29/11/2021
L'énigmatique Madame Dixon
"Les gens pensent qu’ils veulent la vérité mais ils sont toujours déçus. C’est invariablement moins excitant que le mystère. "
Un prologue énigmatique, qui évoque d'emblée la problématique de l’identité, un début de roman d'apprentissage mettant en scène une jeune femme qui veut intégrer le monde de l'édition à New-York, mais qui surtout veut devenir une écrivaine, Alexandra Andrews semble placer son roman sur des rails bien calibrés. Mais bientôt tout dérape et l'apprentie écrivaine se révèle bien moins lisse qu'il n'y paraissait.
Le trouble s'accentue quand elle va devenir l'assistante de Madame Dixon, écrivaine à succès qui ne se montre jamais dans les médias et dont seule l'agente connaît le vrai nom. Un voyage au Maroc verra se mettre en place un traquenard et ses nombreux rebondissements.
Personnages cyniques, qui révèlent, mine de rien et avec désinvolture leur plus noir secret, apprentie écrivaine sans scrupule, tout est ici un pur régal pour qui aime les intrigues tordues à souhait.Un bon moment de lecture.
les escales 2021, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Maillet.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : alexandra andrews
23/11/2021
#Doubleaveugle #NetGalleyFrance !
"Il était tellement soulagé d'avoir un malheur ordinaire que , parfois, il aurait voulu le dire au monde entier, comme ces personnages dans les comédies musicales qui se lèvent et se mettent à chanter pour que tout le bus entende."
Embarquer dans ce roman difficile à résumer de Edward St Aubyn, c'est comme se lancer dans des rapides qui vous feront connaître des sensations fortes, tantôt dramatiques, tantôt drolatiques à souhait mais dirigé par un capitaine qui a la main sûre et ne vous perdra jamais en route.
Disons que ce texte brasse des thèmes comme l'amour,les liens familiaux, l'écologie, la génétique, les nouvelles technologies , sans oublier la psychanalyse, que ses personnages (des trentenaires) sont ultra crédibles et formidablement attachants par leur complexité et leurs failles (l’auteur se glisse dans la peau d'un jeune homme souffrant de troubles psychiatriques avec une virtuosité remarquable).
Les fêtes sont l'occasion de moments hauts en couleurs mais l'émotion n'est jamais loin et la description d'une rencontre magique et du sauvetage d' un animal coincé dans un grillage restera longtemps dans ma mémoire. La fin ouverte nous laisse espérer une suite...Du grand art !
Et zou sur l'étagère des indispensables.
Grasset 2021
Traduit de l’anglais par David Fauquemberg.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée 2021, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : edward st aubyn
22/11/2021
#Sadapter #NetGalleyFrance !
"Il sentait bien que ce n'aurait pas dû être son rôle. Mais il sentait aussi que le sort aime défaire les rôles et qu'il fallait s'adapter.
L'arrivée d'une enfant inadapté dans une famille concentre généralement l'attention sur lui, et ce , souvent , au détriment des autres membres de la fratrie. Dans ce roman, qu'on devine teinté d'autobiographie, Clara Dupont-Monod, délaissant les romans historiques, choisit de nous raconter, du point de vue des pierres de la maison familiale, l'histoire d'une fratrie hétéroclite mais où la bonté et l'affection circulent, empruntant cependant des chemins différents.
Il y a d'abord l'aîné qui va endosser pleinement son rôle d'Aîné, chérissant ce petit frère aveugle, qui ne peut qu'entendre et dont le corps reste mou comme une poupée de chiffon, sans aucune préhension possible. La cadette, quant à elle, opte pour la révolte , mais saura œuvrer pour restaurer la vie dans cette famille au décès du petit frère. Enfin, il y a le dernier, qui n'aura jamais connu cet enfant inadapté mais qui"avait spontanément accepté l'étrange famille dans laquelle il était né, une famille blessée mais courageuse qu'il aimait plus que tout."
Avec une extrême délicatesse et une écriture qui avance comme sur la pointe des pieds ,mais néanmoins avec vigueur, Clara Dupont-Monod ne rédige pas un tombeau pour cet enfant mais se situe au contraire du côté de la vie, montrant comment ces trois enfants "formaient un cocon, tissaient des jours en forme de cicatrice."
On ne s'étonnera pas que ce roman ait déjà engrangé deux prix.
Stock 2021.
Et zou sur l'étagère des indispensables
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée 2021, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : clara dupont-monod
20/11/2021
13 à table ! 2022
"J'ai eu treize ans le 11 novembre 1974; c'était un lundi. j'étais content d'être né un jour férié parce que je me suis beaucoup ennuyé à l'école, et je n'aurais pas aimé passer en classe le jour de mon anniversaire. le lendemain matin, mardi 12 novembre, à 8h 10, mon père s'est suicidé." Marie-Hélène Lafon
Ne nous voilons pas la face, ce genre d'initiative caritative donne rarement lieu à e grandes réussites du point de vue littéraire, sans doute car il faut combiner auteurs populaires , susceptibles d'attirer un large public et auteurs plus reconnus par la critique.
Le thème retenu, de plus, Les Vacances, n'augurait rien de bon mais , à l'exception de ,je cafte, trois auteurs qui l'ont pris au pied de la lettre, le 13 à table de cette année est un excellent cru.
On y retrouvera ainsi la famille Santoire chère à Marie-Hélène Lafon, avec un dénouement plutôt audacieux ou un texte tout en délicatesse de Jean-Paul Dubois qui m'a fait penser à Alain Souchon et à un événement traumatique de son enfance.
Quant à Alexandra Lapierre, elle nous gratifie d'un récit sur une relation sororale magistrale. Les tonalités varient , mais la nostalgie n'est pas forcément au rendez-vous comme je le craignais de prime abord. Un recueil où Cyril Lignac nous offre même une recette de poulet rôti à l'origan frais et au citron ça ne se refuse pas .
Couverture de Riad Sattouf
Pocket 2021
11:20 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : tonino benacquista leïla slimani karine giebel romain puértolas
01/11/2021
Le ventre des hommes
"Prendre la parole dans l'espace public demande du ventre, des tripes, la parole engage. Et la parole, si elle n'est pas prise, elle aussi, bouffe le ventre, vient te chercher la nuit, t'empêche de dormir. J'ai fermé ma bouche. Et mon corps m'a congédiée."
Pourquoi Hannah , professeure des écoles est-elle en garde à vue en 2016 ? Fille d'un mineur marocain, issue d'une famille nombreuse dont la mère ne maîtrise pas la langue française, la jeune femme est ce qu’on appelle maintenant une transfuge de classe , à l'instar d'Annie Ernaux , Édouard Louis ou Didier Eribon, d'ailleurs évoqué dans le roman.
Mais Le ventre des hommes, qui opère des allers-retours entre passé et présent ,est bien plus que le récit d'une émancipation sociale, c'est aussi un magnifique chant d'amour aux langues, à la lecture, à la solidarité et à la famille.
Le père, "sélectionné" pour aller travailler en France dans des conditions extrêmement pénibles et dangereuses , doit dissimuler le fait qu'il sait lire et écrire pour pouvoir être embauché. Sa fille découvrira bien plus tard qu'il a lutté pour que les mineurs marocains bénéficient des mêmes droits que tous les autres travailleurs de la mine.
Pas de misérabilisme, mais une formidable force de vie qui irrigue tout le roman et si la syntaxe est parfois malmenée ,c'est pour mieux rendre compte de la brutalité d'un monde qui ne tourne plus rond et contre lequel il faut savoir s'insurger. Un roman puissant qui bat en brèche bien des clichés. Un grand coup de cœur pour un texte dense mais jamais pesant.
L'Aube 2021.
De la même autrice, j'avais aussi beaucoup aimé: clic
06:00 Publié dans Rentrée 2021, romans français | Lien permanent | Commentaires (3)
30/10/2021
Même à l'ombre, les cigales chantent
De ces treize autrices, je ne connaissais personne mais le projet de s'engager contre le cancer du sein qui les rassemble ici m'intéressait vraiment et je n'ai pas été déçue.
En effet, si quelques textes n'évitent pas certaines situations attendues de la littérature à l'eau de rose, la majorité d'entre eux abordent avec finesse et délicatesse les relations entre la malade et son entourage ( mère-fille, entre amies, voire entre sœurs jumelles), relation chaotiques qui ne se limitent pas aux bons sentiments. Un recueil à (s') offrir car on y sent une réelle implication des autrices.
Hugo poche 2021
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claire zamora cynthia kafka tamara balliana lou marceau carène p
29/10/2021
Miettes (humour décalé)
"Le problème, c'est que les filles, la plupart du temps, elles ne sont pas endormies, et que nous, les garçons, on sait pas vraiment comment être charmants."
Quand un élève de Terminale gaulé comme une allumette, qui aime les livres de surcroit , le genre à être toujours choisi en dernier lors de la formation des équipes en sport, prend la parole pour un seul en scène censé être humoristique lors d'un spectacle de fin d'année, nul ne s'attend à ce qui va se passer.
A savoir une dénonciation non seulement de la culture genrée, de l'application de stéréotypes dès l'enfance , et ce quelque soit le milieu social, mais aussi des humiliations quotidiennes pour un garçon qui ne correspond pas aux critères de la virilité, sans pour autant qu'il soit homosexuel.
Un véritable jeu de massacre argumenté et nuancé qui va bientôt prendre une tournure plus douloureuse, pleine d'émotion, avec l'évocation d'un épisode traumatique vécu par ce jeune homme et une jeune fille lors d'un séjour scolaire à la montagne.
Les adultes ,qui ne prennent pas ou ne veulent pas prendre la mesure de tels comportements , ne sont non plus épargnés mais c'est bien la société dans son ensemble qui est mise en cause.
Un roman qui nous entraîne dans un tourbillon d'émotions. Un énorme coup de cœur. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Stéphane Servant, Nathan, Collection Court toujours 2021.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : stéphane servant
28/10/2021
L'enterrement de Serge
"La profession de croque-mort est à recommander aux personnes déprimées parce qu’être confronté chaque jour au malheur d’autrui est un moyen efficace d’échapper au sien. "
Serge Blondeau aura enchaîné les échecs jusqu'au jour de son enterrement , auquel peu de gens assistent , et sera même inhumé avec retard, à cause d'une grève.
Sa veuve, sa mère, sa sœur, son beau-frère et leur fille, sans oublier une voisine et un ami du défunt ,devront donc cohabiter dans un petit hôtel, en attendant que la situation se décante. Tensions, révélations seront au menu dans ce huis-clos involontaire.
Les péripéties se succèdent jusqu'au dernier moment, mais j'ai lu ce roman avec moins de plaisir que les précédents car ces personnages manquent singulièrement de chair, sans compter que l'auteur use et abuse des rêves pour tenter de tromper le lecteur.
Merci à Babelio et à l'éditeur.
Le Cherche Midi 2021
06:00 Publié dans Rentrée 2021, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stéphane carlier
23/10/2021
Automne...en poche
"Il faut toujours être en train de lire, dit-il. Même quand on ne lit pas réellement. Sinon, comment lirions-nous le monde ? Considère ça comme une constante."
Automne, premier volume d'une tétralogie dont le deuxième volume est déjà paru en Grande-Bretagne, raconte l'amitié improbable entre Daniel, féru d'art et Elisabeth, jeune femme qui vient faire la lecture au centenaire dans sa maison de retraite
Leur lien, quasi filial, est né quand Daniel était le voisin de la jeune Elisabeth. Lors de leurs promenades, Daniel , par petites touches,a su éveiller sa curiosité sur le monde de l'art et ,des années plus tard Élisabeth deviendra une spécialiste de la seule femme représentante du pop Art anglais, Pauline Boty.
Le roman, à l'écriture poétique, explore les thèmes du temps et des saisons, sur fond de Brexit, glisse avec subtilité d'une époque à une autre, suggérant au passage, par des détails du quotidien, que la Grande-Bretagne se rapproche de plus en plus de certains des ouvrages que lit Elisabeth (Le Meilleur Des Mondes, par exemple). Nos démocraties sont en danger, mais comme la mère de l'héroïne, rien ne nous empêche de manifester notre désapprobation par des actes symboliques. Un roman que j'ai savouré
07:45 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ali smith
22/10/2021
à mains nues
"Mes amies et moi n'élevons pas nos enfants de la même façon selon qu'ils ont une forme de fille ou de garçon. Conscientes de ce qui se joue ici et maintenant pour les hommes et les femmes, on veut rebattre les cartes."
La narratrice d’À mains nues utilise le "Je", mais c'est une 3je" englobant dans lequel chacune pourra se reconnaitre, s'identifier à des degrés divers. Avec une belle énergie, Amandine Dhée revisite les différentes facettes de ce qui nous constitue en tant que femmes.
Le désir irrigue ce texte de la jeunesse à la vieillesse, cette étape qui pour elle est encore lointaine, et le rend optimiste et riche de possibilitéLa langue est précise, fluide et aborde avec franchise, mais sans jamais tomber dans la vulgarité, tous les aspects de la vie féminine.
Il est intéressant pour celles qui, comme moi, ont connu les années 70 et le choc qu'ont été par exemple Les mots pour le dire de Marie cardinal ou les textes de Benoîte Groult de constater l'évolution des thèmes évoqués, ce qui a disparu ou presque et ce qui apparaît (la notion de genre, par exemple).
Un texte à (s') offrir de toute urgence.
POINTS SEUIL 2021
"Je souris moins aujourd'hui. Non que j'aie perdu en gaieté mais parce que je ne cherche plus d'emblée à avoir l'air charmante et inoffensive. Et je m'excuse moins. Avant, je m'excusais à tout bout de champ, en souriant donc, désolée par-ci désolée par-là, au cas où, pour lustrer. S'excuser, la maladie des femmes."
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : amandine dhée