21/01/2020
Je suis ton soleil...en poche
"Il faut que je l'accepte.
Dans ma vie, rien ne sera jamais parfait."
L'année de terminale commence bien mal pour Déborah qui constate que l'appartement où elle vit avec ses parents "incarne la glauquitude suprême" avec une mère qui "erre comme un spectre coincé dans les limbes " et un père qui s'épuise au bureau. Impression qui va s'amplifier au fil du récit, venant confirmer ce que la jeune femme appelle "la loi de la scoumoune".
Mais, bon, elle possède un grand sens de l'humour, de l'autodérision, une meilleure maie, Héloïse et bientôt deux garçons vont entrer dans sa vie.
Des soucis familiaux, des amies qui s'éloignent, des amours non réciproques, Déborah a bien du mal à se concentrer sur ses cours et on peut le comprendre. mais elle possède une belle énergie, des alliés inattendus et un gros chien mangeur de chaussures qui vont l'aider à se tirer d'affaires.. Sans oublier une amie libraire qui lui conseille de lire "les Misérables" car Déborah est une lectrice compulsive, à l'image de l'autrice qui glisse citations et allusions littéraires dans les titres de ses chapitres , mais pas seulement.
Alors oui, on remarque quelques figures imposées, mais on dévore ce roman à belle allure tant l'écriture est pleine de verve et d'humour. 411 terriblement addictives.
06:00 Publié dans Jeunesse, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marie pavlenko
20/01/2020
Parce que les fleurs sont blanches
"C'est agréable, un petit chien lourd et chaud comme ça sur le ventre."
Ce court roman (212 pages denses) commence par un jeu d'adolescents à plus d'un titre programmatique: Noir ,qui consiste à se fixer un objectif et à l'atteindre les yeux fermés. Les joueurs sont les jumeaux de seize ans Klass et Kees ,et le petit dernier, treize ans,Gerson.
Cette fratrie unie est élevée par leur père, Gerard. La mère est partie en Italie, nul ne sait où précisément, et n'envoie sporadiquement que quelques cartes ritualisées. Daan, le petit chien, contribue à animer cette famille heureuse.
Un accident de voiture, laissant Gerson aveugle, va venir tout remettre en question.
Avec son écriture d'une apparente simplicité, Gerbbrand Bakker, comme à son habitude, réussit le petit miracle de révéler l'indicible, les émotions dans toutes leurs nuances. On sort de là, le cœur essoré, la gorge serrée , tout en étant profondément admiratif du tour de force accompli.
L'étagère des indispensables est juste faite pour accueillir ce roman.
Traduit du néerlandais par Françoise Antoine. Grasset 2020
Du même auteur : clic
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Littérature néerlandaise | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gerbrand bakker
17/01/2020
Comment j'ai (vraiment) décidé d'être heureuse...en poche
"En les lisant, je me sentais moins seule. En outre, ils étaient générateurs de fantasmes."
ça commence comme un roman de chick litt : Marianne Power semble mener une vie à la Bridget Jones, travaillant dans un magazine à Londres et menant en apparence une vie de rêve. Mais les failles sont présentes (son poids, son rapport à l'argent, ses angoisses...).
Un jour lui vient l'idée saugrenue de tester sur un an les douze livres de développement personnel les plus en vogue , avec comme objectif de devenir juste parfaite.
Las, Marianne va vite se rendre compte que mener à bien cette entreprise, seule de surcroît, ne va sans inconvénients majeurs .Tout cela va en effet vite tourner au cauchemar car elle va devenir "une junkie accro au développement personnel"et va négliger les siens...
Si la conclusion de ce livre peut paraître simpliste (je vous laisse la découvrir), il n'en reste pas moins que ce livre a le mérite de montrer les limites d'ouvrages qui ont en commun de nous promettre le bonheur d'une manière simple et rapide, sans pour autant remettre en question le monde dans lequel nous vivons.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marianne power
16/01/2020
Maria...en poche
"Pour des raisons obscures, liées au respect de l’environnement, de la santé, de l'éthique, Céline et Thomas désirent secouer le monde, et ce monde n'est qu'un vieux dessus-de-lit sur lequel Maria et William se tiennent assis, tout benêts qu'ils sont."
Maria a tissé un lien poétique, empli d'amour avec son premier petit-fils, Marcus, trois ans. Si elle retient ses remarques sur le fait que l'enfant arbore au gré de ses envies cheveux longs, maquillage et robes, elle sera sous le choc quand, à la naissance de leur deuxième enfant, sa fille et son gendre refuseront de révéler le sexe de celui ou celle à qui il sont attribué un prénom non genré.
Cette attitude radicale à laquelle les jeunes gens refusent obstinément de déroger entraînera bien des changements dans la vie affective tout autant que professionnelle de Maria.
On ne peut qu'être bousculé par ce roman où l'on retrouve avec un plaisir sans faille l'écriture sensible et poétique d'Angélique Villeneuve. Qu'on ait l'âge de Maria ou celui de sa fille, que l'on soit homme ou femme, ce roman vient remettre en question tout ce qu'on tenait pour acquis. Il m'a fallu le temps de laisser infuser ce roman que je n’oublierai pas de sitôt.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : angélique villeneuve
15/01/2020
#LaDeuxièmeFemme #NetGalleyFrance
"Leurs mains se touchent et encore une fois ce contact ouvre des portes quelque part dans Sandrine, un quelque part d'autre où elle peut toucher des gens sans que ça veuille rien dire, que des mains qui se posent, gentiment, parce que les humains parfois se touchent pour avoir chaud ou trouver leur chemin."
"Grosse, grosse moche, tête de conne, tête de conne", Sandrine se le répète à l'envi, ayant parfaitement intégré ce qu'elle a entendu depuis l'enfance. Aussi quand elle tombe amoureuse de celui qu’elle appelle l'homme qui pleure et que ces sentiments s'avèrent réciproques, la jeune femme croit avoir trouvé sa place au sein d'une maison, avec un fils déjà tout fait, celui d'une femme qui a disparu, probablement morte.
Pourtant, cette femme réapparaît. Amnésique, il lui faut retrouver son passé, sa famille. Que va devenir Sandrine la trop gentille , la trop peu sûre d'elle?
Tout le talent de Louise Mey est d'opérer à partir de ce moment un virage qui va entraîner son héroïne dans une spirale de violence dont elle ne peut s'extraire, car elle est sous emprise de celui qu'elle doit se résoudre à appeler M. Langlois.
Avec talent, l'autrice se glisse dans la peau de Sandrine, tout en ménageant un suspense parfois insoutenable. Alors oui, elle est exaspérante Sandrine pour ceux qui sont extérieurs à ce qu'elle subit mais Louise Mey prend soin d'elle en plaçant sur son chemin des femmes bienveillantes qui , peut être, pourront l'aider à s'extraire du processus.
Un roman nécessaire qui parle aussi avec précision du corps des femmes et de la manière dont certains hommes le traitent quand il ne correspond pas aux critères fixés par la société.
Et zou sur l'étagère des indispensables.
Le masque 2020
De la même autrice : clic.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : louise mey
14/01/2020
La loterie
"Puis tandis que les éclairs fusaient, que la radio crachotait et s'éteignait, les deux vieux blottis dans leur chalet attendirent."
Quand la nouvelle,qui donne son nom au recueil, parut en 1948 dans le NewYorker, elle entraîna une déflagration: lettres courroucées, désabonnements, perplexité ,lecteurs se disant traumatisés...tant cette nouvelle dénonce de manière détournée, mais intense, les petitesses et la violence feutrée d'une société conservatrice.
La postface de Miles Hyman, petit-fils de l'autrice et auteur d'une adaptation de La loterie sous forme de roman graphique, dégage les thèmes essentiels des nouvelles de l'autrice et souligne l'influence de cette dernière sur de nombreux auteurs (dont Stephen King).
L'angoisse sourd de ces textes qui nous donnent à imaginer le pire à partir d'une montée souvent lente de la tension, dans un univers confortable où semblent régner les bons sentiments. Aux côtés du texte déjà cité, je placerai Les vacanciers et La possibilité du mal comme deux autres petits chefs d’œuvre à découvrir impérativement.
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabienne Duvigneau Éditions Rivages /noir 2019
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : shirley jackson
13/01/2020
#LeComplexedelaSorcière #NetGalleyFrance
"Je lui parle des innocentes qui finissaient par croire ce dont on les accusait, je lui parle ses exécutions. Je lui raconte ce qui m’arrive. Je lui dis que ces histoires me rappellent des souvenirs qui n'ont rien à voir avec les chasses elle-mêmes."
Alors qu'elle vient d'emménager avec l'homme qu'elle aime, la narratrice voit en rêve une femme qu'elle identifie bientôt comme étant une sorcière. Elle entame alors des recherches et découvre que le Moyen-Age et les sorcières ne sont pas liés, mais que les chasses aux sorcières ont eu lieu au XV ème siècle en France.
Elle se demande alors quel est l'impact de ces chasses aux sorcières , dûment organisées , sur le psychisme des femmes.
Au fur et à mesure de ses recherches, lui reviennent en mémoire des souvenirs occultés: celui du harcèlement dont elle avait été victime au collège et dont elle analyse patiemment les rouages, soulevant ainsi le poids du non-dit familial. L'analyse qu'elle poursuit en parallèle l'aide également à établir des liens entre ses propres souffrances et les traces que deux siècles de terreur pourraient avoir laissées dans la psyché féminine. Entre roman, autofiction et essai, un texte intense, original et fort qui parlera à tous ceux qui s'intéressent aux rouages de l'esprit humain.
Jean-Claude Lattès 2020.
De la même autrice: clic
05:55 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : isabelle sorente
10/01/2020
Journal d'irlande ...en poche
"Ce qui s'installe, se crée entre deux membres d'un couple qui a longtemps vécu ensemble, c'est autre chose que la tendresse. C'est , je crois une peur commune de la mort : de la mort de l'autre, plus que de la sienne."
Blandine De Caunes souligne à juste titre dans sa préface que l’œuvre de sa mère a commencé par la publication du célèbre Journal à quatre mains (rédigé avec Flora Groult) et qu'elle se clôt donc suivant la volonté de la défunte par l'édition de ces Carnets de pêche et d 'amour allant de 1977 à 2003.
Le sous-titre de ce journal indique bien les deux thèmes principaux de ce texte et la place prépondérante accordée à la passion pour la pêche , place qui, je dois l'avouer, a fini par me lasser.
Par contre, l'analyse ,parfois féroce ,des relations entre Paul Guimard, Benoîte Groult et l'amant de cette dernière surprendra un peu par son intensité. Certes, la situation était connue de tous les membres de la famille (et des lecteurs des Vaisseaux du cœur par exemple) mais l'écrivaine se montre sans complaisance envers son mari vieillissant qui ne supporte plus cette situation alors que, dans sa jeunesse il avait allègrement trompé son épouse.
On se sent parfois de trop dans cette lecture, même si la revendication par cette femme âgée du droit au plaisir est un acte qui s'inscrit logiquement dans la démarche de cette écrivaine féministe .
06:00 Publié dans journal intime, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : benoîte groult
09/01/2020
Le guetteur ...en poche
"Ma mère était ce que je savais pas d'elle et que je chercherais indéfiniment toute ma vie."
Christophe Boltanski se penche une nouvelle fois sur un membre de sa famille si particulière, à savoir sa mère. Quels points communs y -a-t-il entre cette femme âgée, quasi recluse et paranoïaque dont, après sa mort l'auteur découvrira qu'elle avait commencé plusieurs romans noirs et la jeune femme sans doute impliquée dans un réseau de porteurs de valises lors de la guerre d'Algérie ?
L'auteur ne force pas le trait, ni les faits , et juxtaposent les récits mi-rêvés mi- réels dans une (en) quête qui brosse un portrait à facettes d'une mère à jamais hors de portée. Un roman fort et troublant.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christophe boltanski
08/01/2020
#LeConsentement#NetGalleyFrance
"J'aurai quatorze ans pour la vie. C'est écrit."
Parce que je me souvenais très bien d'une prestation de celui que Vanessa Springora appelle G. dans l'émission de Bernard Pivot, et surtout de l'impression de malaise qu’avait suscité chez moi cet homme à la fois cynique et arrogant, j'ai décidé de lire ce roman.
Il aura fallu trois décennies à l'auteure pour qu'elle s'autorise à relater et à analyser au plus près ce qu'adolescente elle avait vécu, ce qu'elle croyait être une histoire d'amour avec un écrivain de cinquante ans ,alors très en vue dans le milieu littéraire. Trente ans pour analyser ce phénomène d’emprise parfaitement rôdé pour celui qu'elle identifie maintenant comme étant un ogre.
On reste sidéré par le laisser-faire des adultes entourant la très jeune fille, par le cynisme de celui qui n'hésite pas à s'emparer tout à la fois de son très jeune corps, sans jamais pour autant la forcer physiquement, et d'une certaine façon de son âme en la réduisant à un personnage d'une histoire qu'il réécrit à sa façon, se donnant bien sûr le beau rôle. Mais la réalité est bien plus sordide car celui qui prétendait être un amant hors pair pratique en fait une sexualité pauvre et mécanique.
Psychiquement abîmée, la jeune fille mettra longtemps à retrouver un équilibre affectif. L'écriture de ce texte est en tout cas une magnifique réappropriation de ce que lui avait sournoisement dérobé G.
Grasset 2020.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : vanessa springora