06/12/2016
Bureau des spéculations...en poche
"Mais mon agent a une théorie. Elle dit que chaque mariage est bricolé. Même ceux qui ont l'air raisonnables du dehors sont maintenus au-dedans par du chewing-gum, du fil de fer et des bouts de ficelle."
Imaginez une histoire d'amour des plus banales en apparence: rencontre, mariage, bébé, difficultés du quotidien, usure du couple, sentiment d'insatisfaction, infidélité, couple qui vacille.
Du vu et revu ? Certes. Mais la narratrice qui prend ici en charge le récit le fait de façon parcellaire, mêlant informations scientifiques collectées pour un travail d'appoint, maximes littéraires, souvenirs, bribes de chanson et de conversations. L'ellipse règne en maître, omettant tous les passages obligés d'un roman d'amour (la rencontre, par exemple), faisant confiance au lecteur pour combler les trous et deviner ce qui advient.
Que la narratrice ait écrit un roman et enseigne à l'université n'est évidemment pas un hasard, mais chacune d'entre nous se reconnaîtra dans les émotions qu'elle partage, en particulier avec sa fille nouvelle-née.
Un portrait de femme impressionniste qui ne manque pas d'humour.
D'abord un peu déroutée, j'ai dévoré avec enthousiasme ces 156 pages sensibles. Un roman qui m'a sortie, au moins provisoirement, d'une panne de lecture qui dure ! :)
Bureau des spéculations, Jenny Offill, traduit de l'américain par Edith Ochs, Livre de poche 2016.
De la même autrice : clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jenny offill
05/12/2016
Les chemins noirs
"Je préférais demander aux chemins ce que les tapis roulants étaient censés me rendre: des forces."
On l'a connu fanfaronnant sur les toits parisiens, mais c'est un chalet montagnard qui aura eu presque raison de lui. Rafistolé par des médecins dont il s'étonne qu'ils ne lui aient reproché, Sylvain Tesson, désormais sourd d'une oreille, paralysé du visage et doté de quelques vis dans la colonne vertébrale, décide de se soigner à sa façon.Pour cela , il parcourt ce qu'il appelle Les chemins noirs, cette "géographie de traverse" qui subsiste, loin de l'aménagement imposé au territoire.
Et c'est bien cette géographie, plus que le corps et l'âme en berne du narrateur qui sont au cœur de ce récit. Quelque fois sentencieux, mais le plus souvent poétique, Sylvain Tesson fait aussi quelques rencontres , parfois hautes en couleurs, mais le plus souvent fort modestes.
C'est cette poésie champêtre et cette modestie qui ont su emporter mon adhésion et me réconcilier avec le personnage et l'auteur.Le récit est bref et bien moins nostalgique que celui de Benoit Duteurtre, plus axé lui sur l'histoire.
Les chemins noirs, Sylvain Tesson, Gallimard 2016
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : sylvain tesson
30/11/2016
De tout, un peu...novembre
Mariées rebelles, Laura Kasischke, inédit, édition bilingue, poèmes magnifiquement traduits par Céline Leroy, et préfacés par Marie Desplechin.
Enfin, le premier recueil de poèmes de Laura Kasischke, dont on n'entendait parler que dans les articles consacrés à celle que nous ne connaissions que comme romancière ! Et ce dont deux éditeurs lillois qui se sont lancés dans cette folle entreprise ! La préface de Marie Desplechin nous donne une folle envie de dévorer tout à la fois le livre et un baba au rhum (dont acte); quant aux poèmes, je vous laisse le soin de les découvrir. Il y est beaucoup question de femmes, de neige et d'amour.
Mariées rebelles *, Laura Kasischke, Traduction Céline Leroy, Editions Page à Page 2016, 183 pages hérissées de marque-pages
*(rien que le titre donne envie !)
Les cosmonautes ne font que passer Elitza Gueorguieva
Je vais jouer les trouble-fêtes dans le concert de louanges qui a accompagné ce premier roman écrit par une jeune bulgare, mais le "Tu" a sans cesse corné à mes oreilles et j'ai cherché en vain l'humour.
Livre pour adultes, Benoît Duteurtre, Gallimard 2016
Le billet de Cuné m'avait donné envie. Si j'ai admiré l'écriture, la nostalgie qui se dégage de ces pages m'a un peu laissée de marbre.
Pour finir, un coup de cœur pour une série que je n'ai pas terminé de déguster , mais rien que ce que j'ai déjà vu, à savoir la moitié, est un pur régal : THIS IS US.
Le destin de trois personnes nées le même jour, avec des rebondissements, des retours en arrière, des détails tirés du quotidien, le passé des États-Unis (années 80), des personnages hyper attachants, des histoires qui donnent le sourire, émeuvent, autour du thème de la fratrie et des différences. Le personnage du père (avec sa moustache !) est à lui seul un concentré d'humanité.
Le seul avantage de novembre est qu'il n'a que 30 jours, c'est déjà ça.
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (4)
29/11/2016
30 ans (10 ans de thérapie)
"Pour ceux que ça intéresse, l'intégralité de la biographie de ma mère est disponible en live chez elle tous les dimanches vers 15 h30. (Et en version longue non censurée à chaque Noël)."
Nora Hamzawi, je l'avais quelques fois entendue sur France Inter,j'avais même lu quelques unes de ses chroniques dans Grazia (oui, ça m'arrive de lire Grazia et chez moi, pas dans une salle d'attente). Mais de là à lire ce "journal d'une trentenaire névrosée" regroupant ses meilleures chroniques, enrichi même d'inédits, ce n'était pas gagné d'avance. Et pourtant, j'ai dévoré.
J'ai souri, j'ai admiré son culot (aucun sujet tabou), son autodérision permanente, son regard amusé, tendre et vachard porté à la fois sur elle-même et sur des situations du quotidien que nous avons toutes connues, trentenaires ou pas.
Le récit du plombier qui lui explique comment ne pas boucher son sanibroyeur m'a fait hurler de rire! Ses coups de gueule ( in petto), sa manière de se compliquer la vie en suranalysant tout ou presque m'ont réjouie au plus haut point ! Quant aux illustrations de Anna Wanda Gogusey, elles sont en parfaite harmonie avec le ton du livre ! Un pur plaisir dont on aurait tort de se priver !
Merci à Madame ma fille qui m'avait conseillé de tenter l'expérience car elle-même avait beaucoup ri au spectacle de Nora Hamzawi ! Évidemment, le livre va filer chez elle :)
- 30 ans (10 ans de thérapie), Nora Hamzawi, Editions Mazarine 2016 , 188 pages réjouissantes !
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : nora hamzawi
28/11/2016
Bridget Jones baby Le journal
"C'est névropathique, paraphrénique, adamantin, platitudineux, inepte, insane, macaronique...
-Vous pouvez traduire, Will ? demande le présentateur.- Une bouillasse totalement illisible, répond Will Sharp."
Bridget a renoué -et plus car affinités et cocktails alcoolisés -successivement avec ses deux ex. Problème: elle est enceinte mais ignore qui est le père de son enfant.
Sur une intrigue plus que légère,au dénouement prévisible, le roman ronronne gentiment, utilisant les bonnes vieilles recettes qui avaient fait le succès du premier opus, sans les renouveler.
J'ai même été un peu agacée par le cadeau somptueux que font les copines de Bridget à la future mère: une poussette de compétition qui doit coûter un bras mais bon, ce doit être mon côté schtroumph grognon qui ressort.
Néanmoins, je n'ai pas abandonné ce roman de détente qui fait le job.
Albin Michel 2016, 259 pages distrayantes.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : helen fielding
27/11/2016
Les jeunes mariés...en poche
"Elle s'efforçait de trouver un lien entre la jeune fille qu'elle imaginait si souvent dans l'appartement de ses parents et l'épouse américaine se servant d'un lave-vaisselle et d'une machine à laver ou consultant ses mails sur l'ordinateur du salon.La tâche était d’autant plus difficile qu'à Rochester personne ne connaissait la Munni d'avant, et dans son pays ,personne ne connaissait celle d’aujourd’hui.Parfois, elle se demandait si les deux filles s'éloigneraient de plus en plus jusqu'au jour où elles ne se reconnaitraient plus."
Amina,jolie jeune femme bangladaise, et Richard, ingénieur américain de trente-cinq ans , ont fait connaissance par le truchement d'un site de rencontre sur internet. Tous deux, forts pragmatiques, ont chacun le projet de fonder une famille. Mais ce qu'Amina ne révèle pas immédiatement c'est que pour elle cela implique que ses parents la rejoignent aux États-Unis.
Par rapport à Amina , jolie, déterminée et intelligente, Richard paraît bien falot. Mais peut être n'est-il pas aussi lisse qu’il le paraît...
La première partie du roman est malicieusement intitulée " Un mariage arrangé". En effet, Amina met tout en œuvre pour réaliser son rêve: aller vivre aux États-Unis, mais sans jamais paraître froide ou manipulatrice. Les deux chapitre suivants, forts intéressants, sont consacrés à son intégration et à sa conquête de la citoyenneté américaine. En contrepoint des héros, la cousine de Richard, qui a échoué dans son mariage avec un Indien ,vient donner un nouvel éclairage sur les couples dits mixtes. J'ai été moins convaincue par la dernière partie, "Une demande en mariage" qui décrit avec beaucoup trop de détails les embrouilles familiales dans lesquelles sont enferrés les parents d'Amina. Un roman qui, malgré quelques longueurs, confirme le talent de Nell Freudenberger.Un joli parcours de couples qui s'effectue d'une certaine façon à l 'envers mais qui est fort convaincant dans son souci des détails et sa vérité psychologique.
Les jeunes mariés, Nell Freudenberger, traduit de l'anglais (E-U) par Sabine Porte, Quai Voltaire 2014, 427 pages.
10/18 2016
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : nell freudenberger
23/11/2016
Sauveur & Fils Saison 2
"Ils rirent. Blaguer est une façon de mettre à sa juste place quelque chose qui vous angoisse."
Que sont devenus les patients de Sauveur Saint-Yves, psychologue antillais à Orléans ? On les retrouve dans cette saison 2 qui leur fait la part belle, même si les rebondissements de l'histoire d'amour du psy ne sont pas oubliés.
Marie-Aude Murail montre ici sa grande connaissance du monde des adolescents et son grand professionnalisme en matière d'écriture. On en s'ennuie pas une minute, même si la fraîcheur de la découverte et l’enthousiasme suscité par la saison 1 (clic) sont un peu estompés.
Sauveur & Fils, Saison 2 , Marie-Aude Murail, école des loisirs 20165, 314 pages qui se tournent toutes seules.
06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : marie-aude murail
22/11/2016
La vie idéale
"à Rain Dragon, assurait-elle, , le secret était de ne jamais admettre son manque d'expertise. Ici, à la différence du Massachusetts, tout le monde se fichait de vos références. On était ce lui que l'on disait être.On pouvait même se montrer incroyablement médiocre dans un domaine donné, personne ne semblait le remarquer ou s'en soucier."
Damon et Amy, couple de trentenaires, ont rejoint "Rain Dragon", une grande ferme bio du Nord-Ouest des États-Unis. Si la jeune femme trouve aisément sa place dans la structure de ce projet alternatif, Damon , davantage motivé par l'idée de suivre le nouvel engouement de sa compagne, dans l'espoir de sauver leur couple, nettement moins.
Il sera pourtant à l'origine d'une formation destinée aux grandes entreprises , initiative qui n'aura pas forcément les résultats escomptés.
J'ai retrouvé avec plaisir le style et la finesse psychologique que j'avais appréciés dans le recueil de nouvelles Wendy et Lucy. (clic)
J'ai aussi aiméécié la description du fonctionnement de cette communauté qui se veut hors normes, mais n'en reste pas moins une entreprise qui se doit de faire des bénéfices . Pas d'esprit à la Pierre Rabhi ici mais un solide sens des affaires sous un vernis de communauté dirigée par un leader aux allures de gourou.
Si les dés semblent joués d'avance, il n'en reste pas moins qu'on passe un bon moment de lecture.
La vie idéale, Jon Raymond, traduit de l'américian par Nathalie Bru, Albin Michel 20116 , 317 pages douces-amères.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jon raymond
21/11/2016
Nous sommes restées à fixer l'horizon
"Nous nous sommes tartinées la figure d'argile bleu-clair, nous avions l'air de deux fantômes touchés par le bonheur."
Quel personnage cette Olivia ! Manipulée dans sa jeunesse par sa mère, plutôt que de devenir architecte, elle a décidé de bosser dans une fonderie. Mise à la porte par son petit ami, elle apprend que sa tante Agot décédée brusquement lui lègue sa maison en Islande.
Lors des obsèques, elle tombe amoureuse de Bé,elle-même mariée à une femme. Nos deux héroïnes se rendront donc ensemble en Islande.
Plus que cette histoire d'amour, toute en délicatesse et ellipses, c'est le personnage d’Olivia, en chemin vers sa liberté et le style de l'auteure qui ont su emporter mon enthousiasme. Alternant différents registres de langue, utilisant des mots tantôt anciens, tantôt peu usités (bravo au traducteur !), "J'étais sémillante, badine et rigolarde, un rien déclenchait mon hilarité, et mon rire était imprudent comme celui d'un enfant après une crise de larmes "Mona Hovring a aussi le goût des métaphores, ce qui ne gâte rien !
Une découverte réjouissante !
Nous sommes restées à fixer l'horizon, Mona Hovring, traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud, Notabilia 2016 , 157 pages piquetées de marque-pages.
06:03 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : mona hovring
17/11/2016
American housewife
"Les talons aiguilles sont pour les femmes qui n'ont nulle part où aller."
Douze portraits de femmes américaines, dont beaucoup sont liées au milieu de l'écriture (écrivaine qui n'a rien écrit depuis des lustres, écrivaine ratée donnant le mode d'emploi d'une reconversion très chic, participantes allumées d'un club de lecture, autrice sponsorisée par une marque de tampons... ) , elles habitent l'Upper East Side où elles mènent une vie assez vaine.
Dans un rythme endiablé, Helen Ellis les croque avec une férocité réjouissante, peignant avec brio des situations de communications perturbées qui commencent de manière très policée et finissent en vrille pour le plus grand bonheur des lecteurs. On entre chez Lorrie Moore et on finit chez Stephen King. La société en prend un sacré coup !
Plein de surprises, de rires, parfois jaunes, le lecteur est entraîné dans un univers décalé et on ne peut lâcher ces douze nouvelles.
L'observation est acérée, l'écriture virtuose, un pur régal dont il ne faut en aucun cas se priver !
Un grand bravo à la traductrice: Sophie Brissaud .
American Housewife, Helen Ellis, Éditions de la Martinière 2016, 206 pages addictives.
Cuné m'avait donné envie, qu'elle en soit remerciée !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : helen ellis