17/08/2019
La chance de leur vie...en poche
Quelle drôle de femme que cette Sylvie ! Elle ne réagit jamais comme on s'y attendrait et n'aspire qu'à une chose aux États-Unis où , avec leur fils, Lester, elle a accompagné son mari, Hector: redevenir invisible.
Expatriée dans des conditions confortables, Hector a été nommé professeur dans une université de Caroline du Nord où il va enchaîner les conquêtes sans que cela trouble le moins du monde son épouse, elle pourrait accéder à une petite notoriété artistique mais ne le désire pas vraiment.
C'est finalement par Lester que, d'une manière étonnante, le trouble se répandra.
Agnès Desarthe brosse ici le portrait d'une famille expatriée qui vivra, de loin, les attentats meurtriers de novembre 2015, mais aussi celui du corps d'une femme vieillissante et surprenante.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : agnes desarthe
16/08/2019
Einstein, le sexe et moi...en poche
"Cette splendeur parlait de mon enfer minuscule et dérisoire d'enfant reclus dans sa différence et son mutisme. Mon petit enfer à moi, qui bien sûr n'était pas visible de l'extérieur. Et cette splendeur des poètes, cette splendeur sensuelle de la langue, était la seule chose possible pour continuer. Je n'ai jamais songé au suicide car il y a toujours eu la beauté."
Le 15 août 2012, Olivier Liron, bientôt 25 ans, autiste Asperger, normalien, participe à Questions pour un super champion. Il s'est entraîné, et si sa tactique est "d'essayer de sembler le plus gentil possible " afin que les autres candidats ne se méfient pas de lui, il est prêt à en découdre car son objectif est "de répondre plus vite qu'eux. Mieux qu'eux. Que je les tue. Que je les explose. Que je leur chie dans la gueule."
Au fil du récit de cette journée d'enregistrement, par associations d'idées, se construit par petites touches le portrait de celui qui fut un enfant atypique, ayant 19 de moyenne mais cumulant les heures de colle,harcelé physiquement et moralement par ses camarades, dans l'indifférence générale de l'institution scolaire.
Le "gogol" est donc prêt à prendre sa revanche et tant pis pour Michel et Jean-Michel qui tenteront de se mettre sur son passage, Olivier est farouchement déterminé à emporter la cagnotte.
Avec beaucoup d'humour, "De toute façon, j'aime la soupe, le houmous et la glace : je serai heureux quand je serai vieux", mais aussi de tendresse pour sa mère, qui a tout gommé de sa jeunesse espagnole pour mieux s'intégrer, pour sa grand-mère et son rapport si particulier aux langues (et aussi pour Julien Lepers dont il détecte la mélancolie), Olivier Liron avec une belle énergie, en 186 pages nous livre un roman foisonnant sur le droit à la différence.
J'ai laissé se décanter tout le battage médiatique organisé autour de ce roman et bien m'en a pris car j'ai ainsi pu profiter du suspense, de ses métaphores souvent hilarantes (que je vous laisse le plaisir de découvrir), de ses ruptures de ton, de son écriture, parfois crue et de son sens de l'observation.
J'ai dévoré d'une traite ce roman, puis j'y suis revenue plus calmement car, pour des raisons différentes, il a fait écho à différentes situations vécues par mon plus jeune fils qui, lui non plus ne rentrait pas dans le moule de l'institution scolaire, au grand dam de certains profs.
Ps: je préfère nettement le sous titre: romance télévisuelle avec mésanges.
Le billet d'Autist Reading avec plein d'autres liens.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : olivier liron
15/08/2019
#LaCampagne N'EstPasUnJardin #NetGalleyFrance
"Ces béotiens douillets exigent des campagnes briquées, javellisées, désinfectées, sans bruits, sans odeurs et sans joie, des jardins à la française au kilomètres, propres sur eux, bien dégagés derrière les oreilles, du raffinement calibré, symétrique, ennuyeux et glaçant, périssable."
A Dorlange, petit village du centre de la France, la cohabitation entre néoruraux et habitants du cru n'est pas toujours facile. Alors imaginez l'émoi que suscite dans cette communauté ,qui vote massivement pour un parti situé très à droite ,la nouvelle de l’arrivée imminente de réfugiés syriens ! Les esprits s'échauffent et la scission se crée aussitôt entre ceux qui s'organisent pour les accueillir et les autres.
Habitant depuis presque trente ans dans un village où il a fallu attendre l'an dernier pour que je sois officiellement adoubée par la boulangère ( qui m'a demandée de l'appeler par son prénom ), je me réjouissais de lire ce récit à fort potentiel comique au vu de la couverture.
Hélas, le trait est gros et l'auteur à trop mélanger ses intrigues (farce campagnarde, relation adultère, arrivée des Syriens, magouilles politiques....) et à jouer sur leurs différentes tonalités, perd son lecteur en route.
Phébus 2019
06:00 Publié dans Rentrée 2019, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : stéphane fière
14/08/2019
De terre et de chair
"Une fois de plus, j'ai l'intime conviction que l'objet de l'art n'est ni l'idée, ni le résultat, mais ce qui se passe entre les deux."
D'emblée, l'écrivaine et sculptrice Valérie Rossignol inverse les situations traditionnelles. C'est en effet elle qui , dans le texte intitulé "Homme de terre", relate des séances de travail où un homme nu pose pour elle, tandis qu'elle malaxe la terre et modèle son corps. De la même manière, dans "Homme de Chair", l'homme est le destinataire d'une lettre d'amour.
Deux textes, au plus près de ce qui se joue au cœur de la pratique artistique, comme au cœur des relations humaines.
Si j'ai beaucoup aimé la première partie, dans son analyse fine de ce qui se joue d'indicible entre le modèle, qui n'est en rien passif et la sculptrice, je suis restée plus mitigée, n'étant guère sensible au lyrisme ,en ce qui la lettre d'amour. Il n'en reste pas moins qu'une lettre aussi passionnée, aussi poétique, se hisse à la hauteur des plus remarquables lettres d'amour.
Merci à Babelio et aux éditions L'arbre Hominescent.
Le billet d'Antigone : clic.
Celui d'Alex: clic
06:00 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : valérie rossignol, préface de belinda cannonne
13/08/2019
L'écart...en poche
" Je suis en quête de sensations pures,comme une pieuvre munie de capteurs sensoriels sur toute la longueur de ses tentacules. Seule et heureuse de l'être, je poursuis ma route."
Ayant grandi dans l'archipel des Orcades, la narratrice a troqué son existence rude et sauvage contre une vie nocturne et riche en sensations à Londres. Las, elle a perdu ses amis, son amour ,ses emplois à cause d'une vie nocturne débridée qui a vite viré à l'aigre ,à cause de l'alcool.
Elle choisit donc de rentrer dans son île natale où elle mènera des "essais semi-scientifiques" sur elle-même afin de se libérer de l’alcool. L'entreprise lui prendra deux ans, qu'elle résume ainsi:"Au cours des deux années écoulées, je me suis employée à guetter l'apparition d'un oiseau fuyant et insaisissable, à chasser les aurores boréales et les nuages noctulescents; j'ai nagé dans l'eau glacée de la mer du Nord, couru nue autour d'un cercle de pierres levées, vogué vers des îles abandonnées, volé dans de minuscules avions à hélices, et choisi de rentrer au pays natal."
L'alcoolisme au féminin est encore un tabou ,mais il ne s'agit pas ici du énième récit du "long et laborieux processus de reconstruction" ,mais bien d'une œuvre puissante et littéraire où une voix se fait entendre, une voix qui donne à sentir toute la sauvagerie et la rudesse des univers qui entourent la narratrice.
Traduit de l'anglais par Karine Reignier-Guerr
Parution le 14 août
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : amy liptrot
12/08/2019
Je voudrais que la nuit me prenne...en poche
"Et je suis là encore. je suis quoi, je suis qui ? Une ébullition du passé. Sa grande fille qu'il ressasse et convoque, qu'il a devinée et s'injecte en une perfusion poétique."
Un couple de jeunes gens extrêmement amoureux, leur petite fille de bientôt huit ans, une famille donc, vit dans une sorte de bulle de bonheur et de fantaisie, bulle où la poésie, les chansons, les mots en général participent de la fête. La sensualité est elle aussi très présente, que ce soit dans l'exploration des corps ou le rapport à la nature, ce dont rend très bien compte l'écriture très charnelle d'Isabelle Desesquelles.
Ce n'est qu'à la page 81 qu'est clairement énoncé ce qui fonde le thème de ce roman et qui se laissait deviner auparavant par de légers indices disséminés dans le texte. Il ne s'agit évidemment pas ici d'un roman à suspense , mais je me garderais bien pour autant d'en révéler trop. Disons juste que la tonalité change , que la nuit s'invite et que le souvenir trop ressassé se révèle plus nocif que bénéfique.
Un roman qui déchire le cœur (je n'ai pas pu le lire d'une seule traite pour laisser place à l’émotion) mais qui dégage néanmoins une formidable lumière. Un grand coup de cœur.
Parution le 14 août.
Et le 22 août , de la même autrice UnPur !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : isabelle desesquelles
11/08/2019
Une apparition...en poche
"...à partir du moment où vous vous moquiez de ce que l'autre peut penser de votre éventuelle beauté, de votre jeunesse envolée, un éden devenait possible."
Celles et ceux qui la suivent sur les réseaux sociaux savent que Sophie Fontanel, forte d'une intuition sur la beauté des cheveux blancs, a décidé d'arrêter les colorations. Ce texte est le journal romancé de cette année et demie où elle a décidé de regarder pousser ses cheveux et d'enregistrer les réactions des gens, tant dans son entourage que parmi ses followers ou dans la rue.
L'autrice partage avec nous ses doutes, ses enthousiasmes et on sent chez elle une assurance se révéler qui fait plaisir à lire. Sophie ,aux allures parfois de Cruella, séduit les hommes, enthousiasme les femmes et évolue aussi bien psychologiquement que professionnellement, battant ainsi en brèche tous les a priori des oiseaux de mauvais augure. Un livre qui fait du bien.
Beaucoup d'entre nous (dont je suis) aimeraient effectivement arrêter cette corvée qui coûte cher, n'est certainement pas bonne pour la santé et surtout résulte d'une pression de la société sur les femmes. Perso, je ne suis pas encore prête.
Une apparition, Sophie Fontanel, .
Parution le 14 août.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sophie fontanel
08/08/2019
Un été dans la combe...en poche
"Car j'ai fui, sans pour autant désirer me fuir."
Un homme, un vagabond ? , s'installe dans une baraque ne bois au creux d'une combe perdue dans la campagne.
Son identité, son parcours erratique, son obsession d'un rire féminin, d'un prénom, Hélène, tout ceci nous est donné à voir par le biais d'un "Je", narrateur dont la fiabilité, on le comprend vite, n'est que relative.
En effet, ce "Je" n'est-il pas victime d'hallucinations, de pertes de mémoire , de faux souvenirs ?
Un récit poétique où passé et présent s'interpénètrent et qui se termine par une mise en abyme vertigineuse, se plaçant tout à la fois hors du monde, hors du temps, dans une géographie et une atmosphère évoquant l'univers d'André Dhôtel. 200pages qui désorientent et captivent le lecteur.
La Petite Vermillon, Éditions La Table Ronde 2006.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-claude pirotte
05/08/2019
Les impatients
"Une voix enthousiaste généreuse en qualificatifs dit ce qu'on voit: une femme de tête, femme d'intérieur, femme d’affaires, femme de chiffres, femme d'avenir, femme de pouvoir, femme de terrain, femme de goût. C'est fou tout ce qu’une femme doit être pour qu'on en parle, s'étonne à cinquante kilomètres la Reine Mère assistant à la pimodiffusion, c'est moi ou on n'avance pas ? "
A trente-deux ans, Reine entame sa deuxième vie. Après avoir suivi jusqu'à présent un parcours sans faute où, passant par une école de commerce, elle a jeté son dévolu sur un de ses professeurs, devenu un compagnon avisé mais vaguement ennuyeux, la jeune femme choisit de délaisser le salariat et de devenir entrepreneuse.
Qu'elle ait rencontré Marin, spécialiste des algues n'y est pas pour rien, mais le jeune homme ne sera pas de l'aventure: le voilà voguant vers l'Antarctique dans la cadre d'une mission professionnelle.
Pas grave, Reine qui vit à 200 pour cent, on découvrira vers la fin du roman pourquoi, aura à ses côtés son meilleur ami, Étienne. Issu de le la classe ouvrière, le trentenaire rêve de devenir calife à la place du calife, comprendre : remplacer le PDG increvable de sa boîte.
Le roman de 188 pages file à toute allure, comme ses personnages, décortiquant au passage avec acuité les rouages d'un monde qui se donne l’illusion d'être sans cesse en réinvention, mais qui reste néanmoins très codé.
Combinant avec tendresse et humour, la romance et la sociologie, Les Impatients est un roman à la fois drôle et caustique qui demande une seconde lecture afin de mieux le savourer.
La narration englobant avec le "on" ou le "vous" le lecteur, le prenant souvent à témoin, fonctionne parfaitement mais nous laisse un peu frustrés: on en reprendrait bien encore un peu (beaucoup).
Gallimard 2019
Et zou sur l'étagère des indispensables !
et reclic.
Keisha aussi est fan: clic .
12:20 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : maria pourchet
29/07/2019
Dos au soleil
"Je glane dans leurs douleurs. Je comble leurs silences. Je ne porte pas la parole des survivants. Je prends la parole, la mienne, unique. Je désobéis au silence imposé tacitement."
Dos au soleil commence abruptement par nous plonger dans une période peu évoquée de l’histoire française: le retour en France des réfugiés en provenance d'Algérie en 1962. Parmi eux, les grands parents, la mère et l'oncle de Frédérique Germanaud.
Violence de l’accueil. Désorganisation, prise en charge lacunaire , voie absente, s'ajoutent au traumatisme du départ. Tout cela sera mis volontairement sous le boisseau mais " Ils portent la marque inaltérable de la perte."
Le projet de l'auteure ? "Partir , comme dans la sculpture d'un gros bloc de matériau informe. Tailler, évider, donner sens." Commence alors un travail nourri des découvertes, mais aussi des évitements, privilégiant "...les petits événements, ceux qui font la trame du quotidien" et choisissant résolument de tourner le Dos au soleil, c'est à dire de refuser "les figures de bonheur" que peut proposer l’Algérie.
Simultanément, Frédérique Germanaud entremêle son travail du récit de histoire d'amour, ce qui permet un regard extérieur éclairant son œuvre toute entière.
Un texte qui permet de s'émanciper du passé pour aller de l'avant. Une réussite tant par l'écriture, à l fois précise et poétique, infiniment sensible, que par la démarche qui sort des sentiers battus. Un livre prenant et constellé de marque-pages.
162 pages. Le Réalgar 2019.
Merci à Babelio et aux Éditions Le Réalgar.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : frédérique germanaud