08/09/2012
L'écrivain de la famille...en poche
"Quand on est très petit , la longueur des bras permet juste d'atteindre le coeur de ceux qui nous embrassent.Quand on est grand, de les maintenir à distance."
Parce qu'il a écrit des vers de mirliton à sept ans, Edouard est aussitôt assigné au rôle d'Ecrivain de la famille. Les mots vont alors revêtir une importance toute particulière pour ce fils aîné d'une famille de commerçants aisés du Nord où les failles commencent à se creuser.
Mais s'il est assez facile d'adopter la séduisante posture de l'Ecrivain, les mots vont se montrer plus rebelles que prévus et se laisser plus aisément dompter sous forme de slogans publicitaires que sous forme romanesque.
Des années 70 , placées sous le signe de Sautet, aux années quatre-vingt dix ,plus sombres, nous suivrons, de décennie en décennie, le parcours de cet Edouard si doué pour décrire les femmes et si maladroit pour les aimer. Itinéraire d'un ex- enfant gâté, itinéraire d'une famille tout à la fois ordinaire et si singulière, à la fois drôle et émouvant, ce roman ,qu'on devine inspiré par le parcours de l'auteur, même si on y sent parfois la patte du publicitaire qui plie les mots à sa guise, réussit à transmettre une vraie émotion, subtile et chaleureuse. Un très joli voyage dans le temps et les sentiments d'une famille. Un livre qu'on ne lâche pas.
Par l'auteur de La liste de mes envies (clic)
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : grégoire delacourt
07/09/2012
Serena...en poche
"Faut dire qu'on avait encore jamais vu sa pareille dans nos montagnes."
Quand Serena rencontre Georges Pemberton, riche exploitant forestier, elle est persuadée d'avoir enfin rencontré quelqu'un à la mesure de son ambition et de sa personnalité, forte, implacable. Les deux époux entendent bien dévaster à leur profit la forêt que tentent de préserver quelques écolos avant l'heure (nous sommes dans les années 30 aux Etats-Unis), en créant un parc national.
Que Pemberton fasse mine de préserver la vie du bâtard qu'il a conçu avant son mariage va bientôt changer la donne car on ne se met pas impunément en travers du chemin de Serena.
A la lecture de la scène initiale du roman de Ron Trash, le lecteur , à peine remis du choc, a un doute, se croyant au temps du Western tant la violence semble banalisée et quasi impunie. Mais ce sont bien les années de la crise de 29, qui entraînent des hordes de chômeurs dépenaillés à se présenter en rangs serrés pour remplacer les bûcherons dont l'espérance de vie est très réduite, étant donné leurs conditions de travail, qui sont ici décrites avec souffle et puissance.
La destruction de la forêt - et de toutes les formes de vie qu'elle hébergeait- ainsi que le comportement de prédateurs des époux Pemberton, qui usent indifféremment de la violence ou de la corruption, sont commentés par une équipe de bûcherons qui assume le rôle de choeur dans cette tragédie moderne. Leur langue truculente et leurs commentaires acérés insufflent un peu d'oxygène dans une atmosphère qui emprunte à la fois au thriller quand la traque se met en place et au réalisme magique, tant la figure de Serena évoque celle de la femme maléfique et ensorcelante. On a le coeur qui bat la chamade , on étouffe devant tant de noirceur et on ne peut s'empêcher de penser que la situation décrite trouve des échos dans notre XXI ème siécle tout aussi destructeur, avide et gaspilleur. Magistral.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : ron rash
06/09/2012
Swamplandia
Une famille d'excentriques vit dans un parc d'attractions de Floride où est mis en valeur le courage de la mère de famille, Hilola Bigtree, dompteuse d'alligators de classe internationale. Hélas au décès de cette dernière, tout va partir en décrépitude et la famille va exploser, chacun cherchant par des moyens bizarres à redonner au parc le lustre d'antan.
Roman polyphonique, original et chatoyant, à la langue superbe, Swamplandia avait tout pour me séduire. Hélas, trop de longueurs ont eu raison de mon enthousiasme initial et, cruelle que je suis, j'ai abandonné la benjamine Bigtree dans sa quête initiatique, en route pour l'enfer, rien que ça.
06:01 Publié dans Lâches abandons, rentrée 2012, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : karen russell
05/09/2012
Appâts vivants
"C'est là ma place, parmi les asticots, au lieu de m'obstiner à fréquenter les êtres humains."
L'ambition du roman de Fabio Genovesi est de nous présenter de manière pittoresque la vie haute en couleurs de certains habitants d'une bourgade endormie de la province de Pise, Muglione, de nos jours.
Commencé sur les chapeaux de roues, faute d'intrigues vraiment intéréssantes et originales , le récit s'essouffle vite et on n'a qu'une hâte: venir à bout de ce pavé indigeste de 367 pages.
L'auteur dont c'est ici le premier roman a pêché par gourmandise et comme souvent, a voulu mettre un maximum de personnages et d'informations.Il aurait gagné à élaguer son texte et à se concentrer sur quelques personnaeges qui auraient ainsi acquis plus d'épaisseur. Dommage.
Appâts Vivants, Fabio Genovesi, traduit de l'italien par Dominique Vittoz, Fayard 2012.
Lu dans le cadre d el'opération On vous lit tout organisée par Libfly et le Furet du Nord.(merci !) .
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans italiens | Lien permanent | Commentaires (4)
04/09/2012
Glacé
"Servaz fut aussitôt sur ses gardes: il se méfiait instinctivement des gens élégants au sourire trop facile."
Dans une vallée encaissée des Pyrénées, en plein hiver, des ouvriers d'une centrale hydroélectrique découvrent le corps sans tête d'un cheval accroché à la falaise. Vision d'horreur qui n'est pas sans correspondre à l'atmosphère pesante que la jeune psychologue Diane Berg va découvrir dans le centre psychiatrique de haute sécurité à quelques kilomètres de là.
Commence alors pour le commandant Servaz, une enquête qui le mettra à rude épreuves (il est sujet au vertige et phobique des chevaux) et lui permettra de mettre au jour de vieilles histoires de contes de fées bien sinistres.
à la croisée des Rivières pourpres pour l'ambiance (très bien rendue) et du Silence des agneaux, Glacé réussit à tirer son épingle du jeu en croisant, sans jamais en perdre le fil (ni son lecteur en route) plusieurs intrigues parfaitement agencées. Les personnages sont bien campés et facilement identifiables. On regrettera pourtant l'aspect "increvable" du héros qui bien que , ultra fatigué, blessé, drogué, se lance sans broncher ou presque dans une course poursuite endiablée après s'être passé juste un peu d'eau sur le visage*, mais bon cela semble être la loi du genre aussi bien dans les romans que dans les films.
Ceci étant, Glacé est un thriller qu'on ne peut pas lâcher avant la fin et dont j'attends la suite avec impatience (c'est prévu pour octobre !).
* Ah les pouvoirs de l'eau de la Comminges ! (une région que j'aime beaucoup et que l'auteur a réinventée avec brio)
Merci Cathy !:))
Glacé, Bernard Minier, Pocket 2012, 725 pages qui filent à toute allure !
Et un de plus pour le challenge de Liliba !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bernard minier, thriller
03/09/2012
Que nos vies aient l'air d'un film parfait
"Des mots qui forcent le passage, qui entrent dans la tête pour t'obliger à faire ce qu'ils disent..."
Un petit frère, une grande soeur, victimes collatérales du divorce de leurs parents. La mère , peu équilibrée et très manipulatrice, le père , aimant mais dépassé par les événements, la soeur, qui bien malgré elle va causer l'éloignement de la fratrie, prennent tour à tour la parole. Chacun présente sa version des faits, seul le cadet se tait. Pendant de longues années. La dernière partie du roman , sous forme de lettre viendra remettre en perspective cette séparation.
Très peu de pages, 119, mais une émotion à fleur de peau et une écriture qui tord le coeur du lecteur. Un livre avec en toile de fond les années 80 et en bande sonore les ritournelles pop sucrées et légèrement désenchantées de cette époque. Un de mes coups de coeur de cette rentrée littéraire !
Que nos vies aient l'air d'un film parfait, Carole Fives, Editions le passage 2012.
Du même auteur: clic et reclic !
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : carole fives, divorce
01/09/2012
Sukkwand Island...en poche
"Il savait que son père s'infligeait cela tout seul. »
Un homme et son fils de 13 ans, seuls sur une île sauvage au Sud de l'Alaska, difficilement accessible. Viennent en tête du lecteur les notions de « pionnier », de "conquête du territoire ", liées à l'histoire des Etats-Unis, mais d'emblée l'auteur instaure une atmosphère lourde de « bourbier ». Il ne s'agit donc pas ici de « robinsonner » en toute sécurité mais , pour le père, à défaut d'arriver à maîtriser sa vie et ses pulsions, de réussir à assurer sa survie et celle de son fils, Roy, ainsi que de restaurer une relation père/fils pour le moins défaillante. Très vite le lecteur se rend compte que le plus mature des deux n'est pas forcément le plus âgé et son coeur bat la chamade en tournant les pages ...jusqu'à la fin de la première partie qui arrive comme un uppercut et le laisse groggy. Magistral.
La suite du récit est une plongée hallucinante dans un esprit malade, alternant auto apitoiement et déni de la réalité. On sort de là estomaqué par ce premier roman de David Vann , au style tout en retenue et qui montre une maîtrise totale de la narration .
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : david vann
31/08/2012
Le signal...en poche
"Tu es comme un autobus plein de fantômes."
Mack et Vonnie c'est de l'histoire ancienne. Mack s'est laissé englué par les dettes, l'alcool et les fréquentations douteuses. Vonnie est en train de refaire sa vie mais accepte de partir avec son ancien amoureux pour une dernière balade dans les montagnes du Wyoming, leur balade.
Elle ignore que Mack, l'impénitent menteur, compte bien faire d'une pierre deux coups et récupérer par la même occasion une mystérieuse balise. Après un début des plus agréables, le temps se couvre et les ennuis commencent...
On suit avec beaucoup de plaisir les retours en arrière nous montrant un Mack dans la plus belle tradition du mec laconique et posé. On apprécie aussi le fait que malgré toutes les conneries qu'il a commises, on sent que c'est un homme fiable qui sait s'ajuster dans la nature dans laquelle il évolue. On croise les doigts et on profite des somptueux paysages. Bref, on se régale d'un bout à l'autre et on se sent des foumis dans les pieds.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : ron carlson
30/08/2012
La vie
"Nos yeux savent des choses que nos esprits ignorent."
Dans le texte de Régis de Sà Moreira, pas d'intrigue mais une multitude de vies effleurées, par l'intermédiaire de pensées de personnages qui se croisent, se répondent de manière muette. On glisse de l'un à l'autre sans heurts, et le petit miracle est que sans descriptions, avec des paragraphes très courts, on a vraiment l'impression de les voir ces personnages !
La variété est de mise: de l'enfant dans le ventre de sa mère au suicidaire qui se met la tête dans le four électrique, en passant par le couple qui se déchire, ce sont autant de fragments pleins d'humour ou d'émotions qui se donnent à voir, composant ainsi le kaléidoscope savoureux et réussi de La vie !
Merci Sylvie !
La vie, Régis de Sà Moreira, le daible Vauvert 2012, 120 pages piquetées de marque-pages.
Clara a aimé aussi.
Karo[line] a interrogé l'auteur.
Du même auteur, clic ! ....,
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié, rentrée 2012 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : régis de sà moreira
29/08/2012
Marcus
"Mais mon petit dictionnaire de la vie s'appelait Marcus."
Hélène, toxicomane, avant de mourir, a confié son fils, Marco dix ans, à son meilleur ami, Pierrot. Ce dernier, la trentaine,mène une vie laborieuse sur les marchés de la région lilloise et devenir père de substitution ne figurait certes pas à son programme. Mais la fraternité et le soutien de ses amis vont aider ce célibataire au coeur tendre à faire une place à ce gamin craquant,et l'on se plaît à rêver de bonheur. Jusqu'à ce que le passé rattrape Pierrot.
Les grincheux souligneront le scénario cousu de fil blanc mais ils se priveraient ainsi d'un roman lumineux qui peint, sans misérabilisme ni guimauve le monde des petites gens, ces "graines "... qui se changent tout de suite en herbes folles .[...] On passe la tête entre les dalles, on s'accroche comme du lierre aux pierres qu'on trouve. Parfois on tient, parfois on décroche. ça dépend pas que de nous, mais il faut faire comme si."Il y est beaucoup question de chaleur humaine et de familles qu'on se bricole quand la vie n'a pas toujours été généreuse, le tout raconté dans dans une langue mêlant registre familier, courant , émaillée de quelques régionalismes.
Si la troisième partie connaît une petite baisse de rythme, lançant une intrigue secondaire qui ne débouchera pas sur grand chose, on reste néanmoins scotché par ce livre généreux, fluide et dont on l'impression d'avoir déjà croisé les personnages dans un quartier populaire lillois. Un roman tendre, facile à lire (et ce n'est pas une critique) qui fait passer un excellent moment !
Marcus, Pierre Chazal, Editions Alma 2012, 328 pages qui se lisent d'une traite !
Et hop pour le challengeVivent nos régions de Lystig ! ...,
06:02 Publié dans Les livres qui font du bien, rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pierre chazal, ensemble, c'est mieux