26/01/2021
L'instruction
Un juge d’instruction inexpérimenté reprend une affaire qui avait probablement conduit son prédécesseur au suicide, dossier que visiblement tout le monde voudrait oublier.
Alternant avec ce récit, une autre histoire , tout aussi sombre et qui, évidemment , va rejoindre la première, la rendant encore plus sinistre. Plus que le récit c 'et l'atmosphère de délitement généralisé que je retiendrai de ce roman à l'atmosphère étouffante et quasi désespérée. Un portait de l'univers carcéral, de la justice, de la police d'une noirceur extrême.
Le Quartanier 2021.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : antoine brea
25/01/2021
Et par endroits ça fait des noeuds
Quand on a une vingtaine d'années, on ne s’attend vraiment pas à faire un AVC. C'est pourtant ce qui arrive en 2017 à Camille Reynaud, qui séjourne alors en Espagne.
Les symptômes n'ont au départ rien d'alarmant: des maux de tête persistant, des troubles de la vision puis de la mémoire et de la parole. Il faudra trois jours pour que son état soit pris au sérieux et le diagnostic posé.
Son corps lui échappant, par cette autofiction qui convoque de multiples références artistiques , philosophiques, la jeune femme se le réapproprie . Elle affirme sa parole, n'hésitant pas à reproduire les quatre pages de la notice d’utilisation énumérant les effets secondaire possibles d'un traitement qui lui a été garanti n'en avoir aucun, alors même que l'utilité de ce médicament est sujette à caution...
L'écriture est fluide, fouillée, mais jamais ennuyeuse et on dévore ce roman plein de vie.
Autrement 2021, 304 pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : camille reynaud
23/01/2021
Ecotopia...en poche
"En fait, plus j'examine de près le tissu de la vie écotopienne , plus je dois reconnaître sa solidité, sa beauté."
Trois États de la côte ouest des États-Unis ont fait sécession et on construit une société écologique radicale présidée par une femme. Après vingt ans de relations tendues entre Ecotopia et son grand voisin, un journaliste, William Weston est autorisé à séjourner dans ce pays où les semaines de travail sont de vingt heures, où règnent la frugalité et le recyclage , bien loin donc des valeurs consuméristes américaines.
Alternant articles envoyés au Times-Post et journal de bord, plus intime le roman nous propose une sorte de catalogue des différents secteurs de l'économie, l’éducation, la société de cette utopie en action. Souvent très techniques, ces textes ont un aspect quelque peu rébarbatif, même s'ils offrent comme le souligne la quatrième de couverture "un antidote au désastre en cours."
Quant à ce balourd de Weston, il cumule les défauts du macho et même s'il évolue au fil du texte, il m'a profondément agacée, surtout quand il se retrouve à l’hôpital où l'infirmière (ça fait partie du traitement !) lui offre des services sexuels.
Écrit dans les années 70, ce roman porte la trace des utopies de cette époque (habitat en communauté , liberté sexuelle), mais ne résout pas pour autant de manière satisfaisante des problématiques toujours cruciales de nos jours comme la questions des minorités raciales. Bilan en demi-teintes donc.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Brice Matthieussent
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ernest callenbach
22/01/2021
Le complexe de la sorcière...en poche
"Je lui parle des innocentes qui finissaient par croire ce dont on les accusait, je lui parle ses exécutions. Je lui raconte ce qui m’arrive. Je lui dis que ces histoires me rappellent des souvenirs qui n'ont rien à voir avec les chasses elle-mêmes."
Alors qu'elle vient d'emménager avec l'homme qu'elle aime, la narratrice voit en rêve une femme qu'elle identifie bientôt comme étant une sorcière. Elle entame alors des recherches et découvre que le Moyen-Age et les sorcières ne sont pas liés, mais que les chasses aux sorcières ont eu lieu au XV ème siècle en France.
Elle se demande alors quel est l'impact de ces chasses aux sorcières , dûment organisées , sur le psychisme des femmes.
Au fur et à mesure de ses recherches, lui reviennent en mémoire des souvenirs occultés: celui du harcèlement dont elle avait été victime au collège et dont elle analyse patiemment les rouages, soulevant ainsi le poids du non-dit familial. L'analyse qu'elle poursuit en parallèle l'aide également à établir des liens entre ses propres souffrances et les traces que deux siècles de terreur pourraient avoir laissées dans la psyché féminine. Entre roman, autofiction et essai, un texte intense, original et fort qui parlera à tous ceux qui s'intéressent aux rouages de l'esprit humain.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : isabelle sorente
21/01/2021
Nous sommes à la lisière...en poche
"Ses histoires à elle, pourtant, n’inventent pas d'autres mondes. Pas d'autres amours non plus. Il leur suffit d'être complices de quelques vies sauvages."
Cheval, fourmis, hérisson, écureuil, chat ou oiseaux, entre autres, peuplent les nouvelles de Caroline Lamarche.
En effet, ce sont eux les héros, dûment prénommés, donc dotés d'une identité propre, avec lesquels au moins un humain entre en interaction .
Cette dernière peut être brève, peut être en apparence anecdotique, mais elle fait résonner de manière un peu différente les existences en tous points ordinaires qui nous sont ici relatées en quelques pages poétiques et d'une précision extrême.
Qu'elle s'arrête pour aider un hérisson à traverser la route et l’amoureuse de la nouvelle Ulysse, reliera par des liens éclectiques, mais toujours pertinents, cette rencontre fugitive avec ses propres interrogations lors d'un repas où se révèleront des enjeux qu'elle n'était peut être pas prête à admettre.
La plus longue et la plus émouvante nouvelle, Frou-Frou, évoque une histoire d'amour hors-normes, à bien des égards et témoigne de l'art de l'auteure pour évoquer avec délicatesse et sensibilité des émotions intenses mais sourdes.
La nature est souvent en danger dans ces textes, mais ses habitants, aux vies parfois éphémères, témoignent d'une volonté de vie et de liberté qui émeuvent au plus haut point.
Un grand coup de cœur! Et zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, nouvelles belges | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : caroline lamarche, animaux
20/01/2021
Ce qu'il faut d'air pour voler
"Il y a dix-huit ans, j’étais une jeune femme en train de devenir maman. Je dois maintenant parcourir le chemin inverse."
Les seize photos de couverture montrent bien ce qui est en jeu, au moins en partie dans ce roman qu'on devine imprégné d’autobiographie: la mue fascinante de l'enfance à l'âge adulte (jeune adulte, plutôt). Mais il est aussi question de l'émancipation de la mère-narratrice qui passera elle aussi par de nombreuses étapes, se libèrera des normes bourgeoises avant de trouver ses propres voies d'expression : la photographie, la littérature.
Adressé à cet enfant avec qui elle a vécu très souvent en duo, même si le père reste présent et même si la mère a eu des compagnons, ce texte peut dans un premier temps troubler par la mise à nu qui est faite de leurs relations, mais très vite on se laisse emporter par un récit qui trouve la bonne distance.
Élaboré à partir de photos qui nous demeurent invisibles, ce texte ne frustre pas pour autant son lecteur, tant l'écriture est limpide. Sorte de longue lettre d’amour à celui qui revendique sa liberté, ce roman se dévore d'une traite.
Le passage 2021,219 pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sandrine roudeix
19/01/2021
Un papillon, un scarabée, une rose
"Je suis allée prendre un balai pour nettoyer le balcon en me disant que j'adorais avoir l'idée d'un lieu où les souvenirs pourraient émerger, comme s'ils appartenaient naturellement à l'état gazeux et que la tente leur éviterait de s'évaporer."
A huit ans Francie est accueillie chez sa tante et son oncle, sur le point de devenir parents. C'est dans ce foyer aimant qu'elle grandira en compagnie de sa cousine Vicky, pendant que sa propre mère est soignée pour une dépression récurrente.
D'abord raconté à hauteur d'enfant, et donc parcellaire, le récit sera approfondi par une Francie à l'orée de l'âge adulte qui reviendra sur son passé et en particulier sur les trois événements qui donnent son titre français au roman. Trois moments de son histoire où des éléments morts ont semblé prendre vie et, comme le souligne la narratrice, "[...]c'est amusant dans une histoire , c'est terrifiant dans la réalité."
La notion de limite nécessaire pour contenir le réel revient fréquemment dans ce récit où les frontières entre le réel et l'imaginaire peuvent devenir floues quand on a une mère qui ne les distingue plus vraiment, où rôde la peur de la folie, héréditaire ou non. Et ce n'est qu'à la toute fin du roman que la narratrice comprendra pourquoi elle a besoin qu'on l'enferme dans sa chambre.
De ce qui aurait pu être un texte pesant, Aime Bender et son écriture riche en métaphores font un texte lumineux, empli de bienveillance et d'espoir, sans pour autant tomber dans le "feel good ". Qui d'autre qu'elle peut écrire :"[...] un jour qui n'avait rien de remarquable en dehors d'un certain vide familier dont je sentais les bords rouloter à l'intérieur de moi [...]" ? (soulignons au passage la virtuosité de la traductrice !).
Entrer dans un roman d'Aimee Bender, c'est entrer dans un univers coloré, riche de sensations , parsemé de quelques touches de fantastique pour mieux donner à voir les émotions fugaces . Un grand coup de cœur .
Éditions de l'Olivier 2021, 350 pages d'où pourraient bien s'envoler un papillon, un scarabée ou une rose...
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Céline Leroy
de la même autrice: clic, reclic
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : aimee bender
18/01/2021
Ce matin-là
"Clara se dit qu’elle voudrait trouver un lieu où poser ce qui la transperce. Pour s'asseoir et écouter le silence."
Ce Matin-Là, son véhicule ne veut pas démarrer. Le corps de Clara non plus ne lui obéit plus. Incapable de prévenir qui que ce soit , la jeune femme peine à regagner son appartement. Ce matin-là et beaucoup d'autres ensuite, elle ne pourra plus "en découdre avec la vie".
Récit d'un burn-out qui ne dira jamais son nom, le roman de Gaëlle Josse cerne au plus près et en un peu plus de deux cents pages ce corps qui lâche, qui regimbe et force Clara à reconnaître sa fragilité, sa vulnérabilité.
Pourtant la "reverdie" s'amorcera progressivement, à partir d'un rien, un bouquet de tulipes qui tente la jeune femme , à partir d'une amitié fidèle par-delà les années.
Avec délicatesse, poésie même , Gaëlle Josse nous livre ici un livre précieux comme un talisman et qui atteint bien le but qu'elle s'était fixée en le rédigeant :
" J'ai voulu un livre qui soit comme une main posée sur l'épaule."
Un livre qui ne peut que filer sur l'étagère des indispensables.
Éditions Notabilia
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gaëlle josse, burn-out
14/01/2021
Préférer l'hiver...en poche
Face à un événement que l'on refuse tellement, on ne peut que prétendre que le meilleur nous a été enlevé. On ne peut pas fustiger les drames tout en admettant que ce qui nous a été arraché était somme toute, plutôt moyen, voire désagréable."
Une mère et sa fille adulte, marquées par les deuils et l'abandon, vivent recluses dans une forêt. L'hiver "qui anesthésie les peines et offre des cieux blancs et lumineux", est ici célébré, tout comme la nature, et les conduira vers une épure qui viendra à bout des violences subies.
Un texte qui vous prend par la main, ne vous lâche plus, tant sa langue est poétique et sa manière de dévoiler peu à peu ce qui était tu ,hypnotique.
Du grand art. Un premier roman fascinant.
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (1)
13/01/2021
Post-scriptum...en poche
1982-2013, telles sont les dates butoirs de ce nouveau volume du journal de Jane Birkin (je n'ai pas lu le premier volume).
Évidemment, ils faut aimer cette artiste pour avoir envie se pencher ainsi sur des extraits choisis, commentés et annotés par l'autrice a posteriori, mais l'écriture, très fluide et le portrait qui se dessine en filigrane de celle qu'on a l'impression de connaître par cœur, tant elle s'est livrée dans des interviews sans fards, font que l'on est forcément séduits, tant par sa franchise que par son manque total d'arrogance.
Elle n'est évidemment pas parfaite, Jane, et elle ne se présente pas comme telle, loin s'en faut, mais son joli brin de plume, son humour font que l'on en découvre de nouvelles facettes de notre Anglaise préférée.
Éludant d'une pirouette la maladie, revenant avec élégance sur ses amours, ses filles, ses échecs, parfois, ses deuils, elle nous livre ici ce qu'elle veut bien nous donner et c'est tant mieux car on n'a pas l'impression de lire par dessus l'épaule de quelqu’un.
06:00 Publié dans Autobiographie, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jane birkin