21/06/2015
Comme un avion
1981 , je ne dois qu'à l'épaisseur des murs de la résidence universitaire ou plutôt à l'absence quasi continue de mes voisins, d' écouter en boucle la chanson de Charlélie Couture "Comme un avion sans ailes" en toute impunité.
2015, le titre (amputé), l'acteur et réalisateur , Bruno Podalydès, Agnès Jaoui , Sandrine Kiberlain, et Vimala Pons (tous excellents), autant d'arguments qui me disposaient à apprécier le si vanté par la critique Comme un avion.
Las, le rythme languissant, le personnage central qui part ,suréquipé, faire sa balade en kayak, Le manuel des castors juniors comme livre de survie et Vol de nuit comme réminiscence de sa passion précédente (l'aérospatiale), coiffé d'un chapeau à la Indiana Jones, mais se révèle incapable de se tirer d’affaire dès qu'un obstacle surgit ,n'ont pas su me séduire.
Les rires étaient rares dans la salle et ce quinquagénaire, qui, comme le remarque Agnès Jaoui, sublime, aime se laisser porter, m'a plutôt agacée. Il se trouve un petit paradis et se contente de profiter des plaisirs qui s'offrent à lui, se délestant peu à peu des gadgets et de la "panoplie" dont il semble féru. Le voyage (quasi) immobile s'est donc révélé plutôt décevant.
En fait, je rêve d'un film ou ce serait une femme qui partirait ainsi à l'aventure, en toute sérénité,sans mettre son intégrité physique en péril et sans être jugée...
La bande annonce: clic.
06:00 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (4)
20/06/2015
Le club des pauvres types
"Société d'individualistes incapables de venir en aide à des personnes en délicatesse avec la vie."
Paul, le narrateur, parfait anti-héros,vient enfin de franchir un cap : il s'est installé avec son amoureuse, Claire.Les ajustements ne vont pas sans mal et le trentenaire peine à répondre aux exigences de sa compagne.
Les aléas de la vie vont lui faire rencontrer d’autres hommes, en couple ou non, ayant plus ou moins de difficultés avec l'engagement amoureux, et Le club des pauvres types va naître.
"Ce club est né spontanément, sans préméditation ni mauvaises intentions d'un regroupement d'hommes dans la fleur de l'âge voulant simplement faire connaissance, il s'est progressivement transformé en un lieu de débat, de lutte et de camaraderie militante."
Mesfames, si vous avez déjà rêvé de connaître la vie secrète des trentenaires masculins, précipitez-vous sur le roman de Jonathan Curiel ! Du décryptage des profils sur les sites de rencontres, au récit épique d'un Enterrement de Vie de Jeune Homme , en passant par les affres du choix du cadeau parfait, vous saurez tout sur ces pauvres hommes, accablés par la pression professionnelle et totalement déboussolés par les femmes et leurs requêtes: "Et veut-on des enfants ? Plutôt voudraient-ils de nous ? On a déjà du mal à apprivoiser et à se faire accepter par notre électroménager, est-on programmé pour gérer les caprices et les pleurs d'un enfant ? ".
C'est bourré d'humour, un peu superficiel parfois, mais le narrateur manie l’autodérision et l'hyperbole avec virtuosité. Son application du vocabulaire de l'entreprise au management du couple est un pur régal et l'on sourit sans cesse tout au long de ces 316 pages.
Le club des pauvres types, Jonathan Curiel, Fayard 2015.
06:40 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jonathan curiel
19/06/2015
LOL est aussi un palindrome*
"-Madame, mais en fait, Phèdre, c'est la première cougar, quoi"
Sous-titré, Journal d'une prof au bord de la crise (de rire), ce journal de bord consigne mois par mois les échanges parfois surréalistes, parfois désarmants, entre une prof de français et un vaste échantillon de ses élèves d'un lycée"réputé sensible du 93".
ça se lit très vite (un échange par page), c'est à la fois drôle et révélateur d'une société et de relations prof/élèves en pleine mutation. Le fossé culturel est souvent très profond mais vaille que vaille, parfois de manière surprenante et diablement futée, les élèves assimilent (ou pas ) les notions au programme.
J'ai apprécié la présentation de chaque mois qui recense le nombre d'élèves (fluctuant), l'état des troupes, celui du prof , les événements marquants et confirme bien qu'au mois d'avril le prof doit effectuer une "Tentative de spécialisation en gestion hormonale" (des élèves !).
Un recueil qui parlera forcément aux enseignants , mais pas que. De quoi nous rebooster pour terminer l'année et oublier la mine pleine de compassion d'une de mes élèves qui, m'ayant demandé depuis combien de temps j'enseignais (réponse :trente ans), m'a regardée, l'ai navré ,en disant "Mais alors , madame, vous avez raté votre vie !".
*mot qui peut se lire indifféremment de gauche à droite et de droite à gauche
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (8)
16/06/2015
Histoire d'une vie
"Plus de cinquante ans ont passé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le cœur a beaucoup oublié, principalement des lieux, des dates, des noms de gens, et pourtant je ressens ces jours-là dans tout mon corps. Chaque fois qu'il pleut, qu'il fait froid ou que souffle un vent violent, je suis de nouveau dans le ghetto, dans le camp, ou dans les forêts qui m'ont abrité longtemps. La mémoire, s'avère-t-il , a des racines profondément ancrées dans le corps. Il suffit parfois de l'odeur de la paille pourrie ou du cri d'un oiseau pour me transporter loin et à l'intérieur."
Ces mots terribles ont été écrits par Aharon Appelfeld, , un auteur majeur dont je différais sans cesse la découverte. Avec Histoire d'une vie, je viens enfin de me lancer et j'ai été subjuguée par l'histoire de cet enfant juif bourgeois qui parvient à survivre d'abord à la mort de sa mère, assassinat qui ne sera évoqué que par un cri, au ghetto, au camp (dont il ne parle quasiment pas) et dont il s'échappe. Survivant dans les bois, se faisant exploiter par des gens qui ont bien conscience de sa situation , il erre ensuite dans une Italie dévastée avant de rejoindre la Palestine.
Là, pour autant, les épreuves ne sont pas terminées car va se poser le problème de la langue. On lui enjoint de parler hébreu mais doit-il pour autant oublier sa langue maternelle, l'allemand ,qui est simultanément la langue des assassins ?
Viendra ensuite la question de l'écriture car, à l'époque en Israël, seuls les témoignages des survivants sont valorisés, la fiction n’ayant pas droit de cité.
Autant de douleurs qu'il évoque de manière non linéaire, parcellaire, sans aucun pathos, comme anesthésié, s'obligeant à oublier. Mais le corps lui n'oublie pas, et c'est là un des thèmes essentiels de ce roman magistral et lumineux. Prix Médicis étranger 2004.
Histoire d'une vie, Aharon Appelfeld, traduit de l'hébreu (Israêl) par Valérie Zenatti, Points Seuil.
05:55 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : aharon appelfeld
15/06/2015
Dites aux loups que je suis chez moi
" J'avais besoin de savoir que ma mère comprenait qu'elle aussi avait sa part de responsabilité dans cette histoire. Que toute la jalousie et la honte que nous portions en nous étaient notre maladie propre. Une maladie aussi grave que le sida de Fin et Toby."
Milieu des années 80, États-Unis, une maladie encore mal connue frappe Finn, peintre de talent . Son dernier tableau représente les deux filles de sa sœur: June ,adolescente écrasée par la forte personnalité de son aînée, Greta.
à l'enterrement de l'artiste apparaît son compagnon , Toby, violemment rejeté par la sœur de Finn, mais avec lequel June va nouer une relation complexe, tissée de jalousie et d'affection , pour retrouver, même partiellement ,le parrain qu'elle adorait.
Avec ce premier texte, Carol Rifka Brunt nous propose un roman d'apprentissage sensible et prenant qui évoque de manière très fine les relations fraternelles et sororales, à l'adolescence, mais aussi à l'âge adulte. Elle crée une atmosphère particulière, ouatée, évoquant le monde secret de June qu’elle s'est créé dans un bois où l'on entend hurler des loups, les secrets des adolescentes, délaissées par des parents aimants mais trop pris par leur travail, et aussi, par petites touches la honte et les peurs qui entachent le sida.
Un texte qui vous prend tout de suite par la main et qu'on ne peut lâcher.
Dites aux loups que je suis chez moi, Carol Rifka Brunt, traduit de l'anglais (E-U) par marie-Axelle de la Rochefoucauld, Buchet Chastel 2015, 492 pages qui auraient peut être gagné à être un peu élaguées parfois.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : carol rifka brunt, gay friendly
14/06/2015
Revue Chic Fille N 2
"Moi, la littérature pudique, ça ne m'intéresse pas ."
Promis, juré , ce n'est pas parce que Chic Fille numéro 2 propose une double page consacrée aux Catherine à travers les âges (de Catherine d'Alexandrie à celle du duo Catherine et Liliane) que je vous en parle !
Le premier numéro pour des raisons tordues m'avait échappé mais je n'ai pas résisté au sommaire éclectique de celui-ci. jugez un peu: Claire Bretécher vue par des auteures de BD, les coulisses de 3615 code Ulla, Emmnanuel Carrère par sa femme (très intéressant dans son rapport à l'écriture et à la création). Sans oublier une féministe américaine hors-normes ( Camille Paglia), une interview passionnante de Patricia Tourancheau qui pendant presque 30 ans a tenu les pages police-justice à Libération , une question que je ne m'étais jamais posée: pourquoi les revues de cul pour femmes n'ont jamais eu de succès et une analyse des films de viol et revanche.
C'est fouillé, original et bien écrit, ce qui ne gâte rien ! Alors , foncez !
05:50 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : chic fille, bretécher, emmanuel carrère, catherine
13/06/2015
La faute...en poche
"Elle sait que je fais de gros efforts pour m'améliorer en tant que mère, même si je ne pourrais jamais rivaliser avec elle."
Roman de la culpabilité , annoncé d'emblée par le titre français, La Faute (en VO :Just What Kind of Mother Are You? , encore plus accusateur , selon moi ) fait la part belle à la psychologie plus qu'au polar , même si le personnage de la policière est tout sauf secondaire .Les personnages féminins y ont la part belle et le processus d'identification fonctionne à merveille.
Chacune d'entre nous peut en effet se reconnaître dans ce personnage de mère de famille débordée entre sa famille et son refuge pour animaux,( ce qui nous vaut entre autres de belles tirades sur les maîtres inconscients, frappées au coin du bon sens ), placée dans une situation intenable .
L'intrigue est plus sophistiquée qu'il n'y paraît à première vue, Paula Daly sait raconter une histoire, même si la langue qu'utilise ses personnages flirte souvent avec le trivial, ce qui peut être dérangeant. Certaines scènes sont à mon avis ratées, mais on est totalement tenu en haleine et on dévore d'une traite ce roman à la fois facile, populaire ( rien de péjoratif pour moi dans cette appellation) et hautement addictif.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : paula daly
11/06/2015
On est tous faits de molécules
"Le monde est dangereux à vivre, non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire."
Stewart, treize ans, orphelin de mère, se réjouit de voir son père refaire sa vie , emménager dans un nouveau foyer avec une femme et sa fille, Ashley. Mais si le garçon est intellectuellement précoce , Ashley, elle, se préoccupe uniquement des apparences et de sa positon sociale dans le lycée. Ce qui lui vaut de gros soucis car son père, cessant de se mentir, vient de révéler son homosexualité.
Sur le thème de la différence, Susin Nielsen a écrit un roman à la fois enlevé et sensible.
Elle met en scène de vrais méchants, mais s'arrête juste au bord de situations qui pourraient vraiment tourner très mal, sans pour autant tomber dans l’angélisme. Un vrai tour de force !
Ses personnages sonnent juste et sauront séduire aussi bien les ados que leurs parents.
On est tous faits de molécules, Susin Nielsen, traduit de l 'anglais (Canada)par Valérie Le Plouhinec, Hélium 2015, 211 pages.
Du même auteur: clic et reclic.
05:50 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : susin nielsen
10/06/2015
L'art de voyager léger et autres nouvelles
"Elle s'habillait toujours au lever du soleil, chaudement et avec enthousiasme. Elle boutonnait soigneusement ses pulls et son pantalon de moleskine autour de sa taille généreuse et une fois ses bottes enfilées et ses cache-oreilles baissés, elle s'installait devant l'âtre dans un état de bien-être que rien n'aurait pu perturber , parfaitement immobile et l'esprit libre de toute pensée, tandis que les flammes réchauffaient ses genoux. Elle accueillait chaque nouveau jour de la même manière et attendait l'hiver avec la même constance."(p.96-97)
Quel bonheur que ces textes célébrant le rituel, le chez soi, le sentiment de "sécurité absolue" et ceci de l' enfance d'une narratrice , qu'on peut supposer être l'auteure , au dernier été sur une île qu'on pourrait identifier comme celle évoquée dans Le livre d'un été (clic).
Seul le dernier texte, donnant son titre au recueil (le seul titre relativement original par rapport aux autres, nettement plus ternes) met en scène un personnage masculin, mais les thèmes restent les mêmes.
En quelques pages, Tova Jansson crée un univers où l'enfance se déroule dans une grande liberté, au sein de la nature, où l'on est attentif aux sensations, aux sentiments. Des textes en apparence anodins mais où l'on ressent une grande intensité , une grande attention à ce qui fait la vie même.
Un huis-cos sur une île entre une femme et un écureuil, les sentiments exacerbés d'une enfant qui "courtise" un adulte , un Noël dans une famille à la fois bohème et soucieuse des traditions, une "expédition" qui pourrait mal tourner , autant de petits moments dont se dégage le plus souvent "un grand sentiment de quiétude". Et zou, sur l'étagère des indispensables !
L'art de voyager léger, Tove Jansson, traduit du suédois par Carine Bruy, livre de poche 2015, 165 pages qui résonnent en nous.
Ps: parfois les livres se prolongent de manière involontaire et opportune : Moan Chollet évoquait les Mommins (imaginés par Tove Jansson)et le chez soi, j'ai enchaîné avec ces textes dont je guettais fébrilement la parution...
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Les livres qui font du bien, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : tove jansson
09/06/2015
Chez soi, une odyssée de l'espace domestique
"Chacun, en fonction de ses dispositions personnelles et des occasions qui s'offrent à lui, s’enfonce plus ou moins loin sur les routes de papier; mais ces routes mènent au même but."
Casanière, mais aimant les récits de voyage de Nicolas Bouvier, Mona Chollet cultive les ambivalences et les assume. Elle analyse avec acuité notre relation au "chez soi", s'impliquant elle aussi au passage, dénonçant la violence de notre société mais aussi célébrant les charmes du home sweet home dans de très belles pages.
Ce que j’aime chez cette journaliste c'est le regard critique, la variété des angles, la manière dont elle n'hésite pas à se mettre aussi en scène et la variété des références aussi bien architecturales que littéraires.
Plein de découvertes, de marque-pages et d'envies de lectures !
Chez soi, Mona Chollet, Zones 2015.
Une réalisation de Terunobu Fujimori , architecte japonais à laquelle Mona Chollet consacre de très belles pages.
05:55 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : mona chollet