18/08/2011
J'ai déserté le pays de l'enfance
"Marrez-vous, carnassiez !"
Parce qu'elle défend les intérêts d'une société informatique alors que son éthique voudrait qu'elle soit plutôt du côté de l'employé qui va se faire entuber, la narratrice s'offre une magnifique crise d'angoisse et un petit séjour dans un centre psychiatrique.
Un pied dans son enfance -paradis-perdu à Djibouti, un pied dans le monde des adultes où elle sur la refuse de sacrifier ses idéaux, la voici réduite à faire le grand écart,ce qui n'est guère confortable, vous l'admettrez.. .Son séjour dans un centre où elle est la seule à ne pas prendre de médicaments lui ouvrira-t-il les yeux ?
Si l'évocation de l'enfance et les tergiversations morales de l'avocate ne m'ont pas totalement convaincue, trop convenues à mon goût, l'évocation des malades mentaux et de la vie dans ce centre psychiatrique en plein coeur de Paris m'a totalement enthousiasmée. à la limite, j'aurais même préféré que la narratrice y séhjourne un peu plus longtemps pour apprécier encore plu cette galerie de portraits sensibles et pleins d'humanité. Une réussite en demi-teinte donc.
J'ai déserté le pays de l'enfance, Sigolène Vinson, Plon 2011, 190 pages où j'aurais bien aimé que la mère ne parle pas sans cesse EN MAJUSCULES ! Même si je vois très bien ce que l'auteure veut dire.
06:00 Publié dans rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (8)
17/08/2011
L'enfant du jeudi
"Comme on dit, l'ignorance, c'est le bonheur. Dehors, ma fille, c'est là qu'est ta place."
Selon une comptine anglaise"L'enfant du jeudi voyagera loin."Obéissant à cette prédiction Tin, le plus jeune enfant de la famille Flute ,choisit très vite de partir en exploration. C'est sous terre qu'il se creusera son propre royaume, s'éloignant de plus en plus des siens, mais maintenant toujours un lien avec sa soeur, Harper, la narratrice du roman.
Nous sommes en Australie, au moment de la Grande Dépression et le père de la famille Flute va apprendre à ses dépens, mais aussi à ceux de sa femme et de ses enfants ,qu'on ne s'improvise ni fermier ni éleveur...
Au début Harper m'a un peu fait penser à Fifi Brindacier par son caractère enjoué et débrouillard mais très vite le récit prend une orientation beaucoup plus dramatique et la tonalité devient de plus en plus pesante. La Nature se révèle féroce et les mauvaises décisions du père , trompé un peu comme la mère dans Un barrage contre le Pacifique, vont entraver de plus en plus le destin de ses enfants. Mais Harper relève toujours la tête ...
Le style de Sonya Hartnett est ample et vigoureux. Très visuel, il rend prégnant cette atmosphère lourde et ,même si on est oppressé de bout en bout, on ne peut que poursuivre ce roman puissant et fascinant.
L'enfant du jeudi, Sonya Hartnertt, traduit de l'anglais (Australie) par Valérie le Plouhinec. les grandes personnes 2011, 221 pages chthoniennes.
06:00 Publié dans Jeunesse, rentrée 2011 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sonya hartnett, australie
16/08/2011
Des bleus à l'âme
"On les trouvait bizarres, exotiques, car ils étaient fort bien faits , l'un et l'autre. Eux se trouvaient simplement décents."
Sébastien, Eléonore ont toujours profité de leur beauté, de leur élégance naturelle pour vivre sans travailler, tout en gravitant dans le monde de la richesse. On ne saurait les qualifier de parasites tant leur attitude paraît naturelle et leurs "victimes" consentantes.
Mais la quarantaine approche et les cigales ont peut être du souci à se faire.
C'est à un work in progress que nous convie ici Françoise Sagan, alternant chapitre du roman et réflexions sur la vie et l'écriture. On se demande comment l'auteur parviendra à se tirer d'affaire (tout comme les personnages d'ailleurs) mais la pirouette finale fera d'une pierre deux coups. Un texte d'une élégance folle et d'une superficialité toute apparente.
Des bleus à l'âme , Françoise Sagan, Livre de poche, 179 pages prétendument nonchalantes, .
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : françoise sagan
15/08/2011
Les forçats de la route
Quand le Tour de France passe près de chez moi, je peste et ne me dérange d'ailleurs même pas pour voir les cyclistes du Paris-Roubaix peiner dans la Tranchée d'Arenberg , à un jet de pierre elle aussi.
Il aura donc fallu toute la force de persuasion de Nadine Morano, ma ministre de tutelle, pour que je me procure ce classique dont le titre est par ailleurs devenu un cliché, signe indéniable de talent.
Hé bien merci Nadine , ou plutôt merci Albert car ce Tour de France 1924 est tout sauf ennuyeux !
Ici pas de robot à la Lance A., moulinant des kilomètres avec une régularité inquiétante, non des hommes qui partent dans la nuit (?!) après une bonne bouffe, réparent eux-mêmes leurs pneus qui ne cessent de crever vu le matériel et l'état des routes, des hommes que Londres a su saisir dans leur naturel et leur humanité.
Ce qui n'a pas changé ? Les spectateurs qui envahissent les routes, encouragent avec ferveur les cyclistes, le dopage dont ces derniers parlent avec une franchise désarmante. Une épopée bien loin des tours aseptisés et un tantinet ennuyeux, vivifiée par la style imagé d'Albert Londres.
Les forçats de la route, Albert Londres, Arléa Poche.1996 et 2008. 62 pages vivifiantes.
06:01 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : albert londres, tour de france 1924
14/08/2011
Son corps extrême
"Et tout le monde chante le silence des os dont on avait oublié le miracle."
De l'accident nous ne saurons rien ou presque. Et déjà cette manière d'entamer le récit en faisant fi de tout sensationnalisme , en abordant apparemment de biais ce qui n'est en fait "que" l'élément déclencheur m'a paru originale et de bon augure.
La victime (peut être consentante) ? Alice, une femme aux abords de la cinquantaine qui va devoir se réapproprier un corps détruit. Une expérience de douleur et de reconstruction que nous suivrons au plus près, à l'intérieur même du corps souvent et l'écriture de régine Detambel donne ici sa toute puissance , charriant les images, associant les muscles et les mots de la poésie : "Et puis dire des poèmes , car dire un poème c'est marcher en chantant. Les poètes ont toujours quelque chose de rythmique à chuchoter, si bien que, même si on ne marche pas encore, on entend au moins des pas intérieurs qui se meuvent en silence."
Mais c'est aussi au coeur de l'hôpital et de ses soignants que se vit cette expérience, "L'hôpital [qui] démontre sa remarquable faculté à réveiller d'anciennes émotions qui n'étaient oubliées qu'en surface." car c'est bien d'émotions qu'il s'agit, d'émotions et de douleurs vécues dans la fraternité, voire dans ce qui n'est pas de l'amour mais s'en approche de très près. Un texte formidable, à lire et relire pour mieux le laisser décanter et s'en imprégner.
Son corps extrême, régine Detambel, Actes Sud 2011, 147 pages dont beaucoup ont été cornées et recornées.
L'auteure lit un extrait du début de son roman ici.
06:00 Publié dans rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : régine detambel
13/08/2011
Que diable allait-elle faire dans cette galère...2/?
Flic, Floc, les bottes blanches de la poissonnière ponctuent chacun de ses pas. Son tablier blanc n'augure rien de bon. Son sourire sanguinolent non plus...
Douche pénétrante annonce le panneau.
Amis obsédés, passez votre chemin. Amis maso, prenez place. A plat- ventre sur une table, le menton coincé sur un boudin de mousse, les bras le long du corps, vous voici exposé aux jets d'eau chaude d'une série de douches placées au dessus-de vous. ça trépigne, ça marteau-pique, ça masse en profondeur, ça fait du bien c'est indéniable.
Mais le lendemain matin, vous avez juste l'impression qu'un tracteur (même pas conduit par le beau gosse de L'amour est dans le pré") vous est passé sur le corps et vos douleurs (oubliées, les coquines !) se rappellent à votre mauvais souvenir...Tiens j'avais des muscles là ?
C'est normal. Tout va bien et en arrivant juste un peu plus tôt vous trouvez même le temps de lire un peu...
06:00 Publié dans Bric à Brac, Feuilleton de l'été | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cure et thalasso, faut pas confondre!
12/08/2011
Le syndrome E
Avec Le syndrome E Franck Thilliez réunit ses deux plus célèbres personnages: Lucie Hennebelle, lieutenant de police à Lille et Sharko (ne pas confondre, please), un cabossé, genre baroudeur comme on les adore mais schizophrène à ses heures (on y réfléchit à deux fois là, non ?).
Deux personnages hantés par la noirceur et qui ne pouvaient que s'accorder pour démêler les fils de cette intrigue mettant aux prises un film malsain rendant aveugle, des cadavres aux crânes sciés façon oeuf coque et qui va les balader des années cinquante à nos jours du Caire au Canada.
Waouh, il y a longtemps qu'un livre n'avait eu sur moi un effet physique aussi puissant ! à croire que Thilliez aurait utilisé un procédé identique à celui du film évoqué pour provoquer ce sentiment de malaise prégnant mais jamais gratuit.
En effet, l'auteur se penche ici sur les origines de la violence de masse et ce qu'il en dit écrit est tout à fait troublant. Un roman efficace, premier volume d'un diptyque. Le deuxième est déjà sorti, il n'y a plus qu'à le dénicher à la médiathèque...d'autant que le syndrome E se clot par un suspense insoutenable...
Emprunté à la médiathèque. Fleuve noir 2010, 429 pages scotchantes.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : franck thilliez, origine de la violence de masse
11/08/2011
Dernier inventaire avant liquidation
Mi- bateleur, mi- dépoussiérant, Frédéric Beigbeder présente, à tour de rôle et dans l'ordre décroissant, les 50 oeuvres écrites choisies par les lecteurs du Monde en 1999.
Souvent drôle et rafraîchissant, le présentateur se débarrasse de tout formalisme et de toute révérence. Certains en prennent gentiment pour leur grade et Beigbeder ne se prive pas de souligner par exemple que si certains classiques figurent dans le classement, c'est plus par leur adaptation cinématographique que par leur lecture véritable...
Offert pour l'achat de deux folio cet été. Un livre qui donne envie de (re) lire plein de romans.
En couverture un dessin d'Antonin Louchard tirée de Tout un monde.
06:00 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : frédéric beigbeider
10/08/2011
Les neuf dragons
"S'il ne la revoyait plus, il ne pourrait plus y avoir de rédemption."
Meurtre dans le quartier chinois; Harry Bosch soupçonne vite des acitvités de racket des Triades chinois. la routine, quoi. Mais le récit va s'emballer quand Bosch découvre que sa fille, Madeline, vient d'être enlevée à Hong-Kong, où elle réside avec sa mère.
Commence alors une journée de 39 heures qui verra Bosch aux prises avec les Triades dans une course haletante et sans temps morts.
Connelly choisit clairement (voir le texte en postface) de creuser la faille que représente sa fille pour Harry Bosch et il redonne ainsi du souffle à une série qui en manquait cruellement. J'ai néanmoins eu l'impression à plusieurs reprises que ce roman avait été écrit en prévision d'une adaptation cinématographique et ce côté un tantinet formaté a un peu gâché mon plaisir.
404 pages à lire d'une traite pour éviter tout manque ou risquer la nuit blanche. à attendre tranquillement en poche ...
Les neuf dragons, Michael Connelly, traduit comme d'ha' par Robert Pépin, Seuil 2011.
Merci àCath et Laurent pour le prêt !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : michael connelly
09/08/2011
LAM (ne confondez pas avec une chanteuse, please...)
Le Musée d' Art Moderne de Lille (dans le parc du héron à Villeneuve d'Ascq), c'est d 'abord un mobile de Calder, une cabane poétique et des scupltures que l'on peut s'approprier , en les touchant , en tournant autour d'elle sur les pelouses (pas de gardiens un peu paranos comme à l'intérieur). Et c'est gratuit.
Ce sont ensuite, à l'intérieur, trois espaces consacrés l'un à l'art moderne (Fernand, Léger, Picasso, Modigliani, Kees van Dongen, entre autres), à l'art contemporain, (Annette Messager, Daniel Buren) mais aussi et surtout un ensemble unique d'Art Brut où j'ai déniché pour commencer un tableau (et un seul mais bon...) de Séraphine Louis ! * (pas de photos, sorry !), des oeuvres d'Aloïse Corbaz**, dont Le Cloisonné de Théâtre , de 14 mètres de long, dont une machinerie permet de révéler tous les quatre mois une section de trois mètres.
Il se dégage de ces oeuvres fragiles (accrochage renouvelé tous les quatre mois afin de les préserver ) une impression très forte, tant les supports sont variés, et les codes bafoués.Poupées de terre et de papier, "billets de banque" crayonnés à l'infini sur des morceaux de papier hygiénique et passés sous une table spéciale pour devenir de "vrais" billets, morceaux de tissus accumulés (pour se préserver du monde ? ), dessins minuscules (une loupe est dispo) créant des univers riches, disent les souffrances et les joies de ces personnes "indemnes de culture artistique". des émotions jetées à la figure, en vrac.
Une visite enthousiasmante , d'autant qu'un petit tour à la boutique m'a permis de dénicher les Lettres de l'asile de Mauricette Beaussart, Mauricette , oui l'héroïne du roman de Lucien Suel qui nous présente ici ce texte où une parole tourmentée se donne à lire.
Un parcours que nous allons refaire sans aucun doute car , bien des oeuvres nous ont échappé... Gratuit le premier dimanche du mois.
Pour toutes les infos pratiques c'est ici.
Visite virtuelle ici.
*Voir le film de Martin Provost, avec Yolande Moreau !
**Voir aussi le film que Liliane de Kermadec lui a consacré en 1975( avec Dephine Seyrig), qui m'avait permis de découvrir l'existence de cette artiste. Il m'en aura fallu du temps pour découvrir son oeuvre!:)
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : lam, art brut, mauricette beaussart, aloyse corbaz