09/03/2020
Une vie et des poussières
"Certains pensent qu'on a toujours été vieux et enquiquinants . Ils ne se doutent pas de la richesse de nos vies. On est devenus encombrants. On oblige les gens à ralentir, à répéter, et on les enferme dans le présent."
Placée dans un Ehpad confortable par ses enfants, épaulée par une aide-soignante jeune et pleine de vie, Mathilde tient son journal pendant quelques mois.
Même si son enfance d'enfant cachée pendant la guerre a été douloureuse, Mathilde, grâce à son mari, a choisi le parti de la vie et a su avancer , faire carrière dans le journalisme, ce que lui reproche encore maintenant sa fille.
Lucide, mais jamais amère, Mathilde revient sur son existence, mais brosse aussi le portrait des pensionnaires et de certains membres du personnel de cet établissement où "on ne peut pas trop prévoir."
C'est tendre et émouvant mais cela manque un peu d'aspérités.
Buchet-Chastel 2020
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06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : valérie clo
08/03/2020
#VcommeVirago #NetGalleyFrance
J’ignorais tout de la série Youtube d'Aude GG quand j'ai commencé la lecture de ces 70 portraits de femmes, plus ou moins connues, œuvrant dans des domaines très divers et venant d'horizons géographiques et d'époques très diverses.
Dans la lignée des Culottées, sont ainsi présentées aussi bien des femmes pirates, que des scientifiques victimes de l'effet Matilda (qui désigne le déni ou la minimisation récurrente et systémique de la contribution des femmes scientifiques à la recherche, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins, qui sans scrupules s'en sont attribué le mérite), d'une prostituée ou de femmes ayant lutté pour l'émancipation, des femmes remarquables donc..
Une courte biographie, accompagnée d'un portrait et d'une citation permettent ainsi la découverte de ces héroïnes souvent méconnues et donnent bien évidemment envie de les découvrir davantage.
06:00 Publié dans Biographie, Document | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : aude gogny-goubert, adrien rebaudo
07/03/2020
L'aube sera grandiose...en poche
Quand Titania, écrivaine, embarque sans prévenir sa fille de seize ans, Nine, vers une destination inconnue, une cabane cachée au bord d'un lac, cette dernière regimbe. Sans réseau, comment supporter ce huis-clos avec sa mère ?
Ce que Nine ignore c'est que Titania rejoue avec elle une scène qu'elle-même a vécue quand sa propre mère, Rose-Aimée ,lui a dévoilé un secret familial. Dorénavant, c'est à Titania de passer le relais et de narrer à sa propre fille une histoire familiale pleine d'amour et de cahots.
Récit d'une nuit blanche, L'aube sera grandiose est un roman fluide qui nous tient en haleine, une magnifique histoire de transmission, une magnifique histoire d'amour entre des mères atypiques et leurs enfants. L'occasion aussi de se replonger, pour qui les ont connues, dans les années 70, là où tout était plus lent, là où l'ennui n'était pas sauvagement combattu à l'aide d'écrans. Un grand coup de cœur pour terminer l'année.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : anne-laure bondoux
06/03/2020
I am I am I am...en poche
"J'aurais aimé savoir que les choses qu'on ne contrôle pas dans la vie sont en général plus importantes, plus formatrices, à long terme que celles qui se passent comme prévu."
Le projet de Maggie O'Farrell ? "raconter la vie de quelqu’un , mais uniquement à travers ses expériences avec la mort."
Chacun des dix-sept chapitres, dûment datés et illustrés façon vieille planche d'anatomie, est consacré à une partie du corps de l'autrice-narratrice, car c'est bien de Maggie O'Farrell qu'il s'agit ici. Et cela commence très fort par un texte d'une tension dramatique extrême ,dont on se dit qu'après cela les choses ne pourront que baisser en intensité. Pas vraiment.
Chacune des expériences qui nous est relatée frappe par sa volonté de vérité dans l 'expression des sensations et des sentiments. Maggie O'Farrel scrute, écrit à l'os, ne se donnant jamais le beau rôle, mais décrivant au plus près pour mieux nous les faire ressentir la douleur, "Une douleur sans rebord, parfaite, parfaite comme une coquille d’œuf.", la violence des institutions de santé dont l'enfant qu'elle a été, mais aussi la femme, ont été victimes. Pas de course au dolorisme pour autant. Si l'auteure évoque l'hémorragie post-partum dont elle a failli mourir, et rappelle que "mourir en couches semble être un danger totalement daté, une menace extrêmement lointaine entre les murs des hôpitaux des pays développés" , c'est aussi pour mieux dénoncer le taux de mortalité maternelle anormalement élevé du Royaume-Uni ,ou évoquer un sujet tabou: les fausses couches et la manière dont elles sont trop souvent balayées d'un revers de la main.
La mort, elle la connaît donc de près, et ce depuis l'enfance. En effet, atteint d'une encéphalite, dont elle garde encore des séquelles, Maggie O'Farrell sait dans sa chair ce qu'est le poids du regard et des réflexions des autres, mais aussi la bienveillance et la confiance que l'on peut trouver dans une main anonyme que l'on serre ou des mots de réconfort. De quoi braver tous les pronostics pessimistes.
Le livre se termine par une course contre la montre, contre la mort, un condensé de souffrances, mais aussi une réaffirmation de la vie coûte que coûte. Un coup de poing -coup de cœur qu'on n'oubliera pas de sitôt.
Un texte qui file directement sur l'étagère des indispensables , bien sûr.
Belfond 2019
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : maggie o'farrell
05/03/2020
#RichesseOblige#NetGalley
"Il suffisait d'avoir lu Balzac, Zola ou Maupassant pour ressentir dans sa chair que ce début de XXIe siècle prenait des airs de XIX e."
Découvrant par hasard qu'elle est apparentée à une riche famille d'industriels, Blanche mère célibataire et , suite à un accident "coléoptère boiteux", va mener l'enquête et ainsi croiser le destin d'un de ses ancêtre, Auguste qui ,comme elle, faisait un peu tache dans la lignée.
En effet, ce jeune idéaliste avait reconnu comme sien l'enfant de celui qui avait été acheté pour le remplacer au service militaire (d'une durée de 9 ans!) et était mort à la guerre de 1870.
Grâce à ses amis hauts en couleurs et aux technologies modernes, Blanche va en quelques clics élaguer les branches de cet arbre généalogique de cette famille sans scrupules, où le seul langage qui se parle est l'argent.
Avec le talent et l'humour qu'on lui connaît, Hannelore Cayre alterne les périodes historique ,sans jamais perdre son lecteur en route, pour mieux lui signaler les similitudes sociales existant entre le XIX et le XXI e siècles.
Roman engagé, brassant des thèmes éclectiques (économiques, artistiques, féministes, écologiques...), Richesse oblige est un fabuleux pied de nez au dieu Argent , pied de nez dont on adorerait qu'il devienne réalité.
Un roman enthousiasmant qui file illico sur l'étagère des indispensables !
Éditions Metailié 2020
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Cuné adore: clic !
Ai felle est aussi enthousiaste ! : clic
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : hannelore cayre
04/03/2020
Eden Springs...en poche
"Est-ce que tu sens ça ,mon ange ? murmura-t-il. C'est ça ,la vie éternelle"
Ruth Banford rit. Elle dit "Je le sens bien. C'est un homme qui se faufile sous mes jupes."
Promettant tout à la fois la vie éternelle et un corps éternellement jeune, Benjamin Purnell fonde une communauté religieuse qui offre aussi le paradis sur terre sous forme d'un parc d'attractions. Le charisme de l'individu est tel que des fidèles viennent en masse des États-Unis, mais aussi de l’étranger.
Prônant l'abstinence sexuelle, mais profitant de sa beauté et de son autorité, il abuse des jeunes filles de la communauté, sans que grand monde y trouve à redire.
Il faudra la mort d'une très jeune femme pour que la machine se grippe, ce qui est annoncé d'emblée.
Alternant les points de vue, proposant des citations et des photographies, le roman évoque en effet des faits réels, Laura Kasischke s'approprie cette histoire en la faisant baigner dans une atmosphère de sexualité diffuse , bucolique et métaphorique.
Elle fait également la part belle à l'évocation du corps des femmes , qu'elles soient jeunes ou vieillissantes, usées par les grossesses ou exclues de toute sexualité de par leur statut social ou leur âge "avancé" pour l’époque (nous sommes au début du 20 ème siècle).
Un roman un peu trop court à mon goût, mais où l'on retrouve bien l'atmosphère étrange chère à l'auteure de Esprit d'hiver.
Traduction Céline Leroy,
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : laura kasischke
03/03/2020
Débâcle...en poche
"C'est peut être à ça qu'on les reconnaît, les familles où ce qui est le plus essentiel va de travers: pour compenser, elles inventent un tas de petites règles et de principes ridicules."
Eva est invitée à la fois pour commémorer le trentième anniversaire que ne fêtera jamais Jan, le frère d'un de ses amis, et pour l'inauguration d'un "site de production laitière ,presque entièrement automatisé." Doublon bizarre qui donne d'emblée le ton de ce roman où les sentiments s'expriment de manière quasi souterraine, dans un microcosme, celui d'un village flamand ,où elle a passé toute son enfance.
L'occasion pour la jeune femme de revivre deux été qui auront décidé de son existence et du fait qu'elle se rende à cette invitation munie d'un gros bloc de glace...
Eva, Pim et Laurens, une fille deux garçons, les seuls enfants nés en 1988, coïncidence qui les unira façon trois mousquetaires, même si leurs origines sociales sont bien différentes.Un triangle dont les relations s'effilocheront et deviendront de plus en plus troubles.
La tension ne cesse de monter, et même si parfois, on se perd un peu dans ces retours en arrière, rien de grave : on est tenu en haleine par ces familles dysfonctionnelles chacune à leur manière , où le drame se cache dans les détails qu'Eva scrute avec une acuité sans pareille et sème comme autant de petits cailloux blancs qui, rétrospectivement prennent toute leur valeur.
J'ai été bluffée par ce premier roman qui distille une atmosphère à la fois lumineuse et trouble, qu'on ne lâche pas et qu'on termine quasi exsangue.
Traduit du néerlandais (Belgique) par Emmanuelle tardif.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lize spit
02/03/2020
Comme si tu étais toujours là
"Tu me manques tellement, mais il y a quinze ans que tu me manques tellement ! " , m'avoues-tu . Nous nous sommes toujours manqué terriblement."
Sur un coup de tête, par jalousie, la chanteuse Marie Paule Belle quitte sa compagne, Françoise Mallet-Joris, romancière et auteure des paroles de ses chansons. Les deux femmes vivaient alors en toute liberté une relation au vu et su de tous, même si dans les médias, on n'évoquait, je m'en souviens, qu'une belle amitié entre les deux femmes. Nous étions dans les années 70.
Même si ,après leur séparation, les deux femmes ont continué à se voir, à s'écrire, elles n'ont plus jamais revécu ensemble et c'est après la disparition de la romancière en 2016 que Marie Paule belle a vraiment pris conscience de la puissance de l'amour qui les unissait.
Dans un monde où, selon l'autrice, l'homophobie est de plus en plus décomplexée, la parution de ce livre est un souffle d'espérance et d’amour.
Publiant les lettres, les petits billets envoyés avec un belle fréquence par Françoise Mallet Joris, la chanteuse étant souvent en tournée, on voit transparaître à la fois son inquiétude (les risques d'accident, la carrière de son amour) mais aussi sa constante sollicitude et son amour indéfectible. Une telle générosité méritait bien d'être célébrée.
Un texte pudique, tout en retenue, les amateurs d'anecdotes croustillantes en seront pour leurs frais et une magnifique préface de Serge Lama qui a bien connu les deux femmes.
Plon 2020
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : marie-paule belle, françoise mallet-joris, serge lama
29/02/2020
Les recettes de la vie...en poche
"Je veux ta colère, tes reproches, tes insultes, tes coups. Tout, sauf ton silence immobile et cette putain de chape de plomb qui recouvre tes émotions depuis que maman est partie.Je n'en peux plus de tes habits de deuil, de ta rectitude de moine soldat qui dort près de son fourneau. Je ne veux plus de ta sollicitude de père courage, de ta transmission sans émotion, de nos rites qui pédalent dans le vide."
Au lendemain de ce qu'on n’appelle pas encore la guerre d’Algérie, Monsieur Henri, flanqué du fidèle Lucien, a fait du Relais fleuri un restaurant d'habitués. Là, il mène une vie toute entière consacrée à sa femme, à son fils Julien et, bien sûr, à sa cuisine.
Mais, toujours il refusera que son fils devienne à son tour cuisinier.
Quand le roman commence, Henri est plongé dans le coma et Julien veut à toutes forces retrouver le cahier de recettes de son père, ce qui le replongera dans le passé et lui fera découvrir les secrets de son taiseux de père.
Je connaissais Jacky Durand par ses chroniques culinaires, je découvre ici son deuxième roman et c'est un pur régal. Tendresse, gouaille, et bien sûr, évocations de plats qui font saliver, sont au menu de ce très joli roman de filiation empêchée entre un père et son fils.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacky durand
28/02/2020
Principe de suspension...en poche
"Il sait ce que signifie le mot "faible": la conscience de ses propres fragilités. Il sait que lutter contre les autres est plus facile que lutter contre soi-même. Qu'il faut, parfois, faire preuve d'indulgence."
Thomas a racheté une PME de la filière plastique et se bat pour défendre l'industrie dans sa région du Grand Ouest. En butte aux trahisons intimes et professionnelles, son corps lâche prise.
Alors que Thomas est plongé dans le coma, sa femme, Olivia, va peu à peu sortir de sa passivité et envisager d'une nouvelle manière leurs relations quelques peu sacrifiées par les nécessités du travail trop prenant de son époux.
Egrainant les définitions des mots "principe" et "suspension", les chapitres de ce roman remontent le temps afin de démonter les rouages de ce qui a amené au burn out.
Si la description de la vie d'une PME , bien trop rare en littérature, est intéressante, elle manque singulièrement de souffle. On sent la volonté de trop bien faire, de délivrer toutes les informations dont s'est nourrie l'autrice afin de rendre justice à ces patrons de PME, trop souvent oubliés. cela au détriment de la littérature.
J’avoue aussi avoir été passablement agacée par le personnages d'Olivia, singulièrement détachée de la réalité. Bilan en demi-teintes donc.
De la même autrice: clic.
04:55 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vanessa bamberger