31/07/2012
Promenons-nous dans les bois
"C'est sans doute lié à sa tendance historique à domestiquer et exploiter les grands espaces mais , si vous voulez mon avis, l'attitude de l'Amérique envers la nature est à tous points de vue très étrange."
L 'Appalachian Trail est un sentier qui serpente sur 3 500 kilomètres , du Maine à la Georgie. Une sorte de mythe que certains marcheurs n'hésitent pas à réaliser par tronçons, sur plusieurs années, un peu comme le chemin de Compostelle, la dimension religieuse en moins.
C'est à ce mythe que décide de se confronter Bill Bryson en compagnie d'un ami d'enfance, Stephen Katz, qu'il n'a pas revu depuis belle lurette. Las ! Si Bill est relativement en forme et (en théorie) bien équipé, son compagnon traîne plutôt la patte et semble davantage intéressé par la junk food et les séries télévisées ! Un duo bancal dont l'auteur de American rigolos va tirer toute la puissance comique !
Mais il n'en reste pas moins que ce récit comporte également un aspect documentaire et critique sur la relation qu'entretiennent les Américains et la nature .
Un texte à lire (entre autres) par tous ceux qui voudraient entreprendre le même périple. S'ils sont prêts à affronter les conditions météo versatiles, les refuges avec un côté ouvert, les fêlés (que Bryson semble attirer avec une belle constance), la forêt oppressante, les rencontres potentielless avec les ours (gris ou noirs suivant les endroits), voire les tueurs en série ou pas, alors enjoy ! Pour ma part, je me contente de rester dans mon fauteuil et de savourer ce livre mais j'en connais de plus courageuses !
Merci à Keisha qui m'a donné envie de lire ce texte !
06:00 Publié dans Humour, Récit | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : bill bryson, marche, appalachian trail
30/07/2012
Divan
"Je me suis découvert une clairière, un espace inhabité, un coin de moi que je n'avais pas encore visité, je le laisserai s'épanouir sans intervenir."
Elle reconnaît avoir une vie agréable, son mariage n'est pas en ruines, elle peut exprimer sa créativité, mais pour la première fois elle suit une psychanalyse. Pourquoi? Elle même est bien en peine de le dire, mais la crise (de milieu de vie ?) est bien là.
Cette thérapie va se poursuivre trois ans durant, et au fil des rencontres avec son thérapeute va se dessiner le portrait d'une femme d'un peu plus de quarante ans qui a l'impression d'être une thérapie de groupe à elle toute seule car elle est plusieurs femmes en une.
Pas d'indications de temps, de cette analysée nous ne saurons rien d'autre que ses épanchements à son thérapeute et ce sera au lecteur de combler les pointillés, d'ajuster les différentes indications qu'elle nous donne. C'est à la fois un peu frustrant mais également très intéressant car le portrait reste sans cesse en évolution et ne sera jamais figé.
L'écriture est élégante et l'on s'attache à cette femme dont certaines facettes nous ressemblent souvent.On reste juste sur sa faim car le livre est trop court (158 pages seulement) et l'on serait bien resté un peu plus longtemps en aussi charmante compagnie.
Divan, Maria Medeiros, traduit du brésilien par Marcia Corban, Pocket 2012.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : maria medeiros, psychanalyse
28/07/2012
La petite dame en son jardin de Bruges
"Ma grand-mère "inventait" les coquillages sur le sable avec la même aisance insolente que les trèfles à quatre feuilles dans l'herbe du jardin."
Parce que sa grand-mère Thérèse-Augustine lui est apparue en rêve, l'auteur, plus d'un demi-siècle après la disparition de cette dernière , décide de "regagner le pays où [il] n'a jamais cessé d'avoir huit ans."
Dans ce clos vert, la vieille dame et Charles avaient tissé une connivence un peu magique qui allait marquer l'auteur à tout jamais : "La merveille est qu'il me suffise d'évoquer ton visage, ô maison, pour que le miracle renaisse : voici que le charme agit de nouveau, que l'enchantement se recompose, que la vieille tendresse se réveille et me presse de courir vers toi comme on se hâte vers une fontaine."
Par petits épisodes, c'est tout à monde suranné et délicieux qui renaît, celui du début du XXème siécle, quand les chevaux parcouraient encore les rues pavées, quand aller à la mer devenait une expédition pleine d'aventure.
C'est aussi le portrait -par petites touches- d'une vieille dame qui a su échapper au destin sacrifié qu'on lui imposait et qui avait toujours préféré "tirer des plans sur la comète" ,ouvrant ainsi les portes de la poésie à son petit fils. Quel bonheur enfin de voir Thérèse-Augustine, obligée de quitter l'école à douze ans, établir une vraie complicité avec Charles en partageant ses lectures !
On pense à Colette, à Proust aussi bien sûr et même si ce thème des souvenuirs d'enfance a souvent été traité en littérature, on se trouve avec ce récit de Charles Bertin, au style très soutenu et évocateur ,devant un petit bulle de plaisir et de poésie qu'il faut absolument découvrir ! Un livre magique !
Il aura fallu que Franck Andriatl e cite en exergue ici et que je le déniche à la médiathèque pour enfin lire ce récit !
Aifelle et Chiffonnette ont adoré aussi et en parlent ici !
Lilly a été la vile tentatrice ici !
La petite dame en son jardin de Bruges, Charles Bertin, Babel.
06:00 Publié dans Roman belge | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : charles bertin
27/07/2012
Arrête de mourir
"C'est quoi ce bordel, ce désordre, ce foutoir, où les mères retombent en enfance alors que leurs enfants en sont à peine sortis ?"
L'année du bac pour Samuel. Mais il a bien d'autres soucis en tête car d'une part il est amoureux de la Pauline et d'autre part et surtout sa mère adopte un comportement de plus en plus irrationnel. La famille va devoir se rendre à l'évidence : la mère de Samuel et Caroline est atteinte de la maladie d'Alzheimer et ce à l'âge de 49 ans.
Refus d'admettre la réalité, colère puis acceptation, l'adolescent qui nous livre son point de vue passe par toutes ses étapes, scandant son récit des couplets de la chanson de William Sheller, Maman est folle.
81 petites pages, un concentré d'amour et d'émotion pour dire la maladie et ses répercussions sur de jeunes adultes. L'écriture est magnifique, tour à tour familière et imagée et ne sombre jamais dans le pathétique. Un texte "à murmurer à l'oreille d'un ami à hurler devant son miroir, à partager avec soi et le monde", un texte de la collection "D'une seule voix". à laisser infuser.
Arrête de mourir, Irène Cohen-Janca, Actes Sud Junior 2011.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : irène cohen-janca, alzheimer
26/07/2012
Vanilla Ride
"J'ai des scrupules , mais ils sont du genre flexibles."
"Les jumeaux du désastre", ainsi sont surnommés par certains Hap Collins, le blanc hétéro démocrate et Leonard Pine, le black gay républicain. Bastonneurs en diable, ces péquenauds de l'East Texas , comme il se définissent eux-mêmes, peuvent aussi avoir la gachette facile, surtout quand il s'agit de rendre service à un de leur vieux pote. Evidemment, les événements vont prendre une tournure plus compliquée et nos deux héros, forts en gueule et à l'humour décapant vont aller se fourrer dans un joli pétrin, qui les mettra aux prises avec la Dixie Mafia et leur donnera l'occasion de découvrir qui se cache derrière ce patronyme de Vanilla Ride (ne comptez pas sur moi pour vous le dévoiler !).
On ne s'embarrasse ni de stratégie ni de psychologie dans ce roman qui fonce sur les chapeaux de roue mais on passe un excellent moment avec Joe R. Lansdale, son humour et ses métaphores pas piquées des vers.
Si on m'avait dit que j'achèterais un jour un roman avec ce type de couverture ! Mais je l'ai fait et je me suis ré-ga-lée ! Merci Gwen pour cette découverte !
Vanilla Ride, Joe R. Lansdale, Folio policier 2012, 384 pages qui ne font pas dans la dentelle , qui dépotent et sont jubilatoires !
- Cycle de Hap Collins et Leonard Pine
- Savage Season, 1990)
- L'arbre à bouteilles (Mucho Mojo, 1994), Gallimard, Série noire, 2000
- Le Mambo des 2 ours (Two-Bear Mambo, 1995), Gallimard, Série noire, 2000
- Bad Chili (Bad Chili, 1997), Gallimard, Série noire, 2002
- Tape-cul (Rumble Tumble, 1998), Gallimard, Série noire, 2004
- Veil's Visit (1999)
- Tsunami mexicain (Captains Outrageous (2001), Gallimard, Série noire, 2007
- Vanilla Ride (d'abord annoncé sous le titre : Blue to the Bone 2009), Gallimard, Folio policier, 2012
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : joe r. lansdale, hap collins, leonard pine
25/07/2012
Premier chagrin
"Le pire mensonge, c'est celui qu'on se fait à soi-même."
Pour la première fois, Sophie va faire du baby-sitting. Mais très vite, la très jeune fille va se rendre compte que les petits-enfants de la vieille dame, Mouche , qui l'a engagée ne viennent en fait pas la voir. Or, celle-ci est gravement malade et Sophie va l'aider en s'impliquant bien plus que prévu.
Pas de chagrin d'amour adolescent comme le titre pourrait le donner à penser mais un chagrin plus profond quand une adolescente va se trouver confrontée à des situations graves .
On suit avec plaisir l'évolution de Sophie, ses relations avec sa mère divorcée, ses récits plein d'humour de ses cours au collège et l'on ne peut qu'admirer la manière pleine de maturité dont elle va traiter les différents problèmes qu'elle va rencontrer.
Abordant avec délicatesse les thèmes de la fin de vie et du pardon, Premier chagrin est un texte chaleureux , sensible et pas du tout pesant. Un petit moment de bonheur à ne rater sous aucun prétexte !
Premier chagrin, Eva kavian, Mijade 2011, 189 pages pleines de vie et de tendresse.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans Jeunesse, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : eva kavian, fin de vie, relation intergénérationnelle
23/07/2012
Clair de loups
"- C''est une habitude dans votre famille ?
- Quoi donc ?
- De faire lire des manuscrits..."
Un écrivain déchiqueté par les lions du zoo de Maubeuge (Nord), voilà qui est pour le moins surprenant ! La police mène l'enquête, aidée en cela par Solange Kieffer, une amie du défunt et maubeugeoise de surcroît, qui a décidé de faire lire son journal intime au policier chargé de l'enquête.
Il aura fallu les challenges de Liliba et de Lystig, plus un courriel de Sylvie enthousiaste au sujet d'un autre roman de l'auteure, pour que je me décide à lire un des Polars en Nord !
Grand bien m'en a pris ! On s'attache à tous ces personnages qui entretiennent des liens plus complexes qu'il n'y paraît à première vue et on prend beaucoup de plaisir à identifier des lieux que l'on a déjà fréquentés. L 'évocation de la construction de l'université de Lille III dans des champs, qui ont aujourd'hui disparus, paraît follement rétro !
Un seul regret : le zoo reste un décor autour duquel on tourne, sans jamais y entrer, l'enquête se préoccupant davantage des personnages et de leurs parcours. Un roman des plus sympathiques !
Clair de loups, J(osette). Wouters, Ravet-Anceau 2008, 253 pages made in Nord !
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11)
20/07/2012
Supplément à la vie de barbara Loden
"Barbara ne fait des films que pour ça. Apaiser. Réparer les douleurs, traiter l'humiliation, traiter la peur."
Barbara Loden, actrice des sixties mais aussi réalisatrice d'un unique film Wanda, dont elle incarne le personnage éponyme (car "Tout ce que je fais c'est moi." ) est le sujet de la notice que doit rédiger la narratrice du roman.
Mais, très rapidement, à force d'accumuler la documentation , cette dernière qu'on devine très proche de l'auteure, prend sa mission de plus en plus à coeur et laisse aller son texte vers l'autobiographie, quoi qu'en dise son éditeur. Elle approfondit son enquête, n'hésitant pas à contacter l'entourage de Barbara Loden, se laissant fasciner par la personnalité de cette femme troublante.
De la même manière que la notice se détourne de sa direction initiale, entrelaçant la biographie de Barbara, le film Wanda et les réactions de la narratrice et de sa mère, Nathalie Léger nous offre le portrait de femmes à la dérive. Son écriture est à la fois précise et hypnotique, elle tisse son texte avec maestria et envoûte le lecteur. Un texte qui reste longtemps en mémoire et résonne en nous.
Un extrait :
"A quoi puis-je reconnaître ce qui me lie à Wanda ? Je n'ai jamais erré sans domicile, je n'ai pas abandonné d'enfants, je n'ai jamais remis le cours de mon existence ou simplement celui de mes affaires à un homme, le cours quotidien de ma vie, je ne l'ai jamais confié à quiconque, me semble-t-il, j'ai abandonné des hommes, et parfois brutalement, avec la joie vibrante qu'o éprouve à bifurquer, à s'évanouir dans une foule, à sauter sans prévenir dans un train, à faire faux bond, le plaisir aigu et rare de se dérober, de se soustraire, de disparaître dans le paysage-mais pas celui de se soumettre. [...] mais il m'est arrivé surtout de me laisser faire, d'attendre que ça passe, de préférer le malentendu à l'affrontement-impossible dans ces moments de penser que la défense et l'illustration de mon corps puisse en valoir la, peine, et d'ailleurs qu'est ce que ça signifie "mon corps" , à quinze ans, seul signifie ne pas être seule, ne pas être abandonnée."
Merci à Clara pour le prêt !
Supplément à la vie de Barbara Loden, Nathalie Léger, POL 2012, 150 pages denses.n livre qui mérite d'aller, zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : nathalie léger, prix du livre inter 2012
18/07/2012
Plan B pour l'été
"C'est compliqué, c'est réversible, c'est tordu, c'est flou ...en un mot, c'est bon !"
Comment convaincre une mamie sympa mais un tantinet psychorigide de faire du camping ? C'est Le plan B pour l'été de Louise , 15 ans, qui veut passer un semaine de vacances avec son meilleur ami Théo, homo dont la famille ne veut admettre l'orientation sexuelle.
Gageons que l'ado saura se montrer persuasive et qu'elle y gagnera en outre de connaître enfin de nouveaux aspects du passé de sa grand-mère.
Une écriture vive et enjouée pour un roman en apparence léger mais qui brosse un très joli portrait des relations intergénérationnelles, sans mièvrerie, et évoque des sujets graves au passage.
Merci Clara pour cette découverte !
Plan B pour l'été, Hélène Vignal, Le Rouergue 2012, 217 pages hérissées de marque-pages !
06:00 Publié dans Humour, Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : hélène vignal
17/07/2012
Les visage écrasés
"Les victimes ne sont jamais celles que l'on croit."
Carole Matthieu, médecin du travail , recueille dans son cabinet la souffrance des salariés qui subissent en vrac restructurations, menaces, mises au placard, bref l'ordinaire du management actuel dans certaines entreprises.
Mais un jour , c'est la goutte de trop et le docteur Matthieu va redonner sa dignité d'une manière radicale à un salarié à deux pas du suicide.
Commencé sur les chapeaux de roues, Les visages écrasés est un rouleau compresseur inexorable, une descente aux enfers, une spirale de violence racontée sans pathos, une tragédie en marche. Jamais manichéiste, l'intrigue s'avère bien plus subtile qu'il n'y paraît et l'on ne peut lâcher ce texte qui témoigne de la souffrance à tous les étages de l'entreprise, de la femme de ménage harcelée au petit chef chargé de faire le sale boulot:
"La souffrance naît de la disparition progressive de tous ces minuscules espaces de liberté nécessaires et vitaux sur lesquels le top management rogne pour accroître les marges de productivité : la minute de pause en moins, les réponses à formuler au client chronométrées à la seconde,-pas une de plus-, la pause cigarette réduite de moitié, le téléphone directement branché sur celui du supérieur, le script standardisé au mot près à servir à chaque client ou le sourire programmé." Un texte implacable et nécessaire.
Les visages écrasés, Marin Ledun, Points seuil 2012, 397 pages à lire absolument.
Grand prix du roman noir au festival policier de Beaune, Trophe 813. Sélection 2012 pour le prix du meilleur polar points seuil.
Et de un pour le challenge de Liliba !
Saxasoul a adoré !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : marin ledun, médecin du travail