14/01/2015
Il pleuvait des oiseaux... en poche
"Ils s'amusaient d'être devenus si vieux, oubliés de tous, libres d'eux-mêmes. Ils avaient le sentiment d'avoir brouillé les pistes derrière eux."
Enquêtant sur un survivant mythique des grands feux ayant ravagé la région québécoise du Téminscamingue, une photographe découvre, au milieu des bois, une petite communauté de vieux briscards. Ils ont laissé leur vie derrière eux et s'en sont offert une deuxième, au cœur de la nature.
Mais la vie de ces ermites , bravaches et frondeurs, va être bouleversée le jour où une très fragile vieille dame va venir se réfugier dans les bois...
Quelle délicatesse dans l'écriture et dans la manière dont cette histoire est racontée ! Quelle sensibilité aussi ! Il y a quelque chose de régénérant dans ce roman qui nous présente des personnages qui, vaille que vaille ont su, malgré les extrêmes difficultés qu'ils ont connues, s'arranger de la vie et tout voir avec une extrême acuité. Ni pathos, ni angélisme dans ce roman où la mort fait bien évidemment partie du parcours. L'écriture, extrêmement visuelle , nous rend présents le paysage et la fureur de ces incendies apocalyptiques dont je n’avais jamais entendu parler . Une découverte difficilement oubliable et un vrai coup de cœur ! ....,
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : jocelyne saucier
13/01/2015
Quand tout est déjà arrivé
"Nous vivons à ras de terre, à hauteur d'homme, et pourtant -et par conséquent-nous aspirons à nous élever . Créatures terrestres, nous pouvons parfois nous hisser jusqu'aux dieux. Certains s'élèvent au moyen de l'art; d'autres de la religion; la plupart, de l'amour. Mais lorsqu'on s'envole, on peut aussi s'écraser. Il y a peu d'atterrissages en douceur. On peut rebondir sur le sol assez violemment pour se casser une jambe, entraîné vers quelque voie ferrée étrangère. Chaque histoire d'amour est une histoire de chagrin potentielle. Sinon, sur le moment, alors plus tard. Sinon pour l'un, alors pour l'autre. parfois pour les deux."
Quel est le rapport entre Nadar et ses photographies aérostatiques, objet du premier récit, les amours de Sarah Bernhardt ,thème du deuxième et enfin, dans le dernier, la femme décédée de Julian Barnes ?
Chacun de ces textes nous place à une hauteur différente, montre la volonté de l'homme de s'élever et la chute inéluctable.
Si les deux premiers textes sont à la fois cultivés, vivants ,pleins d'humour et d 'humanité, le dernier est bien évidemment beaucoup plus touchant. Écrit a postériori et non "à chaud", ce texte analyse avec une franchise bien anglaise les réactions des proches face à la mort d'un être cher.
Quand tout est déjà arrivé a fait partie de ma liste de souhaits, suite au billet tentateur de Cuné, en est sorti lors d'un désherbage et finalement, sa sortie en poche (et son petit format (148 pages) )ont fait qu'il a sauté dans ma main. Et je l'ai dévoré et constellé de marque-pages ! Un texte intelligent, bien écrit et touchant, que demander de plus ?
Il m'a même donné envie de découvrir plus avant la vie de Sarah Bernhardt !
L'avis de Clara !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Récit | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : julian barnes
12/01/2015
Au bonheur des ogres/Philomena
Pas vraiment envie de regarder l'adaptation du roman tant aimé de Daniel Pennac, Au Bonheur des ogres, mais bon, envie de me délester un peu de cette sidération qui nous a tous cueillis...
1985, (déjà ! ) date de parution du premier volume de l'épopée de la famille Malaussène, tendre, gaie et haute en couleurs, mais avec aussi un peu de noirceur dans le roman car dans ce grand magasin parisien a régné autrefois un ogre qui "dévorait" les enfants, ce que j'avais plutôt occulté.
Si j'ai aimé la représentation de la famille Malaussène (mention particulière au chien, Julius), si je n'ai rien à reprocher aux acteurs, il n'en reste pas moins que restituer en une heure trente la densité du récit et l'humour de Pennac était un pari perdu d'avance pour ceux qui, comme moi, ont lu le roman. Le film reste à la surface du texte et son côté "conte de fées" dans le visuel m'a plutôt gênée aux entournures. Il n'en reste pas mois que les hommes de la maison qui n’avaient pas lu le roman n'ont pas boudé leur plaisir.
Dans un tout autre genre, Philomena, de Stephen Frears, là aussi adapté d'un document (non lu mais qui semble moins réussi que le film, d'après quelques avis).
Si je vous dis que ce film, basé sur des faits réels, raconte l'histoire d'un duo improbable parti à la recherche d'un fils arraché à sa mère quarante sept ans ans plus tôt, vous allez soit fuir, soit sortir votre boîte de mouchoirs et vous aurez tort dans les deux cas.
Frears évoque ici, avec subtilité , émotion, humour et un grand sens du récit,un scandale ayant bouleversé l’Irlande: celui de ces filles-mères (de nos jours ont dit mères célibataires) enfermées dans des couvents dans les années cinquante et dont les enfants, s'ils survivaient aux accouchements sans aide médicale digne de ce nom, étaient adoptés, moyennant finance ,par des américains.
Philomena est une de ces mères et, au cinquantième anniversaire de ce fils qui lui a été arraché alors qu'il avait trois ans, elle révèle son secret. Elle sera aidée dans sa quête par un journaliste désabusé, déprimé et plutôt cynique. Si lui possède une intelligence aigüe, une culture pointue, Philomena qui lui apparaît plutôt fruste, va se révéler pleine de surprises et va surtout lui montrer l'importance de l'intelligence du cœur. Des personnages très nuancés, magnifiquement interprétés par Judi Dench et Steve Coogan. Pas de bons sentiments mais toute une gamme d'émotions qui rendent ce film indispensable à voir !
06:00 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (7)
10/01/2015
Moment d'un couple...en poche
Dire je t'aime, pense Juliette, c'est s'inscrire dans la durée, pas comme dire j'ai envie de toi ou je suis bien avec toi."
Moment d'un couple est un roman troublant à plus d'un titre. D'abord par son thème: un homme trompe sa femme et la maîtresse, une femme politique en vue, commence à les harceler, lui et son épouse. Le tout est envisagé du point de vue de l'épouse trompée qui bien évidemment souffre, croit frôler la folie mais garde néanmoins la tête froide et se bat , pied à pied pour garder son homme. Elle analyse, se découvre stratège et surtout prête à défendre ses enfants comme une tigresse.
Dérangeant ensuite, parce qu'évidemment on se dit que c'est une histoire inspirée de faits réels et qu'enfin la mine d'infos qu'est internet nous permet même de mettre un nom -connu- sur la maîtresse en question qui, de surcroît avait publié un roman présentant son point de vue sept ans auparavant. Ce dernier aspect a quelques peu parasité ma lecture mains, néanmoins, je n'ai pas lâché ce roman qui fouaille, appuie là où ça fait mal et présente une vison sans concessions du couple. à quand le roman du mari ?!
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : nelly alard
09/01/2015
La nostalgie heureuse ...en poche
"Je suis une aspirine effervescente qui se dissout dans Tokyo."
Chaque rentrée littéraire nous apporte un nouvel opus de notre Belge préférée: Amélie Nothomb. S'en suit une avalanche de reportages, critiques, billets, interventions de la dame dans des émissions les plus improbables et la sensation pour le lecteur, même aficionado, de ne pouvoir échapper à la folie Amélie Nothomb.
J'ai donc laissé reposer un peu tout cela avant de dévorer d'une traite La nostalgie heureuse. Je n'aime jamais autant cette auteure que quand elle se raconte sans fard, avec une lucidité qui force l'admiration et un humour toujours présent. J'avais vu le reportage sur France 5, qui avait entrainé son retour au Japon, son pays de prédilection, et j'ai découvert ici ce qui se cachait derrière les images: la rencontre avec l'ancien fiancé, Rinri et le maelström de sentiments que ce voyage a occasionné. Une plongée dans l'intimité de ce personnage hors du commun qu'est Amélie Nothomb.
J'aime quand elle va au cinéma avec son bonzaï moribond, Swfit , et que la projection d'Hugo Cabret ressuscite la plante : "Martin Scorcese l'a libéré de son envoûtement de petitesse." ou quand les Carabosses tokyoïtes se moquent d'elles : "Les mémés se régalent de ma déconfiture. Elles calculent qu'à mon âge, j'en ai encore pour une trentaine d'années à être polie.Après, je pourrais péter les plombs comme elles."Voilà une auteure qui assume tous les aspects de sa riche personnalité ! Un coup de cœur !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : amelie nothomb
08/01/2015
Le chardonneret ...en poche
"Et le tableau au-dessus de sa tête était le centre immobile autour duquel tout s'articulait: rêves et signes, passé et futur, chance et destinée. Il n'y avait pas une seule signification , mais plusieurs. Il s'agissait d'une énigme en constante expansion."
Brutalement devenu orphelin, dans des circonstances pour le moins extraordinaires,le jeune Theo va voir sa destinée liée à celle d'un tableau, Le chardonneret.
Ne comptez pas sur moi pour vous donner davantage de détails sur ce roman (moins vous en saurez, plus vous apprécierez les surprises qu'il vous réserve ! !). Sachez juste qu'il mixe en un somptueux mélange des thèmes aussi divers que la destinée, l'attachement aux œuvres d'art, l'amour, la culpabilité, le syndrome post-traumatique et emporte son lecteur dans un incessant rythme de montagnes russes , alternant l'ombre des appartements cossus new-yorkais et la lumière crue de Vegas, entre autres.
Donna Tart ,dans ces 787 pages, fait souvent osciller son héros entre rêve et réalité et gomme les frontières entre les genres littéraires, empruntant autant au roman d'apprentissage qu'au roman policier, avec des personnages toujours surprenants. On s'attache à eux, malgré ou plutôt grâce à leurs défauts, et on n'oubliera pas de sitôt Hobie ou Mme Barbour.
Donna Tart est une conteuse hors pair et son style l'est tout autant.On ne s'ennuie pas une minute dans ce roman aux tonalités très tranchées.
Notons au passage la couverture (très astucieuse) et la 4 ème de couv' (qui en dit juste ce qu'il faut pour donner envie !). Et zou, sur l'étagère des indispensables ! L'année commence bien !
Félicitations à la traductrice, Edith Sonnckindt, qui a su se glisser dans une telle variété d'univers !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6)
05/01/2015
C'est dimanche et je n'y suis pour rien
"Le mort est le compagnon idéal, jamais jaloux, hargneux, mal luné, le mort ne vous décevra jamais. Il vous laissera lui tailler son costume de héros."
Léonore, la quarantaine venue, entreprend un voyage au Portugal , pays de son amour de jeunesse, tragiquement disparu.
Elle n'a rien construit, a abandonné ses rêves de peinture et semble caparaçonnée dans la culpabilité d'un passé douloureux.
Ce voyage, suivi au jour le jour, lui permettra-t-il de prendre son envol et de faire la paix avec elle -même ?
Dans un style à la fois enjoué et sensible, Carole Fives entrelace passé et présent, faisant revivre avec acuité les sentiments exacerbés de la jeunesse. Nous suivons pas à pas son héroïne, comprenons ses réticences, ses peurs et découvrons aussi tout un pan trop mal connu de notre histoire: celle des Portugais venus s'installer en France.
Un roman qui fait battre le cœur mais ne sombre jamais dans le pathos. Une réussite qui confirme tout le bien que j'avais déjà écrit sur les différentes œuvres de Carole Fives !
C'est dimanche et je n'y suis pour rien, Carole Fives, l'arbalète , Gallimard 2015.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : carole fives
03/01/2015
Je suis un dragon
"Elle désirait les super pouvoirs qu'il y a à être simplement humain. Ces forces qui viennent de la créativité , et non de la facilité. Elle désirait être à égalité avec les autres. Pas leur sauveur. Pas leur héros. Mais leur sœur. Et c'était une ambition difficile."
Margot, orpheline discrète par précaution et timide de caractère, découvre accidentellement sa vraie nature à l'adolescence: elle est un dragon. Invincible, pouvant voler, ses pouvoirs attirent immédiatement l'attention de deux grandes puissances, la France et les États-Unis.
Devenue une arme de destruction au service de ces États et une icône pour les populations, Margot n'en demeure pas moins une femme en devenir, avec ses faiblesses et ses interrogations.
Roman sur la différence, Je suis un dragon est un roman à la fois violent et tendre dont l'héroïne est un mélange de Fifi Brindacier et de Fantômette . Mais à ces féministes en herbe, Martin Page a injecté une bonne dose de modernité et d'efficacité. Nous ne sommes en effet pas dans un monde édulcoré mais dans un univers d'une extrême brutalité (certaines scènes sont à la limite du soutenable) . La notion de pardon semble en outre totalement étrangère à Margot, dont la radicalité est liée à l’intransigeance de l'adolescence.
Roman palpitant, Je suis un dragon ne ménage pas son lecteur mais sait aussi faire la part belle à de très jolis moments d'émotion, ce qui ne gâche rien. Réflexion sur l’anormalité, la monstruosité qui loge en chacun de nous, ce texte use des codes de l’univers des super héros pour mieux les dynamiter et affirmer sa foi en l'humanité (cf citation supra). Un texte hautement addictif, vous voilà prévenus !
Je suis un dragon, Martin page 5pit Agarmen), Robert Laffont 2015 , 278 pages constellées de marque-pages !
Merci à l'auteur pour l'envoi et la dédicace !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : martin page, pit agarmen
02/01/2015
La guerre d'hiver
"Katriina considérait le mariage comme une forme de tyrannie réciproque, comme vivre dans un État totalitaire hautement fonctionnel . Les possibilités de choix étaient peu nombreuses , mais tant qu'on restait dans son coin sans remettre le système en question, ça marchait."
La guerre d'hiver,historiquement, a opposé la Finlande à L’URSS de novembre 1939 à mars 1940. Ici, il s'agit de la "série d'erreurs" annoncée par la première phrase du roman qui aboutira , on le sait d'emblée, au divorce de Katriina et de Max, couple en apparence idéal. Lui est un sociologue qui a eu son heure de gloire dans les années 90. Elle est DRH dans un hôpital. leurs deux filles ont quitté le nid familial et vivent leurs vies , de manière bien différentes.
Alternant les points de vue, Philip Teir , par son observation subtile et acérée des relations humaines, brosse un portrait tout en nuances de ses personnages, tout en les reliant à la réalité sociale non seulement de la Finlande , mais mondiale , s'intéressant aussi au mouvement des indignés de Londres.
Une manière originale et prenante de relater ce qui aurait pu être d'une banalité confondante : l'échec annoncé d'un couple aux alentours de la soixantaine. Un bon roman,dévoré d'une traite.
La guerre d'hiver, Philip Teir, traduit du suédois (Finlande) par Rémi Cassaigne, Albin Michel 2015.376 pages subtiles et prenantes.
06:03 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : philip teir
01/01/2015
Au Japon, ceux qui s'aiment ne disent pas je t'aime
Pour bien commencer l'année...
"Première fois
Au Japon, les choses que l'on fait pour la première fois de l'année, en janvier ont un nom. le premier rêve, la première visite au temple. la première flèche, le premier chant de nô, la première gorgée de saké après avoir suçoté une algue salée konbu, le premier signe que l'on calligraphie."
Sous le nom d'Elena Janvier se cachent trois jeunes Françaises ayant vécu au Japon. Sous forme d'abécédaire, elles ont collecté , avec délicatesse et humour, les idiosyncrasies japonaises et les ont confronté à nos habitudes françaises.
C'est à la fois léger, (le dentifrice au melon) incongru (les stations services avec pistolets tombant du ciel) et très révélateur d'un mode de vie si différent du notre. Dévoré d'une traite car écrit de manière élégante et fluide.
De quoi satisfaire ma curiosité et confirmer ce que j'avais deviné intuitivement dans le si joli film Tel père, tel fils * (qui vient de sortir en DVD), en particulier concernant le bain que l'on "prend pour passer un moment privilégié avec les enfantas (parents et grands-parents se baignent avec les plus petits).
* qui se dit en japonais: les petits des grenouilles sont des grenouilles.
Le point de départ du film de Hirokazu Koreeda est le même que pour La vie est un long fleuve tranquille: deux bébés ont été échangés à la naissance. Les deux petits garçons ont six ans quand la situation est découverte. Tous deux sont extrêmement différents, tant par le caractère que par l'origine sociale et surtout par la relation qu'ils entretiennent avec leur père.
Le père architecte, ambitieux et fou de travail, ne se reconnaît évidemment pas dans l’enfant sensible et timide qu'il croit être son fils biologique. Il ne croit qu'à "la loi du sang "mais le rapprochement avec l'autre famille, moins policée, mais plus aimante, va le faire cheminer petit à petit vers un comportement plus affectueux. Un film tout en délicatesse à ne pas manquer !
Au passage, nous apprenons quelques informations assez effarantes sur l'école privée japonaise où, dès l'entrée au primaire, les élèves sont soumis à une évaluation et doivent donc suivre des cours du soir !
06:03 Publié dans Je l'ai lu !, je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : elena janvier