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17/07/2020

Les hordes invisibles...en poche

Alex s'interrogeait sur leur responsabilité collective. Tous, ils laissaient le vocabulaire commun enjoliver ce qui s'apparentait à des meurtres de masse."

Quel plaisir de retrouver les personnages des Ravagé(e)s ! Alexandra a arrêté la bière et tente de faire une place dans sa vie à l'amoureux qui bosse avec elle à la Brigade Des Crimes et Délits Sexuels.louise mey
Si le roman ne joue plus sur l'effet de surprise, il approfondit les thèmes abordés dès le premier volume et montre bien l'aspect quotidien, quasi banal des violences faites aux femmes et ce dans tous les milieux sociaux.
Le péché mignon d'Alexandra, les statistiques, permettent d'étayer les faits et de convaincre de l'ampleur du phénomène.
Un roman un peu didactique, dont l'intrigue est parfois relâchée, mais qui remplit parfaitement son contrat et qu’on ne lâche pas !

De la même autrice : clic et reclic.

16/07/2020

Porter sa voix/ s'affirmer par la parole

"Dans nos formations, le collectif fonctionne comme un miroir  qui pousse l'individu à se questionner sur ses opinions et ses émotions; en s'ouvrant aux autres, il se révèle d'abord à lui-même. Le groupe, s'il partage des valeurs de bienveillance, s'avère alors un appui incomparable: à l'école, pour développer l’intelligence émotionnelle de l’enfant, à l'âge adulte et en milieu professionnel, pour insuffler un esprit collaboratif qui permet aux employés de s'épanouir."

Le documentaire A voix haute (dont le réalisateur est Stéphane de Freitas) a permis de faire connaître  l'association Eloquentia et son concours à l’université de Saint-Denis.
Mais même sans vouloir atteindre le niveau oratoire des candidats de cette épreuve, nous sommes tous amenés à prendre la parole en public,un exercice jusqu'ici peu pratiqué en milieu scolaire. Maintenant que l’Éducation Nationale a instauré davantage d'épreuves orales, quel que soit l'examen, il va bien falloir préparer nos candidats.stéphane de freitas,eloquentia,à vois haute
En ce moment, les publications fleurissent sur ce thème et l'ouvrage Porter sa voix s'avère des plus intéressants car il souligne l’importance du groupe (maximum une quinzaine de personnes) et la nécessité de la congruence entre les idées exprimées et la manière de les porter , tant par son corps que par sa voix.
Après avoir retracé son parcours personnel et exposé le postulat pédagogique de sa méthode, l'auteur nous livre  toute une série d'exercices pratiques, précisant bien l'âge minimum des participants. le tout est émaillé de témoignages et de conseils pour éviter certains écueils aux novices. Un ouvrage qui donne envie de se jeter à l'eau et de tester in vivo !

Éditions Le Robert 2018stéphane de freitas,eloquentia,à vois haute

13/07/2020

Avant que j'oublie

"Une dernière fois, je l'ai admiré pour son esprit original et si mal compris, pour l'élégante précision de ses idées, pour son entêtement insensé à ne s'être jamais autorisé que ça alors qu'il avait tant d'ampleur et pour m'avoir appris à être sensible à la poésie que dégagent les choses modestes."

Ni hagiographie, ni règlement de compte, le texte d'Anne Pauly est comme le définit elle-même l'autrice un tombeau de mots pour son père. Un père tout à la fois "déglingo" et féru de poésie, alcoolique et autodidacte, qui  s'empêchait d'exprimer sa sensibilité. Un père à l'image de la maison que doit ranger sa fille après son décès: chaotique.anne pauly,prix du livre inter 2020
Avec un tel début on pourrait craindre le pire, surtout pour un premier roman aux accents autobiographiques : bons sentiments à foison, vous êtes priés de préparer vos mouchoirs . Fort heureusement il n'en est rien. D'abord parce que le temps a fait son œuvre et que le texte n'a pas été écrit "à chaud". Ensuite parce qu’Anne Pauly regimbe devant les figures imposées du deuil qu'on veut nous vendre aujourd'hui : un deuil qu'il faut savoir "faire" rapidement. Et l'autrice de se moquer avec un humour grinçant de notre société qui nous vend pour tout et n’importe quoi du bonheur prêt à consommer.
Un texte d'une extrême pudeur, d'une écriture fluide et belle, qui ne se pose jamais en donneur de leçons et dont la fin m'a particulièrement touchée.

 

Verdier 2019.

Prix du Livre Inter 2020.

Prix "Envoyé par La poste"2019

 

 

 

 

08/07/2020

Le chien de Madame Halberstadt...en poche

Tu me laisses passer où je t'éclate la gueule, ai-je articulé, d'une voix parfaitement désincarnée. Je te jure, j'hésiterai pas à te bouffer l'oreille."
 Je ne sais pas d'où ça m’est venu. Des réminiscences de Myke Tyson, de Scarface, du Silence des agneaux. En tout cas, je le recommande dans des circonstances similaires."

Stéphane Carlier nous avait déjà régalé avec son personnage de cochon dans Les gens sont les gens (clic).
Cette fois, c'est à un chien, et plus précisément à un carlin nommé Croquette, que s'attache son personnage d'écrivain à la dérive, persuadé que ce dernier lui porte chance.stéphane carlier
En effet, depuis qu'il rend service à sa voisine hospitalisé en gardant ce petit dogue, les ventes de son dernier roman s'envolent et son ex-petite amie s'est disputée avec son nouvel amoureux. Comment le sait-il ? Sans doute parce qu'il les observe depuis sa voiture...
Pathétique, certes, mais on s'attache à ce loser, à lui et à toute la petite bande de personnages secondaires gravitant autour de lui, tant la plume de Stéphane Carlier st vive et pleine d'humour (j'ai même ri aux éclats à plusieurs reprises).
Petit bémol: le sort réservé aux chiens dans cet opus n'est pas toujours folichon...


 Le Tripode poche 2020, 174 pages où l'on croise aussi Fanny Ardant...

07/07/2020

14 ans déjà !

Des hauts, des bas, mais des lectrices et des lecteurs fidèles qui m'accompagnent en dépit des aléas;
des coups de cœur, des échecs, des découvertes, des Piles à Lire, une étagère (extensible) des indispensables;
un confinement, un déconfinement qui nous ont plongé -bien malgré  nous -dans un scénario digne des romans d'anticipation qui sonnent l'alarme mais que nous refusons encore , pour la majorité , de croire réalistes, voilà tout ce qui aura fait la matière de cette année si particulière.
Encore merci à vous et même si le manque de temps m'empêche de répondre systématiquement à vos commentaires (les conditions de travail ne s'améliorent pas, loin s'en faut), sachez qu'ils me réchauffent le cœur !

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02/07/2020

Des orties et des hommes...en poche

"Chacun dans sa cour de ferme, on n'a pas grandi avec du Nutella entre les doigts mais avec la glaise, la sueur, les caresses animales et la sale matière du travail pur. L'âge qui s'avance nous pèse comme la bosse de Joël. On devient adolescents et lointains."

Pia, double de l'auteure, nous relate dans ce roman poétique et sensuel, le monde rural de la Charente où s'est installée une famille d’origine italienne.
Le travail dur, la sécheresse intolérable d'un été des années 70 qui fait pleurer une mère de faille agricultrice, mais aussi les orties cueillies sans se faire piquer et progressivement le passage à une agriculture industrielle, sont au cœur de ce récit.paola pigani
En parallèle, c'est aussi le passage à  l'adolescence et si, parfois , le rythme semble lent et sans véritable intensité narrative, à la fin, on se retrouve un peu démuni et on aimerait savoir ce que sont devenus les différents protagonistes.

23/06/2020

Les poteaux étaient carrés

"Pendant quatre-vingt-dix minutes, nous avons été spectateurs du même événement, mais nous n'avons rien partagé."

C'est à un drame que nous convie Laurent Seyer dans ce court roman, véritable concentré d'émotions. Unité de temps: les quatre-vingt-dix minutes du match opposant  les Verts de Saint-Étienne au Bayern Munich à Glasgow en finale de la coupe d’Europe. Unité de lieu: le canapé de l'appartement où se côtoient les membres de la famille recomposée de Nicolas, fan de LASSE comme il l'appelle. Unité d'action: le match qui déterminera un avant et un après dans la vie de l'adolescent.laurent seyer
Quiconque a connu cette année 1976 se souvient de la ferveur qui soudainement s'était emparée des Français pour cette équipe des Verts, dont les membres étaient devenus des héros. Chacun, comme le rappelle l'auteur, avait son chouchou , chacun se souvient de ce match maudit où rien ne s'est passé comme prévu.
Lire Les poteaux étaient carrés c'est replonger dans cette période, mais c'est aussi découvrir un roman d'une extrême sensibilité, fluide et émouvant où un adolescent  porte un regard aigu sur un père qui n'en est pas vraiment un. Tout est suggéré de manière discrète mais efficace et les dernières pages du roman nous laissent un peu sonnés. Un grand coup de cœur.

 

Éditions Finitude 2018
 

22/06/2020

Ne plus jamais marcher seuls

"Chacun d'entre eux avait trouvé une faille dans ses propres carcans pour communier avec l'autre, sans avoir besoin de renoncer à ce qu'il ou elle était, ni prétendre qu'ils allaient un jour se ressembler."

Naomi Strauss, prénom et corps de top model, "parisienne progressiste", est chargée d'interroger à Liverpool un chauffeur de taxi quadragénaire fan de l’équipe de foot et favorable au Brexit, Nick Doyles.
Entre la parfaite Bobo et le hooligan assagi le fossé semble abyssal mais les circonstances , parfois drolatiques, parfois dramatiques (nous sommes en 2015)  vont rapprocher ceux que tout semblait séparer.
Si Laurent Seyer a parfois la dent dure pour les hommes, en particulier pour le rédacteur en chef de Naomi, il éprouve beaucoup d'empathie pour ses personnages issus des milieux populaires, les peignant avec leurs contradictions et leurs limites.laurent seyer
Sur un thème déjà évoqué dans un roman tel que Pas son genre, Laurent Seyer se montre plus nuancé et beaucoup moins cynique, sans pour autant verser dans l’angélisme.
Grâce à lui, nous révisons notre avis sur les fans de foot anglais et comprenons mieux leur ferveur et leurs rites. Si on m'avait dit que je prendrais beaucoup de plaisir à la lecture d'un roman faisant la part belle au foot, j'aurais haussé les épaules, mais tel est bien le cas. la preuve, j'ai enchaîné avec la lecture du premier roman de l'auteur.

 

Éditions Finitude 2020

19/06/2020

La théorie des poignées de main

"La science des réseaux étudie avant tout les phénomènes de propagation. Et lorsque vous y réfléchissez, tellement de choses se répandent par contamination autour de nous: les crises financières, les épidémies, les embouteillages, le courant électrique, les rumeurs, les modes vestimentaires et même votre café expresso se propage par percolation."

Mis au défi par un professeur mal embouché, Antoine Cavallero, jeune doctorant, doit démontrer la théorie des poignées de mains ou des degrés de séparation, théorie selon laquelle il ne nous suffit que de quelques connaissances pour  nous  à relier n'importe qui dans le monde.
Antoine se lance donc sur les traces d'un homme dont il connaît juste l'identité, la date et le lieu de naissance. Cette traque autour du monde , en temps limité, va se révéler riche en aventures humaines et donnera chair à une théorie scientifique.fabienne betting
On suit avec beaucoup de plaisir cette série d'aventures, portées par l'écriture fluide de Fabienne Betting qui nous avait  auparavant transportés en Mesménie dans son précédent roman. Les voyages réussissent bien à cette autrice !

 

Les Escales 2020.

Bons Baisers de Mesménie: clic.

18/06/2020

Dans la joie et la bonne humeur

"Partons quelque part, avait-il suggéré, où le malheur se porte en bandoulière, où l'on ne sourit que contraint et forcé.
"Paris", avait-elle lancé."

Qu'elles soient aux États-Unis, en Irlande, ou exilées volontairement en France, les héroïnes de Nicole Flattery n'ont pas été épargnées par la vie ,sans pour autant tomber dans l’aigreur.
Elles trimballent leur propre vision du monde, mâtinée d'humour noir et de lucidité, se cognent contre des vitres, au sens propre ou au figuré, mais avancent néanmoins, quitte à se laisser glisser hors des rôles sociaux où les hommes voudraient les cantonner.41g0RFXxiQL._SX195_.jpg
Dès la première nouvelle, on est happé par l'écriture surprenante de ce premier recueil de nouvelles, très métaphorique et où se glisse parfois une touche de fantastique. L’émotion vous cueille sans prévenir, comme dans cette nouvelle où "la deuxième femme" établit, mine de rien, un lien avec son jeune beau-fils perturbé.
On est bien loin ici de la littérature pour "poulettes" et on ne cesse de souligner des formules étonnantes  de justesse, neuves et percutantes .
Un premier recueil qui place la barre très haut et file directement sur l'étagère des indispensables. 304 pages addictives.

 

Éditions de L 'Olivier 2020, traduit de l'anglais (Irlande) par Madeleine Nasalik