22/01/2022
La reine des orties...en poche
"Cette fille possédait un don, elle voyait l'invisible.
Ou encore, je le comprends aujourd'hui, ce que nos refusions de voir."
Tous les habitants du Palais des orties, chat et chien y compris tombent sous le charme de Fred, jeune woofeuse venue aider Nora, Simon et leurs enfants , contre le gîte et le couvert.
Rien de glamour, rien de branché dans cette campagne triste où Simon a repris l'exploitation familiale mais l'a orientée vers la culture de cette plante que tout le monde rejette: l'ortie.
Mais ce que Marie Nimier peint, dans ce récit rétrospectif , est surtout l'histoire d'une passion amoureuse entre deux femmes.
Avec beaucoup de délicatesse, d'empathie, elle nous fait partager la vie de cette famille que Fred va bouleverser , sans nous livrer pour autant tous les secrets de ces personnages qui nous deviennent vite familiers.
Un roman où l'autrice semble se libérer des carcans où on la sentait parfois enfermée dans ses précédents ouvrages. Une lecture réconfortante et brûlante à la fois.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie nimier
21/01/2022
#Amalia#NetGalleyFrance !
"Pour que la vie soit meilleure, il suffit parfois de lui laisser le temps. "
Jonglant entre sa petite fille de quatre ans, sa belle-fille de dix-sept (ses humeurs en dents de scie et son addiction aux youtubeuses beauté), son boulot où l'on lui demande d'être agile et élastique (les nouveaux concepts à la mode), Amalia s'épuise.
Certes, son compagnon met la main à la pâte, mais les nouvelles anxiogènes , la terre qu'on maltraite , sans compter une pandémie qui apparaît en pointillés, tout cela fait qu'un jour le corps d'Amalia dit : "Stop"
Diagnostic de la médecin consultée en visio : "Vous faites une intolérance au rendement. "
Petit à petit, non seulement l'héroïne, mais tout son entourage vont modifier leur façon de voir, leur façon d'agir, chacun à leur échelle. La nature, via une fougère ou une variété de blé vont les y aider , sans oublier certains proches.
Tout en douceur, tant au niveau des couleurs que du graphisme, Aude Picault brosse un portrait réaliste de notre société. On pourrait lui reprocher de ne pas montrer avec suffisamment de violence ce que peut être l'épuisement d'Amalia , d'édulcorer la situation, mais pourquoi rajouter de la noirceur là où il y en a déjà assez ?
Dargaud 2022.
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : aude picault
20/01/2022
On noie bien les petits chats
"Cet enfant tombé de ton ventre, c'est par tes bras, ton regard, ta parole, qu'il consent à advenir. "
Renvoyée chez elle par une sage-femme violente tant en paroles qu'en gestes, Betty va accoucher sur le palier de son appartement dans des conditions atroces. Son enfant et elle ne devront la vie qu'à un chauffeur de taxi, père de famille nombreuse , qui aura su garder son sang-froid.
A la maternité, la jeune femme a tout oublié de ces événements dramatiques, mais le cauchemar ne semble pas fini pour autant. En effet , son mari reste injoignable, mais son enfant a été baptisé Noé par un inconnu qui prétend être le père auprès du personnel hospitalier.
Transférée dans un unité spécifique pour aider les mères à nouer une relation avec leur enfant, Betty va peu à peu lever le voile sur des traumatismes réveillés par cette naissance et surtout par le prénom de Noé.
Si j'ai apprécié l'intrigue, riche en rebondissements et anxiogène à souhait, j'ai encore plus aimé la description fine, pleine d'empathie et de bienveillance , autant pour les soignants que pour les soignés, de cette unité mère-bébé. On se doute que l'expérience professionnelle de l'autrice y est pour beaucoup et qu'elle nous fait partager sa vision pleine d'espoir et d'humanité. Une lecture haletante.
Éditions Eyrolles 2022.
06:01 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : françoise guérin
14/01/2022
Lumière d'été, puis vient la nuit...en poche
Un village de quatre cents âmes perdu au milieu de la campagne islandaise. Ses habitants, parfois hauts en couleurs, travaillés par la solitude, l'usure des couples, le désir amoureux, l'envie de partir, la violence, la bienveillance, bref par tous les sentiments qui agitent un microcosme observé avec beaucoup de bienveillance par l'auteur.
La mort est souvent présente, parfois cruelle, parfois choisie, et irrigue constamment ce texte qui tient à la fois du conte et de la poésie.
Laissez-vous embarquer par cette lecture-fleuve qui fait aussi la part belle à la Nature.
Magnifique traduction de l'islandais d 'Eric Boury.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jón kalman stefánsson
13/01/2022
Mathilde ne dit rien...en poche
"Mathilde se dit que si, elle imagine. Elle sait très bien ce que c'est d'être envoyé dans les marges par la force centrifuge du monde."
Le roman débute par une scène de violence psychologique à couper le souffle et se clôt par une scène de violence, physique cette fois qui laisse le lecteur groggy .
Le point commun de ces deux moments intenses ? Mathilde. Celle qui ne dit rien, essaie de passer inaperçue, mais c'est compliqué quand on a son gabarit. Travailleuse sociale , Mathilde fait son job de manière efficace, sans doute parce qu'elle a connu de près les galères de ces gens qu'une facture de trop peut faire valser dans la misère. Mais le passé douloureux de Mathilde nous ne le découvrirons que peu à peu.
Tristan Saule peint avec une précision d'entomologiste le quotidien de ces gens (voir en particulier la scène de la baguette chaude au supermarché de proximité qui s'organise comme une chorégraphie muette ) les rouages des aides sociales, les trafics, la violence...Il choisit de ne pas surplomber ses personnages mais se met à leur hauteur, analysant avec précisions les mécanismes de ce qui peut entraîner ces gens fragiles dans la misère. Un roman social d'une force extrême.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2)
11/01/2022
Un hiver de coyote
"-Tu sais quoi ? Le mieux serait encore que tu te fasses oublier."
Marie cumule les handicaps pour la mission qu'elle vient de décrocher au Québec. C'est une femme, elle est française, jeune, et surtout elle n'est pas une technicienne mais une biologiste, ce qui est totalement rédhibitoire pour celui qu'elle doit assister : Laurier, grand trappeur devant l'éternel.
La voilà donc par des températures de -20 °C partie étudier les coyotes en Gaspésie, sachant que Laurier ne lui fera pas de cadeau et ne se rendant pas toujours compte que la moindre erreur peut entraîner la mort dans cette nature magnifique mais dangereuse.
Pourtant Marie va s'acclimater à tous points de vue et nous faire partager avec humour et sans prétention, ce qui la rend infiniment sympathique, ses aventures au sein de l'hiver canadien. Un grand plaisir de lecture même si l'histoire sentimentale, un peu télescopée à mon goût ne me paraissait pas nécessaire.
Un grand merci à Aifelle qui m'a redonné envie de dévorer ce roman: clic.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : marie-lazarine poulle
10/01/2022
Bass Rock
"L'ambiance s'adoucit avec le thé. Les conventions sociales devenaient plus facilement négociables lorsqu'une bouche pleine pouvait légitimer un silence ou quand il était possible de complimenter quelque chose d'aussi neutre qu'un biscuit. "
Trois femmes, trois époques différentes mais une même région , l’Écosse, et surtout des femmes aux prises avec la violence protéiforme des hommes.
Que ce soit Sarah, jeune femme accusée de sorcellerie au XVIII ème siècle, Ruth qui endosser le rôle de mère de substitution auprès de deux orphelins après avoir épousé leur père, vétéran de la seconde guerre mondiale, ou , plus proche de nous, Viviane qui peine à trouver sa place et à faire face à ses émotions, elles doivent affronter un mode où les hommes imposent leur pouvoir, par des mots, ou de la pure violence, allant jusqu'au féminicide., le tout dans l'indifférence quasi générale.
Heureusement, la solidarité féminine ,mais aussi celle de certains hommes ayant dû affronter eux aussi des traumatismes ,vient alléger cette atmosphère souvent lourde.
Une construction juste parfaite fait qu'on ne se perd jamais au fil du texte et des époques et l'autrice a le chic pour rendre cette violence sourde dans les rapports sociaux dont les femmes ont été et sont encore souvent victimes. Quelques esprits viennent pimenter le tout avec un grand naturel et l'on prend beaucoup de plaisir à dévorer ce roman aux personnages très attachants.
Traduit de l’anglais par Hélène Vignol. Actes Sud 2022
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : evie wyld
08/01/2022
Le bonheur est au fond du couloir, à gauche...en poche
"Depuis l'enfance, on nous répète que nous sommes libres de réaliser nos rêves. On nous oblige à faire nos propres choix, à suivre la filière correspondant à nos vœux, et donc à assumer seuls nos erreurs et nos échecs.On nous a retiré la bouée de sauvetage de la faute à autrui. Merci du cadeau."
Le narrateur de ce nouveau roman de J.M. Erre est l’illustration parfaite de cette citation de Jean-Louis Fournier : "C'était un angoissé pour qui tout allait bien, jusqu'au jour où il est né."
Et angoissé Michel H. l'est d'autant plus que Bérénice vient de le quitter, lui laissant en cadeau une flopée de livres de développement personnel, traitant tous de l'art d'être heureux.
"Velléitaire", "timoré", "dépressif suicidaire", les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier cet individu encore jeune , qui peine à trouver sa place dans une société où l'injonction au bonheur est devenue une véritable tyrannie , individu que son voisin peu amène, M. Patusse traite simplement de "raté".
Michel H. est persuadé que Bérénice reviendra s'il devient heureux et se lance donc dans une série de tentatives éperdues , loufoques, marquées par le déni le plus total de la réalité, déni qui le fera tomber de Charybde en Scylla.
L'occasion pour J M. Erre de dégommer tous les travers de notre société, en une série de raisonnements biaisés, de fausse logique , le tout assaisonné d'une bonne dose d'humour noir. Le récit file à toute allure et il faut prendre le temps de le relire pour mieux en apprécier toute la saveur. Un festival de citations à collecter et une mécanique imparable dans la construction font de ces 183 pages de la dynamite ! Un indispensable, bien évidemment !
06:00 Publié dans Humour, l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jm erre
07/01/2022
Encabanée...en poche
"Incarner la femme au foyer au sein d'une forêt glaciale demeure, pour moi, l'acte le plus féministe que je puisse commettre, car c'est suivre mon instinct de femelle et me dessiner dans la neige et l'encre les étapes de mon affranchissement ."
Quel beau mot que cet Encabanée qui donne son titre au roman ! Évoquant tout à la fois le refuge et la prison, fleurant bon la langue québécoise, il était juste parfait pour ce roman inspiré par le journal intime de l'autrice, enfermée dix jours dans son petit refuge du Bas-Saint-Laurent à cause d’une vague de froid .
Ici la narratrice , choisit de quitter une vie confortable pour s'acheter une cabane et un terrain à Kamouraska , dans une nature à peine troublée par le bruit de trains. Elle veut mener une vie plus frugale, plus proche de la nature , lire de la poésie et écrire. Il lui faudra aussi s'atteler à l'entretien de son poêle pour faire face à un hiver particulièrement rude. Pas de réseau pour le téléphone portable, tout peut donc devenir dangereux.
J'ai tout aimé dans ce roman, la langue, la démarche et la narration qui fait la part belle au romanesque et au corps ,avec l'irruption d'un intrus qui permettra de satisfaire les désirs charnels de notre narratrice.
Un grand coup de cœur pour ce roman qui peint et défend la nature canadienne avec brio et nous propose un point de vue féminin et féministe sur une expérience plus souvent racontée au masculin.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gabrielle filteau-chiba
06/01/2022
Dehors la tempête...en poche
"Comme après une jachère amoureuse, je me sentais à nouveau disponible pour une rencontre avec un livre, un genre ou un écrivain. Mais c'était décidé, jamais plus je ne lirais d'histoires. C'est ainsi que la poésie est devenue ma méthadone."
Nombreuses sont les métaphores marines qui irriguent ce livre appartenant à la collection Le Courage. Normal, l'un des romans préférés de Clémentine Mélois est Moby Dick.
Dans son panthéon personnel figurent aussi Simenon et son héros Maigret dont elle analyse avec finesse la consommation alcoolique, qui l'amènera à consommer un alcool démodé, car lire entraîne bien des expériences sensuelles.
Au gré des ses humeurs, de ses souvenirs , de ses digressions, nous partageons son amour tant pour les livres que pour la lecture.
Les livres addicts ne pourront que craquer pour ce livre où beaucoup se reconnaîtront, en particulier dans une liste où elle confesse certaines habitudes liées aux livres...
06:00 Publié dans l'amour des mots, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : clémentine mélois