01/03/2013
La singulière tristesse du gâteau au citron
"Je ne parlais pas à table parce que je me consacrais entièrement à survivre au repas."
Imaginez que vous puissiez détecter les émotions de la personne qui a concocté un plat rien qu'en le dégustant. Voilà qui pourrait être très troublant...Cette étrange capacité, Rosa Edlstein la découvre le jour de ses neuf ans en dégustant le gâteau au citron préparé par sa mère. à partir de ce jour, sa perception des autres en général et de sa famille, en particulier, va être bouleversée car cette sensibilité extrême peut être fort embarrassante.
Portrait tout en délicatesse d'une famille en apparence banale (ne lisez surtout pas la 4 ème de couv' bien trop prolixe), La singulière tristesse du gâteau au citron est un petit chef d'oeuvre , tant du point de vue de la construction que du style, à la fois poétique et imagé.
Aimee Bender a le chic pour créer des atmosphères en demi-teintes où le fantastique apparaît par touches très discrètes et peut être envisagé comme une sensibilité portée à l'extrême. Un roman à découvrir absolument ! et zou sur l'étagère des indispensables où il rejoint les précédents textes de cette auteure !
La singulière tristesse du gâteau au citron, traduit avec talent de l'anglais (E-U) par Céline Leroy, Editions de l'Olivier 2013, 343 pages piquetées de marque-page, bien sûr !
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28/02/2013
Pause:comment trois ados hyperconnectés et leur mère (qui dormait avec un smartphone) ont survécu à six mois sans le moindre média électronique
"N'ayez jamais rien chez vous dont l'utilité ne soit avérée, ou que vous ne jugiez beau, écrivit-il" []
Partant du constat qu'il y a une grande différence entre communiquer et échanger, Susan Mauschart va décider de se passer de tout média électronique durant six mois( j'en vois déjà qui blémissent devant leur écran ! ).
Dans la foulée, elle soudoie ses trois enfants - de pur natifs numériques, comme elle les appelle -pour les entraîner dans cette expérience et observe, avec beaucoup d'humour et d'acuité leurs réactions et... les siennes !
Docteure en sociologie des médias et journaliste, Susan Mauschart ne s'encombre pas de jargon ni de théories. Son ton est enlevé, tonique et on a l'impression de lire le journal de bord d'une bonne copine qui aurait eu une idée un peu saugrenue mais qui va s'avérer porteuse de changements profonds. L'évolution des "cobayes" est en effet flagrante et les études qu'elle cite sur les effets nocifs des medias électroniques fait parfois frémir...
Un livre à dévorer d'une traite, 364 pages qui n'hésitent pas à réhabiliter l'ennui, mais qui ne le suscite jamais !
Merci à Sylvie d'avoir joué les tentatrices, en tout bien, tout honneur, bien sûr !
06:00 Publié dans Document, Humour | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : susan maushart
25/02/2013
Je tue les enfants français dans les jardins
"Je me lève le matin pour aller passer quelques heures sous les crachats et puis je rentre."
"N'essayez même pas de faire cours, Mademoiselle. Sauvez votre peau.", tel est le conseil que son inspecteur a prodigué à Julia Genovesi, jeune prof d'italien dans un collège marseillais. Voilà qui est bien loin des attentes de la jeune femme et qui ne lui sera pas d'une grande utilité. Le jour où un des semi-délinquants qui "chauffent" les places de sa classe ira trop loin, Julia ne pourra s'appuyer ni sur ses collègues "ratatinés" ni sur sa hiérarchie, débordée, et ne voulant surtout pas faire de vagues. Elle ne pourra compter que sur elle-même et sur la haine qui l'habite, sentiment qui lui fait horreur.
Roman noir, très noir, Je tue les enfants français dans les jardins analyse de l'intérieur ce formidable gâchis qui est en train de se dérouler dans certains collèges.
La narratrice réfute avec vigueur les thèses généralement avancées et balance par dessus bord bons sentiments et langue de bois. Le style est vif, acéré et sensible à la fois. Un premier roman comme un coup de poing.
Déniché à la médiathèque.
Je tue les enfants français dans les jardins, Marie Neuser, L'Ecailler 2011, 164 pages dérangeantes et c'est tant mieux!
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : marie neuser
22/02/2013
Cette main qui a pris la mienne...en poche
"Vous autres, les jeunes, vous êtes obsédés par la vérité. C'est une chose qu'on surestime souvent."
Alexandra, rebaptisée Lexie par celui qui va lui mettre le pied à l'étrier et lui ouvrir les portes de l'univers londonien de l'art , a réalisé son rêve : devenir journaliste et mener sa vie professionnelle et amoureuse avec indépendance et insolence. Elle évolue avec aisance dans ce swinging London mais , comme nous en prévient bientôt l'auteure , Lexie ne vivra pas bien vieille...
Quarante ans plus tard, la naissance du bébé d'Elina et Ted vient perturber le bel ajustement de leur vie. Tandis que la jeune femme se remet difficilement d'un accouchement qui a failli lui coûter la vie et semble avoir perdu des pans entiers de sa mémoire récente, son mari, au contraire, recouvre sous forme de flashs des moments de son passé qui ne semblent pas correspondre à ce qui lui a été raconté par sa mère. Bientôt, il découvrira en quoi les non dits ont pesé sur sa vie.
Assez rapidement, on pressent de quelle manière les destins d'Elina et Lexie sont liés mais tout l'art de Maggie O'Farrell est de parvenir néanmoins à surprendre son lecteur et à le plonger dans un profond malaise.
Il est question ici de filiation et O'Farrell analyse avec une sensibilité extrême la manière dont à quarante ans de distance deux femmes se laissent bouleverser par l'arrivée de leur premier enfant, ce qui nous vaut de très belles pages, n'occultant pas l'aspect à la fois sauvage et exclusif de cette relation. Elle fait également la part belle au nouveau père qui se trouve quelque peu démuni devant cet enfant qui restera longtemps sans prénom...
Un roman plein de vigueur, d'énergie et de sensibilité qu'une fois commencé on ne peut lâcher et dont on prolonge à loisir la lecture pour en profiter un peu plus encore...
Ps: il faut passer outre le titre très harlequinesque et se régaler !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : maggie o'farrell
21/02/2013
L'art difficile de rester assise sur une balançoire
"Trop de béatitude appelle la baffe ; c'est peut être bien fait pour moi. "
Vlan ! Pauline qui menait une vie parfaite entre mari idéal et enfants modèles se prend un grand coup de réalité en pleine figure quand son époux la quitte . Pour sa meilleure amie, tant qu'à faire. Du cliché banal et douloureux (mais la vie ressemble souvent à ce type de tautologies) qui va la laisser sonnée.
Seul conseil donné par sa mère, psychiatre renommée : une stratégie d'évitement qu'elle va mener de manière jusqu'au boutiste, allant jusqu'à prétendre que son ex-mari est mort. Mais ce dernier s'évanouit dans la nature pour de vrai...
Dévoré d'une seule traite ce roman très fluide et agréable à lire (car on y retrouve l'écriture inventive et imagée d'Emmanuelle Urien) m'a pourtant laissée une impression mitigée.
Je n'ai en effet éprouvé pas beaucoup de compassion ni de sympathie pour celle qui se définit elle-même comme " une petite-bourgeoise désoeuvrée repliée sur l'échec de son couple ", peut être parce qu'autour de moi je connais beaucoup de femmes qui, à la douleur d'être quittée, doivent ajouter en outre de graves problèmes économiques.
Par ailleurs, le récit ne cède pas à la tentation d'un virage vers une version plus noire qui aurait été, à mon avis, nettement plus intéressante, car plus radicale. Il n'en reste pas moins que j'ai apprécié l'analyse fouillée des sentiments de cette femme et le récit de son évolution vers une possible renaissance.
Le billet de Françoise Guérin : clic !
L'art difficile de rester assise sur une balançoire, Emmanuelle Urien, Denoël 2013, 217 pages piquetées de marque-pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : emmanuelle urien, divorce
16/02/2013
Un bonheur insoupçonnable...en poche
”...il n'y a rien de plus précieux que d'être l'ami d'un ami.”
Il est des livres qui tombent au bon moment : vous errez dans une librairie, ne trouvant aucun des livres figurant dans votre carnet et soudain, vous ne voyez que lui. Une couverture* joliment désuète, rose églantine, mettant en scène des tableaux gentiment décalés. Intrigué, vous lisez la quatrième de couv' et aussitôt une question vous saute aux yeux : "Comment aider un enfant plongé dans le chagrin ? " suit la promesse d'un roman fourre-tout comme vous les aimez . Vous feuilletez le livre en question et là, surprise, vous découvre en images la recette du gâteau sans-peur et constatez avec amusement que des traces de pattes de chien se sont glissées par-ci , qu'on aperçoit par là la queue du même canidé et vous commencez sérieusemnt à douter de la classification du roman de Gila Lustiger Un bonheur insoupçonnable.
Peu importe, vous glissez le livre sous votre bras et vous dirigez vers la caisse...
Bien vous en a pris car ce roman philosophique est un vrai bonheur. Un de ceux que l'on lit le sourire aux lèvres et qu'on ouvre au hasard pour la plaisir de retrouver une phrase ou une illustration de Emma Tissier. De quoi s'agit-il ? D'un homme plus tout jeune qui, comme dans la chanson de Joe Dassin, "les p'tits pains au chocolat" ne se rend pas compte que l'amour est tout près de lui, d'un homme -le même- qui ne prend pas le temps de regarder vraiment les enfants qui vivent autour de lui, d'une chienne qui ne se pose pas de questions , sauf celle de l 'heure de son repas, d'un livre de questions justement, mais pas de réponses. Il est aussi question d'une grand-mère qui triche avec aplomb , enfin qui trichait , car elle est morte et Paul ne peut pas supporter d'être heureux sans elle. On apprend dans ce livre que "Les cailloux ont droit eux aussi à une belle vue. que l'oncle Hubert vivait chez lui à l'étranger. Que les mères remarquent toujours que quelque chose cloche justement quand on est pressé de sortir. Et qu'il ya des gens qui ne sont pas faits pour comprendre l'écriture fractionnaire."
Doté de titres de chapitres hétéroclites, de notes en pagaille , défiant toute logique car "dans ce roman, c'est le coeur qui décide",Un bonheur insoupçonnable est un roman enjoué et hirsute dont on sort le sourire aux lèvres qui soulève mine de rien des problèmes auxquels sont confrontés grands et petits. Réconfortant !
*la couverture en poche a changé !:(((
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gila lustiger
15/02/2013
Pulsations
Pourquoi le cacher ? C'est dans un premier temps la couverture excentrique et so british qui a d'abord attiré mon attention . La quatrième de couverture a fait le reste : "Nous avions parlé de bonus, de banquiers et des problèmes persistants d'Obama, avant de passer à un autre sujet : le nouveau plan de travail en érable de Joanna . Devait-elle l'huiler souvent ?
- Une fois par jour pendant une semaine, une fois par semaine pendant un mois, une fois par mois pendant un an et ensuite quand on en a envie.
On dirait une formule pour le sexe conjugal".
Le ton , tranquillement caustique, était donné .
Mais au fil des nouvelles, mettant en scène des Anglais appartenant à la classe moyenne qui pratiquent la marche, un peu pour le sport, beaucoup pour draguer, jardinent et règlent leurs conflits par bacs de fleurs et/ou arrachages de buissons interposés, l'émotions affleure, contrebalancée par un humour discret mais ô combien savoureux.
Julian Barnes n'hésite pas non plus à user d'ellipses, voire à sembler traiter de sujets décousus mais ce n'est que pour mieux renouer le fil de son récit et entraîner son lecteur dans son analyse si fine des relations humaines. Un mélange subtil d'émotions et d'humour et quelques textes poignants tout en retenue. Un bon cru.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : julian barnes, couples, séparations
14/02/2013
C'est jeudi, c'est citation ! ( Spéciale dédicace pour la saint Valentin)
XXII
" Je suis un loup-garou de film américain. je te préviens chéri, cette nuit, je risque de changer un petit peu, des canines me viendront ainsi que des poils et j 'aurai comme une envie de t'égorger, mais n'aie pas peur, ce sera toujours moi, enferme-moi dans la salle de bain, mets le verrou et ne l'ouvre sous aucun prétexte, tu m'entends aucun prétexte, même si je pousse des cris à te retourner le ventre, promets-le moi. Demain matin tout ira bien. On boira une tasse de café chaud et on continuera la vie.
Quoi faire de la colère ? "
Amandine Dhée, Et puis c'est bête d'être triste en maillot de bains
Editions de la Contre Allée, 2013
06:00 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : amandine dhée
13/02/2013
Dernières nouvelles du front sexuel
Où en avais-je entendu parler ? Mystère . Mais, au vu du titre et de la couverture, ce recueil de nouvelles allait me permettre de sacrifier au nouveau rite en vigueur: la lecture de textes érotiques.
Pour éviter de le chercher dans les cinq étages de la librairie où il était disponible (et faire preuve d'une discrétion de bon aloi), je le réservai le matin.
L'après-midi, déception, il ne m'attendait pas à l'accueil. " C'est quel genre d'ouvrage ?
Pour éviter les regards libidineux du client suivant qui se collait déjà contre moi au comptoir, je soupirai intérieurement et lâchement lançai :" Je sais pas, c'est pas pour moi." Ben tiens !
"Alors allez voir mes collègues, là-bas en littérature." Dont acte.
Un vendeur évidemment. Et tout à côté de moi un autre client .
Bon cette fois, je n'allais pas tourner autour du pot. "Il s'agit de nouvelles érotiques, claironnai-je."
Et de me rendre avec le vendeur dans le rayon adéquat où je fus instantanément jaugée par une femme pomponnée et un homme tout de noir vêtu. Mes cinq épaisseurs de vêtements n'ont pas dû leur plaire. Sans regrets.
Finalement, après avoir mis en émoi tout un bataillon de vendeurs, le fameux recueil fut déniché au rayon... sexualité. Pour la discrétion, je repasserai .
Tout ceci pour vous dire, qu'une fois en main, Dernières nouvelles du front sexuel se révéla encore plus surprenant. En effet, si les textes sont réalistes, ils n'ont en aucun cas l'ambition de rebooster nos libidos engourdies par l'hiver. Non, Ariane Bois s'amuse , sous formes de textes très courts (au maximum trois pages), à passer en revue, pour mieux les égratigner avec beaucoup d'humour, tous les diktats actuels en matière de sexualité, de relations , bref de tout ce qui tourne autour de nos corps et de nos sentiments.
Epilation, sex toys, sexe bio, mais aussi échangisme (avec un texte particulièrement hilarant !), tatouage, entre autres ,sont passés au crible et l'auteure en souligne les inconvénients avec un malin plaisir et beaucoup de bon sens. J'ai aussi tout particulièrement aimé la nouvelle mettant en scène un ado pris par sa mère à regarder des scènes de sexe sur internet. Un texte qui remet les pendules à l'heure avec énergie et efficacité ! L'émotion est aussi parfois au rendez-vous mais c e qui se dégage de la majorité de ces textes, c'est la volonté d'envoyer au diable tout ce qu'on se croit obligé de faire pour être dans l'air du temps et ça fait un bien fou !
Dernières nouvelles du front sexuel, Ariane Bois, L'Editeur.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : ariane bois
12/02/2013
Etranges rivages
"...on trouve les choses les plus incroyables dans la tanière d'un renard."
Revoilà enfin Erlendur ! Toujours hanté par la disparition de son petit frère lors d'une tempête, il est retourné sur les terres de son enfance. Et comme "Il éprouv[e] un besoin constant de découvrir les choses cachées, de retrouver ce qui était perdu." , il va s'intéresser au cas d'une jeune femme disparue en 1942, dans des circonstances rappelant celle de son frère.
La culpabilité est au centre de cet opus qui prend son temps pour démarrer mais qui va réserver bien des surprises au lecteur.
L'émotion est au rendez-vous et, même si j'avais deviné l'explication d'une des disparitions, Indridason a su me surprendre avec un rebondissement particulièrement cruel et inattendu. Des personnages bien campés, une intrigue prenante , une atmosphère hypnotique et un fin poignante font ce roman une réussite !
Etranges rivages, Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury Métaillié 2013, 300 pages à savourer !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : arnaldur indridason