger qu'il n'y paraît de prime abord.
Collection Court Toujours Éditions Nathan, texte qui donne accès à la version numérique et à la version audio.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rachel corenblit
28/10/2020
Son héroïne
"Tout était parfaitement huilé, mais ça n'a pas suffi."
Feignant d'être son amie, Rosalie sauve une inconnue, Jessica, d'un homme trop "lourd" dans le tramway.
Las, Rosalie va très vite se convaincre qu'elle doit changer la vie de Jessica . La situation dérape rapidement et une série de révélations distillées au compte-gouttes font comprendre au lecteur que la situation risque de devenir très dangereuse.
Séverine Vidal tire parti avec maestria du format court imposé par cette collection et instaure un climat d'angoisse et de suspense très efficaces. Une réussite !
Collection Court Toujours Éditions Nathan, texte qui donne accès à la version numérique et à la version audio.
L'avis de Noukette: clic
Celui de Jérôme: reclic
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : séverine vidal
27/10/2020
Silent Boy
"Comme pour Nathan. Je me suis arrangé avec la vérité."
Anton fait profil bas dans ce lycée difficile où il est interne. Histoire de ne pas attirer l'attention des leaders de la classe qui chahutent certains profs et harcèlent les lycéens qui ne rentrent pas dans le moule.
Sa seule respiration est un forum en ligne où il intervient sous le pseudo de Silent Boy et où il trouve un espace de bienveillance.
Pourtant la rencontre avec Nathan, avec qui il va devoir partager sa chambre, va changer la donne et le forcer à intervenir dans la vraie vie.
Ces 63 pages sont un concentré édifiant de la violence sourde qui sévit dans certains établissements , au sein de certains groupes. Violence verbale ou physique dont les enseignants ne voient trop souvent que la partie émergée de l'iceberg. Une écriture sans complaisance qui fait mouche.
Collection Court Toujours Éditions Nathan, texte qui donne accès à la version numérique et à la version audio.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaël aymon