29/10/2015
Debout payé...en poche
"...Ossiri se disait qu'on ne pouvait pas faire confiance à un chien que son maître avait baptisé Joseph en l'honneur de Staline, Mobutu et Kabila, trois dictateurs partageant le même prénom et un certain sens de la cruauté."
Ossiri, étudiant ivoirien, devient vigile après avoir atterri sans papiers à Paris en 1990.Il retrace pour nous les trois époques mythiques de ce métier , correspondant aussi aux relation franco-africaines (1960-1980, les années 90, l'après onze septembre qui vient tout chambouler), entrecoupées de notations sociologiques très personnelles sur les clients et le fonctionnement de deux boutiques, Camaïeu, Sephora, clairement identifiées. Il revient aussi sur la manière de vivre des Ivoiriens en France, leurs palabres politiques, leur solidarité, leur intégration progressive à la société française.
Rien de tel qu'un regard étranger pour revisiter notre société française de manière particulièrement caustique ,acérée et hautement réjouissante. Celui qui s'y colle, on le remarque à peine, sauf si on a une idée en tête: c'est le vigile.
Gardien de temples de la consommation ou de minoteries devenues fantômes, il est Debout-payé pour préserver des richesses qui ne lui appartiendront jamais et ne se prive pas d’observer le monde qui l'entoure. Il catégorise sans relâche d'une manière très personnelle et haute en couleurs. ça pulse, ça grince, ça rigole aussi et ça donne un formidable mélange énergique et vivant . à découvrir de toute urgence ! Un grand coup de cœur !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : gauz
27/10/2015
Les gens dans l'enveloppe
"C'est une histoire d'abandons. De l'abandon dont sont capables et victimes les femmes."
En juin 2012, Isabelle Monnin achète sur internet un lot de photographies d'une famille dont elle ne sait rien. Constatant une absence, celle de la mère d'une petite fille dont la photo figure en couverture, elle imagine un roman mettant en scène ces gens ordinaires qui pourraient être nous.
Le texte une fois achevé, elle part à la recherche des vraies personnes, aidée en cela par un amateur de clochers qui a recensé sur internet tous ceux de Franche-Comté. Elle découvrira alors que, dans la vraie vie, la position centrale de ce récit est en fait occupée par le père de famille...
N'ayant aucun goût pour la nostalgie, j'ai un peu traîné des pieds avant d'entamer la lecture de ce roman .Pourtant le dispositif m'intéressait vraiment et l'écriture sensible d'Isabelle Monnin, sa délicatesse et sa pudeur ont fait que j'ai été emportée par les deux textes. Une œuvre singulière, accompagnée des photographies et d'un disque avec des chansons composée par Alex Beaupain et des reprises où l'on entend certains des gens dans l’enveloppe.
357 pages piquetées de marque-pages.
06:00 Publié dans rentrée 2015, romans français | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : isabelle monnin
23/10/2015
Manuel d'écriture et de survie...en poche
"Fais ce que tu veux et surtout ne prête pas attention à ce qu'on dira de toi et de ton travail."
Dans l'esprit de Lettres à un jeune poète (Rilke), Martin Page répond aux missives d'une écrivaine en devenir, Daria. Il la conseille dans son écriture mais aussi dans ses rapports aux autres, abordant avec lucidité la jalousie, la différence entre les véritables amis et le réseau que l'on peut se constituer: "Les arrivistes ont des copains et des connaissances, ils sont à l'aise en toute occasion, ils sont lubrifiés pour mener une vie sociale faite de sourires, d’écoute distraite et d'un amoncellement de paroles." . Il aborde tous les aspects de la vie littéraire , lui conseille de ne pas oublier les libraires, la convainc de la créativité des ateliers d'écriture, bref lui transmet une vision lucide et pragmatique de la vie d'écrivain et de la vie tout court.
En creux, Martin Page nous livre aussi un autoportrait sans fards, plein de sensibilité, sans gommer ses aspects tour à tour exaltés ou dépressifs.
Ce qui frappe dans ces 172 pages, que j'ai piquetées de marque-pages, en plus d'une vision riche et passionnante de l'écriture, c'est l'inscription de l'écrivain dans la vie économique et sociale. La difficulté à s'affirmer écrivain mais aussi à assurer tout simplement sa vie d'un point de vie financier. Pas de retraite, pas de garantie de ne pas finir à la rue, thème qui hante Martin Page.
Évidemment, plein de références à glaner au passage et plein de découvertes littéraires à faire ! Un viatique nécessaire à lire et relire.
06:00 Publié dans l'amour des mots, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : martin page
22/10/2015
Le jardin blanc ...en poche
"Pour le Britanniques, l'auto-dénigrement est un subtil motif de fierté. Les Américains, eux, le prenaient toujours pour un manque de confiance en soi."
Jo Bellamy, jeune paysagiste américaine, est envoyée par son employeur dans le Kent pour d'étudier (en vue de reproduction) le fameux jardin blanc de Vita Sackville-West. C'est aussi l'occasion pour la jeune femme de revenir sur les traces de son grand-père, qui vient de se suicider, et qui avait , dans sa jeunesse travaillé dans ce même jardin.
A Sissinghurst, Jo découvre un journal intime qui pourrait bien être celui de Virginia Woolf, amie et amante de Vita.Or, ce journal se prolonge au-delà delà de la date du décès de l'auteure de Mrs Dallowway...
Commence alors une folle course-poursuite entre universitaires et experts de chez Sotheby's afin d'élucider le mystère des derniers jours de Virginia Woolf.
Stephanie Barron s'engouffre avec jubilation dans l'espace temporel qui sépare la disparition et la découverte du corps de Virginia et, mêlant fiction et réalité, invente une fiction effrénée qui tient le lecteur en haleine. Si l'explication est un peu tarabiscotée, on prend néanmoins beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman à qui on pardonnera un aspect romance un peu trop prévisible, mais qui sait tirer parti choc des cultures et de notre côté "fan de . Un pur plaisir à côté duquel j'étais passée en raison d'une couverture initiale trop sombre. Celle de Morgane Rospars est juste parfaite !
Le jardin blanc, Stephanie Barron, traduit de l'anglais (E-U) par Isabelle D. Philippe, 10/18 2015, 373 pages jubilatoires suivies d'une série de questions et thèmes de discussion autour du Jardin blanc. Tellement anglo-saxon !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : stephanie barron
20/10/2015
Dix minutes par jour
"Parce que en effet, le meilleur de la vie est dans toutes les expériences intéressantes qui nous attendent encore : je suis en train de l'apprendre avec le jeu des dix minutes.
Et donc, il réside aussi dans les livres que tout le monde alu mais, pour un quelconque motif, nous pas encore."
Chiara est un tournant de son existence: on a confié sa rubrique hebdomadaire à une gagnante de la téléréalité, son mari, qu'elle a connu très jeune, l'a quittée et, cerise sur le gâteau elle habite Rome où elle se languit de son village natal.
Pour lui redonner de l'élan,sa psy lui demande de tenter chaque jour pendant dix minutes une nouvelle expérience. Chiara se prête au jeu de bonne grâce et, forte des liens qu'elle a su nouer avec tout un panel d'amis et de connaissances éclectiques et sympathiques, va repartie de plus belle et envisager sa vie sous un nouvel angle.
C'est plein de fraîcheur, léger mais jamais mièvre, et Chiara est diablement sympathique. Un petit plaisir qu'on ne se refuse pas !
Dix minutes par jour, Chiara Gamberale, traduit de l'italien par Élise Gruau, Michel Lafon 2015
L'avis de Cuné, qui m'avait donné envie !
05:40 Publié dans romans italiens | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : chiara gamberale
19/10/2015
Recherche femme parfaite
"La folie, me dit-elle, c'est de faire toujours la même chose, mais en espérant qu'un jour il y ait un résultat différent."
Julie est une femme parfaite , mère, épouse , qui mène sa carrière tambour battant. Elle est profondément admirée par sa voisine, la narratrice, photographe beaucoup plus bohème:"C'était insensé tout ce qu'elle était capable de faire en une seule journée. Avec gentillesse et l'air de ne pas faire d'efforts . Sans se plaindre . Et le sourire aux lèvres, s'il vous plaît!".
Mais un jour la belle mécanique s'enraye : Julie craque et se retrouve internée à Ste Anne. Diagnostic: "épuisement maternel aigu".
La narratrice commence alors une quête de femmes parfaites, cooptées par d'autres femmes, qu'elle photographiera en vue d'une exposition à Arles. Mais ce qu'elle trouvera au bout de sa recherche n'aura rien à voir avec le but attendu.
Avec humour et empathie, Anne Berest brosse le portrait de femmes de tous âges qui ont fort à faire avec leur féminité et la perfection qu'elles s’obstinent à atteindre, ou pas...Un roman joyeusement féministe, mené tambour battant , plein d'optimisme, de références et de conseils iconoclastes. Une galerie de personnages hauts en couleurs, (notamment une conseillère: Marie-Amélie Roussel,"sorte de psychanalyste concrète" qui vous donne son avis sur les choses" que j'ai tout particulièrement adorée) ,qui donne la pêche ! Un coup de cœur !
Recherche femme parfaite, Anne Berest, grasset 2015, 295 pages toniques
06:00 Publié dans rentrée 2015, romans français | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : anne berest
16/10/2015
Spectacles
"Je sais, j'ai un gros défaut, je lis beaucoup."
N'ayant jamais eu la chance de voir un spectacle de Valérie Lemercier, je me faisais une joie de découvrir les textes de ses spectacles , jamais enregistré ni filmés.
Hélas, à part les textes concernant "la Renardière" , mettant en scène des hobereaux campagnards gratinés, je suis restée de marbre, ne parvenant pas à imaginer comment elle pouvait les interpréter. Un flop. Pas grave, je lui garde mon capital sympathie intact.
En attendant, je me régale avec cette comique belge aux faux airs de Nadine Morano drôle . Véronique Gallo clic.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : valerie lemercier
15/10/2015
Pattes de velours, oeil de lynx
"Mes enfants sont beaux et gras, les yeux ronds comme ceux d'un chat.Les voisins sont maigres et laids, les yeux fins comme ceux d'un chien." (proverbe suédois)
Sara et Björn, un jeune couple, sont ravis d'avoir quitté la vie citadine et l'immeuble, empli de voisins psychorigides et racistes ,où ils habitaient.
Ils emménagent à la campagne, un espace de liberté dont ils vont pouvoir aussi faire profiter leur chatte, Michka.
Las, leurs seuls voisins, au demeurant de prime abord fort sympathiques, ont un chat dominant qui entend bien rester le maître absolu de son territoire.Très vite, Sara et sa voisine, Agneta, vont entamer une guerre larvée où vont réapparaître les blessures du passé.
Partant d'une situation vécue, expliquée dans la postface, Maria Ernestam instille en une centaine de pages une atmosphère qui vire très vite à l'aigre et affirme le pouvoir de la nature sur toutes les entreprises humaines.
Un petit délice à ne pas manquer !
Chez Gaïa Éditions 2015, traduit du suédois par Esther Sermage. 9 euros
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : maria ernestam
13/10/2015
La cour des secrets
"Si j'ai appris quelque chose aujourd'hui, c'est que les ados feraient passer le pire des criminels pour un enfant de chœur."
L' affaire- non élucidée-de l'assassinat d'un ado de seize ans trouvé dans l'enceinte d'un très chic collège catholique irlandais de filles est relancée par l’apparition d’une photo sur un panneau d'affichage indiquant "Je sais qui l'a tué".
Les deux enquêteurs, issus d'un milieu modeste, ayant chacun des objectifs professionnel différents, ont fort à faire avec ces adolescents privilégiés, soumis à la pression scolaire et empêtrés dans des conflits de loyauté et des histoires d'amitié et d'amour.
Un brin de surnaturel, la magie d'une clairière, beaucoup de dialogues (un peu trop à mon goût) mais un grand sens de la psychologie font que j'ai beaucoup aimé ce roman de Tana French.
La cour des secrets, Tana French, Calmann-Levy 2015.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : tana french
12/10/2015
Ma mère du Nord
"Ma mère se méfiait de sa sensibilité, comme ceux qui en ont trop. Elle la gardait à l'intérieur."
"Dans [ses] livres, [il a ]donné des nouvelles de [sa] famille." et termine par sa mère car "C'est toujours chez leur mère que se réfugient les gangsters après leur dernier coup."
Jouant sur l'homophonie entre mère et mer, Jean-Louis Fournier file la métaphore de météorologie marine, ponctuant son roman de titres de chapitres s'y référant. Il nous précise aussi que sa mère "était froide seulement à l'oral." et brosse un portrait nuancé de cette femme qui dut élever seule ses enfants et tenir un ménage à bout de bras, amoureuse d'un médecin alcoolique, généreux ,mais capable d'oublier la sortie exceptionnelle promise à son épouse.
Fournier, à son habitude, a le sens de la formule mais on le sent très solitaire et ce roman d'un vieil enfant, qui reconnaît volontiers n'avoir pas été facile à vivre, est plein d'une tendresse dont on sent qu'elle s'exprime presque malgré lui.Émouvant.
Ma mère du Nord, Jean-Louis Fournier Stock 2015.
05:55 Publié dans rentrée 2015, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-louis fournier