07/03/2017
Dans l'atelier de l'écriture on n'apprend pas à nager par correspondance
Vieux routier de l'écriture, jean-Noël Blanc se penche ici sur tous les problèmes qui se posent à l'écrivain en devenir .
De manière imagée, avec des titres de chapitres humoristiques et/ou intrigants ("Le goût du protège-dents, "Affûter un couteau"...), il nous livre des réflexions et des conseils, émaillés de citations et d’exemples, hélas pas toujours sourcés, même quand il s'agit de ses textes.
Chaque chapitre se termine par des exercices concrets, souvent jubilatoires, comme supprimer tout ce qui nous paraît inutile dans les texte d'un auteur qu'on n'apprécie pas (il n'en saura rien, confie malicieusement Blanc).
Aucune recette pour se faire éditer, l'auteur reste pragmatique et évoque les aléas de l'édition, mais une découverte fort intéressante des coulisses de l'écriture pour les curieux ou ceux qui aiment simplement écrire sans pour autant se prendre pour de futurs grands écrivains.
Jean-Noël Blanc, éditions Thierry Magnier 2017, "Un magasin de bricolage pour ceux qui ont envie de tâter de l'écriture" de 195 pages qui se dévorent presque comme un roman !
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jean-noël blanc
06/03/2017
Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe
"Apprends à lire à Chizalum. Apprends-lui à aimer les livres.Le mieux est de lui montrer l'exemple au quotidien. [...] Si rien d'autre ne marche, paie-la pour lire."
Quand son amie lui a demandé des conseils pour élever de manière féministe sa toute petite fille, Chimamanda Ngozi Adichie a d'abord été prise au dépourvue. Puis, s'inspirant de ses expériences des enfants et de sa réflexion sur le féminisme, a enfin rédigé quinze suggestions toujours pleines de pragmatisme et parfois d'humour, sans jamais tomber dans le prêchi prêcha.
En creux, c'est aussi un portrait de la société nigériane qui nous est livré par le biais des relations entre hommes et femmes, une société où la mondialisation sévit aussi par le biais de cette distinction artificielle des vêtements pour enfants :rose pour les filles, bleu pour les garçons.
Sans tomber dans intellectualisme à tout crin, l'écrivaine nigériane nous livre ainsi des pistes, étayées de d'exemples concrets, où se lit aussi une revendication de l'identité africaine. Un livre tonique,généreux et plein d'humanité.
Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe, Chimamanda Ngozi Adichie ,traduit de l’anglais (Nigéria) par Marguerite Capelle.
Gallimard 2017, 78 pages inspirantes.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : chimamanda ngozi adichie
05/03/2017
Tout ce qu'on ne s'est jamais dit...en poche
que l'attention était accompagnée d'attentes qui -comme la neige- s'abattaient et s'accumulaient et vous broyaient sous leur poids."
Le 3 mais 1977 Lydia, jeune lycéenne promise à un bel avenir disparaît. Son corps sera retrouvé quelques jours plus tard.Lydia s'est noyée.
Remontant le fil du temps le roman dévoile peu à peu l'univers clos dans lequel évoluait la jeune fille, du fait de ses origines (elle est issue d'un mariage qu'à l'époque on appelle encore interracial et son frère et elle sont les deux seuls "orientaux" de leur établissement scolaire, ce qui suscite sinon la réprobation du moins une curiosité malsaine) et de sa place dans la constellation familiale. Enfant préférée, elle porte aussi le poids des attentes de ses parents, sans susciter pour autant la jalousie du reste de la fratrie.
Partant d'un motif récurent dans les romans à suspense "nous ne connaissons pas vraiment nos proches", Celeste Ng dans ce premier roman évite tous les écueils du genre et se penche davantage sur l'aspect psychologique. Son style fluide, ses fausses pistes, font de ce texte une lecture agréable et prenante même si le tout reste un peu trop lisse.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : celeste ng
04/03/2017
Une plage au pôle nord...en poche
"Il se jugeait incapable de transmettre, d’enseigner: il déploie des trésors de patience et de pédagogie.Elle se croyait rouillée: ses progrès sont assez rapides.Ils se surprennent; ils se font du bien."
Une improbable rencontre: celle de Jeanne, veuve et septuagénaire avec Jean-Claude, jeune père divorcé.Et c'est beau, non pas comme "la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie" comme aurait dit Lautréamont mais comme "Le Pôle Nord et la plage de sable" d’où l'oxymore du titre.
Le plus beau est qu'ils s’épaulent et qu’autour d'eux gravitent des personnages fantasques, traités avec humour et un brin de moquerie : "Teint crayeux, dents grises, bouton suspect entre les sourcils, le libraire n'a sans doute pas rencontré de fruits et légumes depuis plusieurs années."
Un roman doux et tendre qui possède la parfaite longueur: juste de quoi nous laisser un tout petit peu sur notre faim...De quoi éclairer notre hiver.
06:31 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : arnaud dudek
02/03/2017
#Bonnet
" L'effet boule de neige l'a entraîné, avec cette désagréable impression que jamais il ne s’arrêtera."
Parce qu'il a embrassé involontairement dans le cou Lina Darius ,la star des médias, Tristan se retrouve au cœur d'un maelstrom qui va bouleverser sa vie. En effet, la photographie de ce baiser se retrouve sur tous les réseaux sociaux qui s'enflamment aussitôt car Lina entendait bien jusqu'à présent ne pas leur livrer le moindre morceau de sa vie privée. Quant à Tristan, identifié par l'infâme bonnet péruvien qu'il arbore, il doit d'abord subir la vindicte de sa compagne, puis tenter d'échapper aux journalistes lancés à ses trousses.
Dans cette satire d'internet et de ses dérives, Éliane Girard ,familière du monde des médias, se livre à un réjouissant jeu de massacre où chacun s'amusera à reconnaître au passage telle chaîne d'information en continu ou tel animateur vautour friand de ragots...
Un roman qui cavale à toute allure et nous rappelle au passage avec quelle facilité nous livrons volontairement des informations personnelles sur les réseaux sociaux, sans forcément envisager les conséquences. Un agréable moment de lecture.
#bonnet, Eliane girard Buchet-Chastel 2017, 222 pages réjouissantes.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : eliane girard
01/03/2017
La solitude des femmes qui courent
"Ma vie n'est pas satisfaisante. Je suis seule, j'ai un travail qui me frustre. Adèle est mon unique réussite, la personne qui donne un sens à ma vie." Ainsi parle Justine Trévise , divorcée, la petite quarantaine, qui s'échine à courir dans Paris entre une entreprise qui bat de l'aile, ses amies fidèles et sa petite fille.
Revenir s'installer dans le village de son enfance lui permettra peut être de repartir de zéro, de retomber amoureuse et d'élucider les non-dits familiaux.
Romance fortement axée sur l'amitié entre femmes, La solitude des femmes qui courent est un roman qui obéit aux lois du genre, tout en ménageant un certain suspense. Si l'histoire est bien menée, les dialogues qui l'émaillent sonnent faux, ce qui enlève toute harmonie au texte. Dommage.
La solitude des femmes qui courent, Julie Printzac, Lattès 2017.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : julie printzac
27/02/2017
Les filles des autres
"...les gens étaient prêts à tout accepter, sauf la vérité."
Julie Whitaker, 13 ans, se fait enlever sous les yeux de sa sœur. Huit ans plus tard, une jeune fille blonde et amaigrie s'évanouit à la porte de la famille Whitaker.C'est Julie. Ou pas. Car d'emblée le doute s'instille dans l'esprit de la mère de famille, et donc dans le notre car c'est ce personnage qui prend en charge la partie essentielle de la narration. L'autre est assumée par des narratrices qui remontent le temps et traversent bien des épreuves. L’alternance des deux évite de plonger trop dans le pathos et déroute assez le lecteur dans un premier temps, avant que tout ne s'éclaire à la toute fin du roman.
L'aspect policier reste quasi anecdotique, le récit étant davantage centré sur les relations mère/fille et sur les mensonges au sein d'une famille passablement ravagée par cette disparition.
Mais plus que l'aspect psychologique, d'ailleurs plutôt réussi, c'est le côté manipulateur de ce roman qui m'a séduite. En effet, il n'y a en apparence que deux solutions possibles au problème initial: soit l'enfant enlevé est bel et bien revenu (effusions, bla bla bla), soit c'est un imposteur (qui ? pourquoi ?).
Amy Gentry opte pour une solution médiane, sans pour autant frustrer son lecteur. En dépit de quelques longueurs, le texte est bien écrit, fluide et nous ferre d'emblée. Il y a longtemps que je n'avais été captivée par un tel suspense !
Les filles des autres, Amy Gentry, traduit de l’américain par Simon Barril, Robert Laffont 2017.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : amy gentry, suspense
24/02/2017
Le perroquet
"...J"ai compris que j'allais passer une semaine de plus dans ce monde imaginaire...loin de la maladie de maman."
"Marie souffre de troubles bipolaires à tendance schizophrénique !!!", tel est le diagnostic posé par les spécialistes. Des troubles qui l'obligent à fréquenter des établissements psychiatriques, séjours qui l’éloignent de son fils Bastien.
Dans cette BD autofictionnelle, l'auteur, Espé, à choisi de se replonger dans ses souvenirs d'enfance, de nous faire partager sa vision de la maladie de sa mère. Une maladie qui peut faire basculer cette jeune femme d'un instant à l'autre dans une crise d'une violence extrême. La violence, on la ressent aussi dans l'incompréhension de certains proches , le grand-père maternel en particulier, dans ce que croit comprendre l'enfant doté d'une imagination débordante, mais aussi dans l'extrême pauvreté de certains services hospitaliers (murs lépreux, meubles vissés au sol...).
Le rouge orangé flamboie dans toutes les cases associées à ces crises soudaines,le gris bleuté, l'ocre étant réservés aux scènes plus neutres, tandis que le vert baigne les rares instants de calme et de bonheur partagés avec cette mère trop souvent tourmentée.
La seule porte de sortie pour le narrateur, confronté à des scènes ou des propos qu'un enfant ne devrait pas connaître, est le monde imaginaire qu'il s'est créé et dans lequel sa mère est devenue une super héroïne.
Le dessin est d'une rare puissance, s'attachant parfois aux détails, mais explosant surtout de cette souffrance maternelle.
Quant au perroquet qui donne son titre à l’œuvre , aussi moche et rudimentaire soit-il, c'est le un magnifique témoignage d'amour et de transmission.
Une œuvre poignante et forte, brisant les tabous, qui file directement sur l'étagère des indispensables !
le Perroquet, Espé, Glénat 2017,
06:00 Publié dans BD, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : espé
23/02/2017
Les hommes meurent, les femmes vieillissent...en poche
"On a vidé des centaines de pots, persuadés qu'elle serait toujours là.Après, c'était trop tard pour lui demander ses recettes, on n'a pas osé. Pas question d'envisager de prendre la suite, d'accepter de se passer d'elle."
Voici un roman choral donnant la parole successivement aux dix femmes d'une famille qui fréquentent le même institut de beauté où officie Alice.Alice, qui tient des fiches sur ses clientes, présentation décalée et pleine de piquant qui introduit chaque chapitre.
L'autre lien qui les unit en filigrane est le suicide d'Eve, l'une d'entre elles, ainsi que la lettre qu'elle a laissée à son fils ,mais qu'il n'a jamais lue.
Évoqués tout au long du roman, ils introduisent une tension dramatique qui ne sera résolue qu'à la toute fin, quand Alice prendra la parole.
Si je n'ai pas retrouvé la qualité d'écriture du roman de Fabienne Jacob Corps (clic) qui explorait elle aussi ce territoire de l'intime ,mais sans le lier à un contexte familial, j'ai néanmoins apprécié ces portraits de femmes, en particulier celui de l’aïeule, plein d'émotions et de retenue. Un bon moment de lecture.
De la même autrice: clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : isabelle desesquelles
21/02/2017
Troisième personne
"Ils ne savent plus comment c'était de n'être responsables que d'eux-mêmes. Ils se questionnent mais ils ne peuvent revivre cet état comme on enfilerait un vieux vêtement retrouvé par hasard."
Commencé par un magnifique travelling où l'on suit à travers les rues de Paris transfigurées le trajet d'une mère et de son enfant tout juste née jusqu’au domicile devenu familial, le roman de Valérie Mrejen se clôt par la course effrénée de la fillette, éperdue de liberté ("Vos enfants ne sont pas vos enfants", disait Khalil Gibran...).
Entre les deux,toutes les métamorphises induites par cette Troisième personne:les doutes, les émerveillements, les angoisses, la fatigue...
Un roman plein d'amour et de poésie qui parlera à toutes les générations de mères, un parfait cadeau de naissance, jamais mièvre.
Le billet de Cuné qui m'avait donné envie.
Sur le même thème, en plus punchy et plus féministe: clic.
De la même autrice: clic
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : valérie mréjen