14/08/2009
Le retour. Anna Enquist #6
"Vas-tu jamais trouver la tranquillité parmi les maisons et les rues ? "
J'ai longtemps hésité à lire Le retour , consacré à la femme du Capitaine Cook. En effet, les romans historiques ne sont pas vraiment ma tasse de thé, j'ai toujours eu horreur des textes qui ne nous épargnent pas le nombre de boutons de guêtres, sous prétexte d'exploiter à fond une documentation bien fournie. En outre, je m'attendais à une femme soumise, cachée dans l'ombre du grand homme, cet explorateur célèbre, un genre grillon du foyer quoi ...et là, en quelques pages anna Enquist a balayé d'un revers de mains mes a priori et mes réticences: cette femme qui se prépare au retour de son mari en rangeant la grande table de la salle à manger était intensément moderne. Cette femme qui sait lire et écrire , elle rédigera en partie le récit des voyages de son mari, fait tourner la maisonnée en son absence (deux, trois ans à chaque voyage d'exploration), affronte les deuils qui assombriront toute sa longue vie ,est aussi capable d'analyser finement ses émotions et celles de son époux.
Tout en restant obstinément fidèle tant à l'homme tant qu'à ses idées, elle n'est pas dupe des aspects angoissés du personnage public qu'il est devenu : "Un puits sans fond, se dit-elle. jamais il n'en aura assez. on y jette des cargaisons de reconnaissance et de louanges, mais cela ne sert à rien."
La mort de Cook- qui accomplit d'une certaine manière la destinée contenue dans son nom- donne lieu également à une quête obstinée de la part de cette femme qui veut absolument savoir ce que recouvre l'expression "les restes" désignant la dépouille de son mari, et qui obtiendra gain de cause en dépit de tous les officiels qui veulent s'en tenir à une version plus édulcorée.
Portrait de femme qui souffre mais se relève à chaque fois, pas une femme parfaite pour autant, consciente de ses limites, magnifié par le style d'Enquist : "C'était un combat contre son corps. elle perdit. Ses os, ses muscles et ses organes de 53 ans fêterent la victoire, endommagés , mais intacts. Elizabeth se leva, s'habilla et sortit."
Quant à savoir la part d'invention et de réalité , elle est précisée dans la postface de l'auteure : "Lors de la composition de ce roman, je me suis tenue, dans la mesure du possible , aux faits historiques [...]Dans les interstices de ces données fixes, l'histoire a été tissée."
A noter que le personnage de Cook intéressait depuis longtemps Anna Enquist puiqu'elle fait visiter son musée par des personnages de son roman Le chef d'oeuvre !
Le retour, Anna Enquist, Pays-Bas 2005, actes Sud 2007 , babel 2009, traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin, 474 pages captivantes!
06:00 Publié dans Littérature néerlandaise | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : anna enquist, femme du capitaine cook, "s'en aller, pour cela ils sont très forts."
13/08/2009
Un métier idéal
Mais comment fait-il ? Comment fait-il cet homme pour tout à la fois trouver la bonne distance entre lui et ses patients, s'insérer dans la petite société rurale anglaise de ce début des années 60 , vouloir tout assumer de son travail (il a une petite pharmacie et regrette de ne pouvoir s'occuper des radiographies, mais travaille aussi à l'hôpital), avoir aussi une vie de famille (très peu évoquée) tout en restant si formidablement humain et intéressé par l'Humain ? La réponse , je la trouverai tout à la fin du texte de John Berger : John Sassall s'est suicidé.
Accompagné des photos en noir et blanc de Jean Mohr, John Berger s'est attaché , dans tous les sens du terme , à rendre compte de cette existence mais aussi à élargir la réflexion sur la valeur de la vie humaine. Un livre profond et grave qu'on a envie d'offrir à quelques Diafoirus....
Un grand merci à Cuné !
06:05 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : john berger, histoire d'un médecin de campagne anglais, textes et photos
12/08/2009
le coeur est un muscle involontaire
Florence déteste les livres , les écrivains et les chiens. Elle bosse avec Zéno, partageant avec lui un sentiment à mi-chemin entre amour et amitié , sentiment dont Monique Proulx parle très joliment: "Un jour Zéno et moi, quand on sera tout à fait grands sans être vieux, on inventera un sentiment bien plus aérien que l'amour, bien plus ardent que l'amitié, dans lequel, nuit et jour on pourra s'étendre pour réparer nos cassures.
En attendant, on a ça, ce petit paquet de chaleur et de chardons."
Florence, bien malgré elle, va se retrouver à la poursuite d'un écrivain "invisible", sorte de Salinger québécois, qui lui a volé une phrase, celle qui donne son titre au roman : Le coeur est un muscle involontaire (écho de Le coeur est un chasseur solitaire ? ). Cet écrivain mystérieux,Pierre Laliberté, dont elle n'a que faire, évidemment est l'idole de Zéno...S'en suit alors une quête pleine de péripéties et d'humour, où notre héroïne devra s'accommoder de cadeaux fort encombrants, dont je me garderai bien de révéler la teneur :" Je suis tombée sur une jovialiste, c'est bien ma chance."et apprendra petit à petit à voir le monde d'une façon différente.
On pleure, on rit, on note au passage quelques jurons bien sentis que l'héroïne s'adresse pour se fustiger : "manche à balai irascible", "maudite limace molle", on applaudit des deux mains aux descriptions hallucinées d'un centre commercial ou, plus poétiques mais tout aussi inspirées, du centre de New-York, bref on passe un excellent moment car Monique Proulx possède tout à la fois le sens du récit et une écriture chatoyante.
Le coeur est un muscle involontaire, Monique Proulx, Editions Boréal, 399 pages pleines de charme.
Merci qui ? Merci, Cuné évidemment !:)
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : monique proulx, des livres, des chiens, quebec, new-york, littérature
11/08/2009
Le saut. Anna Enquist #5
Même si la couverture indique" Nouvelles", ce sont bien six monologues , destinés à être joués, qui sont regroupés sous le titre Le saut.
Autant vous le dire d'emblée, je n'ai pas accroché totalement à ces six textes,probablement parce les indications de mise en scène rappellent constamment la nature véritable de ces textes et que le théâtre lu n'aura jamais la même force que le théâtre joué. Nonobstant, nous retrouvons ici les thèmes chers à Anna Enquist: la supériorité de la musique sur les mots : "Quand on ne peut pas parler, il faut écouter de la musique. la musique parle sans les mots. Un morceau d emusique peut exprimer des sentiments qui sont trop vagues ou trop douloureux pour être pris au piège des mots. Ou trop terribles.", la seconde guerre mondiale, situation extrême et ses conséquences sur le comportement des gens ordinaires, la lente descente dans la folie...
Par contre, nouveauté, Anna Enquist fait preuve dans la premier texte d'un humour vachard et totalement irrévérencieux vis à vis de Malher. Reprenant la figure emblématique de la femme artiste étouffée dans l'oeuf par le pouvoir masculin, à savoir Alma Malher qui devra mettre sous le boisseau son talent de compositrice pour obéir à son génie de mari, Enquist, s'appuyant sur des faits historiques (la lettre de vingt pages dans laquelle le compositeur la somme de ne se consacrer qu'à lui, si elle décide de l'épouser !) éclaire d'un jour nouveau la situation, la montrant nettement moins caricaturale et plus complexe. Quant aux descriptions physiques de Malher, elles sont tout à fait réjouissantes ! Un recueil à emprunter rien que pour ce texte !
Quant à la quatrième de couverture, une nouvelle fois, elle vous permet en quelques minutes de connaître le déroulement quasi complet des six textes (soupir !).
Le saut, Anna Enquist, Pays-bas, 2003, Actes Sud, 2006.Traduction de Annie Kroon.
06:02 Publié dans Littérature néerlandaise | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : six monologues, musique, 2nde guerre mondiale, pays-bas, anna enquist
10/08/2009
Rose sainte-nitouche
"A priori, le chien du jardinier ne manque de rien."
Parce qu'au fond elle a besoin de sécurité, parce qu'elle est très jeune aussi, Rose épouse Ned alors qu'elle est tombée follement amoureuse de Mylo. Eternel triangle qui se révèle en fait à géométrie plus complexe car Mary Wesley , à son habitude, va tout au long de son roman, éclairer d'un jour nouveau ses personnages en apparence si respectables mais si profondément attachés à jouir pleinement de la vie .
Les personnages féminins de Mary Wesley, en particulier Rose , sont d'une modernité extrême pour l'époque (la Grande-Bretagne de la 2nde Guerre mondiale). Comme les hommes elles s'octroient le droit d'avoir des amours contingentes, de vivre une vie sexuelle épanouie. Pour rien au monde Rose ne voudrait ressembler à sa mère qui, suppose-t-elle, n'a jamais connu d'orgasme et a vécu sa grossesse dans le dégoût de son corps. Cette femme qui ne s'épanouira que , quand elle sera -enfin- devenue veuve. Un bon mari est un mari mort.
Cet aspect corporel,, Wesley en parle de manière franche mais sans jamais tomber dans le graveleux ou la trivialité. La contraception, ou plutôt son absence est-elle aussi évoquée mais le milieu social dans lequel évolue Rose facilite bien la vie, même dans certaines circonstances qui pourraient devenir dramatiques.
Là où Mary Wesley innove aussi c'est qu'elle suit son personnage de son extrême jeunesse à une vieillesse déjà bien avancée. L'amour et le temps ne font souvent pas bon ménage, les contes de fées s'arrêtent là où la vie conjuguale commence, mais Mary Wesley qui a commencé à écrire à l'âge de 70 ans, entend bien nous montrer que les personnes âgées ne sont pas quantité négligeable, y compris dans le domaine amoureux.
L'évolution psychologique de Rose est-elle aussi très intéressante, de jeune fille timide elle devient peu à peu une femme qui sait manipuler son mari , riposter de manière efficace à l'égoïsme forcené et au sans gêne de prétendus amis , prend de l'assurance, s'émancipe ,comprend au fil du temps "qu'on peut fonctionner sur plusieurs plans à la fois", car "qu'elle fût trop docile pour être au-dessu sde tout soupçon l'horripila, lui mit en tête des idées qui n'y étaient pas avant, des idées qu'elle allait ensuite mettre en pratique."
L'auteure nous montre aussi avec beaucoup de franchise et parfois de crudité les moindres pensées de ses personnages,pas de bons sentiments !, mais tout cela est contrebalancé par un humour souvent féroce, une insolence chic et un dynamisme contagieux ! Vite, laissez-vous séduire par Rose !
Rose, Sainte-nitouche, Mary Wesley, editions Heloïse d'Ormesson, traduit de l'anglais par Michèle Albaret, 463 pages so british !
Un grand merci à Clarabel pour le prêt !
Du même auteur, sorti en poche, La pelouse de camomille, tout aussi savoureux !, Billet ici.
Ilne reste plus qu'à espérer que seront bientôt réédités trois autres romans dont je vous parlais rapidement ici !
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : mary wesley, follement amorale, intensément revigorant
09/08/2009
La joueuse d'échecs
Un peu par hasard, Eleni va découvrir le monde des échecs et braver ainsi l'opinion de la toute petite communauté (un village grec sur une île écrasée de soleil) dans laquelle elle menait une vie tranquille de mère et d'épouse.
Les échecs n'étant pas ma tasse de thé,bien que ce premier roman ait été couvert de prix, je n'avais pas cédé à la tentation, même quand ce livre était sorti en poche. Mais la nouvelle de son adaptation au cinéma avec Sandrine Bonnaire et Kevin Kline m'a aussitôt poussée à le lire. Et j'ai bien fait .
Même si comme moi vous êtes totalement ignare en matière de stratégies, de fous , de rois et compagnie, vous apprécierez sans doute l'histoire de cette femme ordinaire, qui , par un biais tout simple va trouver un petit espace de liberté dans sa vie trop étriquée. Pas d'émancipation spectaculaire, juste une vie qui prendra un peu plus de saveur...Le style est fluide et simple. Une lecture très agréable.
La joueuse d'échecs, Bertina Henrichs, livre de poche 156 pages ensoleillées.
Ps: je viens de voir la bande-annonce du film,très librement inspiré du livre, à première vue...
n'hésitez pas à m'indiquer vos billets !:)
L'avis de Al.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : bertina henrichs, la liberté par les échecs, une chambre à soi
08/08/2009
Les ours n'ont pas de problème de parking
"Les chats gentils, sur le lit; les chats sauvages, sur le carrelage."
Des nouvelles de Belgique avec Nicolas Ancion qui n'hésite pas à se coltiner avec un nom honni, à savoir Marc Dutroux, et à en tirer un texte tout à fait inattendu pour ouvrir le bal. Mais c'est surtout l'enfance qui est au coeur de ces textes . Un pays pas toujours idyllique car même si Les ours n'ont pas de problème de parking , ils peuvent se révéler d'une jalousie féroce ...Les chiens en peluche y mènent des enquêtes les mettant aux prises avec un serial killer d'un genre très particulier. Quant aux collectionneurs de vignettes Panini, ils peuvent se retrouver le nez dans la terre comme les meilleurs "gardiens de boue". Alors oui, ça fait tout bizarre de se retrouver dans un univers à la "toy story" mais on accepte ou pas d'entrer dans le logique folle de Nicolas Ancion et si oui, on risque juste d'y pêcher quelques pépites comme dans "l'affaire smilodon" :" Un chat tellement laid que seule la nature a pu l'engendrer. Personne n'aurait eu le courage de fabriquer un truc pareil sans le détruire aussitôt.", une histoire de jalousie avec toute une stratégie impeccable pour venir à bout de l'ennemi.
Mais il n'est pas question que de peluches dans ce recueil, il est aussi question de nos vies, nos vies absurdes où les enfants"ont l'air trop sérieux avec leurs vêtements d'adultes pleins d'étiquettes, de tirettes et de bandes fluorescentes"et où "Quand on a le privilège de ne manquer de rien, il faut bien qu'on s'invente d'autres raisons d'être heureux . Et surtout des prétextes pour ne pas l'être".
Alors, la fantaisie débridée, l'inventivité peuvent parfois venir à bout des situations les plus délicates, les personnages allant jusqu'au bout de leur logique propre , amadouant ainsi le destin...Un recueil inégal (quelques textes m'ont laissée de marbre) mais diablement sympathique.
Les ours n'ont pas de problème de parking, Nicolas Ancion , pocket, juin 2009, 122 pages made in Belgium !
Le blog de l'auteur.
06:00 Publié dans nouvelles belges | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : nicolas ancion, un monde fou fou fou ou juste le nôtre ?
07/08/2009
Les petites fées de New-York
"Elle en fait, du chemin, cette fleur."
167 pages. 167 pages avant que j'entre dans ce roman mettant en scène des fées écossaises, cornouaillaises, chinoises, noires et tutti quanti, dans un New-York très contemporain.
"Indigent",* tel est le mot, pas charitable du tout, je vous l'accorde ,qui m'est venu tout d'abord à l'esprit en lisant ce récit haché, passant sans cesse des fées dans la Grosse Pomme, se livrant à des courses -poursuites qui auraient pu être dignes des meilleurs Starsky et Hutch si elles ne tournaient systématiquement court, aux fées restées au pays (comprendre la Grand-Bretagne) et qui elles baignaient dans une ambiance plus traditionnelle, quoi que fortement marquées par les analyses d'un trublion marxiste...Le point commun étant que beaucoup de ces fées (dont certaines sont des hommes, ce qui m'a un peu perturbée au début, mais soyez indulgents, c'était mon premier livre de fées contemporain ) aiment lever le code et forniquer à qui mieux mieux sous les buissons ou au sommet des arbres. Elles ont aussi une fâcheuse tendance à se crêper le chignon, voire à se faire la guerre pour des motifs apparemment des plus futiles et à se mêler ,en ce qui concerne les héroïnes casse-bonbons, Morag et Heather , des affaires des humains, les manipulant tour à tour pour récupérer quelques objets, dont une fleur apparemment indestructible.
Néanmoins quelques personnages surnagent dans cette hystérie étourdissante: Kerry, atteinte de la maladie de Crohn, et surtout l'inénarrable SDF Magenta, vers qui la fleur revient irrésistiblement, qui arpente New-York à la tête de hoplites imaginaires. C'est télescopé, souvent, inabouti parfois, certaines explications étant souvent éludées ou traitées de manière rudimentaires, et je n'ai pas déniché le charme que j'espérais y trouver. Tant pis ! J'aurais néanmoins découvert un genre littéraire cet été !
Les petites fées de New-York, Martin Millar, Editions intervalles, 301 pages bourdonnantes.
* Bon après, j'ai pris le rythme !:)
Merci à Amanda pour le prêt, à Fashion pour avoir fait voler les fées jusqu'à moi.
L'avis-enthousiaste de Chimère qui m'avait donné envie de découvrir cet auteur.
Celui de Chiffonnette.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : martin millar, les fées ne sont décidément pas ma tasse de thé !
06/08/2009
Les porteurs de glace. Anna Enquist #4
"Je veux de l'efficacité . Supprimer les choses superflues et vaines." Ainsi s'exprime Nico, qui vient d'obtenir la direction d'un hôpital dont il a entrepris de changer l'organisation, ce qui ne va pas sans heurter. Maîtriser, rationaliser le monde extérieur, pour ne pas se laisser rattraper par le désordre, les émotions. Voilà sa manière de lutter contre ce qui le submerge et qu'il tait.
Unie avec lui dans le silence, son épouse, Lou." Elle avait connu ses pensées, ses sentiments. il lui manquait." Lou qui tente d'interroger leur relation à la langue pour éclaircir la situation.Mais ce "fardeau froid", ce "secret glacé" les handicape et les enferme chacun dans sa bulle de détresse.
Bien évidemment toutes ces énergies bridées n'attendent que la plus petite étincelle pour mettre le feu aux poudres...
Histoire d'un couple, histoire d'un secret, d'un échec, Les porteurs de glace est aussi un roman, dense et puissant qui interroge notre besoin de "bâtir une histoire", donner de la cohérence quand nous ne sommes que "débris".
Très court, ce roman d'Anna Enquist est à la fois le plus accessible et l'un des plus riches par les thèmes qu'il aborde. La quasi sécheresse de la langue y est tempérée par l'attention scrupuleuse et sensuelle aux éléments naturels et au plus petites variations des sentiments des personnages, dépassant ainsi ce que l'intrigue pourrait avoir de convenu. A se procurer sans hésiter !
Deux reproches cependant : la 4 ème de couv' dont la lecture est à proscrire, sauf à vouloir connaître le déroulement complet du roman, et un "policlinique" qui a heurté mes yeux...
Les porteurs de glace, Anna Enquist, paru aux Pays-bas en 2002, chez Actes sud en 2003, chez babel en 2006. traduction de Micheline Goche.
L'avis de Clarabel
L'avis de AL
06:00 Publié dans Littérature néerlandaise | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : anna enquist, communication, couple, comment faire face à l'indicible
05/08/2009
Un soir, à la maison
"Je t'entends déjà te plaindre que j'ai mis chez toi un foutu bordel."
Mais à quoi pensent les profs quand ils demandent de raconter Un soir à la maison ? Se rendent-ils compte du fossé qui existe entre les images d'Epinal toutes roses et jolies, tranquilles,banales pour tout dire, et la réalité, beacoup plus crue que vivent -parfois- leurs élèves ? Ces derniers, pas dupes, vont s'employer à travestir leur quotidien pour mieux répondre aux attentes implicites du correcteur et ne pas dévoiler ce qu'ils sentent- confusément ou pas- ne pas être la norme...
Ce décalage c'est justement l'interstice dans lequel se coule Annie Saumont pour mieux souligner les dysfonctionnements qui existent dans la vie de ces personnages qui pourraient être nos voisins ou nous mêmes. Ainsi cette femme qui s'obstine à mettre six bols à table le matin , ou celle qui cale le biberon de son "bébé de rêve," sitôt conçu déjà plus désiré, "entre un exemplaire de La divine comédie et un manuel des bonnes manières, une cordelette fixant le tout", petites vies assassinées en douce, en passant...
ça grince, ça tire, ça fait mal ces récits ou ces dialogues qui semblent pris sur le vif ,comme ce goujat au restaurant qui fait les questions et les réponses et s'étonne que son invitée ne mange pas, (vu ce qu'il lui balance pas étonnant qu'elle ait du mal à avaler!). Alors oui, c'est noir, c'est sans espoir, ça tord le coeur, parfois c'est un peu raté aussi car trop prévisible mais il n'en reste pas moins que la langue, tordue, triturée, maltraitée par Annie Saumont ça décape !
Un soir, à la maison, Annie saumont, Pocket juillet 2009, 154 pages qui mettent le bordel ! 5 euros.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : annie saumont, tranches de vie, saignantes les tranches