23/09/2016
Album...en poche
"Un matin, je me réveillai avec mes premières règles dans ma culotte. Je décidai de faire comme si je n'avais rien remarqué, car il y a des limites à ce dont on peut s'accommoder à la fois, et je descendis à la cuisine d'une humeur de chien."
J'avais manqué cet Album de Gudrùun Eva Minervudottir (dont j'avais beaucoup aimé le recueil de nouvelles Quand il te regarde tu es la vierge Marie clic) et j'ai sauté dessus à sa sortie en poche.
Placé sous le signe de la brièveté, tant par le nombre de pages (112 ) que par les chapitres très courts, ce texte est aussi le royaume de l'ellipse. Pourtant on se retrouve très bien dans ce récit autobiographique de l'enfance de Minervudottir. L'autrice a raison de faire confiance à son lecteur,qui comble les trous ,et savoure d'autant plus le style imagé et plein d'énergie de ce récit hors-normes.
Que la narratrice tricote "des foulards blindés, les mailles devenant sans cesse plus petites et plus serrées jusqu'à faire grincer les aiguilles et demander beaucoup d'efforts pour passer de l'une à l'autre", grimpe à cru sur un cheval (un pur joyau que ce texte ) et le fasse obéir "par la pensée", elle n'est jamais dupe des pièges de la mémoire et n'embellit pas" la péquenaude" qui n'avait pas "l'usage du monde".
S'opèrent ainsi de singuliers virages qui minent le récit autobiographique et l'éloigne de toute tentation de mièvrerie. J'ai adoré !
Traduction de l'islandais, toujours aussi réussie de Catherine Eyjolfsson.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gudrùn eva minervudottir
19/09/2016
Une famille passagère
"Je l'avais emmené avec moi pour donner quelque chose à aimer à l’amour qui était en moi."
Profitant d'un moment d'inattention des parents, une femme, la narratrice, enlève un bébé dans la station balnéaire de Margate en septembre 1938. L'acte ,qui paraît d'abord impulsif, s'avère en fait clairement préparé.
De la voleuse d'enfants, nous ne connaîtrons jamais l'identité, tout au plus glanerons-nous au fil du texte quelques informations , très lacunaires, sur son passé.
Visiblement perturbée, alternant périodes de lucidité, réflexions pragmatiques et obsession délirante, cette femme nous entraîne dans une vison très dérangeante de la famille et de la maternité. On frémit de la voir observer calmement la mère de l'enfant, éplorée, on a le cœur qui bat quand elle abandonne le petit qui l'encombre pour aller au cinéma, son seul plaisir apparemment.
Dans une prose à la fois poétique et précise, Gerard Donovan nous emporte dans un univers troublé et fascinant. Du grand art.
Une famille passagère, Gerard Donovan, traduit de l'anglais par Georges-Michel Sarotte, seuil 20156, 191 pages troublantes.
Du même auteur : Julius Winsome, clic.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : gerard donovan
17/09/2016
Delivrances...en poche
"Mais cela nécessiterait du courage, chose que, puisqu'elle réussissait dans son métier, elle croyait posséder en abondance .ça et une beauté exotique."
De Lula Anne à la peau beaucoup trop noire pour sa mère, "sa couleur est une croix qu'elle portera toujours." , à Bride, la jeune femme qui ne porte que du blanc, et dont la peau "rappelle la crème fouettée et le soufflé au chocolat" a su tracer son chemin dans la société américaine et se réinventer.
Tout semble lui réussir, elle évolue dans l'univers de la beauté et enchaîne les succès jusqu’à ce que la mécanique se grippe : Brooker la quitte sans un mot et elle se fait rosser par une femme qu'elle entend aider.
Commence alors une ultime métamorphose où le corps de Bride régressera vers l'enfance, une touche de "fantastique" de l'ordre du symbolique qui ne m'a pas tout à fait convaincue, et partira à la recherche de celui qui l'a abandonnée.
Racisme, pédophilie mais aussi résilience, sont les thèmes de ce court roman choral qui nous donne à voir sous plusieurs angles le personnage de Bride. Un roman fluide et prenant qui marque ma rencontre -réussie- avec cette auteure partout célébrée.
J’avoue préférer le titre américain"God Help the Child" (que Dieu aide l'enfant), bénédiction qui clôture ce roman.
10/18, 2016.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : toni morrison
16/09/2016
L'éveil
Une jeune femme , Juliet, fille de l’ambassadeur d'Australie tombe amoureuse d'un Français, qui a une autre femme en tête. Le tout se déroule dans la chaleur moite d’Hanoï, au Vietnam.
Récit d'un Éveil à l'amour physique et aux souffrances d'un sentiment non réciproque, le premier roman de Line Papin lorgne un peu trop du côté de Duras pour que je me sois laissée embarquée dans ce texte où on a parfois l'impression que l'autrice se regarde écrire.
Line Papin ayant été récemment adoubée par Annie Ernaux, je partais pourtant avec un a priori favorable mais rien n'y a fait, je suis toujours restée extérieure au récit.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : line papin
15/09/2016
L'incandescente
"Je pensais filer en sa compagnie du côté des enfants amoureux, le seul pays dont je me revendique, où tout est encore lié, les herbes , les mots, le monde."
Découvrant des lettres adressées à sa mère, l'autrice reconstitue l'histoire d'amour qui l'a liée à Marcelle, L'incandescente, avant qu’Emma n'épouse Marcel.
Sous fond de tuberculose, le fléau aux aspects romantiques, Claudie Hunzinger donne vie à toute une époque et à une histoire d'amour enflammée.
Si j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver le style de l'autrice, je suis restée un peu sur ma faim à cause du choix qu'elle fait de ne pas nous livrer le texte de ces lettres, ou de nous les résumer, mais de se les approprier, tout en les commentant , leur conférant ainsi un statut un peu bizarre. Avis en demi-teintes donc.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : claudie hunzinger
13/09/2016
Riquet à la houppe
* Riquet à la houppe, Amélie Nothomb, Albin Michel 2016.
Pas de rentrée littéraire sans notre Belge préférée, pas de couverture sans photographie de l'auteure, toujours réussie !
Revisitant le conte de Riquet à la houppe, personnage moche mais ayant beaucoup d'esprit qui réussira à épouser une princesse dotée de beauté mais dénuée d'intelligence, Amélie Nothomb nous offre un roman fluide, doté de tous les ingrédients de rigueur. Les personnages portent des prénoms improbables (énide, Honorat, Déodat ou Trémière) et évoluent dans un univers toujours un peu décalé. L'autrice se fend ensuite de quelques confidences sur la littérature pour justifier la fin heureuse de son roman. Rien de transcendant mais une lecture bien agréable,qui sera vite oubliée.
06:00 Publié dans Je l'ai lu !, Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : amélie nothomb
12/09/2016
Les ravagé(e)s
"-Pour une fois, au moins, on n'a plus à se demander ce qu'est vraiment notre boulot, soupira Marco. Essayer de canaliser le chaos.
-Avec de la bonne volonté et des punaises."
Alex élève seule sa fille et travaille dans une brigade spécialisée dans les crimes sexuels, au Nord de Paris. Dans le commissariat, on accueille avec plus ou moins d'empathie les victimes, majoritairement féminines. Pourtant, l'agression d'un jeune homme va mettre au jour un phénomène discret mais prenant de l'ampleur et la peur va changer de camp.
Dans ce premier roman, Louise Mey permute le point de vue agresseur/victime pour mieux nous faire ressentir entre autres, ce que c'est que d'arpenter l'espace public la peur au ventre. Nourri de statistiques et de témoignages ,brefs mais efficaces, sur les agressions dont sont victimes les femmes, comme autant de piqûres de rappel, le texte n'a pas qu'une volonté dénonciatrice.
Les personnages sont hauts en couleurs et se débattent dans un quotidien qui les mine souvent mais ne les abat pas pour autant. Alex est un personnage féminin puissant et la voir régler son compte à quelque malotru ignorant son statut de policier est un pur régal. Si l'intrigue pêche un peu par une intrigue secondaire (le journaliste intrusif dont on se débarrasse d'ailleurs de manière un peu expéditive), il n'en reste pas moins qu’il y a du suspense, des rebondissements et pas mal d'humour! Un régal dont on aurait tort de se priver !
Les ravagé(e)s, Louise Mey, Éditions Fleuve 2016, 432 pages qui se tournent toutes seules.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : louise mey, polar
08/09/2016
La fille du train...en poche
"Pour la première fois depuis bien longtemps, je m'intéresse à autre chose qu' à mon propre malheur. J'ai un but.Ou, en tout cas, une distraction."
Par la fenêtre de son train de banlieue du matin, ou du soir, Rachel observe les habitants d'une maison située en bord de voie. Un couple idéal à ses yeux, une vie parfaite qui s'offre comme un contrepoint à celle qu'elle connaît.
Mais un jour, une scène vient troubler la belle harmonie et Rachel apprend quelques jours plus tard que la si jolie jeune femme de la maison a disparu. Elle décide alors de s'immiscer dans cet univers qui fut naguère le sien...
C'est sur la foi d'une critique de Telerama (qui en disait beaucoup moins que la quatrième de couv') que j'ai commencé la lecture de ce thriller psychologique. J'ai aussitôt été happée et par les personnages (trois femmes prennent la parole ) et par le récit qui opère un virage à 180° dans le dernier tiers. Les informations sur la narratrice principale sont distillées au compte-gouttes , estompant ainsi le côté pathétique de sa situation.
Ce voyeurisme banal, qui n'a pas saisi au vol des scènes de vie au cours d'un voyage en train ?, est exploitée pleinement par Paula Hawkins qui ferre d'emblée son lecteur et ne le lâche plus ! Voilà longtemps que je n'avais dévoré un thriller avec autant d'appétit !
La fille du train, Paula Hawkins, traduit de l'anglais par Corinne Daniellot, Sonatine 2015, 379 pages à dévorer, par forcément dans les transports en commun, de crainte de louper son arrêt ! Pocket 2016
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07/09/2016
Les gens dans l'enveloppe...en poche
"C'est une histoire d'abandons. De l'abandon dont sont capables et victimes les femmes."
En juin 2012, Isabelle Monnin achète sur internet un lot de photographies d'une famille dont elle ne sait rien. Constatant une absence, celle de la mère d'une petite fille dont la photo figure en couverture, elle imagine un roman mettant en scène ces gens ordinaires qui pourraient être nous.
Le texte une fois achevé, elle part à la recherche des vraies personnes, aidée en cela par un amateur de clochers qui a recensé sur internet tous ceux de Franche-Comté. Elle découvrira alors que, dans la vraie vie, la position centrale de ce récit est en fait occupée par le père de famille...
N'ayant aucun goût pour la nostalgie, j'ai un peu traîné des pieds avant d'entamer la lecture de ce roman .Pourtant le dispositif m'intéressait vraiment et l'écriture sensible d'Isabelle Monnin, sa délicatesse et sa pudeur ont fait que j'ai été emportée par les deux textes. Une œuvre singulière, accompagnée des photographies et d'un disque avec des chansons composée par Alex Beaupain et des reprises où l'on entend certains des gens dans l’enveloppe.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : isabelle monnin, alex beaupain
05/09/2016
De tout, en bref...
*Alice ou le choix des armes : un huis-clos entre une victime de harcèlement moral au travail et l’inspecteur qui enquête sur la mort bizarre du harceleur.
Dans un style très travaillé et efficace, Stéphanie Chaillou décortique de manière précise les mécanismes du harcèlement envisagé du point de vue de la victime, soulignant l'indifférence de la direction de l'entreprise. Un bon roman auquel il a manqué ce je ne sais quoi qui fait toute la différence et emporte l'enthousiasme.
Stéphanie chaillou,Editions Alma 2016.
* Le rouge vif de la rhubarbe : Agustina, entre méditation dans le carré de rhubarbe rouge et lecture des lettres de sa mère partie aux antipodes , a formé le projet d'escalader la "Montagne" de 844 mètres. Et ce ne seront pas ses béquilles qui vont l'en empêcher !
Premier roman de mon écrivaine islandaise préférée, Le rouge vif de la rhubarbe contient en germe tout ce qui fait la saveur des romans de son autrice : poésie, humour, personnages hors-normes et familiers tout à la fois. Mais serait-ce le nombre de pages trop réduit à mon goût (156 pages), je suis restée un peu sur ma faim. Pourtant les marque-pages ont été à la fête !
Audur Ava Olafsdottir, éditions Zulma 2016 , traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsonn
06:00 Publié dans Je l'ai lu !, Rentrée 2016 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : stéphanie chaillou, audur ava olafsdottir