14/04/2010
Manazuru
"- le récit est censé être limpide et innocent, pourtant, on ne voit pas où il mène. Et dans l'ombre de certains passages, on découvre quelque chose !"
Une femme, dont le mari s'est évanoui brusquement dans la nature il y a plus de dix ans, se rend régulièrement dans la station balnéaire Manazuru. Qu'y cherche-t-elle ? Peut être juste à retrouver un lien possible avec son époux ou alors à prendre un peu de distance avec sa mère et sa fille qui vivent avec elle, juste pour bien prendre la mesure du temps qui passe et n 'épargne aucune génération , aucun sentiment.
Dans ce très joli roman, où la nature est très présente, il est aussi question d'une tribu de trois femmes, d'une mère qui observe, fascinée, la métamorphose de son enfant en adolescente, comme on pourrait observer la métamorphose d'une chenille en papillon. La vie quotidienne coule, et son rythme est parfois brisé par l'irruption du désir féminin qui se vit sans culpabilité.
Beaucoup d'ellipses, de glissements dans ce récit qui désoriente sciemment le lecteur, le fait douter de ce qu'il a lu précédemment, lui propose des visions qui seront bientôt mises en doute
Rien n'est stable en ce monde nous rappelle Hiromi Kawakami avec son style tout à la fois éthéré et charnel. L'écriture elle même ne peut capturer durablement ce qui nous échappe sans cesse. On sort de ce roman étourdi mais profondément charmé.
Manuzuru, KAWAKAMI Hiromi, traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu, Picquier, 2009, 320 pages qui plairont à ceux qui aiment être désorientés.
De la même auteure j'avais beaucoup aimé Les années douces (sorti en poche) (non chroniqué)mais je n'avais pas été sensible à La brocante Nakano (sorti en poche également).
L'avis de Kathel
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : kawakami hiromi, japon, temps qui passe
13/04/2010
Le second roman
Ah, ils n'ont pas l'air de s'ennuyer les primo-écrivains en Allemagne ! Papiers louangeurs, tournée des librairies agrémentées de moult bouteilles de vin...Voilà de quoi perdre la tête !
Mais il faut vite songer à ce fichu cap du fameux Second roman et là les choses vont se corser pour Martin Grue. Sans compter que sa vie familiale ,entre une tante à héritage lunatique et une soeur soudainement enceinte ,est pour le moins agitée...
Réjouissante farce sur les affres de la création et les expériences des écrivains prêts à tout, Second roman possède le juste tempo et le bon nombre de pages pour que le lecteur passe un bon moment et s'esclaffe régulièrement .
Second roman, Markus Orths, traduit de l'allemand par Nicole Casanova, Liana Levi 2010 , 158 pages.
Merci Cuné !
06:01 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : markus orths, allemagne, humour
12/04/2010
Catalène Rocca suivi de L'homme au manteau de pluie
"Pour quelle raison n'est-elle pas une cliente comme les autres ? "
Des lecteurs, connus ou inconnus, l'amour des livres qui embaume le tout, une ambiance qui donne envie de pousser la porte de cette librairie réelle ou imaginaire...En quelques mots, le ton est donné, l'histoire file , fluide et sereine, et se l'on se retrouve charmé mais juste un peu sur sa faim au bout de ces 44 pages.
Vite, Jean-François Delapré donnez-nous en d'autres !
Catalène Rocca suivi de L'homme au manteau de pluie, la table ronde 2010, 44 pages , un très bel objet à glisser dans sa poche comme un grigri. 5 euros.
Merci à Dominique d'avoir signalé ce livre délicieux ainsi qu'à Cécile.
06:05 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : jean-françois delapré, nouvelles à chute, librairie, lecteur
11/04/2010
De l'influence des polars suédois
9h 55: après avoir expédié les courses à toute allure et dans les placards, vous vous présentez à l'accueil de l'ophtalmo.
10 h: la secrétaire, qui a terminé sa conversation avec une patiente que visiblement elle connaît bien, daigne s'intéresser à vous et vous signifie sans ménagement que non, vous n'avez pas rendez-vous aujourd'hui à 10 h. Vous argumentez. Personne ne lâche prise. Elle finit par vous mettre en surnombre. Vous vous en fichez, parée vous êtes : 558 pages d'un polar suédois.
12 h: la secrétaire s'enfuit à toutes jambes, prétextant un rendez-vous (chez son psy ?),devant les yeux éberlués d'un patient à l'accueil.
12h01 : l'ophtalmo et vous constatez de conserve que la peste a sciemment omis de signaler votre arrivée à 10 h à son patron. Il est furax, vous bizarrement très zen. Les effets du polar suédois sont surprenants. Comme vous n'êtes plus à une heure près, l'ophtalmo décide de vous faire non pas un fond d'oeil mais deux. Ne pouvant plus lire, vous avez un peu plus de mal à supporter les premières mesure du lac des cygnes du répondeur qui fonctionne en permanence car la Peste ne décroche jamais le téléphone, elle l'avoue sans aucun scrupule. Au bout d'un heure de ce régime, vous avez juste envie de voir si les cous des cygnes feraient de jolis noeuds mais tout va bien.
13 h: vous sortez et bizarrement la lumière se réfléchissant sur les jolis murs blancs du parking vous fait soudain éprouver un bref élan de sympathie pour les vampires surpris par les rayons du soleil levant. Votre voiture est facile à trouver,il n'ya plus qu'elle.
14h : la tête couverte de papillotes argentées, vous allez pouvoir vous détendre et retrouver figure humaine chez votre coiffeur préféré, votre fidèle polar suédois à vos côtés. Vous vous réjouissez d'avoir retrouvé l'usage de mes deux yeux.
14h 15 : entrée d'une nouvelle cliente dans le salon de coiffure : votre Pire Ennemie. Les jolis papiers argentés empêchent vos cheveux de se hérisser. Vous maudissez le sort in petto et envoiez des SMS de détresse.Vous replongez dans votre polar dont vous estimez le poids.
15 h 30 : vous devez passer au bac à shampooing. Là où croupit justement votre Pire Ennemie, les cheveux dégoulinant d'une substance verte et visqueuse. Vous vous levez, arrachez vos lunettes, adressez un superbe sourire à l'apprentie qui vous attend et vous dirigez, feignant une myopie grave , vers la seule place libre. Evidemment, juste à côté d'Elle. Vous vous ignorez royalement.
17 h: vous arrivez juste à temps pour accueillir Monsieur votre fils qui vous assène sans ménagement : "Pourquoi t'as une coiffure de vieille ? " .
Dernier recours: vous plonger dans votre polar suédois. Son titre ? "Comme dans un rêve".
Ceci est ma contribution au défi de Lou.
06:00 Publié dans Croqué sur le vif | Lien permanent | Commentaires (31) | Tags : texte cent pour cent bio, garanti sans édulcorant ni conservateur
10/04/2010
Une brassée de poches...
Les mois d'avril sont meurtriers* mais Le soir autour des maisons on peut trouver la Gloire voire même L'âme soeur.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (8)
09/04/2010
Tes seins tombent
"Je cherche à mettre un pied en travers la porte de sa tête, m'y introduire, mais je n'ai pas la moindre idée."
Un titre coup de poing, Tes seins tombent, la rude constatation que fait une petite jeune fille de 13 ans à sa Babie, comprendre grand-mère. Comme cette dernière s'appelle Susie Morgenstern, elle ne s'en offusque pas et réagit même avec un humour teinté d'ironie : "Je devrais me réjouir d'avoir été honorée d'une phrase entière, même si c'était pour m'informer de cette funeste catastrophe."
Difficile en effet la cohabitation dans cette petite chambre que partagent les deux femmes , chacune à une étape différente de leur vie. Et dans ce monologue tour à tour vachard et tendre l'auteure, qui ne s'épargne pas au demeurant , nous fait partager un moment de sa vie avec une franchise désarmante et une bonne humeur communicative. Elle a la pêche Susie ! Et elle drague sur internet , dévore un roman policier par jour même si elle a tout oublié le lendemain ,car ce livre témoigne d'une formidable envie de vivre malgré l' "anatomie défaillante" de l'auteure. Un petit livre par la taille : 84 pages qui filent à toute allure mais 84 pages gorgées de soleil et d'amour !
Si vous avez ,comme moi, aimé Terminale, tout le monde descend, venez vite prendre des nouvelles de Susie Morgenstern !
Tes seins tombent, Susie Morgenstern, Actes Sud junior, 2010. (Collection d'une seule voix) Un pont entre les générations.
Un grand merci à Gawou qui avait signalé cette parution ici !
06:03 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : susie morgenstern, grand-mère petite-fille, bon sang quels tordus vont encore débarquer ici
08/04/2010
La passerelle
"Il fallait bien vivre, ne serait-ce que par politesse."
Fraîchement débarquée de sa campagne du Midwest, la toute jeune Tassie ( vingt ans) découvre avec avidité la ville, l'université et ce qu'elle croit être l'amour. Comme job d'appoint, elle devient baby-sitter pour un couple de ce que nous Français appellerions des bourgeois bohèmes qui vont adopter une enfant métisse, Mary- Emma.
La situation paraît idyllique mais rapidement la belle image va se craqueler. D'abord parce que Tassie va découvrir le racisme larvé dans cette petite ville de Troie qui se dit progressiste. Ensuite parce que le couple cache un secret qui va bientôt refaire surface.
En contrepoint de ces désillusions progressives, Tassie doit aussi composer avec une famille aimante et néanmoins atypique. De toutes façons quelle famille conviendrait à celle qui se tient au bord de l'âge adulte ? L'insouciance de Tassie qui admire sa patronne et enregistre avec passion tout ce qui lui paraît d'une sophistication extrême va bientôt céder la place à une dépression qui ne dira pas vraiment son nom.
De pétillant et plein d'esprit, le récit glisse dans un registre plus poignant, sans tomber dans le pathos, et le désenchantement de la jeune fille va bientôt prendre une portée plus grande encore et rejoindre une désillusion nationale. Le 11 septembre mais surtout l'Afghanistan ont laissé leurs séquelles empoisonnées...
C'est avec bonheur que j'ai retrouvé dix ans après sa dernière parution en français, le style imagé et vif de Lorrie Moore. Elle embarque son lecteur, l'étourdit un peu mais c'est pour mieux le cueillir d'un direct au plexus quand il ne s'y attend vraiment pas par une scène qui broiera le coeur de toute mère. Des retrouvailles réussies,le nombre de pages cornées peut en témoigner.
La passerelle, Lorrie Moore, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laetitia Devaux, Editions de l'Olivier 2010 , 361 pages à lire par les mères et les filles.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : lorrie moore, roman d'apprentissage
07/04/2010
Le troisième acte
"J'avoue que ça n'était pas la chose la plus facile que j'avais dû imaginer dans ma vie."
En voyage d'affaires à Hiroshima, un Nord-Irlandais de Belfast s'apprête à retourner chez lui. Un rendez-vous annulé à la dernière minute et le voilà disposant d'une poignée d'heures. Une parenthèse qu'il occupera en se perdant dans le labyrinthe des grands magasins, en visitant une nouvelle fois le musée de la bombe , voire même en assistant à la conférence d'un compatriote, écrivain en perte de vitesse.
Cette journée, structurée par les différents repas, culminera dans un Troisième acte qui éclairera d'un jour nouveau les indices disséminés tout le long du texte et les réorganisera de manière vertigineuse.
Culpabilité, violence, désir de se perdre, tels sont les thèmes abordés dans ce roman qui dès les premières pages nous fait entrer dans un univers la fois décalé et poétique. Humour et tension se succèdent , dosés avec maestria par un auteur qui surprend sans cesse son lecteur.
Grand merci à Cuné pour cette découverte magistrale !
Le troisième acte, Glenn Patterson, traduit de l'anglais (Irlande du Nord) par Céline Schwaller, 221 pages quasi hypnotiques.
06:04 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : glenn patterson, lost in japan
06/04/2010
Départs anticipés
"En ce qui me concerne, je préférerais bouffer des chenilles sur un trottoir brûlant."
Proposer une loi demandant aux personnes âgées de prendre leurs Départs anticipés ou plutôt d'effectuer leur transitionnement volontaire-comprendre leur suicide assisté- afin de ne plus creuser le déficit de la sécu et de ne pas léguer de dettes aux générations montantes, voilà qui s'appelle un coup de tonnerre dans le monde politique états-unien !
Tel est pourtant l'objectif de Cassandra Devine, conseillère en communication et blogeuse énervée à ses heures, bientôt relayée par un politique ambitieux et sans scrupules.
Tout le monde en prend pour son grade dans cette comédie à cent à l'heure qui fustige autant le monde politique que celui des affaires et place ses personnages dans des situations à la fois improbables et réjouissantes. Parfois le trait est vraiment outré mais on s'en fiche un peu (beaucoup) car le politiquement incorrect est tellement plus drôle ! On aimerait parfois que certaines scènes se déroulent "pour de vrai" , afin de casser le ronron lénifiant qui dissimule la violence et la corruption de notre monde. Un très bon moment de lecture.
Départs anticipés, Christopher Buckley, points seuil, 478 pages toniques.
Merci Cuné !
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : christopher buckley, politique, communication
04/04/2010
Les écureuils de central park sont tristes le lundi
"Souvent la vie s'amuse."
"Elle voulait tout savoir. jusqu'au moindre détail. Elle avait retenu la leçon de Cary Grant : "Il faut au moins cinq cents petits détails pour faire une bonne impression" et elle voulait des centaines de détails pour que son histoire s'anime, que ses personnages soient vivants. qu'on ait le sensation de les voir bouger devant soi. elle savait que pour une histoire tienne debout, il fallait la remplir de détails." Et Katherine Pancol applique ce principe et nourrit de détails savoureux les 846 pages de Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi.
Alors, même si j'ai parfois avancé cahin-caha dans ce gros pavé, renâclant devant certaine facilités d'écriture ou de récit, même si j'ai parfois trouvé trop sucré le style chantourné de l'auteure, même si j'ai freiné des quatre fers devant une vison par trop rose de l'existence, bimbamboum et en un rien de temps les obstacles s'évanouissent, j'ai renoué avec les personnages des Crocodiles et des Tortues comme avec de vieux amis perdus de vue que l'on retrouve avec plaisir et avec qui on poursuit la conversation comme si on les avait quittés la veille. Car Katherine Pancol possède le rare talent de les rendre vivants ces personnages: Joséphine la trop gentille, Hortense la trop sûre d'elle , elles et tous les autres ,y compris ceux qui ne font que passer mais qui ne sont jamais traités à la légère. On sent que l'auteure les aime tous et leur prête la même attention chaleureuse. Un gros cupcake un peu trop sucré mais qui s'avale sans qu'on s'en rende compte !
Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, Albin Michel, 2010, 846 pages que j'ai trimballées partout pendant ma lecture addictive .
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (30) | Tags : katherine pancol