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24/02/2020

Les dessous lesbiens de la chanson

"Les chansons sont parfois bien utiles pour montrer ce que les yeux ne sauraient voir."

Qu'elles soient ouvertement des hymnes saphiques" comme "Ouvre" de Suzy Solidor (chanson dont les deux derniers couplets ont été censurés par sa maison de disques ), qu'elles avancent masquées (évoquant des thèmes qui parlent seulement aux initiées, la couleur mauve par exemple) ou laissent libre court à l'interprétation de l'ambiguïté d'un pronom ou d'une situation, les chansons  véhiculent la réalité parfois cachée, parfois opprimée de l’homosexualité féminine.Classés en quatre grandes parties, ces textes sont analysés tour à tour dans leur individualité, faisant aussi la part belle à la personnalité de leurs interprètes ou de leurs auteurs ou autrices.CVT_Les-dessous-lesbiens-de-la-chanson_59.jpg
C'est ainsi que l'on croise sans surprise Marie-Paule Belle ou Hoshi, mais aussi Anne Sylvestre, Isabelle Mayereau ou Vanessa Paradis dont le fameux Joe le Taxi était en fait une femme liée au monde la nuit lesbienne. Plus surprenant encore, j'ai appris que "Comme un Ouragan " de Stéphanie de Monaco avait été annexé comme "hymne lesbien".
Mais cet ouvrage présente également le grand mérite de mettre en avant de grandes figures du passé, des éclaireuses, des frondeuses qui ont chanté aussi bien la naissance de l'amour que le coule lesbien âgé, comme Pauline Julien avec "Les deux vieilles" (paroles de Clémence Desrochers).
Les dessins, tout en délicatesse et en finesse de Julie Feydel accompagnent ce panorama exhaustif et diablement intéressant dont la bande son est accessible via un QR code. Une magnifique découverte !

Un grand merci aux Editions iXe et à Babeliomasse_critique.jpg

06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (3)

21/02/2020

On dirait que je suis morte ...en poche

"Il comptait parmi ces gens chanceux: il était sorti de l'enfance en un seul morceau et son passé n'était pas une énorme masse inamovible dotée d'un climat propre."

Mona, jeune femme de ménage (elle adore les aspirateurs !) distribue le soir des préservatifs et des seringues aux drogués. C'est là qu'elle  tombe amoureuse de celui qu'elle surnomme M. Dégoûtant, artiste raté et édenté. Au vu du titre de cette première partie , Le Trou, on se doute bien de l'issue de cette relation.
Mais Mona n'a pas dit son dernier mot et la voilà bientôt en route pour le Nouveau-Mexique où, au fil de rencontres (voisins, clients, amis, hauts en couleurs et éclectiques), elle parvient progressivement à se libérer d'un passé qu'on devine toxique, d'après des bribes qu'elle nous a distillés.9782264075826ORI.jpg
Ce pourrait être trash, mais c'est plein d'émotion et de retenue.La langue est métaphorique, surprenante et Jen Beagin, dans ce premier roman, réussit un pari fou: créer un univers et des personnages pleins de vie, attachants , sans jamais tomber dans le glauque. Tout est sur le fil du rasoir mais Mona fait toujours un léger pas de côté in extremis pour éviter le sordide et choisir le camp de l'humour ,de la surprise ou de l'art. On n'oubliera pas de sitôt Yoko et Yoko, Jésus, Betty, et Mona , bien sûr. Une vraie découverte !

Un roman enthousiasmant traduit brillamment de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy qui avait su attirer mon attention sur ce roman .

Buchet-Chastel 2019, 275 pages qui donnent la pêche !

13/02/2020

La daronne... en poche

"Nous étions entre nous, appartenant au grand flou dhannelore cayrees classes moyennes étranglées par ses vieux. C'était rassurant."

A part une brève parenthèse de bonheur marital, on ne peut pas dire que la vie de notre narratrice ait été marquée par la joie de vivre. Lasse d'être employée au noir par l’État comme interprète judiciaire, de n'avoir ni sécu ni retraite en vue, lasse d'avoir bossé pour  payer les études de ses filles, puis maintenant pour l'EPHAD de sa mère, elle saisit l'opportunité de se glisser dans un monde qu'elle connaît bien pour le suivre via des écoutes téléphoniques : celui du trafic de drogue.
Et là, elle revit, jonglant avec la langue qu'elle connaît depuis l'enfance, "la langue d'avant Babel qui réunit tous les hommes", à savoir l'argent. Elle endosse avec jubilation l'identité de La daronne, délicieusement amorale, fustigeant notre société et ses hypocrisies. Usant d'une langue tour à tour soutenue puis argotique, "elle, au contraire, avait l’œil émerillonné de celles qui aiment le biff", Hannelore Cayre se régale visiblement à ponctuer son récit de remarques vachardes et délicieuses à nos yeux de lecteurs: "Je me suis très mal conduite avec lui, mais il faut dire que son honnêteté à toute épreuve en faisait un sacré boulet."
Enfin, une héroïne en colère, amorale et qui ne trouve pas son salut dans l'amooouuuur, voilà qui fait bien fou ! (Plein de femmes fortes d'ailleurs dans ce roman , chacune dans leur genre !).

12/02/2020

Le chant des revenants ...en poche

"Quelques jours plus tard, j'ai compris ce qu'il essayait de dire, que devenir adulte signifie apprendre à naviguer dans ce courant: apprendre quand se cramponner, quand jeter l'ancre, quand se laisser porter."

Trois voix portent le récit de cette famille noire du Sud des États-Unis. D'abord celle de Jojo, treize ans maintenant, enfant métis qui vit chez ses grands-parents noirs, chérit sa petite sœur Kayla, mais n'entretient que des relations sans illusions avec sa mère, Leonie qu'il n'appelle jamais "maman". Jojo voit  les morts et en particulier Richie, jeune garçon noir que le grand-père de Jojo a connu autrefois au pénitencier de Parchman.
Richie est la deuxième voix de ce roman choral, relatant la violence dont ont été victimes les Noirs, même après l'abolition de la ségrégation.jesmyn ward
C'est à Leonie, enceinte à dix-sept d'ans d'un premier enfant,  droguée à la méthamphétamine pour oublier la mort de son frère , Given, victime officiellement d'un accident de chasse, mais dans les faits d'un crime raciste, que revient la troisième voix. Égoïste et bien trop amoureuse de Michael, un Blanc rejeté par sa famille car selon eux il a épousé une "pute noire", Leonie embarque ses enfants dans un road movie parfois halluciné pour aller chercher Michael qui va sortir de Parchman où il a effectué sa peine de prison. L'occasion de vivre de manière resserrée tout à la fois le racisme et la violence au quotidien.
Réalisme, lyrisme et une pointe de fantastique, tels sont les ingrédients de ce roman captivant où seul le chant d'une enfant pourra apporter le repos à tous ceux qui sont morts sans sépulture.

(Sing, unburied, sing, )traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Charles Recoursé, éd. Belfond, 272 p.

10/02/2020

Les évadées

"La tête dans le guidon, freins réglés au plus sensible, le regard des autres en guise d'itinéraire, nous regardons passer ces libertés chéries brimées, ces langages uniformisés, ces sexualités trianglerosées, ces têtes tranchées, loyers seins et fesses refaits sur panneaux outranciers, ces barbes emmêlées aux barbelés ,ces familles épiées jusqu'aux bébés."

Née sous X, Modeste Nacarat Mercurier affiche un format XXL et un poster de Clint Eastwood dans sa chambre d'ado, alors que c'est l'actrice Sondra Locke, frêle brindille blonde (et compagne d'alors du "justicier d'opérette") qui l'attire.alexandra fritz
Mais c'est finalement la délicate Anicée, ravissante métisse et compagne de chambre qui va affoler son cœur. Séparées, se retrouvant après des parcours éprouvants  (mais racontés de manière à la fois hilarante et tragique par Modeste, la narratrice), les deux jeunes femmes vont partir s'installer à la campagne et là, fonder une troupe mi- féline mi- féminine ,car Modeste a découvert dans sa jeunesse le pouvoir  réparateur et libérateur des mots mis en scène.
Placés sous le patronage de Virginie Despentes , Les Évadées est un roman joyeusement féministe, anarchiste qui met à mal le système patriarcal et les bons sentiments. Si le récit manque parfois de fluidité, les diatribes enflammées de Modeste dynamitent avec verve et humour tous les obstacles qui se mettent sur le chemin de nos rebelles.
Modeste brasse les mots, joue avec eux, s'enivre d'énumérations et d'inventions langagières  qui perdent parfois le lecteur en route, mais lui donnent aussi l'occasion de relire et d'apprécier encore plus ces
logorrhées énergiques et libératrices. Un grand coup de cœur !

Grasset 2020 , 248 pages , Collection Le Courage, une collection qui déçoit rarement !

08/02/2020

Au grand lavoir...en poche

Alors j'irai au grand lavoir là-bas, où la mémoire se récure contre le granit rugueux, où la langue se rince au torrent qui mousse comme un savon d'encre, où la fiction fait Javel. Je regarderai l'eau crasseuse s'écouler dans une grande synovie de mots et je laisserai sécher les éclaboussures au soleil de leur consolation. Grande lessive.

Il a assassiné la mère de celle qu'il voit un jour à la télé, par hasard.
L'étudiante d'alors est devenue  une écrivaine qui va venir pour une signature à Nogent-le-Rotrou Rotrou.
L'assassin a changé d'identité, a été réinséré. Il travaille aux espaces verts de cette commune et mène une vie routinière, totalement perturbée par cette nouvelle. Tous les stratagèmes mis en place vont montrer leurs faiblesses même si, paradoxalement, un point commun unit en pointillés ces deux personnages antagonistes: les plantes.sophie daul
Utilisant un montage en parallèle qui alterne les points de vue, Sophie Daul met ici en scène un parcours à la fois imaginaire même si inspiré de sa propre histoire. Elle a en effet découvert le corps de sa mère assassinée. Face à un tel drame comment réagir ? Vengeance ? Pardon ? Dans une mise en scène troublante où se dit aussi un corps figé à l'instar de celui de la mère dans une taille 34, Sophie Daul définit ici une troisième voie.
A dire vrai, je craignais la lecture de ce texte qui aurait pu être lacrymal, usant de grosses ficelles, mais l'autrice est à la fois cérébrale et sensible et j'ai dévoré ce roman d'une traite.

07/02/2020

Personne n'a peur des gens qui sourient...en poche

Qui ne s'est jamais faite belle pour déjeuner avec une amie, ou même pour elle-même, afin de ne pas naufrager ? "

ça commence un peu comme dans le court-métrage de Xavier Legrand avec Léa Drucker "Avant que de tout perdre" : Gloria embarque précipitamment ses enfants (ici deux filles, dont une ado en pleine rébellion) et se réfugie dans sa maison d'enfance en Alsace, près d'un lac.index.jpg
D'emblée, la tension est là. D'emblée, le lecteur échafaude des hypothèses que le récit se chargera de réfuter. De la même manière, le personnage central de Gloria gagnera en épaisseur et en amoralité jubilatoire.
Véronique Ovaldé signe ici un roman dont l'écriture est piquetée de remarques souvent très justes, un roman dense sous une apparence de légèreté, dont l'épilogue est un peu précipité car on serait bien resté encore un peu (beaucoup) en compagnie de Gloria et ses filles.
Un roman qui fait oublier l'échec de ma lecture précédente :Soyez imprudents les enfants, que je n'avais pas réussi à finir.

06/02/2020

Le discours...en poche

Pour ma mère, le monde se divise en trois catégories: ceux qui ont un cancer, ceux qui font construire et ceux qui n'ont pas d'actualité particulière."

"Un type désœuvré, dévasté par le chagrin d'amour et le manque, bloqué dans un repas où tout semble dénué de sens." Quand l'auteur nous propose très gentiment , via son narrateur principal, Adrien, quadragénaire névrosé et torturé, un résumé de la situation pour quoi se gêner ?
Il faut dire qu'on la comprend un peu, Sonia, de vouloir faire une pause: être régulièrement réveillée par un gars persuadé de faire une crise cardiaque, ça fatigue !fabcaro, fabrice caro
Mais bon il est attachant aussi et c'est sans doute pourquoi son futur beau-frère vient de lui demander lors d'un dîner en famille de rédiger Le discours de son prochain mariage.
Belle occasion pour Adrien de se torturer les méninges et de scanner le fonctionnement des relation familiales , où chacun est tenu de jouer sa partition, sans déroger aux règles implicites. A moins que...
Du début à la fin de ce roman, j'ai eu le sourire devant les membres de cette famille, croqués à la fois avec tendresse, pertinence  et loufoquerie. On a vraiment l'impression d'y être et de reconnaître , poussés à l'extrême, jusqu'à l'absurde certains comportements de nos contemporains
A noter qu'on peut aussi glaner plein d'infos, à la fois drôles et surprenantes, histoire de briller dans notre prochain dîner de famille !

 Et zou, sur l'étagère des indispensables !

05/02/2020

#PréférerL'Hiver#NetGalley

"Face à un événement que l'on refuse tellement, on ne peut que prétendre que le meilleur nous a été enlevé. On ne peut pas fustiger les drames tout en admettant que ce qui nous a été arraché était somme toute, plutôt moyen, voire désagréable."

Une mère et sa fille adulte, marquées par les deuils et l'abandon, vivent recluses dans une forêt. L'hiver "qui anesthésie les peines et offre des cieux blancs et lumineux", est ici célébré, tout comme la nature, et les conduira vers une épure qui viendra à bout des violences subies.aurélie jeannin
Un texte qui vous prend par la main, ne vous lâche plus, tant sa langue est poétique et sa manière de dévoiler peu à peu ce qui était tu ,hypnotique.
Du grand art. Un premier roman fascinant.

Harper Collins 2020

 

Cuné m'avait donné envie: clic

 

04/02/2020

#LesFluides#NetGalley

"Le corps de Julie est une armure. Ses capitons des soldats qui repoussent l'assaillant. Est-ce pour créer de la distance entre elle et le reste du monde que Julie a tant grossi en si peu de temps ?
Julie a grossi pour ne pas couler."

En peu de temps Julie a tout perdu: son mari qui n' a pas su comprendre le brutal changement de sa femme, tant psychologique que physique, sa fille, son emploi.CVT_Les-fluides_3785.jpg
Bien qu'angoissée, Julie tente de renouer avec sa fille et de profiter d'un moment d'intimité à la piscine municipale, moment dont les différentes étapes obligatoires scandent le récit.
Très vite, le lecteur devine la nature de ce qui a provoqué le repli sur elle de Julie et souffre avec elle d'une série de micro humiliations qu'elle subit à la piscine, jusqu'à ce qu'un incident vienne changer la donne.
Alice Moine analyse avec finesse la zone grise que peuvent prendre certaines formes de non-consentement non clairement exprimés, le déni masculin, la honte ressentie par la victime et les conséquences désastreuses que cette agression peut entrainer.
Belfond 2020