19/05/2022
#LesAffinitéssélectives #NetGalleyFrance !
"A trente et un ans, elle n'arrivait toujours pas à accepter que l'on autorise et encourage certaines personnes à poursuivre leurs passions tandis que d'autres n’auraient jamais l'opportunité de le faire. "
L'une, Elisabeth, a écrit un roman et vient d'avoir un enfant. Elle s'ennuie dans une petite ville, bien trop loin de New York. L'autre, Sam, est une étudiante, d'origine modeste, dont l'avenir est déjà entravé par des prêts contractés pour payer ses études.
Elisabeth va embaucher Sam pour garder son fils et vite s'enticher de la jeune femme dont elle entend bien révéler le potentiel artistique. Mais l'ingérence dans la vie amoureuse et professionnelle des autres est-elle vraiment une bonne chose ?
Tout est un peu trop parfait, trop lisse, dans ce roman qui entend pourtant dénoncer certains faits économiques et surfe sur l'air du temps en mentionnant par exemple les groupes sur les réseaux sociaux et autres influenceuses. Mais cela reste bien timide et les problèmes financiers sont trop vite résolus...
Il n'en reste pas moins que l'écriture fluide de l'autrice fait que l'on tourne les pages sans déplaisir. Un bon gros pavé estival qui fait le job.
Éditions les Escales 2022. Traduit de l'anglais (E-U) par Caroline Bouet.560 pages.
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18/05/2022
Un colosse...en poche
"Jean-Pierre sera glorieux, mais il continuera à travailler la terre."
Jean-Pierre Mazas naît dans le sud-ouest de la France en 1847 et ne commence à grandir de manière démesurée qu'à partir de 16 ans . Ce gigantisme facilité sa tâche de laboureur mais bientôt il deviendra aussi lutteur et sa notoriété dépasseras frontières.
Pascal Dessaint, délaissant le roman noir, se penche ici sur une destinée hors-normes, celle d'un homme qui finira phénomène de foire et curiosité scientifique dans un monde qui évolue très rapidement par certains côtés, mais conserve aussi certains vestiges du passé.
Le romancier mène l’enquête, rétablit quelques vérités et/ou approximations et peint un tableau plein de vie d'une société qui exhibe sans honte ceux qu’elle considère comme des monstres. C'est donc l'histoire d'un corps, mais aussi d'un paysan, tous deux voués à un destin tragique que nous propose Pascal Dessaint.Un récit court, un peu plus de 120 pages, mais dense.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal dessaint
17/05/2022
La Jungle
Comment évoquer pour les enfants le thème des migrants sans tomber dans la mièvrerie ou le voyeurisme ?
Ludovic Joce y parvient avec une grande délicatesse en relatant la rencontre fortuite (et brève) entre Lucas, arrivé depuis peu à Calais et Seyoum, un jeune africain qui habite La Jungle.
En quelques pages, illustrées avec beaucoup de douceur par Nathalie Lagacé, le jeune lecteur peut prendre contact avec une réalité dont la brutalité n'est pas gommée, mais évoquée par petites touches. Un héros qui évolue au fil du texte et des personnages qui resteront gravés dans la mémoire font de ce roman une réussite.
Éditions Alice 2022.
06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ludovic joce
16/05/2022
Le pays des phrases courtes
"Personne ne veut savoir comment tu vas, dit-il .Souviens-toi de ça. "
Pièce rapportée, l'héroïne et narratrice de ce roman l'est à plus d'un égard. Son compagnon a été embauché dans une école d'un type particulier , privilégiant les arts, dans une région rurale du Danemark. Enseignants et élèves forment une communauté, quasi une secte aux dire d'une autre pièce rapportée, et si cette appellation est formulée avec humour, il n'en reste pas moins que la narratrice se sent fortement décalée et peine à créer des liens d'amitié avec une population trop laconique à son goût.
Expansive, peinant à obtenir son permis de conduire, jeune mère analysant avec acuité et humour les perturbations engendrées par cette naissance, nous la suivons dans ses tribulations, le tout ponctué par les lettres drolatiques et les réponses hautes en couleurs qu'elle fournit en tant qu'"oracle" dans le journal local, sorte de courrier du cœur, emploi que lui a procuré la directrice de son mari. L'écriture de chansons satiriques lui permet aussi de tenir le coup dans cet univers si étrange à ses yeux.
Le point de vue décalé, fin et plein d'humour, l'écriture alerte et les personnages croqués à ravir font de cette lecture un pur délice. J'ai surligné à tour de bras et j'ai déjà hâte de voir traduit un autre roman de cette autrice .
Éditions Le Bruit du monde 2022.
Traduit du danois par Catherine Renaud.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : stine pilgaard
14/05/2022
L'octopus et moi
" C'est parce que les pieuvres voulaient dire quelque chose pour moi: quelque chose qui parle de sacrifice féminin, de persévérance, de la futilité de tout ça, quelque chose qui dit que nos corps peuvent rater , ou peuvent être forcés de rater, et que pourtant on continue comme on peut..."
Lucy , jeune femme australienne qui vit et travaille en Tasmanie, rencontre une nuit une pieuvre qui cherche à traverser une route pour rejoindre la mer et y pondre ses œufs. Rencontre improbable et violente qui va mettre le corps de Lucy a rude épreuve (alors qu'il a déjà été mis à mal par le cancer ) et la forcer à reconsidérer tout à la fois ce qui fait sa féminité et sa place dans la Nature.
Ce roman est tout à la fois l'occasion de découvrir un territoire sauvage, ses habitants (qui se définissent eux-mêmes en "bouseux" ou "hippies") , un territoire malmené par certains alors que d'autres essaient, parfois juste en paroles de le préserver.
Il est aussi question de la volonté de "ne pas seulement vivre de la nature mais dans la nature, l'immersion.", ce qui ne va pas sans rudesse ni contradictions. Et c'est bien ce qui fait, en plus de l'écriture précise et poétique de ce premier roman, la richesse de ce texte.
Lucy se cherche, tâtonne, commet des erreurs et n'assène jamais de vérités inébranlables. Son rapport au corps, tout comme ses sentiments, évolue et les passages consacrés à certains animaux proposent des contrepoints originaux. L'humain n'est donc pas le seul ici à donner son point de vue.
roman où il est aussi question de conserves, de tricot, de pêche et de tout ce qui peut paraître banal, mais crée du lien. Un roman souvent sur le fil et qu'on ne peut lâcher qu'à regret.
Traduit de l’anglais (Australie) par Valentine Leÿs, Éditions Dalva 2021.
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13/05/2022
Combats et métamorphoses d'une femme...en poche
"Tout ton corps changeait. La tristesse disparaissait de toi. "
Édouard Louis en est bien conscient: il fait partie de ces écrivains qui écrivent toujours le même livre, mais en changeant de point de vue . Ici, ce n'est plus de son parcours ou de celui de son père dont il est ,mais de sa mère.
Un parcours qui semblait voué à l'échec, une femme écrasée par le manque de formation, les grossesses enchaînées, un mari peu accommodant , des enfants qui semblent suivre la même pente...
Quant à Eddy (c'est à dire l'auteur) il ne se donne pas le beau rôle, allant jusqu’à mentir pour que sa mère ne lui fasse pas honte à l'école. Il suivra pourtant, impressionné et tendre, la lente métamorphose heureuse de cette femme.
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12/05/2022
Fille...en poche
"La perte de chance, tu vois, c'est d'être une fille."
Dans ce roman, à forte connotation autobiographique, l'autrice interroge les mots liés à la féminité, plus particulièrement dans son histoire personnelle. Partout on été repris les mots de son père affirmant qu'il n'avait pas d’enfants car il n'avait que deux filles
Il n'en reste pas moins que l'autrice rappelle qu'en Inde "Dire "c'est une fille avant la naissance est passible de trois ans de prison et de dix mille roupies d'amende: on n'a plus le doit de demander ou de pratiquer une échographie pour voir le sexe de l'enfant et avorter en conséquence car trop de filles disparaissent; à force de les étouffer dans l’œuf, il y a des villages entiers d'hommes célibataires."
La malédiction de naître fille, d'être considérée comme quantité négligeable, comme "une pisseuse", si elle a nettement régressé dans les pays développés, n'en demeure pas moins prégnante dans beaucoup d 'autres parties du monde.
Camille Laurens revient donc sur les moments clés de sa vie et en particulier sur la mort de son premier enfant, épisode d'une violence inouïe quand elle comprend les circonstances qui ont abouti à cette tragédie.
Mais le roman se conclut de manière optimiste avec la jeune fille de l'autrice qui rebat les cartes de la féminité avec une belle énergie.
Un roman constellé de marque-pages.
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09/05/2022
Misogynie
"- Tu sais ce qui est au cœur de la misogynie ? Dans le fond ?
- Parce que je suis misogyne à présent ?
-ça consiste simplement à ne pas donner, avait-elle dit. Que ce soit croire que vous ne devriez pas nous accorder le droit de vote ou ne pas nous donner un coup de main pour la vaisselle- c'est tout crocheté au même wagon. "
Le vendredi 29 juillet , seul le beau temps annoncé était au rendez-vous. On sent d'emblée que la journée de Cathal, fonctionnaire à Dublin, ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices car à 14 h 27 "Déjà la journée semblait longue".
Ce pourrait être juste un travail ennuyeux, mais un tas de petits indices vont nous mettre sur la voie : la sollicitude de ses collègues, ses chaussures non cirées et le récit a posteriori de sa rencontre et de sa relation avec Sabine, une franco-irlandaise rencontrée deux ans auparavant.
Nous suivrons donc jusqu'au soir la chronique d'un fiasco amoureux annoncé , du point de vue d'un homme qui ne remet pas en question son manque de générosité et son attitude envers les femmes. Une mécanique implacable relatée avec brio dans cette nouvelle offerte à l'éditrice française de Claire Keegan pour les vingt ans de la maison d'édition.
45 pages . 8 euros.
Traduit de l'anglais (Irlande) par Jacqueline Odin.
06:00 Publié dans Document, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : claire keegan
06/05/2022
Entendez les femmes rugir !
"Vous n’êtes pas seule responsable. La société vous a aidée. Les coupables, ce sont l’adulation et la sexualisation des jeunes femmes. Ce sont l’intérêt que l’on porte à la beauté et à l’apparence, la pression pour se conformer aux attentes des autres d’une manière qui ne touche absolument pas les hommes."
Le titre et le fait que ces nouvelles ont été adaptées sous forme de série (présentée comme étant "féministe") m'ont décidé à ouvrir ce recueil de Cecelia Ahern.
Las, j'ai vite déchanté car le fantastique qui consiste principalement à prendre au pied de la lettre des expressions pour dénoncer la situation faite aux femmes devient vite mécanique et prévisible.
Le fait aussi que les héroïnes semblent interchangeables car toutes sont appelées "la femme" n'aide en rien.Rien d'original donc et ces textes ne font que reprendre des situations rebattues et traitées avec beaucoup plus de vigueur dans d'autres textes. Je garde ainsi dans ma mémoire sélective une nouvelle (titre ? Auteur? ) décrivant le quotidien d'une mère de famille nombreuse, sorte de sainte femme, affrontant sans faillir , et seule, son quotidien et qu'une de ses filles surprenait se glissant la nuit dans les bois pour hurler sa frustration et son énervement.
L'occasion de retrouver cependant Fabienne Vidallet en traductrice, un nom qui dira sans doute quelque choses aux blogueuses d'antan...
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cecelia ahern
04/05/2022
#Unamour #NetGalleyFrance !
"De fait, elle est en train de franchir les étapes nécessaires. Constater une telle évolution-même ardue, même minime-lui procure une satisfaction intime, comme si les progrès du chien étaient aussi les siens, indirectement. "
Natalia, pour fuir un passé un peu trouble et entamer une carrière de traductrice littéraire, s'installe dans une bicoque déglinguée à la campagne. Mais une femme seule face à une petite communauté bien soudée ,voilà qui va bientôt générer des tensions.
Cela commence d'emblée par un propriétaire violent, intrusif, qui lui donne un chien. Un animal tout sauf bien traité ,avec lequel Natalia peine à instaurer une relation. Cela se poursuit avec Piter, un homme plus âgé qu'elle, bien intégré dans la population locale, en apparence amical mais qu'on pourrait aussi ranger dans la catégorie "ces hommes qui veulent apprendre la vie aux femmes". Enfin arrive "l'Allemand" qui lui propose avec force précautions oratoires "un troc de marchandises" : "Je peux réparer les tuiles si en échange tu me laisses entrer en toi un moment, dit-il. "De l'influence des pluies torrentielles sur les relations sexuelles.
A rebours de bien des romans de rénovation-installation à la campagne vantant les côtés champêtres et vivifiants de la situation, nous sommes ici en présence d'un personnage déroutant, qui affronte ses ambivalences, perçoit celles des autres et tente souvent , non pas d'affronter, mais d'esquiver les problèmes auxquels elle est régulièrement confrontée. On a parfois envie de la secouer cette héroïne qui se laisse malmener et analyse son comportement avec férocité. Le malaise grandit , la violence est de plus en plus présente le doute également. Quelle est la vision des événements qui prévaut ? Celle de Natalia ou celle des villageois ? La réponse sera donnée sur le fil. Un roman âpre et dérangeant.
Grasset 2022, traduit de l'espagnol par Delphine Valentin.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sara mesa