07/09/2021
Premier sang
"Le droit d’aînesse se traduisait chez les Nothomb d’une manière alimentaire : plus on était âgé, plus on pouvait espérer manger."
Voilà bien longtemps que je n'avais ouvert un roman de cette autrice, mais on me l'a offert et je me suis surprise à le dévorer.
En effet, en dépit d'un style parfois dérangeant , la vie du père d'Amélie Nothomb est tout à fait romanesque et ce depuis l'enfance, jusqu'à la prise d'otages de Stanleyville où le jeune diplomate s'illustrera en discutant avec les rebelles pendant des mois.
Pas d'effet de manche, la fin, sanglante de la prise d'otages est escamotée en un très court récit clinique, mais beaucoup d'émotions néanmoins dans ce texte où Amélie se glisse dans la peau de son père en quelque sorte.
06:00 Publié dans Rentrée 2021, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : amélie nothomb
06/09/2021
#LaBonneChance #NetGalleyFrance !
"Gérer la vie du pouvoir a toujours été facile pour lui. Ce qu'il ne sait pas faire, là où il est un ignorant absolu et un désastre, c'est dans la vie réelle, arriver à être une personne et un ami, côtoyer Felipe et Raluca, être un bon collègue au Goliat ou prendre soin d'un chien joyeux."
Pourquoi Pablo, la cinquantaine, choisit-il de descendre du train dans un village improbable et d'y acquérir un appartement malcommode ?
Cela paraît encore plus incompréhensible quand on découvre que cet homme est un architecte reconnu. Pourtant, il va progressivement s'installer et même tisser quelques liens avec ses voisins, Raluca et Felipe qui n'ont à première vue rien à voir avec lui.
Roman choral qui multiplie les points de vue, La Bonne Chance mêle deux tonalités très différentes: le roman noir avec ses personnages menaçants et le feel good avec la rédemption annoncée du personnage principal. le mélange des deux m'a paru parfois bancal et les personnage de Pablo m'a paru un peu trop stéréotypé. Seule Raluca tire son épingle du jeu et nous émeut vraiment. Un roman qui se lit facilement mais ne m'a pas totalement convaincue.
Éditions Métailié 2021. Tradduit de l'espagnol par Myriam Chirousse
06:00 Publié dans Rentrée 2021, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : rosa montero
04/09/2021
Le coeur synthétique... en poche.
"Adélaïde trouve que la campagne , ça a la bande-son d'un décès."
En 2006, Benoite Groult, qui avait largement dépassé les 80 ans, se plaignait que vieillir c'était devenir invisible. De nos jours, Adélaïde, quarante-six ans, qui vient de rompre, découvre avec effroi "l'invisibilité de la femme de cinquante ans avec un peu d'avance.". Pis, elle constate la cruauté des statistiques : il y a bien plus de femmes célibataires que d'hommes et ceux qui le sont ont presque tous un "vice de forme", dixit 'l'une de ses amies.
Car oui, Adélaïde a des amies, elles-mêmes en crise existentielle et, sororité oblige, elles vont s’entraider.
Commencé sous les auspices de Virginia Woolf (le premier chapitre est en effet intitulé "Une chambre à soi"), le roman de Chloé Delaume se clôt sous ceux de Monique Wittig et de ses "Guerillères". Entre temps, nous aurons eu droit à une série de titres de chansons, très éclectiques, allant de Bashung à Juliette Armanet en passant par Sylvie Vartan, voire Herbert Léonard.
Car oui, on peut être féministe et drôle et l'autrice s'en donne à cœur joie dans ce texte qui nous introduit dans les coulisses du monde littéraire où Adélaïde officie en tant qu'attaché de presse et chapeaute une autrice qui lui ressemble furieusement.
Pratiquant l'autodérision, mais dénonçant aussi les diktats auxquels doivent se conformer les autrices, tant dans leur comportement que dans leur aspect physique, Chloé Delaume signe ici un roman à la fois enjoué et lucide qu'on ne peut lâcher.
En couverture une photographie d'Annette Messager.
Un passage que j'adore: "Il est vingt-deux heures trente, le spectacle reprend. le poète ne fait pas de rimes mais dit la vérité. 4 millions de Français sont ou ont été victimes d'inceste, on estime actuellement que deux enfants par classe endurent ce crime en huis-clos. Attendu que Clotilde a durant sa performance rappelé qu'en France un féminicide est commis tous les deux jours et une agression homophobe tous les trois jours, le public passe une bonne soirée."
J'en profite pour signaler aussi le très réussi Sororité, sous la direction de la même autrice , paru en poche chez Points Seuil également.
Un recueil de textes aux autrices remarquables, chacune ayant leur point de vue sur ce concept remis en lumière.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chloé delaume
03/09/2021
Fuki-no tô...en poche
"Nous travaillons en silence.Le soleil printanier réchauffe doucement notre dos. C'est un moment de tranquillité sereine et épanouissante."
Atsuko, mariée, deux enfants, gère avec succès sa petite ferme biologique et doit même embaucher une employée. Celle-ci se révèle être une ancienne amie du lycée. Cette dernière, Fukiko, est en train de divorcer, ne supportant plus de ne pas assumer son homosexualité .
Atsuko ,qui a connu une crise dans son couple, assumera-telle le trouble déjà éprouvé auprès de Fukiko quand elle était adolescente ou préfèrera-telle une vie plus conventionnelle ?
En 143 pages, avec beaucoup de délicatesse, mais avec une écriture qui semble souvent bien plate, Aki Shimazaki dépeint cette croisée des chemins à laquelle se tient son héroïne. Un sujet semblant encore tabou et qui ,elle nous l'indique au passage, entraîne encore des conséquences dramatiques.
Une lecture en demi-teintes.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : aki shimazaki
02/09/2021
Sans jamais atteindre le sommet...en poche
"La montagne me portait à l'essentiel."
"Je voulais voir si, quelque part sur terre, il existait encore une montagne intègre, la voir de mes yeux
avant qu’elle ne disparaisse. J’ai quitté les Alpes abandonnées et urbanisées et j’ai atterri dans le coin le plus reculé du Népal, un petit Tibet qui survit à l’ombre du grand, aujourd’hui perdu." Tel est l'objectif de l'auteur quand, accompagné de toute une expédition, nécessaire bien sûr, il part accompagné de deux amis et d'un récit de voyage, Le léopard des neiges.Bientôt, le récit de Matthiessen et celui de Conetti s'entremêlent, comme se tissent les références aux montagnes italiennes et locales, dont les modes de vie s’apparentent parfois.
L'écriture est toujours aussi belle, je n'ai cessé de souligner à tour de bras, mais l'émotion est moins présente, peut être parce qu'en arrière plan se lovait dans ma tête l'idée un peu gênante que mettre en branle toute une expédition pour un récit aussi court (176 pages) paraissait quelque peu disproportionné.
Traduit de l'italien par Anita Rochedy. Stock 2019
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans italiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paolo cognettti
01/09/2021
#Lafélicitéduloup #NetGalleyFrance
"Mais qu'est-ce qu'il faisait là, un abruti de quarante ans sans famille ni travail, à part suivre son utopie ridicule du vis-là-où-tu-es-heureux ? "
Fausto, en instance de divorce, trouve un boulot de cuisinier dans un restaurant d'altitude au cœur du val d'Aoste. Là, il fait la connaissance de toute une galerie de personnages très variés qui , eux aussi, aiment la montagne et ne peuvent s'en passer.
Les amateurs de récits haletants passeront leur chemins, mais celles et ceux qui apprécient les textes en demi-teintes, les chapitres courts, les descriptions par petites touches d'un monde en pleine évolution à cause du changement climatique, un monde où la nature, plantes, arbres , animaux s'adaptent, sans doute plus vite que nous , trouveront leur content dans ce texte lumineux.
Stock 2021, traduit de l'italien par Anita Rochedy.
01:00 Publié dans Rentrée 2021, romans italiens | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : paolo cognettti
31/08/2021
Ultramarins
"Comme s'il fallait en passer, toujours en passer par la peau pour comprendre ce qui lui arrive, elle tire vers elle la porte métallique et sort. Elle veut sentir la consistance de cette brume, en connaître la température. Voilà, ce sera sa baignade à elle."
Comment peut se faufiler l'aventure dans le parcours bien balisé d'un cargo qui traverse l’Atlantique ? Par une baignade improvisée de l'équipage, baignade autorisée par la commandante qui restera seule à bord.
Une rupture dans la routine, presque une glissade dans une faille spatio-temporelle. Ce qui est sûr c'est qu'une fois remontés à bord les marins, comme la commandante, ne seront plus les mêmes.
Sur une trame aussi ténue, Mariette Navarro réussit à créer un univers à la fois poétique et mystérieux (tout ne sera pas éclairci, et c'est tant mieux) pour mieux nous captiver. Il se dégage de ce texte une réelle sensualité (qui aurait cru que les cargos soient propices à ce type de création ? ). Un premier roman fort réussi
Éditions Quidam 2021.
05:55 Publié dans Rentrée 2021, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : mariette navarro
30/08/2021
Sainte Marguerite-Marie et Moi
"En m'obligeant à la prendre au sérieux, en m'imposant ce parti-pris résolument bienveillant , l'éditrice a sauvé Marguerite-Marie de mes griffes ; et, à la place m'a livrée à elle. Ses inconforts, ses doutes, ses ambiguïtés, moi aussi je suis maintenant forcée de les habiter. "
Rien ne prédisposait une écolo-végétarienne, féministe, capable de réciter la première page de Harry Potter, mais pour qui le Notre Père reste lacunaire ,car agnostique et non baptisée , à écrire sur une sainte, même un peu gore.
Rien, sauf le fait que Marguerite-Marie Alacoque est apparentée à Clémentine Beauvais. De plus, l'autrice de Brexit Romance est enceinte et prend conscience de l'importance de la mémoire. Enfin, le père de son enfant est très catholique,(c'est elle qui souligne) et, par son intermédiaire, elle va devenir amie avec une éditrice d’une maison d'édition très catholique qui va lui suggérer ce projet un peu fou.
Ce livre est donc le récit d'un work in progress, émaillé des réflexions souvent très drôles de Clémentine Beauvais, mais aussi de ses tiraillements car,trouver l'angle juste, le ton juste , ne vont pas de soi quand on ne possède pas les codes d'un univers qui nous est totalement étranger ou presque.
Sans doute parce qu'on sent une grande sincérité, de la part des intervenants , comme de l'autrice, on ne tombe jamais dans une vision trop figée ou au contraire trop "décoiffante" de la sainte en question.
Si l'on m'avait dit que je dévorerais un ouvrage portant sur Sainte Marguerite-Marie, j'aurais bien ri. Et pourtant c'est le cas. Un petit "miracle "dû à Clémentine Beauvais.
Quasar 2021.
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié, Rentrée 2021 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : clémentine beauvais
29/08/2021
Fair-Play...en poche
"- Mari, dit Jonna, parfois tu es vraiment trop explicite.
-Ah oui ? Parfois, on doit pouvoir des choses inutiles, non ?
Elles reprirent leur lecture."
Mari et Jonna, les doubles de Tova Jansson et de sa compagne, Tuulikki Pietalä, partagent un appartement où elles disposent chacune d’un atelier, relié par un grenier commun.
Les deux femmes ont environ soixante-dix ans, mais ont su conserver une capacité créatrice qui s'exerce sous différentes formes artistiques. Elles voyagent à l’étranger, se rendent aussi dans leur maison insulaire où elles pêchent et s'opposent parfois avec véhémence aux chasseurs qui ne respectent pas les dates d'ouverture de la chasse.
Une grande complicité et une grande fraîcheur se dégagent de ces textes courts, lumineux où Mari évoque aussi bien sa pratique artistique que des détails du quotidien, rituels ou disputes ,passagères, tant les deux partenaires semblent bien rodées l'une à l'autre.
Ce n'est qu'à la toute fin qu Mari évoque de manière explicite ses sentiments pour Jonna avec une infinie délicatesse : " Mari l'écouta à peine. Une idée audacieuse était en train de prendre forme dans son esprit : celle d'une solitude, rien qu'à elle, paisible et pleine de possibilités. Une fantaisie qu'on peut se permettre quand on a le bonheur d'être aimé."
Un bonheur de lecture.
Fair-Play, Tove Jansson, traduit du suédois par Agneta Ségol, La Peuplade 2019, 141 pages emplies de bienveillance.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tove janssonsson
28/08/2021
Je m'attache très facilement ...en poche
"Elle le voit, elle cache admirablement sa joie."
Lui, à l'aube de la cinquantaine, part rejoindre une femme plus jeune, pas libre, avec laquelle il a ébauché une relation. Visiblement sa venue en Écosse ne réjouit pas la Belle. En trois jours, notre héros parviendra-t-il à accepter la réalité ?
Chronique d'un fiasco annoncé, Je m’attache très facilement est un texte très court (74 pages) mais délicieux pour qui apprécie le style et l'univers si particuliers d'Hervé Le Tellier.
On oscille sans cesse entre les notations pleines d'acuité : "Après tout, suggère son geste on n'ira pas loin. C'est un excellent résumé." et un comportement qui ne parvient pas à se résoudre à accepter la situation. Mais tout cela ne verse pas dans l'amertume ou la tristesse car "C'est étrange songe-t-il, comme le pire est toujours prévisible."
A noter la parfaite couverture de Clémentine Mélois (et la liste des adresses et des marques de produits évoquées dans le texte !)
1001 nuits 2021
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : hervé le tellier