23/04/2015
Faillir être flingué...en poche
"Il lui semblait parfois marcher pour dénouer ou atteindre en lui une place vide et douce, éloignée des courants, un apaisement."
Qu'elle s'attaque à bras le corps au roman épique médiéval (Bastard batlle) *ou au récit de science fiction Le dernier monde)* , Céline Minard a le chic pour s'emparer d'un genre et se l’approprier. Dans Faillir être flingué, c'est sur le western qu'elle a jeté son dévolu.
J'en vois d'ici certain(e)s faire la grimace, mais oubliez tous vos préjugés sur ce genre et précipitez-vous sur Faillir être flingué , un roman qu'on ne peut lâcher tant il est à la fois dense, fabuleusement écrit et fertile en rebondissements !
La romancière y alterne scènes contemplatives, scènes de genres (l'arrivée en chariot, l'attaque de la diligence , le héros solitaire dans la ville en butte à ses ennemis...) pour mieux les dynamiter et leur insuffler fraîcheur et énergie. Elle y observe aussi la sédentarisation de ses personnages ainsi que "la propriété, sa nature et sa circulation problématique". En effet, au gré des aventures, les objets passent de mains en mains, de même qu'amitiés et inimitiés évoluent au fil du temps. Nous sommes en territoire connu, du moins le croyons nous, mais Céline Minard se plaît à nous mener où bon lui semble et c'est tant mieux ! Purement jubilatoire !....,
*lus mais non chroniqués.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : céline minard
22/04/2015
Fiançailles
"Mais les désirs se tordent, s'étirent et, dans le réseau de mon esprit, les fils de mon imaginaire s'étaient emmêlés."
Lisese, sur une impulsion, déborde du cadre de son emploi , agent immobilier à Melbourne, et propose des services érotiques tarifés à son seul client , Alexander.
à la veille de quitter l'Australie, la jeune femme accepte de passer un week-end entier avec Alexander qui possède une propriété dans le bush, loin de tout.
Quand deux imaginaires , très différents, se rencontrent dans une vieille demeure à l'atmosphère puissante, l'imagination galope. Tant celle du lecteur, que celle de la narratrice dont nous avons ici le seul point de vue.
L'argent, qui paraissait être le seul objectif de cette relation, Liese est criblée de dettes, cède très vite la place à d'autres motifs plus ambigus, liés au désir et au pouvoir de la fiction.
Chloe Hooper joue avec virtuosité des codes du thriller psychologique et utilise avec bonheur des ressorts narratifs du roman gothique ,ancrés dans un univers à la fois contemporain et hors du temps.
Une petite merveille à dévorer d'une traite, même si j'ai quelques petits bémols concernn,t les réactions de l'héroïne !
Fiançailles, (The Engagement), Chloe Hooper, traduit de l'australien par Florence Cabaret, 10/18 2015, 307 pages qu'on ne lâche pas.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : chloe hooper
20/04/2015
Dix-sept ans
"On m'accuse de désinvolture.On a raison Les critiques les plus acerbes sont les plus justes."
Lisant un entretien accordé par Annie Ernaux à l'Humanité où elle rappelle qu"une immense solitude entoure les femmes qui avortent.", Colombe Schneck a le sentiment que la romancière s'adresse à elle et qu'il est temps de raconter l'avortement qu'elle a subi à la veille de passer le bac ,en 1984.
Liberté, insouciance, protection, caractérisent le monde privilégié où évolue Colombe Schneck, à mille lieues donc de celui de l'auteure de L'événement.Pourtant , Colombe Schneck ne partagera pas son chagrin, sa souffrance avant 2015.
Elle pose des mots très justes pour évoquer son rapport au corps, évoque l'histoire de la lutte des femmes ayant abouti à cette liberté, souligne qu'elle toujours remise en question dans le monde .
J'ai été frappée par le flou qui entoure les circonstances précises de son avortement, comme si la mémoire se refusait à enregistrer , pour mieux diluer la souffrance.
Sous une apparente légèreté, en 91 petites pages, Colombe Schneck livre un témoignage sensible et pertinent sur un acte qui ne sera jamais anodin.
Bien évidemment, j'ai envie de lire le roman d'Annie Ernaux, L'événement.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : colombe schneck
17/04/2015
Les joies éphémères de Percy Darling...en poche
"Le milieu, c'est là qu'il y a la garniture, la confiture, la crème anglaise, la farce de la dinde."
"Vieux et sclérosé", pétri de culture classique, Percy Darling, accepte de louer sa grange pour y installer une très huppée école maternelle . S'il y perd un peu de son intimité, il va y gagner au change en acceptant de s'ouvrir davantage aux autres et en laissant davantage libre cours à ses émotions.
C'est non seulement toute la constellation familiale qui va être changée mais aussi la manière de Percy d'envisager le monde.
Un bon gros roman familial comme on les aime: un personnage central, ses relations avec ses filles, ses voisins délicieusement croqués, son petit-fils un peu trop parfait , mais aussi l'instituteur gay, le sans- papier sud américain, tout un microcosme finement observé auquel on s'attache immédiatement. On prend beaucoup de plaisir à voir évoluer Percy et on savoure le style précis et riche en métaphores de Julia Glass. Un pur régal !
05:46 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : julia glass
16/04/2015
Crème anglaise...en poche
"Moi aussi je suis arrivé avec des idées reçues. Je pensais que les anglais étaient différents avant de venir ici."
Brillant élève, issu d'un milieu pauvre et écossais, Struan part à Londres pour s'occuper d'une figure majeure de la scène littéraire anglaise, Phillip Prys. Ce dernier, victime d'un AVC, est devenu un poids mort pour sa famille.Lesté de beaucoup d'illusions, le jeune Struan va débarquer dans une maisonnée bohème qui va lui paraître des plus étranges...
Éducation sentimentale et sociale, Crème anglaise,( Meeting the English en VO est nettement plus parlant), est une sorte de choc des cultures et de réajustement de valeurs. Se déroulant durant l'été caniculaire de 1989, "année où le monde changea, où les murs tombèrent, et où tous les vieux tyrans moururent" ,ce roman raconte aussi la fin d'un tyran domestique et peint ,de manière nuancée et pleine d'un humour souvent vachard cette constellation familiale hors-normes. Un roman savoureux et cent pour cent british.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : cate clanchy
15/04/2015
Au 15 avril 2015...
19:06 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (7)
Les gants verts (à défaut de main verte)
Séduite par les mots magiques " qui se ressèment et "solides" la jardinière paresseuse que tu es se lance dans une entreprise périlleuse : un parterre naturel inspiré d'un magazine de jardinage.
Tu balaies d'un revers de la main les commentaires goguenards: "Un "complicata", ça te va bien, tiens !" en arguant que ce rosier est réputé pour son côté "solide et sain" . Tu te gardes bien de préciser qu'il gagne à "être abandonné à lui- même ", pour éviter une nouvelle réflexion, pertinente cette fois.
La réception du colis est plutôt décevante: difficile d'imaginer que ces bouts de bois à peine feuillus deviendront , mélangés aux digitales et aux géraniums, ce charmant fouillis florifère photographié page 21.
Dans l'idée, tu as juste quelques trous à creuser, une poignée de fertilisant naturel à balancer, beaucoup d'eau à verser et hop le tour est joué, tu sirotes ton thé en fin d'après-midi.
La réalité est plus cruelle: il faut d'abord sauvagement arracher ces marguerites qui ont proliféré derrière ton dos, détricoter les brins de chiendent mêlés aux racines des sédums, positionner toutes les plantes, redisposer les sédums, et ouf l'après-midi a filé !
Le chat passe l'inspection, tout est bien. ça ressemble autant à la photo que toi à une danseuse du Crazy Horse ,mais c'est fini. Tu croise les doigts pour que ça pousse et tu te traînes jusqu'à la baignoire pour oublier ton dos.
Le lendemain, tu te découvres de nouveaux muscles (dans les cuisses ) et arrives à peine à t'asseoir mais il te reste encore à balancer toutes les herbes arrachées...
Tu balances au compost le magazine pour éviter toute comparaison future et toute autre tentation.
05:53 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (14)
14/04/2015
L'épuisement
"Lire pour se cultiver, c'est l'horreur. lire pour rassembler son âme dans la perspective d'un nouvel élan, c'est la merveille."
88 pages. 88 pages où j'ai trouvé, quasiment à chaque page une phrase, une pensée que je prenais le temps de laisser infuser pour faire durer plus longtemps la lecture de ces textes.
La lecture, l'écriture mais aussi l'enfance sont au cœur de ces textes dont l' écriture est un "miracle de lumière et d'enfance", formule que Christian Bobin applique à Antonin Artaud.
Juste un extrait pour vous donner envie :" Vous achetez beaucoup de livres. Vous ne les finissez pas tous. C'est une infirmité chez vous, une maladie chronique, celle de ne pas finir une lecture, une conversation, un amour. Ce n'est pas nécessairement l'effet de la négligence ou d'un ennui. C'est que parfois, pour une lecture, pour un entretien ou un amour, la fin arrive avant la fin. Et c'est quoi, la fin d'un livre. C'est quand vous avez trouvé la nourriture qu'il vous fallait à ce jour, à cette heure, à cette page. Il y a mille façons de lire un livre. La mille et unième est de le tenir dans les mains et de regarder son titre, seulement son titre.Une amie qui passe son temps à élever des enfants, qui passe sa vie à nourrir la vie , vous dit un jour : je n'ai guère le temps de lire, trop fatiguée, [...]mais il y a un bien qui me vient des livres, par exemple l'Essai sur la fatigue de Peter Handke, je n'en ai lu que la moitié, je suis lente, je suis d'une lenteur qui me désespère, mais savoir ce titre près de moi comme un animal assoupi, oui, cela me faisait du bien cet été."
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : christian bobin
13/04/2015
Bridget Jones / Folle de lui
"-Jonesey, vous avez twitassé ou tweeté-cuité pendant tout le temps du trajet. J'ai tout lu."
Bridget Jones a vieilli (en même temps que ses lectrices ), et se retrouve, à l'ère des tweets et de facebook ,seule pour élever deux enfants, le moral et la libido en berne.
Las, cela ne peut évidemment pas durer et notre copine favorite va se mettre au goût du jour et rencontrer un toy boy absolument craquant. Problème: ce n'est évidemment pas qu'une une histoire de fesses.
Alors, restera ou restera pas avec son jeunot Mâme Bridget ? Les dés sont pipés car dès le début j'avais anticipé avec qui elle passerait le reste de son âge mûr, jusqu’au nouvel épisode , ou pas.
Bon, rien de bien nouveau sous le soleil de la romance, ça ronronne gentiment, les ficelles sont un peu grosses mais en souvenir des bons moments passés avec Bridget,ne boudons pas notre plaisir.
Emprunté à la médiathèque.
Cuné est bien plus enthousiaste !
05:55 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : helen fielding
11/04/2015
Elle
"Je ne lui dis pas que je l'ai lu et beaucoup aimé, même si le rebondissement final n'est pas très satisfaisant, les résolutions d'intrigue le sont rarement: rien à voir avec la vie réelle , qui-selon moi- tourne moins autour de grands chocs ou coups de théâtre qu'autour de petits moments calmes, de quiproquos et de déceptions, des choses qu'il est facile de ne pas voir."
Deux femmes que tout semble opposer, aussi bien physiquement que psychologiquement. L'une ,Nina, est une peintre reconnue, raffinée et attentive aux moindres détails, parfaitement maîtresse d'elle même; l'autre, Emma, a mis sa carrière professionnelle entre parenthèses et mène une vie harassante , brouillonne et insatisfaite entre son mari et ses deux jeunes enfants.
Leurs chemins se sont déjà croisés, mais seule Nina s'en souvient, et cela avec l'acuité qui la caractérise. Quand Nina s'immisce, par touches chirurgicales, dans la vie d'Emma, qui ne peut qu'admirer l'image que l'artiste accomplie donne de sa vie, est-ce vraiment pour lui venir en aide ?
"Une seule pierre et toutes ces fichues ondulations.", sur le thème d'une action en apparence infime qui peut entraîner des conséquences dramatiques, Harriet Lane nous donne un roman tout en finesse et en subtilité. Alternant les points de vue, elle éclaire d'un jour nouveau des actions qui en apparence étaient anodines et instille un suspense psychologique efficace et élégant.
Pas de révélations fracassantes mais des personnages qui nous deviennent très vite proches. L'auteure a le chic pour croquer en quelques lignes caustiques une personne "Si je joue vraiment de malchance, je tombe sur Trudy et son intonation enlevée, sa solennité antipathique, sa compétence pétillante et implacable." ou nous faire entrer dans l'intimité d'un intérieur chic ou plus négligé. Les sensations sont également très présentes, rendues de manière impeccable par le style précis de l'auteure.
On ne peut qu'admirer, malgré soi ,l'impeccable maîtrise apparente de Nina qui pèse le moindre de ses mots et actions et avance de manière diffuse mais efficace vers son objectif. La fin du roman, comme au ralenti, est juste oppressante au possible !
Bref, c'est une merveille de roman tout à la fois douillet, par le côté thé et sympathie,et empoisonné ! Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Elle, Harriet Lane, Plon 2015, 262 pages à savourer d'une traite ! oui, je sais c'est contradictoire ! :)
Du même auteur, et qui sortira bientôt en poche: clic !
12:20 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : harriet lane