30/04/2016
Les oies des neiges...en poche
"J'avais l'impression d'exister entre deux pôles, le connu et le nouveau, et je me sentais alternativement attiré vers l'un ou l'autre."
Revenu dans la maison familiale pour une période de convalescence , suite à une hospitalisation,l'étudiant Ralph Fiennes se rend vite compte que, malgré la sollicitude des siens ,il se sent à l'étroit, au sens propre et au sens figuré , dans ce qui n'est plus son "home". Il commence alors à s'interroger sur la notion de "chez soi " et la redécouverte par hasard d'un roman lu dans l'enfance, L'oie des neiges, va l'inciter à suivre ces oiseaux dans leur périple de près de cinq mille kilomètres.
Rien ne prédisposait l'auteur (qui oui est bien apparenté aux acteurs Ralph et Joseph) à entreprendre ce voyage et cette méditation sur le mal du pays, la nostalgie, le tiraillement perpétuel entre l'envie de bouger et de se fixer, de rester seul ou d'aller à la rencontre des autres. Il aura fallu la conjonction de ces deux événements, la maladie et le roman pour que naisse Les oies des neiges.
Si le rythme est parfois lent, l'écriture est poétique, très visuelle, et nous glanons plein d'infos non seulement sur les oies (dont le trajet n'est en rien linéaire) mais aussi sur les hommes et femmes rencontrés par l'auteur. Un récit constellé de marque-pages !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : william fiennes
29/04/2016
Quoi qu'il arrive
"Le sujet du tableau, c'est la multitude de chemins que l'on n'emprunte pas, la multitude de vies que l'on ne vit pas. Il l'a intitulé Quoi qu'il arrive."
La rencontre, accidentelle, entre Jim et Eva a lieu en 1958. Trois versions pour une rencontre entre ces jeunes gens nous sont proposées.Trois versions pour deux vies qui verront se concrétiser, ou pas, ce qui est encore en germe.
Choisissant un montage alterné, Laura Barnett nous offre la réjouissante possibilité de voir les conséquences de nos choix, conscients ou pas, héritages plus ou moins assumés de nos histoires familiales
Car il est aussi beaucoup question de familles dans ce roman qui choisit de conserver aux principaux protagonistes leurs origines dans tous les cas de figure.
La littérature, l'art dramatique et la peinture sont aussi des fils conducteurs de ce roman qui nous promène de Cambridge à Londres en passant par Los Angeles , Paris ou l'Italie, car nos héros ont quelque peu la bougeotte ! Nous les suivons ainsi jusqu'au soir de leur vie, partageant leurs vies riches en émotions.
On prend beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman original et enlevé qui réussit le pari de ne jamais perdre son lecteur en chemin, même s'il faut accepter en début de chapitre de ne pas savoir immédiatement de quel version il s'agit. Un léger flou artistique dont on s'accommode fort bien. Un petit bonheur de lecture dont on aurait tort de se priver !
Quoi qu'il arrive, Laura Barnett, traduit de l'anglais par Stephane Roques, Les Escales 2016.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : laura barnett
27/04/2016
Je suis si bien ici sans toi
"On aime les gens.Et ils nous déçoivent.mais pas toujours.Parfois ils continuent à nous aimer indéfectiblement, dans l'attente qu'on ouvre les yeux et qu'on réponde à leur affection. c'est comme un "Je t'aime. Je t'ai toujours aimé.""
Richard, peintre anglais, est mariéà une française très belle et très intelligente dont il a une petite fille. Tous trois vivent à Paris. Ce pourrait être le paradis si, richard ne parvenait pas à se remettre du départ de sa maîtresse (hou le vilain) et qu'évidemment sa femme ne découvre le pot aux roses.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : courtney maum
25/04/2016
Flaubert à la Motte-Picquet
"Couvertures froissées, pages maculées, volumes tordus, j'aime beaucoup cette lecture désinvolte, qui traite le livre comme un objet transitoire et assimile les lecteurs à des enfants, qui seuls s'autorisent à manger avec les doigts et toucher les statues dans les musées."
Pendant des mois, Laure Murat a "espionné " les usagers- lecteurs du métro à Paris ou à Los Angeles, se tordant le cou pour identifier les titres et pestant contre les tablettes numériques ne lui livrant aucun indice. Plus que les résultats de l'étude de cette pratique, l'auteure n'est en rien une sociologue, elle le reconnaît volontiers, c'est l'esprit de ces pages qui a su me charmer,voire me faire rire !
Qu'elle analyse , un peu succinctement, il est vrai, les relations entre le corps du lecteur à son livre ou relate sa terreur à la perspective de lire le roman d'un auteur à succès que lui propose fort gentiment un lecteur interrogé, ce qui lui vaudra de descendre deux stations avant et vingt minutes à pied jusque chez elle, on se délecte à la lecture de ces 76 petites pages.
L'histoire ne dit pas si le livre de Laure Murat a lui même beaucoup été lu dans le métro...
Un petit plaisir déniché en médiathèque. Flammarion 2016
De la même autrice, j’avais moins aimé:
*Relire, comme Cuné et Clara (merci !), plein de marque-pages, mais je suis souvent restée extérieure (trop de références à Proust ? Un auteur auquel je reste indifférente (pas taper :), pas assez de relectures d'écrivaines mentionnées ). Par contre, j'ai bien aimé que Tiphaine Samoyault, professeure d'université et écrivaine assume maintenant pleinement sa relecture deux fois par an des neuf tomes (!) de La petite maison dans la prairie"dans les mêmes volumes qui tombent en miettes. Toute une part de [son] savoir matériel vient de ce livre: comment fabriquer une lampe à huile, certaines recettes de cuisine,etc." car "C'est un des rares effets de continuité avec moi-même. En le relisant, je crée du lien avec moi-même."
Moins chic que Proust mais sincère.
06:02 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : laure murat
23/04/2016
La citation du samedi
Dénichée dans L'heure d'or, p.191 , la manière dont Darwin a soupesé, par écrit, les avantages et inconvénients du mariage, "ce qui était imprudent".
"Compagne de tous les instants et amie des vieux jours-Objet dont se faire aimer et avec lequel jouer-Mieux qu'un chien en tout cas-Mais terrible perte de temps-Une suite sans fins de soucis et de dépenses dans l'achat et l'ameublement d'une maison-Pauvre esclave, ce sera pire que pour un nègre-Courage-On ne peut pas vivre cette vie solitaire, affaibli par le grand âge, sans amis, sans enfants à dévisager du regard.Peu importe, fais confiance au hasard-il y a beaucoup d'esclaves heureux.
Il y eut un temps où elle connaissait par cœur ces notes et avait l'habitude de les réciter au cours des soirées, comme s'il s'agissait d'une plaisanterie. Elle s'attirait des regards au milieu des rires, mais on en déduisait qu'il s'agissait d'un point de vue masculin sur le mariage. La femme était censée être suffisamment récompensée par le statut que lui accordait l'homme en l'épousant. on était censée être tellement amoureuse que de tels calculs n'avaient pas lieu d'être."
(Tout le sel de ce passage est que la narratrice a , elle aussi pesé le pour et le contre avant d’accepter la demande en mariage de celui qui est son mari, depuis 27 ans)
William Nicholson
06:00 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (7)
22/04/2016
Temps glaciaires...en poche
"-Je dois aller chercher des pensées que j'ai pensées et que j'ai oublié de penser.
-Je vois, dit Zek avec la plus parfaite sincérité."
Revoilà enfin le commissaire Adamsberg qui "ne réfléchissait pas .[...]Il vaquait, marchait sans bruit, il ondulait entre les bureaux, il commentait, arpentait le terrain à pas lents, mais jamais personne ne l'avait vu réfléchir", ce qui en fait évidemment toute la singularité et la saveur !
Qui d'autres que lui et sa fidèle équipe (Le lieutenant Danglard à la tête remplie d'informations et de vin blanc, la vigoureuses Violette Renancourt, entre autres) pourraient démêler "cet infernal entrelacement d'algues qui l'enserrait jusque dans ses nuits."qui les amène tout à la fois en Islande et dans l'univers de Robespierre, tout en croisant un sanglier prénommé Marc, sans que le lecteur s'en offusque ?
Bien malin qui pourrait dénicher la solution. Mais ce n'est pas tant le but du jeu mais bien plutôt de laisser charmer , au sens fort du terme, par l'univers qu'a créé Fred Vargas, un univers profondément humain , cultivé, non dénué d'humour, avec une pointe de surnaturel (qui s'intègre parfaitement), où les chemins de traverse sont bien plus efficaces que les lignes droites. Du grand Vargas !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : fred vargas
21/04/2016
Nos années sauvages
En 2014, j'écrivais ceci :
De Karen Joy Fowler j'avais lu, il y a quelques années, un texte fort plaisant,Le club Jane Austen. Mais rien qui nécessite de me précipiter sur un roman pas encore traduit en français , même conseillé par Cuné. Sauf que quand cette dernière écrit :"Toi, il faut ABSOLUMENT que tu le lises, je ne peux pas te dire pourquoi mais tu es LA lectrice idéale pour ce roman, foi de moi :)", on ne peut que craquer !!! En plus sur liseuse, le prix est ridiculement bas et le dico anglais/anglais a permis de me dérouiller vite fait .
Je ne vous cacherai pas qu'au tout début de ma lecture , quand j'ai vu le temps restant s'afficher , j'ai blêmi mais le rythme a été vite pris surtout quand je suis arrivée à la fatidique page77 qui contient un twist tellement renversant que j'ai failli en crier ! Tout ce qui pouvait paraître vaguement intriguant et/ou bizarre dans ce qui s'annonçait comme un secret de famille avec disparitions à la clé et narratrice perturbée prend alors tout son sens et sa profondeur. Cette révélation (surtout ne pas lire les billets, articles, 4 ème de couv' révélant Le secret de la page 77 ) n'est pas un effet de manche de l'auteure (regardez comme je vous ai bernés) mais correspond parfaitement à la volonté de renverser notre point de vue sur un thème ô combien passionnant !
Un roman bouleversant brassant , entre autres, les thèmes de la culpabilité et du souvenir à découvrir absolument ! Et zou sur l'étagère des indispensables !
Le roman vient d'être traduit en français , sous le titre Nos années sauvages, je ne l'ai pas lu en traduction, mais je ne mettrai pas la couverture qui en dit BEAUCOUP trop !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : karen joy fowler
20/04/2016
La fille du froid
"Ma vie est légère et rangée désormais, comme un sac à dos qui ne contient que le strict nécessaire."
Expérimentant la notion de coïncidences, Katherine Carlyle, après le décès prématuré de sa mère, se lance dans un voyage qui la mènera, au gré de ses rencontres, toujours plus au Nord, toujours plus vers le froid.
En effet, embryon congelé durant huit ans ,avant d'être implanté dans le giron maternel, la jeune femme de dix-neuf ans est persuadée garder des réminiscences de cette période de sa vie.
C'est le postulat de départ qui m'a intéressée dans ce roman, mais malgré les nombreux passages soulignés, les évocations plus que réussies des atmosphères et des villes traversées, je suis un peu restée extérieure au récit de cette quête de l'essentiel, de l'épure. Le tout restant un peu trop froid, peut être...
La fille du froid, Rupert Thomson, traduit de l’anglais par Sophie Aslanides, Éditions Denoël 2016, 371 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rupert thomson
19/04/2016
La veillée
"Ce qui change le cours des choses n'est pas la vérité, mais de la savoir."
Le père de Sébastien vient de mourir. Marie, son amie d'enfance, le rejoint et l'accompagne lors de La Veillée du défunt. L'occasion de découvrir tout un pan de la vie paternelle, mais aussi de revenir sur des éléments du passé de ces quadragénaires qui auraient pu évoluer différemment.
Chacun d'entre nous a eu ou aura à se confronter au deuil d'un parent. Une situation douloureuse pour laquelle Virginie Carton a su trouver le ton juste, ne basculant ni dans le sentimentalisme, ni dans la contrition.Elle dépeint avec une grande précision la gamme des sentiments par laquelle passe Sébastien et brosse avec tendresse une formidable histoire d'amitié , qui a su se jouer du temps et de la distance.
Un roman qui fait du bien et nous donne envie de profiter encore plus de la vie.
La veillée, Virginie Carton, Stock 2016, 219 pages piquetées de marque-pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : virginie carton
18/04/2016
L'heure d'or
"La vie ne dépend peut être pas de toutes les décisions qu'on prend. Il y a tout un monde autour de nous. Nous nous faisons pousser, bousculer, que nous le voulions ou non. Nous sommes peut être comme des feuilles qui virevoltent au gré du vent. Nous allons là où on nous envoie."
Un été chaud dans le Sud de l'Angleterre (on ne ricane pas), un paysage champêtre et un couple de quinquagénaires, Henry et Laura, qui décide d'organiser un dîner samedi en huit pour réunir voisins et amis. Les invitations sont lancées mais les remous, les interrogations et les remises en question des uns et des autres vont peut être faire capoter l'harmonie dont rêve Laura.
Comme dans les précédents romans de William Nicholson, nous trouvons une galerie de portraits plus vrais que nature,(de l'adolescente qui s’amourache d'un garçon fascinant ,mais sans doute nocif , à la trentenaire qui freine des quatre fers à l'idée de s'engager, en passant par le sexagénaire qui veut changer de vie) mais toujours emplis de bienveillance.
Les rebondissements de l'intrigue sont plus liés à l'évolution psychologique des personnages et elle se fait tout en finesse. Ainsi on sent que l'auteur a autant de compassion pour la vieille mère tyrannique que pour la fille tyrannisée et il parvient à nous brosser de l'une comme l'autre des portraits nuancés. Quant au scénariste ulcéré qui découvre inopinément que son scénario est retravaillé par un autre, la confrontation avec son rival prendra une tournure beaucoup plus enrichissante que prévue.
Tous nous deviennent proches et l'on se sent plein de gratitude à l'idée d'avoir partagé ce repas. Un bon gros roman confortable comme on les adore !
L'heure d'or, William Nicholson, traduit de l’anglais par Anne Hervouët, éditions de Fallois 2016, 411 pages piquetées de marque-pages.
L'heure d'or est celle qui précède le coucher du soleil et qui donne une lumière très particulière.
Du même auteur: clic et reclic ,
Les romans peuvent se lire indépendamment .
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : william nicholson