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18/09/2009

Charles Dickens

"Il faut que je fasse quelque chose ou je vais me ronger le coeur !"

Infatigable.Une force de la nature, ayant plusieurs romans en cours, plusieurs amours au feu aussi, une famille nombreuse à entretenir, des lectures  publiques de  ses oeuvres qui le laissent exténués -ce sont de vrais one man shows avant l'heure !- mais ravi, tel nous apparaît Dickens sous la plume alerte et fervente de Marie-Aude Murail.
Mais sous cette visible boulimie de vie , d'amour et de travail, il y a toutes les fêlures de cet ancien enfant qui dut assumer l'entretien de ses parents dès son plus jeune âge et qui n'oublia pas qu'il avait été pauvre , dénonçant sans trêve les injustices .
"- Personne n'est plus disposé que moi à reconnaître qu'il  est dans son tort,  dit-il un jour à un ami. Seulement je ne suis jamais dans mon tort.4152792WG1L._SL500_AA240_.jpg
Ce n'est pas tout à fait une plaisanterie. Entre les autres et lui, il  y a un contentieux.  il est l'enfant qu'on n' a pas  aimé, l'adolescent qu'on a rejeté,  le coeur qui n'a pas été compris. Les autres ont tort mais pas lui."

Ah elle l'aime et elle l'admire ce Charles qui a su la séduire très tôt et c'est cet amour sans doute qui nous le rend si proche et nous fait dévorer cette biographie qui file à toute allure, au gré de chapitres aux titres savoureux et pleins d'enthousiasme !

Charles  Dickens, Marie-Aude Murail,  Belles vies, Ecole des Loisirs 2005, 164 pages et de précieuses photographies du grand homme.

L'avis enthousiaste de Cuné.

Pour prendre le thé avec  l'auteure autour de Charles Dickens, c'est ici !

Le site de l'auteure.

17/09/2009

Petit éloge de la rupture

"Coupé, pas dérapé"

Ayant commencé à rédiger pour ce  Petit éloge de la  rupture un récit de séparation, Brina Svit est victime de la rupture  de son disque dur. S'en est dit :la forme du texte sera marquée par les interruptions. Ce qui ne va pas sans mettre parfois le lecteur en peine de s'y retrouver dans ces différents textes qui se brisent sans cesse.51OWdp+BzvL._SL500_AA240_.jpg
L'existence  de Brina Svit semble elle aussi aussi placée  sous le  signe de la rupture : l'auteure est slovéne , écrit dans cette langue mais aussi en français ; écrivaine, elle est aussi danseuse de tango et semble très liée à l'Argentine. Toutes ces fractures nous valent de très beaux textes juxtaposés sur la langue, l'écriture, sa relation -difficile-  avec sa  mère mais aussi l'amitié/rivalité entre elle et Elisabeth Barillé, sans compter les textes "bijoux sombres [...] de  Gil Courtemanche".Un texte parfois déroutant mais où l'on trouve une réflexion intéressante et pertinente.
Je note particulièrement ce passage :  "J'ai pensé (...)à cette journée où j'avais curieusement plein  de temps à ma disposition.  Je me suis dit que je devrais réapprendre à en perdre intelligemment, m'organiser seule, par-ci par-là ,  une rupture volontaire avec cette partie de moi qui veut à tout pris être efficace et productive."

Petit éloge de la rupture, Brina Svit, folio 2 euros.111 pages qui donnent envie d'aller plus loin avec cette auteure.

16/09/2009

Les derniers Indiens

 

La quatrième  génération de paysans auvergnats. La  dernière. Car il ne reste qu'eux, le frère et la soeur Santoire qui mènent une vie de plus en plus étriquée , mécanique, assourdie, tandis qu'en face d'eux une tribu pleine d'énergie,d'esprit d'entreprise, une tribu bruyante, brouillonne et colorée vit pleinement.41xys4BKYgL._SL500_AA240_.jpg
Avec une grande économie de moyens, Marie-Hélène Lafon nous peint la vie  de cette famille qui s'enorgueillit d'être Les  derniers Indiens , les derniers survivants d'une époque  révolue, qui ont à peine ressenti les soubresauts de l'Histoire et ont su étouffer dans l'oeuf  les élans et les frustrations qu'ils s'imposent eux-mêmes. Seul un vêtement bien repassé et soigneusement rangé viendra peut être éclairer d'un jour nouveau tout le roman...

Les derniers Indiens. Marie-hélène Lafon.Vient  de sortir  en folio.167 pages drues.

L'avis de Baratin (qui nous manque!!!!).

Celui de Clarabel.

15/09/2009

Assez parlé d'amour.

"Je comprends que ce que je t'offre c'est d'avoir peur."

Assez parlé d'amour est un roman d'amour où des quadragénaires vont  être confrontés  au coup de foudre. Je vous entends  déjà soupirer. Assez parlé d'amour est un roman  écrit par un membre de l'Oulipo* , roman qui aurait pu s'appeler Les Dominos  Abkhazes car sa structure respecte les règles particulières  de ce jeu . Là vous vous arrachez les cheveux . Et vous avez tort . Car Hervé Le  Tellier  a  réussi  ici  un roman délicieux où  l'on trouve tour à tour  une "liste non exhaustive des achats d'Anna", un livre dans le livre: "Quarante souvenirs d'Anna Stein"pour  "accomplir l'impossible : ne plus te perdre  jamais" et ces souvenirs sont tout simplement magnifiques et plein d'émotion. On rêverait de  recevoir un tel livre...Sans  compter des informations drôles et saugrenues qui émaillent  le texte sans pour autant l'alourdir, des personnages qui sonnent justes et qui ont  tous un rapport très fort avec les mots, de par leur métier, mais pas  seulement. Beaucoup de délicatesse et d'humour, l'un des personnages, psychanalyste et psychiatre déclare  ainsi  à la femme qu'il aime  et qui se proclame folle: "- Je veux bien d'une folle.  J'ai toujours  rêvé de ramener du travail à la maison"**.68797425.jpg
Alors, tout le mal qu'on souhaite à Hervé Le  Tellier c'est, comme l'espère l'éditeur de l'écrivain (son double? dans  le roman ) ,qu'il trouve son public.

* Ouvroir  de Littérature potentielle, dont les membres utilisent souvent des contraintes d'écriture, qui  ne gênent en rien la lecture !

** Sans le  faire  exprès, j'avais noté la même citation que toi, Cuné !:)

Assez parlé  d'amour, Hervé Le  Tellier, J-C Lattès, 280 pages, fines et tendres.

Du même auteur, je vous conseille : Joconde jusqu'à  100 et Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable,  tous deux au castor  astral.

Merci Cuné !!!

14/09/2009

Les étranges soeurs Wilcox 1. les vampires de Londres

Dans les rues de Londres en cette année 1888 rôdent de drôles de personnages...Seuls quelques humains  savent que dans cette ville  se déroule une guerre entre  vampires.  Quelle part vont  y prendre les  étranges soeurs Wilcox, Amber "la volontaire,  la tête brûlée  aux  boucles  rebelles" et la cadette, Luna"la  rêveuse  aux cheveux noirs"  ?51aXHMOcs4L._SL500_AA240_.jpg
Fabrice Colin excelle à recréer l'ambiance brumeuse propice aux apparitions les plus effrayantes, quelques scènes d'ailleurs m'ont particulièrement fait frémir, moi qui ne suit pourtant pas "une petite nature". Ses héroïnes  ont un caractère bien trempé et savent tenir tête aussi  bien aux vampires qu'à sherlock  Holmes .On ne s'ennuie pas une  minute même si persiste l'impression génante d'un texte trop  formaté pour vraiment emporter l'adhésion. Dans ce premier volume les soeurs Wilcox prennent leurs marques et l'on ne peut qu'espérer qu'elles sauront s'affranchir de leur carcan. Fabrice  Colin nous avait habitués à une plus grande liberté de ton et à plus d'originalité.A trop vouloir respecter les codes du genre, il affadit un peu son talent. Affaire à suivre...:)

Les  étranges soeurs Wilcox, 1. les vampires  de Londres. Gallimard Jeunesse.284 pages .

Merci Lily!!!

Mention spéciale à Cuné, créditée dans les remerciements de l'auteur !!!

L'avis,  enthousiaste, de Clarabel !

13/09/2009

Apnées

"Enfin, dans les dictionnaires aussi on peut faire  de bonnes  plongées, réussis-je à conclure."

 

Parce qu'il tombe en panne à Plan-les-Ouates, un homme qui se rendait à une séance d'apnée va devoir occuper quelques heures dans un lieu qu'il ne connaît pas.Il  décide de suivre ,à son insu, un guide qui le mènera à travers les rues de cette cité  tout à fait ordinaire. Ce guide, ce sera une femme,"Une musarde hors catégorie".Ils finiront par entrer en contact et le récit prendra  alors un nouveau tournant...41TIT2y96jL._SL500_AA240_.jpg
Il ne se passe pas grand chose en apparence dans ce très court texte mais la  personnalité du narrateur le rend tout à fait singulier et passionnant.  Un homme qui  réussit à concilier  le goût des mots et sa pratique de l'apnée, même hors de l'eau, voilà qui n'est pas commun. On pense aussi à des pratiques oulipiennes , un lieu*, un temps donné,  des contraintes que l'on s'impose soi-même  et qui , tout en donnant un cadre  au texte, lui permette une plus grande liberté. Que dire enfin de la richesse  du lexique, qui ne gêne en rien la progression du récit et correspond parfaitement au caractère du narrateur  et permettra une très jolie pirouette finale ? Juste qu'une fois le roman terminé, on a envie de le relire un dictionnaire à portée de main !

 

Apnées,  Antoine Choplin,La fosse aux ours,  103 pages délicieuses.

 

Un grand merci à Caroline pour le prêt !

*  je pensais d'abord  que l'auteur  allait partir sur les traces  de  Perec et de sa  tentative d'épuisement d'un lieu parisien, mais non...:)

12/09/2009

Je viens de tuer ma femme

"Je vais quand même acheter des timbres, ça peut toujours servir."

Pas de suspense a priori , le titre parle de lui même :  Je viens de tuer ma  femme. Commence alors pour le narrateur une semaine d'un long monologue intérieur d'abord rageur puis apaisé et de rencontres qui vont le faire déraper encore un peu plus...
On sourit d'abord puis on se prend à s'émouvoir devant cet homme qui perd de plus en plus pied et dont la logique folle s'emballe à qui  mieux mieux.510NQ+ICYsL._SL500_AA240_.jpg
Une analyse sans complaisance des rapports humains, rapports de couple bien sûrs , mais aussi amicaux ou prétendus tels : "Laurent et moi, c'est une relation étrange qui dure depuis dix ans: je  l'appelle,  je me déplace, je pense à ses anniversaires  quand il oublie les miens, je lui  souhaite sa fête, il ignore la  mienne,je l'invite à Noël, il vient les mains vides,  je pose les questions, il  a les réponses. Je ne suis pas son ami.C'est le  mien." le tout sur fond de Michel Fugain ou de  Françoise Hardy mais attention :  "Françoise Hardy et la  scie  circulaire,  ça  se marie mal.",vous voilà prévenus ! Emmanuel Pons jongle avec l'absurde mais l 'émotion n'est jamais absente.  Du grand art ,dans un tout petit  livre par le nombre de pages: 167 , qu'on ne prêtera pas à son mari...

Je viens de tuer ma femme, Emmanuel Pons, Arléa.

Merci à Cuné et à  Amanda !

L'avis de Laure

11/09/2009

Lâche pas la patate !

Marie Treps,gourmande de mots, à son habitude , dans Lâche pas la patate ! nous régale de mots et d'expressions francophones venus du Québec (avec la  délicieuse débarbouillette (carré de tissu éponge pour nettoyer le visage) )ou le très imagé ruine-babines (harmonica), de Suisse, où la lenteur  semble une valeur sûre , de  la Louisiane où l'on sait Laisser les  bons moments rouler (profiter des bons moments) ou de Nouvelle-Calédonie . Mais c'est peut être dans toutes les anciennes  colonies françaises d'Afrique que la langue se  plie avec le plus de bonheur aux néologismes d'une  évidence radicale :ainsi cadeauter au Sénégal ou  frousser au Congo-Kinshasa.  Sans oublier mon chouchou en direct de Côte d'ivoire: C'est gâté complet, ça  ne marche plus du tout,  c'est fichu!
J'y ai découvert en outre que Filet américain, être à la ducasse, fréquenter, amitieux,amusette ô surprise, ne  sont pas comme je le croyais des régionalismes du Nord mais qu'ils nous viennent  tout droit de la Belgique toute proche  ! Comme quoi les mots  se jouent des frontières et s'acclimatent en un rien de temps !51wUiJDT0lL._SL500_AA240_.jpg
Une promenade à  travers les  pays mais aussi l'Histoire avec la binette du colon désignant une chaise longue en Nouvelle -Calédonie,la binette étant un instrument aratoire, tandis que la chaise longue est indispensable à la sieste, "Pendant que les uns travaillent, les autres se reposent..."
Pour tous les amoureux des mots, quel que soit leur âge !

Lâche pas la patate !, Marie Treps, éditions du Sorbier, 2009, 15 euros.Illustrations de  Gwen Keraval

Le billet d'Esmeraldae qui m'avait donné envie !

10/09/2009

L'inattendue

L'inattendue, carnet de bord d'une grossesse tant désirée, remue-ménage intérieur, dans le corps et dans le coeur d'une jeune femme qui garde dans un coin de sa tête le décès d'un jeune frère  disparu depuis longtemps.
Comment faire cohabiter tant d'émotions contradictoires , comment ajuster sa vie  de femme amoureuse et celle de future mère?  C'est à ce cheminement que nous convie Karine Reysset, qui nous montre également à l'oeuvre son travail d'écrivain. Beaucoup de phrases non terminées, au rythme de la pensée de l'auteure qui ne noircit pas ses carnets mais choisit des  encres colorées pour avancer entre inquiétude et sérénité, au gré aussi des hauts et des bas avec celui qu'elle  appelle "mon amour" souvent et "Olivier" rarement51hV5DNBkWL._SL500_AA240_.jpg
.Alors oui,  parfois ça dérange, cette intrusion forcée du lecteur dans l'intimité d'un couple sur qui on peut mettre des visages mais la force de l'écriture à la fois rude et tendre, non dénuée d'humour, emporte les  hésitations et on se laisse flotter au gré des fluctuations des humeurs dans lesquelles ce  carnet nous entraîne.

Karine Reysset, l'inattendue, Pocket 2009, 175 pages remuantes.

Le très joli billet de Laure qui vous donnera aussi de  belles citations.

09/09/2009

meurtres entre soeurs

"Elle ne sait pas qu'il s'agit d'une prophétie."

Une famille recomposée des années 50:  Mo et Pa, Olivia  et Emily, deux demi -soeurs qui après quelques ajustements parviennent  à bien s'entendre . Tout ce bel équilibre va être remis en question à la naissance de Rosie, petite princesse, chouchou de Ma et Po. Sans se concerter, les  fillettes vont tenter d'assassiner celle qui  empoisonne l'existence de toute la  famille. Est-ce  pour cela que , même  adulte, Rosie  n'aura de cesse de ruiner leur existence ?41m07PFEKzL._SL500_AA240_.jpg
Manipulations à gogo, vengeances,  machinations tortueuses sont au rendez-vous dans ce qui commence comme un comédie , scandée  par les  répliques  pince-sans rire de Pa :
"-Je  me fais  beaucoup  de soucis pour les filles,  confie Mo  à Pa  dans la  soirée
-Peut être que tu  aurais dû épouser un médecin."
ou les leitmotives:

"Elles  sont à un âge délicat
Tous les  âges sont délicats, soupire  Pa."

et va peu à peu prendre une tonalité plus sombre mais non dénué d' un humour , acide et réjouissant. On ne s'ennuie pas une minute et on ne lâche pas ce  roman aux allures d'arsenic et vieilles dentelles contemporain.

Une réussite !

Meurtres entre  soeurs (Sisters under the skin) , Willa Marsh (alias  Marcia Willett), traduit de l'anglais parDaniel  Wargny,  editions Autrement, 206 pages réjouissantes.

 

Merci à Clarabel pour le prêt.