19/10/2012
ça m'agace !
"Jean-Louis, tu n'es jamais content et tu te plains toujours." Bonne-maman d'Arras
Il n'a pas changé , jean-Louis Fournier, et il le reconnaît lui-même: Tout [l]'agace ! En vrac: la mite qui a boulotté son pull préféré, les messages des campagnes de dépistage, le principe de précaution appliqué à tout , les chiens qu'on abandonne, la thalassothérapie où "L'ambiance est calme, à mi-chemin entre la maison de retraite , l'établissement de soins palliatifs et la morgue.", sans oublier le comique qui rit à ses propres blagues.
Jean-Louis Fournier fouraille, vitupère, peste et fustige entre autres les tics de langage, (ha, ce fichu improbable !) car "Quand je pense à tous les jolis mots qui veulent dire quelque chose, qu'on ne sort jamais, à qui on ne fait pas prendre l'air, qui s'ennuient et finissent par moisir dans les dictionnaires, simplement parce qu'ils ne sont pas à la mode.
Je pense à ineffable."
Comme il aime l'humour noir, il pousse parfois le bouchon un peu loin mais on lui pardonne volontiers car derrière ces airs de ronchon on sait bien que Jean-Louis Fournier est un grand tendre...
ça m'agace, Jean-Louis Fournier ,Editions Anne Carrière 2012, 185 pages de chroniques dont la phrase finale en gras et avec une taille de police qui saute aux yeux est un peu... agaçante !
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : jean-louis fournier
18/10/2012
Le beau monde
"J'aurai gagné en lumière et en ombre. En mystère."
"Terne, insipide", Frances Thorpes ? Cette obscure correctrice d'un prestigieux journal contemple de loin Le beau monde des lettres où elle officie à une très modeste place.Le hasard va lui permettre de recueillir les dernières paroles de l'épouse d'un grand écrivain, et, en côtoyant, même brièvement ce monde fascinant, Frances ne va pas résister à la tentation.
Petit à petit , elle va s'immiscer dans un univers où elle n'a pas sa place...
Tout le récit est vu du point de vue de Frances, qui ne se livre jamais totalement, même au lecteur qui découvre, petit à petit, toutes les étapes d'une intrusion ourdie de main de maître. Il serait vraiment dommageable de donner trop de détails mais la peinture de cette ambition souterraine et implacable sous des dehors insignifiants est à proprement parler époustouflante !
La description des parents de l'héroïne, en particulier de sa mère ,totalement névrosée, ainsi que celle des coulisses du journal sont des régals et on ne peut lâcher cette héroïne qui observe implacablement le monde qui l'entoure, en assimile les règles souterraines, les mensonges, et en tire le meilleur profit. Un roman qui tient du thriller, de la peinture psychologique acérée et du tableau de moeurs. Un premier roman qui fait preuve d'une parfaite maîtrise tant dans l'écriture que dans le rythme du récit.
Le beau monde, Harriet Lane, traduit de l'anglais par Amélie de Maupeou, Plon 2012.236 pages et une forêt de marque-pages !
06:03 Publié dans rentrée 2012, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : harriet lane, manipulation, écrivain
16/10/2012
à travers les champs bleus
"La plupart du temps, chacun, esprit sensé ou esprit fêlé, trébuchait dans le noir, tendait ses mains vers quelque chose qu'il voulait sans même le soupçonner."
Entrer dans l'univers de Claire Keegan, c'est pénétrer dans un monde où les failles, les blessures se devinent à demi-mots, où les ellipses surprennent le lecteur, où la tendresse est souvent absente, voire dévoyée, où l'amour se fraye difficilement un chemin.
La vie de ses personnages est souvent aussi rude que le climat irlandais et même quand l'auteure situe l'action d'une nouvelle sous le soleil texan, dans un milieu privilégié , les relations familiales n'en sont pas pour autant apaisées.
Tout tient à peu de choses, un changement de vie auquel on ne peut se résoudre, le poids des traditions qui fait qu'une femme va gâcher sa vie à cause d'un mauvais choix: "Puis elle est montée et a passé le reste de son existence avec un homme qui serait rentré sans elle." . Tout est dit avec une grande économie de moyens.
Parfois pourtant les secrets sont révélés et même s'ils mènent apparemment à la destruction, le soulagement et la renaissance sont à portée de mains. L'humour, trouve aussi sa place, à travers le pouvoir des mots ,que souligne malicieusement la première nouvelle , La mort lente et douloureuse. Il faut prendre le temps de savourer les descriptions de Claire Keegan , de s'imprégner de l'atmosphère créée dans chaque texte et l'on y trouvera un plaisir sans pareil, un peu mélancolique et doux.
Et zou, à côté des autres livres de l 'auteure,clic, reclic, sur l'étagère des indispensables !
Le billet tentateur de Clara
06:04 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles étrangères, rentrée 2012 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : claire keegan, irlande
15/10/2012
70 % acrylique 30% laine
"Maintenant que tout est à l'envers , comme un pull aux coutures apparentes."
Depuis le décès brutal du père, Camelia et sa mère vivent recluses à Leeds, ville figée dans un éternel hiver. Elles ne communiquent que par des regards que chacune décrypte. La mère délaisse la musique et photographie des trous tandis que sa fille récupère dans les poubelles des vêtements neufs monstrueux qu'elle hybride avec les siens, créant ainsi d'étranges associations. Cet accoutrement bizarre va lui permettre de rencontrer un jeune chinois, Wen, qui va la persuader de reprendre ses études de chinois. Camelia, par l'intermédiaire des idéogrammes chinois va peu à peu reprendre goût aux mots et à la vie.
Récit d'une renaissance, 70 % acrylique 30 % laine est un premier roman qui réussit le pari de créer un univers , une atmosphère qui rendent palpable la souffrance de ses deux femmes sans jamais tomber dans le pathos. Le climat, le calendrier semblent doués d'une vie propre , en osmose avec le sentiments de Camelia, la narratrice : "Mon chinois s'améliorant, avril se présenta."
Les relations entre les langues, Camelia a été arrachée à l'Italie et entretient des rapports particuliers avec l'anglais et le chinois ,sont aussi au coeur de ce roman qui fait la part belle à l'humour, souvent noir et à la poésie. On regrettera juste quelques longueurs dans la fin du roman mais on appréciera la capacité d'invention et l'originalité de l'écriture. Un très bon moment de lecture !
70 % acrylique 30 %laine, Viola Di Grado, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Seuil 2012, 235 pages captivantes.
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : viola di grado
12/10/2012
La belle adèle...en poche
"Qui aurait parié un sou sur sa capacité cataclysmique ? "
Pour s'intégrer , se fondre dans la masse et mieux supporter "la dictature du collège", Adèle et Frédéric, qui sont juste amis depuis la maternelle décident de faire semblant d'être un couple. Cette stratégie fonctionne au delà de leurs espérances jusqu'à ce qu'Adèle se fasse rattraper par le battement d'ailes d'un papillon, enfin par les conséquences du cadeau d'anniversaire de sa tante.
Mais à force de cavaler à toute allure les personnages , tout plaisants qu'ils soient, n'ont pas le temps d'être approfondis . Quant à la fin, plutôt télescopée ,elle résoud en un tour de main un problème grave et du coup perd toute crédibilité. Un roman qui possède donc les défauts de ses qualités .
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : marie desplechin, adolescence
11/10/2012
Si je suis de ce monde
"Tenir des livre dans ses
bras voyagés là posés plan-
tés poussant du sol piles
renversées égratignées pa-
quets de phrases portées
debout."
Dans Si je suis de ce monde, Albane Gellé invente une forme compacte, une seule phrase, commençant immuablement par l anaphore "Tenir" et se terminant par "debout", comme des butées pour mieux cadrer le texte et le maintenir au centre de la page. Seul varie le contenu, sans ponctuation, au lecteur de la rétablir, parfois hachée, parfois coulant d'un seul souffle.
Dans ces petits pavés , l'auteure joue avec le lecteur qui guette les variations autour de "tenir" et le surprend souvent, l'emmenant dans des chemins de traverse qui vivifient une langue en apparence simple. Au fil des textes, des animaux, des éléments naturels sont convoqués pour dire la volonté de résister malgré les obstacle , quelle que soit leur nature: "(vitesse ogresse des journées)" ou "cerisier en équilibre sur roulis d'un jardin calme", "comment garder de l'air assez dedans parmi rouleaux de mer draps dépliés et noeuds".
Des vignettes, des cailloux traçant un chemin où chacun piochera à sa guise pour trouver de quoi Tenir debout, une poésie fraîche et revigorante. Un grand coup de coeur , pour le texte et pour une édition magnifique, tant par la typographie que par la qualité des papiers employés !
Un grand merci aux Editions Cheyne et à Libfly !
Lu dans le cadre de La voie des Indés (lisez hors pistes !)
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : albane gellé
09/10/2012
Au fond du zoo à droite
"Voilà bien la science: vous lui donnez des phénomènes merveilleux et elle vous rend de la pâtée pour chat."
Si ,comme moi ,vous êtes fan de l'émission de France 5 "On n'est pas que des cobayes," si vous êtes curieux, si vous êtes friand d'informations concernant les surprises concoctées par lMère Nature, si enfin vous aimez l'humour made in Vialatte et Desproges alors toutes affaires cessantes procurez-vous
Au fond du zoo à droite!
Edouard Launet s'est fadé des revues scientifiques et des articles aux titres improbables (et qui parfois font rêver), des démonstrations trapues et il nous les résume en quelques lignes et beaucoup d'humour.
Du rouge-gorge qui chante la nuit, aux insectes décapités qui survivent sans broncher plusieurs jours, en passant par le mille-pattes dont le nombre de pattes croît avec l'âge, toutes les bestioles, grandes ou petites auxquels des savants pas toujours bien intentionnés se sont intéressés, ils sont tous là.On glanera au passage bien des informations faciles à replacer dans la conversation, de quoi épater à peu de frais entre la poire et le fromage, à condition cependant d'éviter de lancer tout à trac que les corghis (les chiens dont s'entoure la reine Elisabeth) ont un goût écoeurant, si si, c'est un artiste anglais qui en a mangé un qui l'affirme ! le tout saupoudré d'un humour pince-sans rire féroce qui m'a fait sourire à de nombreuses reprises !
Bref, c'est un régal à peu de frais (il vient de sortir en poche) qui vous attend !
06:00 Publié dans Document, Humour | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : edouard launet
08/10/2012
La muraille de lave
"On lui avait souvent reproché sa froideur et sa distance, mais il ne s'en inquiètait pas beaucoup."
Le commissaire Erlendur est toujours en vacances . C'est bien dommage car cet opus , donnant la vedette à Sigurdur Oli, son jeune collaborateur, est tout sauf intéressant, du fait sans doute des défauts mentionnés plus haut du personnage.
Trois intrigues se mêlent paresseusement, dont une par ricochet, sur fond de pratiques bancaires plus que discutables et de problèmes de couple du héros, problèmes dont on se fiche royalement car le personnage est sans épaisseur.
Un roman que j'ai lu jusquà la fin pourtant, mais du bout des yeux, si j'ose dire, en soupirant presque.
Rendez-nous Erlendur!!!
Emprunté à la médiathèque.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : arnaldur indridason
05/10/2012
Une vie pleine...en poche
"Concentrée sur la terre, j'étais fondamentalement plus heureuse."
Délaissant sa vie de parfaite citadine , plus Sex and the city que La petite maison dans la prairie donc, Kristin Kimball va devenir une presque parfaite fermière bio, n'ayant parfois même pas la force de se laver (d'où le titre original :The dirty life) et transformant un douillet cachemire noir en pull troué mais confortable pour aller traire une vache au petit matin.
Tout ça parce qu'elle est tombée amoureuse d'un agriculteur de première génération, Mark,et encore plus peut être d'une ferme mais aussi de tout ce que cela implique comme vie bien remplie car cela représente "un challenge infini." Cela n'ira évidemment pas sans mal mais avec beaucoup d'humour, Kristin nous relate ses aventures (qui aurait cru qu'une expérience de pom pom girl pourrait être de quelque utilité face à un taureau furieux ? !), soulignant au passage les difficultés d'ajustement entre elle et son amoureux concernant la gestion de l'exploitation , leurs erreurs mais aussi insistant sur la solidarité dont ils ont bénéficié.
Un portrait qui n'est en rien idyllique mais plein d'optimisme , une écriture fluide et pétillante (l'auteure avait écrit auparavant des guides de voyage) font de ce livre un véritable régal où l'on glanera au passage plein d'infos (j'ai ainsi appris que les premiers AMAP avaient vu le jour au Japon !)
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : kritin kimball
04/10/2012
Tous ensemble , mais sans plus
"Tous ensemble, mais sans plus. Sans les trop vieux, les trop pauvres, les trop colorés, les trop moches. Sans les trop autres."
Fi des élans de fraternité, prônant les mixités sociales, les familles/fratries recomposées de gens de tous âges et de toutes origines ! Les nouvelles rassemblées dans ce recueil corrosif font exploser les faux-semblants et craquer le vernis !
D'emblée le ton est donné car il en faut bien peu pour entraîner une trop sage assemblée à lâcher les chiens et à envisager sans sourciller d'envoyer les ancêtre encombrants faire un stage au Club de Vie Intense , un zeste de manipulation et "avec entrain et un peu d'autorité" tout le monde s'exécute sans broncher, quite à se retrouver avec un petit démon sur l'épaule...
Racisme feutré à qui il faut juste un coup de pouce pour qu'il se donne libre cours, cruauté qui se pare des oripeaux de la vertu, tout ce qu'on relègue dans "le marais" des non-dits finit par remonter et éclabousser ceux qui n'appartiennent pas aux mêmes mondes, même s'ils feignaient d'en détenir les clés. Le rejet ne se situe pas d'ailleurs pas forcément là on s'y attendrait car Georpes Flipo est fort madré et nous surprend de biens des façons ! Il faudra attendre la fin du recueil pour qu'enfin quelques lueurs de fraternité se donnent à voir , histoire de ne pas totalement désespérer de l'humanité ?
En tout cas, tous ceux qui aiment la causticité et l'humour féroce, dévoreront comme moi tous ces textes , tout sauf sentencieux et donneurs de leçons, d'une seule traite !
Tous ensemble, mais sans plus, Georges Flipo, Anne Carrière 2012, 282 pages jubilatoires et alertes !
Keisha a été conquise !
Le blog de l'auteur .
06:00 Publié dans Nouvelles françaises, rentrée 2012 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : georges flipo