21/10/2021
Ma sombre Vanessa...en poche
"Ce n'est rien. C'est normal. Toutes les femmes intéressantes ont eu des amants plus âgés qu'elles dans leur jeunesse. C'est un rite de passage. A l'entrée, vous êtes une fille, et à la sortie, vous n'êtes pas tout à fait une femme, mais vous en en rapprochez.Vous êtes une fille plus consciente d'elle-même et de son pouvoir."
Vanessa, en 2017, est rattrapée par son passé via la déferlante MeeToo. Contactée par une journaliste et par une élève abusée par le professeur Strane, la jeune femme refuse pourtant de se considérer comme victime d'un prédateur qui aurait abusé de son autorité sur l'adolescente qu'elle était dix-sept ans plus tôt.
Non, elle considère la relation qui a commencé quand elle avait quinze ans comme une exceptionnelle histoire d'amour entre deux être très sombres et au mieux, reconnait-elle que Strane est éphébophile, mais en aucun cas pédophile.lle n'a pas perdu le lien avec cet homme qui l'a valorisée, qui a su amadouer cette étudiante douée à coups de lectures orientées ( Nabokov, bien évidemment), mais qui s'est aussi montré lâche et manipulateur.
Alternant les époques, Kate Elizabeth Russell fouille avec une précision chirurgicale les rouages faussés de cette relation et nous donne à voir le déni dans lequel se débat Vanessa , dont la vie ne correspond en rien à ce qu'elle aurait pu en attendre.
Les rebondissements se succèdent , sans jamais rien d'artificiel, les multiples facettes, souvent contradictoires de l'héroïne se donnent à voir et l'on est fasciné par une telle maitrise dans l'écriture et la construction de ce premier roman. à lire absolument.
Traduit de l'anglais par Caroline Bouet, Les Escales 2020, 442 pages constellées de marque-pages.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : kate elizabeth russell
16/10/2021
Avant que j'oublie...en poche
"Une dernière fois, je l'ai admiré pour son esprit original et si mal compris, pour l'élégante précision de ses idées, pour son entêtement insensé à ne s'être jamais autorisé que ça alors qu'il avait tant d'ampleur et pour m'avoir appris à être sensible à la poésie que dégagent les choses modestes."
Ni hagiographie, ni règlement de compte, le texte d'Anne Pauly est comme le définit elle-même l'autrice un tombeau de mots pour son père. Un père tout à la fois "déglingo" et féru de poésie, alcoolique et autodidacte, qui s'empêchait d'exprimer sa sensibilité. Un père à l'image de la maison que doit ranger sa fille après son décès: chaotiquAvec un tel début on pourrait craindre le pire, surtout pour un premier roman aux accents autobiographiques : bons sentiments à foison, vous êtes priés de préparer vos mouchoirs . Fort heureusement il n'en est rien. D'abord parce que le temps a fait son œuvre et que le texte n'a pas été écrit "à chaud". Ensuite parce qu’Anne Pauly regimbe devant les figures imposées du deuil qu'on veut nous vendre aujourd'hui : un deuil qu'il faut savoir "faire" rapidement. Et l'autrice de se moquer avec un humour grinçant de notre société qui nous vend pour tout et n’importe quoi du bonheur prêt à consommer.
Un texte d'une extrême pudeur, d'une écriture fluide et belle, qui ne se pose jamais en donneur de leçons et dont la fin m'a particulièrement touchée.
Verdier 2019.
Prix du Livre Inter 2020.
Prix "Envoyé par La poste"2019
07:41 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anne pauly
13/10/2021
#Lagarderobe #NetGalleyFrance !
Retracer la vie d'une femme, d'origine modeste, qui a su s’émanciper , faire fi de ses douleurs , devenir une chanteuse de variétés des années 70 (à la brève carrière) et faire un riche mariage à travers ses vêtements, voilà une idée de départ originale.
Quand en plus ce roman est publié dans la collection "Le courage", voilà qui était de bon augure.
Las, le style du romancier et son manque d'empathie ont fait que je suis constamment restée à distance de Véra et de sa vie, pourtant riche en péripéties (un peu prévisibles, il faut bien l'avouer).
Grasset 2021
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : sébastien ministru
11/10/2021
La vérité sur la lumière
"Le plus difficile, c'est de s'habituer à la lumière."
Avec ses parents qui dirigent des pompes funèbres, sa sœur, météorologue et elle-même, Dyja, qui est sage-femme, on peut dire que chacun des membres de cette famille s'occupe de chacune des étapes de la vie humaine, de la lumière à l'obscurité, en passant par quelques aléas climatiques.
Dyja, issue d'une longue lignée de sage-femmes, ou "Mères de la Lumière", a hérité de sa grand-tante une moitié d'appartement, toujours dans son jus, ainsi que des articles rédigés par cette écologiste avant-gardiste. Elle y réfléchit aussi sur le sens de la vie et plus particulièrement sur le thème de la lumière qui court tout au long de ce texte.
Souvent poétique, parfois philosophique, ce texte d'Audur Ava Olafsdottir fait la part belle aux ellipses narratives, laissant aux lectrices et lecteurs le soin de combler les vides et d’imaginer des scènes souvent remplies d'émotion. On s'attache aux personnages, ainsi qu'aux paysages islandais, à la météo souvent changeante de cette île où un touriste australien est venu, je cite "ruminer". Il faut laisser infuser ce texte parfois frustrant ou déroutant mais souvent aussi un peu magique.
Traduit de l’islandais par Eric Boury. Zulma 2021
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : audur ava olafsdottir
08/10/2021
ce qu'elles disent ...en poche
"Nous sommes des femmes sans voix, répond Ona avec calme. nus sommes des femmes en dehors du temps et de l'espace, privées de la langue du pays dans lequel nous vivons. Nous sommes des mennonites apatrides. Nous n'avons nulle par où aller. Les animaux de Molotschna sont plus en sécurité que les femmes dans leurs foyers. Nous, femmes, avons toutes des rêves donc, oui, bien sûr, nous sommes des rêveuses."
1 Ne rien faire.2 Rester et se battre. 3 Partir. Telles sont les solutions qui s'offrent aux femmes , parfois très jeunes, qui ont été violées et rouées de coups durant plusieurs années dans une communauté mennonite en Bolivie.
Le diable est-il le responsable ?,comme l'affirme l'évêque Peters. La vérité finit par éclater: ce sont des hommes de la communauté qui, usant d'un anesthésiant en pulvérisateur ,abusent de celles qu'ils côtoient au quotidi
Analphabètes, totalement coupées du monde extérieur, les femmes se réunissent et choisissent comme rédacteur du procès-verbal de cette assemblée August Epp, qui vient de réintégrer la collectivité.
Pied à pied, se construit une réflexion féministe universelle qui déborde du cadre de ce groupe de femmes pour englober toutes celles qu'on maintient volontairement dans l'ignorance et la servitude, que ce soit par le biais d'une quelconque religion ou par le truchement de biens commodes traditions.
Se dessinent aussi au fur et à mesure les personnalités de ces femmes, riches d'humanité et d'intelligence laissée en jachère. Le roman traduit au plus près leurs aspirations ,"Nous voulons pouvoir penser", leurs déchirements aussi (faut-il emmener si elles partent les enfants mâles et si oui jusqu'à quel âge ?), sans pour autant négliger l'aspect romanesque, tendu par une romance en sourdine, ainsi que par un vrai suspense.
Inspiré de faits réels, écrit par une femme née dans une communauté mennonite canadienne, ce roman, bouleversant, piqueté de marque-pages, file à toute allure sur l'étagère des indispensables.
Traduit de l'anglais (Canada) par Lori saint-Martin et Paul Gagne, Éditions Buchet-Chastel , 225pages qui se tournent toutes seules ou presque.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : miriam toews toews
07/10/2021
Nos espérances...en poche
L'amitié féminine au fil du temps, à travers trois jeunes femmes, Hannah, Cate et Lissa , mais aussi les rapports mère/fille, la maternité ,vécue ou non, par ces trois Anglaises attachantes, tels sont les principaux thèmes du roman d'Anna Hope.
Un roman qui commence et se clôt par une scène de pique-nique idyllique, baignée de soleil, mais qui n'épargnera ni les nuages, ni les orages à ses héroïnes.
Anna Hope ,dans ce bon gros roman confortable et chaleureux, cerne au plus près les sentiments des trois amies, dans toutes leurs nuances, ne cachant ni la jalousie, ni la trahison qui peuvent entacher leurs liens. Elle décrit avec finesse leurs failles, ainsi la dépression post-partum de l'une et les sentiments ambivalents qu'elle peut éprouver pour son enfant, la nécessité de "retrouver un peu ses anciens contours" . En contrepoint, elle relate également la difficulté d'un couple à procréer et la gamme de réactions que cela suscite.
L'écriture est fluide, les pages se tournent toutes seules, tant on se sent à l'aise dans cet univers féminin , juste un peu trop lisse peut être.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : anna hope
05/10/2021
Pas Dormir
"Quand nous marchons au milieu des plantes et des animaux, nous nous déplaçons dans du vivant, nous en faisons partie. Quand nous nous tassons au milieu des objets, ce qui nous entoure est mort, nous en faisons partie. Et l'immobilité nous cloue entre les planches de l'insomnie."
Nul besoin d'être insomniaque pour dévorer ce nouvel opus de Marie Darrieussecq.
Souffrant de ce mal depuis la naissance de son premier enfant, elle revient ici sur toutes les méthodes employés pour tenter d'arriver à dormir, convoquant nombre d'auteurs et autrices grands insomniaques eux aussi, Kafka et Duras en tête.
Faisant preuve d'une grande franchise, elle n'élude pas son alcoolisme, boire lui permettant de dormir, mais avec des réveils plus que difficiles, mais ne se centre pas seulement sur son cas. L'insomnie lui permet aussi d'évoquer aussi bien la forêt africaine, que la jungle de Calais, posséder un lieu où dormir, une chambre à soi, n'étant pas donné à tout le monde.
Tenant à la fois du témoignage, de l'analyse, cet Objet Littéraire non Identifié n'est pas dénué d'humour et, cerise sur le gâteau, est ponctué de photographies, pas toujours très lisibles malheureusement. 297 pages dévorées d'une traite .
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
P.O.L 2021
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marie darrieusecq
04/10/2021
L'Assemblée des Animaux
Les animaux en ont assez : les catastrophes écologiques se succèdent et les hommes ne semblent pas réagir. Tout ce qui a plumes, poils, vit dans l'eau, les airs ou sur la terre prend la parole et une décision est prise: un avertissement sera envoyé aux hommes via une pandémie dont le pangolin et la chauve-souris seront à l'origine.
Toute ressemblance avec une situation contemporaine n'est évidemment pas une coïncidence.
Quelle frustration de ne pouvoir aimer ce qui avait tout pour me plaire . Mais les trop nombreuses allusions littéraires, clairement référencées à la fin de l'ouvrage , ont fini par entraver ma lecture. Trop d’érudition, pas assez d'émotions, voilà qui pourrait résumer mon ressenti.
Merci à Babelio et à l'éditeur.
Éditions Arthaud 2021, traduit de l'italien par Julie Terrazzoni
06:01 Publié dans romans italiens | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : filelfo
23/09/2021
Propriété Privée
"Les inquisiteurs se trompent en bombardant leurs victimes de questions. Il suffit souvent de garder le silence pour que l’autre croie que vous vous intéressez, avec votre air circonspect qui très paradoxalement rassure, vous confère une réputation de compétence et d’objectivité. "
La narratrice, urbaniste, et son mari, prof dépressif, ont décidé de devenir propriétaires d'une maison dans un écoquartier d' une petite commune .
Las, le rêve tourne vite au cauchemar car leurs voisins sont sans-gêne, bruyants, intrusifs et , la narratrice en est persuadée,"Ils n’espéraient pas seulement nous faire déménager. Ils voulaient nous voir souffrir, nous empêcher de penser, de nous aimer, fracturer le complexe édifice de notre entente.
Ils projetaient notre éradication totale et définitive. »
Point de vue excessif ou réalité ? Difficile de trancher car les autres voisins semblent fort bien s'accommoder de ces trublions qui dénotent un peu dans leur microcosme de bourgeois plus ou moins bohèmes (dont la narratrice croque avec acidité les travers). De plus, le roman est en focalisation interne , de son unique point de vue donc, elle ne s'adresse qu'à son compagnon et ce a postériori.
Par petites touches s'instaure donc un climat pesant qui vire bientôt au thriller quand la violence s'invite au sein de cette communauté trop policée, dont la façade va bientôt se fissurer .
Ce roman est aussi l'occasion pour Julia Deck de brosser un portrait sans concession de la rénovation urbaine contemporaine.
Une satire décapante à la construction imparable et ce jusqu’à la dernière ligne.
Un roman jubilatoire qui file donc sur l'étagère des indispensables.
Éditions de Minuit double 2021
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : julia deck
21/09/2021
#Oliveenfin #NetGalleyFrance !
"C'était à elle-même, comprit-elle, qu'elle ne plaisait pas. Elle se tortilla dans son fauteuil. mais elle le comprenait trop tard."
Professeure de mathématiques bien connue de la petite ville de Crosby dans le Maine, Olive Kitteridge est aujourd’hui veuve et retraitée. Au fil des chapitres nous la suivrons au fil du temps jusqu'à ses quatre-vingts ans passés, soit en tant que personnage principal, soit entant que simple figurante, voire juste mentionnée, ce qui permet de varier les angles et de découvrir beaucoup de facettes de cette femme haute en couleurs qui ne plaît pas à tout le monde, loin s'en faut.
Et pourtant, elle est diablement attachante Olive, toute maladroite qu'elle est . La preuve, elle va même se remarier, ce qui ne plaira pas à tout le monde. Au fil du temps , elle croise des gens de tous milieux et de tous âges, ce qui nous vaut par exemple une description hilarante d'une fête prénatale qui se terminera d'une manière bien particulière...
C'est aussi l'occasion pour l'autrice de brosser de magnifiques portraits de femmes très âgées , ce qui n'est pas monnaie courante, il faut bien l'avouer. Portraits tout en délicatesse, qui ne masquent rien de leurs fragilités psychologiques, sans pour autant occulter les trahisons du corps. Un grand coup de cœur.
Un roman qui peut se lire de manière indépendante mais qui permet aussi de retrouver celle dont nous avions fait la connaissance dans Olive Kitteridge.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Brévignon
Fayard 2021
06:04 Publié dans Rentrée 2021, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : elizabeth strout